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  • Une nouvelle rentrée scolaire sous le signe de la pandémie

    Une nouvelle rentrée scolaire sous le signe de la pandémie

    Le 13 septembre dernier, une seconde rentrée scolaire depuis le début de la crise sanitaire a eu lieu en Roumanie dans un contexte d’inquiétudes autour du variant Delta. Dans un désir de privilégier la présence des enfants en classe, le Ministère roumain de l’Education a imaginé un scénario permettant le déroulement des cours en présentiel tant que le taux de contamination demeure en dessous ou égal à 6 cas par mille habitants. Ce ne sera qu’à partir du moment où ce taux sera dépassé que les élèves reprendront les cours à distance, comme ils l’ont déjà fait pendant la première vague pandémique. La raison pour laquelle les autorités roumaines essaient presque à tout prix de privilégier l’école en présentiel est due aux résultats complètement insatisfaisants enregistrés par les élèves roumains au bout d’une année scolaire déroulée principalement à distance.

    Quoi qu’il en soit, le plus important reste la santé des enfants et des professeurs, assure le ministre roumain de l’Education, Sorin Cîmpeanu. « Dans chaque école, il existe une personne censée faciliter le dialogue entre le personnel sanitaire et les parents. Il s’agit de quelqu’un à même de répondre à toutes les questions concernant la vaccination, plaidant pour l’importance du respect des normes sanitaires. Je pense au port du masque, obligatoire à l’intérieur, à la distanciation physique, à l’aération des salles de classe ou encore au respect des mesures d’hygiène. Parallèlement, on continue les campagnes d’informations afin d’expliquer l’importance et la nécessité de la vaccination comme unique moyen de mettre un terme à cette crise. »

    Quant au rythme de l’immunisation au sein du personnel éducationnel et des élèves, le ministre déplore le taux très faible de personnes vaccinées. Trois jours avant la rentrée scolaire, seulement 15 % des élèves et 61 % des enseignants étaient vaccinés. Comment le ministère de l’Education entend-il gérer cet aspect ? Sorin Cîmpeanu :
    « Sur l’ensemble des scénarios imaginés par le ministère, aucun ne fait de différence entre les élèves vaccinés et ceux qui ne le sont pas. Car une telle différence n’a aucune base légale, et donc on risque d’être accusés de discrimination. Tout cela est clair, on l’a très bien compris. Pourtant, cela ne veut pas dire qu’on ne finira pas par trouver une possibilité légale afin de stimuler la vaccination. En revanche, si dans une classe on a un cas de Covid, toute la classe entrera sous l’incidence du protocole sanitaire. L’approche est différente si dans cette classe, les enfants ont plus de 12 ans, et ils sont donc éligibles pour la vaccination. Si parmi eux, on a des élèves immunisés qui souhaitent continuer à se rendre à l’école en présentiel, ils pourront le faire. Et puis, on a créé encore une possibilité : celle de réduire de moitié la période de télé-école. Concrètement, au bout d’une semaine de cours en ligne, l’enfant contaminé peut se faire tester et si le résultat est négatif, sa classe retournera à l’école, sans devoir attendre les 15 jours prévus dans un premier temps. On a donc réduit de moitié la période de quarantaine, justement pour limiter les cours à distance. »

    La réticence des parents face à la vaccination de leurs enfants a connu elle aussi des modifications au fur et à mesure que la pandémie a évolué, affirme le pédiatre Mihai Craiu. « Cette année, j’ai vu une étude prospective sur la perception des parents au sujet de la vaccination. Il s’agit d’une enquête menée pendant trois jours auprès de plus de 1 290 parents roumains, des mères intellectuelles pour la plupart, issues du milieu urbain. On a donc constaté une baisse significative de la peur ressentie par les adultes face à la maladie. Cela veut dire que la crainte de voir son enfant contaminé par le coronavirus a diminué aussi, de 76 % au début de la pandémie à presque 50 % actuellement. Les parents s’avèrent donc moins inquiets pour leurs enfants et cela s’explique, le plus probablement, par le fait que nombre des sujets questionnés se sont fait vacciner. »

    Voilà pourquoi il devient particulièrement important d’expliquer aux parents les effets de la vaccination chez les enfants, avec tous les détails possibles, opine le médecin pédiatre Mihai Craiu : « C’est la sûreté de la vaccination que les parents devraient comprendre. A l’heure où l’on parle, on a déjà administré presque 5 milliards et demi de doses à travers le monde. Un chiffre très important. C’est le seul vaccin au monde à avoir été administré à si grande échelle à moins d’un an de son lancement et qui n’a pas provoqué d’effets adverses sérieux. Bien sûr qu’il existe quelques inquiétudes de nature pédiatrique. Par exemple, le risque de myocardite chez les garçons, moins dangereuse et beaucoup plus rare que le syndrome multi systémique de l’enfant provoqué par le virus SARS-CoV-2. Pratiquement, chez les enfants caucasiens comme ceux de Roumanie, aucun décès n’a été enregistré suite à la vaccination. »

