Tag: activisme

  • Mouvements sociaux, émeutes et répression (II)

    Mouvements sociaux, émeutes et répression (II)

    Cette semaine, nous continuons notre discussion autour du livre de Louise Fines : « Mouvements sociaux et émeutes de prison. À l’heure du sacrifice ». La semaine dernière nous avons comparé un panel complexe de mouvements sociaux pour montrer les configurations qui se dessinent autour de chaque cas particulier. Dans cette deuxième partie, nous allons aborder la question du rapport à l’État sous toutes ces formes : répression, négociation, activisme juridique.



  • « Insultés. Bélarus/Biélorussie » – un projet de théâtre engagé

    « Insultés. Bélarus/Biélorussie » – un projet de théâtre engagé

    Une
    quinzaine de théâtres de Roumanie et de République de Moldova se sont
    rassemblés dans une action de solidarité sans précédent, se joignant au
    mouvement international de lectures-spectacles Bélarus Worldwide Reading
    Project. Tout est parti d’une pièce de théâtre écrite l’année dernière par le
    dramaturge biélorusse Andrei Kureicik, lorsqu’il participait aux grands
    rassemblements organisés à travers le pays pour protester contre l’élection
    frauduleuse d’Alexandre Loukachenko. Le 12 septembre 2020, la pièce
    « Insultés. Bélarus/Biélorussie » a été lue sur scène à Kherson, en
    Ukraine. Ça a été le point de départ de ce projet mondial de lectures pensé par
    John Freedman, le traducteur du texte en anglais. En quatre mois, la pièce a
    été traduite en 21 langues et présentée dans plus de 80 théâtres de 28 pays, de
    New York à Hong Kong, de Londres à Stockholm, et d’Amsterdam à Prague, en
    passant par Tachkent ou Tbilissi.

    Et c’est la journaliste et traductrice Raluca
    Rădulescu qui a eu l’initiative du volet roumain du projet Bélarus/Biélorussie : « La pièce de théâtre
    écrite par Andrei Kureicik parle du besoin de liberté des gens et des artistes
    de Bélarus. C’est le metteur en scène Radu Ghilaș du Théâtre national de Iași, dont
    Andrei Kureicik est un ami, qui m’a proposé de traduire le texte. Après, tout
    s’est enchaîné rapidement, ils ont produit une lecture-spectacle et ensuite,
    très vite, deux théâtres de Chișinău, en République de Moldova, ont également
    présenté le texte, car c’était juste avant leurs élections et le sujet était
    d’une grande actualité. En fin de compte, le théâtre a ce rôle social ou
    devrait avoir ce rôle dans la vie de la cité. J’ai continué de mon côté à
    suivre ce qui se passait au Théâtre national de Minsk, qui est pratiquement à
    l’arrêt depuis six mois, malgré sa longue histoire de plus d’un siècle.
    Justement, Andrei Kureicik parlait de ça, en disant que, même quand Hitler
    avait envahi la Biélorussie, le théâtre national n’avait pas cesséson activité,
    comme c’est le cas à présent. En fait, l’institution a un nouveau directeur,
    mais n’a pas encore de nouvelle troupe. Les acteurs d’avant ont tous
    démissionné et maintenant ils pratiquent leur art dans un sous-sol. Leurs
    spectacles et leurs messages sont vues par le public, en plus tout est transmis
    en ligne, mais ça ne se fait plus sous le nom du Théâtre national. »




    Raluca
    Rădulescu a été elle même surprise par la vitesse à laquelle tout s’est
    déroulé, mais aussi par l’ampleur internationaleprise par le projet. Raluca Rădulescu
    : « J’ai été ravie de
    voir l’évolution de ce projet initié par John Freedman. Si, le 26 octobre
    dernier, date de la première lecture-spectacle au Théâtre national de Iași, il
    y avait environ 40 spectacles dans le monde, je crois que bientôt nous serons à
    150. En comptant aussi la quinzaine de spectacles de Roumanie ! J’ai lancé le
    marathon de lectures car il m’a semblé nécessaire de nous joindre d’une manière
    tangible à cette action de solidarité théâtrale, artistique et civique.
    Humaine, au bout du compte ! J’ai pris mon téléphone et j’ai commencé à appeler
    des directeurs de théâtres de Roumanie, surtout de théâtres proches de leur
    communauté, socialementengagés, par leur programmation. »