    Consciente du fait que chaque personne a le droit de décider pour soi-même et pour ses enfants, la Fédération des Associations des parents d’élèves de Roumanie se méfie d’adopter une position ferme pour ou contre la vaccination. Son président, Iulian Cristache, affirme : « Cet aspect est beaucoup trop intime, trop privé pour que notre fédération se permette de faire des recommandations. En revanche, ce que nous avons fait, c’était de mettre à la disposition des parents des campagnes d’information mises en place avec le soutien du Ministère de l’Education et du Gouvernement roumain. On a mené des campagnes dans les écoles, on a organisé des réunions en visioconférence avec les directeurs et les parents. Personnellement, je suis adepte d’une position équilibrée au sujet de la vaccination, surtout que ce n’est pas une décision facile. Chaque famille doit décider pour elle-même. Ce que nous, on peut faire, c’est de nous adresser aux deux ministères pour leur demander d’envoyer des experts dans les écoles pour répondre aux questions des parents avant que ceux-ci ne fassent leur choix. »

    Et Iulian Cristache d’ajouter : « Mon épouse et moi-même, on s’est fait vacciner, puisque suite aux informations que nous avons lues, on a considéré que la vaccination restait le seul moyen pour nous protéger contre le virus. En plus, les deux, on a été contaminés et obligés de rester confinés 14 jours à la maison et on sait très bien que ce n’est pas facile de vivre une telle expérience. Toutefois, ma fille qui aura 16 ans en décembre a refusé de se faire vacciner en ce moment. J’en ai parlé avec elle et elle m’a expliqué vouloir attendre encore un peu avant de prendre une décision. Pour l’instant, elle a dit non, mais si à un moment donné, elle est prête, elle ira se faire vacciner. »

    Par ailleurs, aussi bien le représentant des associations de parents d’élèves que les experts de l’Education expliquent que ce sont notamment les informations alarmistes quant à la sûreté du vaccin que les parents lisent dans les médias ou sur les réseaux sociaux et qui alimentent leur réticence.

  • Solutions roumaines pour la numérisation de l’éducation

    Solutions roumaines pour la numérisation de l’éducation

    L’éducation compte parmi les domaines
    les plus complexes appelés à relever les défis que pose la pandémie de
    coronavirus. Dans beaucoup d’écoles, de lycées et d’universités de Roumanie,
    les cours sont dispensés exclusivement en ligne, y compris à Bucarest, la
    capitale, où le taux d’incidence des cas d’infection est de 3,91 pour mille
    habitants. L’enseignement à distance est un véritable défi surtout dans nombre
    de zones rurales ou défavorisées, où bien des élèves et des enseignants manquent
    d’équipements numériques de base et où la connexion à Internet est difficile.
    En plus, contraints de s’adapter aux conditions actuelles, les enseignants se
    posent de plus en plus souvent des questions telles que « quoi, comment,
    combien enseigner ? », ou encore « comment tester et évaluer ? ».

    Certains entrepreneurs spécialisés dans l’éducation proposent déjà des
    solutions numériques et pas seulement pour que cette adaptation aille de mieux
    en mieux. Tout devrait commencer par la réponse à la question « quoi
    adapter exactement ? », estime Dragoș Iliescu, professeur des
    universités et expert en psychopédagogie : « Personne ne sait
    exactement ce qu’il faut adapter. Une chose est sûre : on ne peut pas adapter
    des contenus, dans le sens où l’on ne peut ni supprimer ni ajouter du contenu.
    Or, je crains que ce soit justement ce à quoi tendent certains décideurs du système
    : « C’est une année difficile. Pourquoi ne pas ôter du cursus tel ou tel contenu
    ? » Pourtant, enlever ou ajouter du contenu n’est pas une solution pendant
    cette période. S’il n’est pas conseillé de modifier le cursus, il est possible
    d’adapter le contenu des cours. Il n’y a presque rien qui ne puisse être
    enseigné à distance, par le biais de la numérisation. Pour presque n’importe
    quelle leçon dans n’importe quelle discipline, on peut imaginer une nouvelle
    façon d’enseigner. Par conséquent, puisqu’on peut enseigner le contenu, on
    pourra certainement procéder à l’évaluation des acquis aussi, grâce à la
    technologie. Le problème, c’est qu’il n’y a pas assez de flexibilité chez tous
    les acteurs, pas seulement les enseignants, pour faire ce saut et adapter le
    contenu à l’enseignement en ligne ou bien qu’il n’existe pas assez de
    ressources. Certaines de ces adaptations sont assez difficiles à réaliser ou
    raisonnablement difficiles au-delà des compétences des enseignants. »


    A première vue, l’évaluation en ligne semble plus facile à réaliser que
    l’enseignement. Pourtant, les choses ne sont pas si simples que cela, précise
    Dragoș Iliescu : « Là aussi, les choses sont moins simples qu’elles ne
    le paraissent, car alors que le numérique résout certains problèmes, d’autres
    surgissent. Par exemple, vous concevez un test auquel puisse avoir accès tout
    enfant, de n’importe quel coin du pays. Le problème qui apparaît alors, c’est
    la sécurité. Combien de fois pourrait-on utiliser un test que n’importe quel
    enfant peut copier par une capture d’écran pour ensuite le distribuer à ses collègues
    ? Heureusement qu’il existe des technologies pour y remédier, car ce n’est pas
    la première fois que l’on est confronté à ce problème. D’autres pays y ont
    trouvé des solutions bien avant nous. Mais pour résoudre ce problème, il faut plus
    de ressources et des investissements plus importants. L’option selon laquelle
    c’est une année difficile, il vaut mieux réduire autant que possible la
    matière à enseigner et supprimer les tests d’évaluation semestrielle est
    absurde. Il n’est pas normal d’éliminer maintenant ces tests-là, qui font
    partie du feedback formatif. Bref, dans ces conditions malheureuses et hors du
    commun, la solution n’est pas de supprimer quelque chose dont on a besoin, mais
    de trouver des alternatives permettant de poursuivre cette activité
    . »


    La plate-forme BRIO.RO, lancée par
    Dragoș Iliescu, est un exemple que l’évaluation peut aller de l’avant. Elle
    propose des tests qui combinent évaluation et apprentissage de manière à ce
    que, au final, en plus des points obtenus par l’apprenant, l’on parvienne
    également à évaluer plus en détail son niveau de compétence dans un domaine.
    Dragoș Iliescu : « En fait, passer un test, c’est apprendre. Le test,
    c’est peut-être la meilleure méthode d’apprentissage profond. Il est lui-même
    est une activité d’apprentissage, car il structure l’information à un niveau
    supérieur, encourage la métacognition. Bref, c’est la meilleure chose que l’on
    puisse faire en vue de la sédimentation des informations et de leur
    interconnexion au cours des différentes activités pratiques. De plus, il offre
    un retour sur le processus d’apprentissage : il indique ce que l’on sait ou
    quelles sont nos lacunes et sur quoi il faudrait insister. Les tests guident
    donc notre apprentissage, le surveillent et nous permettent de planifier de
    nouvelles activités d’apprentissage. »

    Établi depuis plusieurs
    années au Royaume-Uni, Paul Balogh a développé diverses ressources pédagogiques
    numériques allant des manuels électroniques aux plates-formes d’enseignement
    numérique telles que Hypersay. Il collabore avec des institutions universitaires
    et académiques prestigieuses du Royaume-Uni, ainsi qu’avec des enseignants de
    Roumanie. Comment il a interagi avec ces derniers ? Voici la réponse de Paul
    Balogh: « La Roumanie n’a pas eu la meilleure réaction, dans le sens où
    le ministère de tutelle a très peu aidé les enseignants, voire pas du tout.
    Toutefois, au niveau individuel, beaucoup d’enseignants se sont très bien
    débrouillés. Ils ont réussi à résoudre les problèmes par eux-mêmes, en
    autodidactes. Ils ont appris tout seuls à utiliser des plateformes en ligne
    pour les conférences et l’apprentissage. Je trouve cela merveilleux et je suis
    étonné que l’on n’en parle pas davantage dans l’espace public. Dans d’autres
    pays, les ministères ont eu une approche plus cohérente et ont agi de concert
    avec les établissements scolaires. Ils ont longtemps réfléchi aux différentes
    solutions possibles et les ont appliquées. C’est donc le soutien du ministère
    qui fait la différence. »


    De manière individuelle, chaque enseignant a fait preuve d’une plus
    grande adaptabilité que de nombreuses institutions publiques, explique Paul
    Balogh, qui conclut : « Nos relations avec les enseignants roumains
    demeurent plutôt individuelles. Certains professeurs qui enseignent à
    différentes écoles – privées et publiques – souhaitent utiliser notre
    plateforme, mais le soutien, notamment financier, est quasiment inexistant
    quand il s’agit d’acheter de tels logiciels. Il n’est pas rare que les
    enseignants se voient contraints de payer ces logiciels de leur propre poche,
    ce qui n’est pas normal. Au niveau institutionnel, que ce soit à celui du
    ministère, des universités ou des écoles, nous n’avons aucune collaboration de
    ce type en Roumanie. Il n’y a que quelques professeurs enthousiastes qui
    utilisent chaque jour notre plateforme pour mieux enseigner en ligne.
    »

    La pandémie et les restrictions qui en
    découlent pour l’enseignement classique offrent aux enseignants l’occasion de
    se montrer libres et créatifs, en s’appuyant sur la technologie numérique pour
    transmettre les différents savoirs. (Trad. Mariana Tudose)