    Et ses
    appels ont payé ! 15 théâtres roumains se sont joints au projet avec leur
    propre lecture-spectacle du texte d’Andrei Kureicik. Raluca
    Rădulescu a imaginé un vrai marathon de lectures, durant le mois de février, où
    chaque théâtre roumain présente sa version de la pièce « Insultés. Bélarus/Biélorussie
    ». La journaliste et traductrice Raluca Rădulescu revient sur les
    retours qu’elle a eus sur le programme : « Cela a dépassé mes
    attentes, je l’avoue. Au départ, je pensais que seulement cinq ou six théâtres
    seront intéressés de prendre part au projet, je ne m’attendais pas à 15. Et la
    grande surprise c’est que bien d’autres m’ont demandé s’ils pouvaient se
    joindre à notre démarche. Les gens veulent montrer leur solidarité. Et c’est un
    des objectifs premiers de ce projet, apprendre nous aussi, en Roumanie, à être
    solidaires. Les premières lectures programmées en février ont eu le succès
    escompté, mais dont on ne pouvait pas être sûrs. Je voudrais préciser que si
    dans certaines villes les lectures ont lieu avec du public dans la salle, on
    peut de toute façon les regarder toutes en ligne. Nous avons justement créé une
    page Facebook pour réunir ces différentes versions d’Insultés. Bélarus/Biélorussie.
    Vous pourrez les regarder toutes là-bas. »





    Vous trouverez ces 15 lectures-spectacles sur la page Facebook du projet. Et regardez près de chez vous aussi, peut-être un ou plusieurs théâtres de votre pays participent eux aussi à ce
    projet international, pour montrer leur soutien à l’opposition biélorusse. (Trad.
    Elena Diaconu)

  • Activisme civique en 2017

    Activisme civique en 2017

    Réunis dans des groupes de travail informels, les citoyens de plusieurs villes de Roumanie ou de plusieurs arrondissements de la capitale, Bucarest, ont commencé à mettre de la pression sur les autorités locales pour qu’elles trouvent des solutions aux différents problèmes de la vie en communauté. Les résultats n’ont pas tardé. Il suffit de penser aux actions des groupes d’initiative civique des quartiers bucarestois de Drumul Taberei ou encore de Tei qui ont poussé les mairies locales à démarrer les travaux de rénovation d’un ancien complexe culturel ou encore à protéger un espace vert voué à la destruction. D’autres groupes appuient les personnes démunies, en leur offrant vêtements, aliments et parfois un peu d’argent.

    D’ailleurs, même les manifestations massives contre les propositions de modification des lois de la justice ayant marqué la Roumanie au début mais aussi à la fin de 2017 et au début de 2018 découlent d’un revirement de l’esprit citoyen. Conscients de leur force de faire changer les choses, les Roumains cherchent de plus en plus à dialoguer avec les autorités qui, malheureusement, adoptent souvent des décisions dans leur dos. Le Centre des ressources pour l’implication publique a activement encouragé et même financé l’activisme civique en Roumanie. Sa directrice, Oana Preda, décrit l’évolution de l’entraide et de la solidarité au sein de la société roumaine, dans le courant de l’année dernière: « En 2017 aussi, nous avons constaté un intérêt accru des Roumains pour la prise de décision. Pourtant, l’année a été plutôt triste, sans que l’on puisse accuser les citoyens d’indifférence. Il y a deux ou trois ans, on a cru, à tort, qu’au fur et à mesure que les gens s’activaient pour s’engager davantage et devenaient plus forts et plus prêts à demander des comptes aux responsables politiques, les institutions publiques commenceraient pour leur part à mieux communiquer avec les citoyens et leurs organisations. Rien de plus faux. Il suffit de penser à ce qui s’est passé en 2017. Pour nous, ONG, la façon dont les institutions publiques ont entendu dialoguer avec les citoyens a marqué un retour en arrière, dans les années 1990, quand ni la société civile, ni les institutions d’Etat ne comprenaient rien au rôle des ONG dans la société. A l’époque, il semblait bien étrange qu’une institution publique demandât l’avis des citoyens. Nous avons dû batailler pendant des années avant que les institutions publiques ne commencent timidement à s’ouvrir au dialogue avec les organisations non gouvernementales. Et tout à coup, ce dialogue semble de nouveau au point mort. »

    La bonne nouvelle, affirme Oana Preda, c’est qu’une fois ranimé et constamment nourri, l’esprit civique résiste. C’est pourquoi 2018 s’annonce une année où citoyens et ONG sont invités à se remettre en question pour trouver les meilleurs moyens de démontrer aux autorités qu’elles ne doivent plus gouverner toutes seules. D’ailleurs, la loi garantit aux citoyens une participation active aux décisions qui les concernent.

    Oana Preda: « Il y a une série d’engagements que les autorités publiques sont censées respecter. Par exemple, soumettre les actes normatifs au débat public 30 jours avant le début des procédures en vue de leur adoption. Or, je vous dis qu’il y a des endroits en Roumanie où les responsables politiques ignorent des paragraphes entiers des normes législatives en vigueur. Outre la législation, il est question aussi de toutes ces bonnes pratiques que l’on est arrivé à mettre en place le long des années et que l’on devrait respecter même si la loi n’y fait pas référence. »

    « Guidés » par le Centre des ressources pour l’implication publique depuis leur création, il y a deux ou trois ans, plusieurs groupes d’initiative civique ont acquis déjà suffisamment d’expérience pour s’impliquer dans la prise de décisions, assure Oana Preda: « Ces groupes jouissent d’un niveau de légitimité assez élevé dans leurs quartiers d’origine et leur impact sur les autorités publiques locales est de plus en plus important. Prenons l’exemple du Groupe d’initiative de Lacul Tei qui, l’été dernier, a réussi à empêcher la construction d’un groupe statuaire sur un espace vert. Une victoire due notamment à la persévérance de ces activistes qui, parallèlement aux discussions menées avec les pouvoirs locaux, ont dialogué continuellement avec les habitants du quartier pour gagner leur confiance. Du coup, ils ont réussi à mobiliser un grand nombre de citoyens et, ensemble, ils ont persuadé la mairie du deuxième arrondissement de la capitale, de placer les statues à l’entrée du parc et non pas sur l’espace vert. D’autres groupes ont fait la preuve de leur maturité et ont pris la décision de passer du statut de simple groupe informel à celui d’association non-gouvernementale, constituée conformément aux normes législatives en vigueur. »

    Ces groupes s’attendent, à présent, à ce que les autorités publiques s’ouvrent davantage au dialogue avec les citoyens, tout en participant à la mise en œuvre des projets de l’agenda public. Oana Preda, à la tête du Centre des ressources pour l’implication publique, conclut: « Au fur et à mesure que le gouvernement montre ses limites dans tel ou tel domaine, des organisations s’activent à sa place et assument ce que les autorités ne peuvent pas faire: par exemple, construire des hôpitaux ou encore un établissement où les parents d’enfants malades de cancer puissent passer la nuit. Mais, je me demande, est-ce que, dans six mois, ce sera à nous de construire des autoroutes à la place des autorités? Il faudrait savoir jusqu’où les ONG peuvent s’impliquer pour faire ce que l’Etat s’avère incapable de faire. »