Tag: adhésion à l’UE

  • L’année 1989 et la reconstruction de l’esprit démocratique citoyen

    L’année 1989 et la reconstruction de l’esprit démocratique citoyen

    L’histoire de la Roumanie, ainsi que celle de l’ensemble du continent européen, ont retenu l’année 1989 comme un formidable tournant. L’ouverture des frontières et la chute du Mur de Berlin, qui ont marqué la fin de la guerre froide, auxquelles s’est ajoutée la vague de manifestations populaires ont entraîné la chute des régimes communistes d’Europe Centrale et de l’Est.

    A la différence des autres pays de l’ancien bloc soviétique, la Roumanie a payé sa rupture d’avec le communisme au prix du sang, de plus de mille victimes. Revenue à la démocratie après des décennies de répression idéologique, la société roumaine a eu du mal à trouver les ressources qui lui permettent de combler son écart par rapport à l’Occident, à travers la prise de conscience et l’acceptation de son passé sous le régime totalitaire.C’est un travail de mémoire et d’analyse des évolutions des trois dernières décennies que l’Institut français de Bucarest a proposé à travers le cycle de débats « L’année 1989 – un tournant historique » (« 1989. Punct de cotitura »). Elena Calistru, présidente de l’organisation non gouvernementale « Funky Citizens », considère que le recours à la mémoire n’est pourtant pas facile parmi les jeunes roumains : « Je vois les jeunes avec lesquels nous travaillons sur l’éducation civique et je voudrais vous dire que ce n’est pas leur faute s’ils manquent d’éducation en matière d’histoire récente, pour compenser le fait de ne pas avoir vécu ces temps-là. Il se peut que nous vivions les meilleurs temps possibles, mais pour beaucoup de ces jeunes, ce n’est pas une évidence, puisqu’ils n’ont pas de termes de comparaison. Je pense donc que, si nous n’agissons pas, ils seront perdus. Il est fort possible de les retrouver devant un ordinateur portable, sur lequel ils ont réalisé un clip-vidéo débordant de haine et de discrimination. »

    Dans l’espace virtuel, les messages sont de plus en plus difficiles à contrôler. L’assaut des « fake news » semble avoir pris au dépourvu aussi bien la société occidentale que celle roumaine. De plus, les médias se confrontent pour la première fois aux effets inattendus des infos sur la conscience d’une société démocratique, explique le journaliste Liviu Tofan, ancien membre de la rédaction roumaine de Radio Free Europe, à l’époque communiste: « Par rapport au populisme, nous devrions faire attention aux nuances, car, souvent, les médias, notamment commerciaux comme ceux de Roumanie, tendent à avoir un discours critique et même négatif. C’est précisément la méthode utilisée par les populistes qui veulent provoquer des émotions négatives, en parlant de dangers qui n’existent pas en réalité. C’est ce qui se passe aussi dans le cas du terrorisme, quand la presse met en avant la terreur, devenant ainsi, sans le vouloir, la complice des terroristes. »

    Pourtant, la société démocratique contemporaine semble avoir un discernement croissant. En tant que citoyens de l’Union européenne, les Roumains acceptent de moins en moins de se laisser influencer par le discours politique et analysent leur position par rapport aux autres Européens, considère Elena Calistru, présidente de l’organisation non gouvernementale « Funky Citizens ».: «Les gens s’intéressent à des sujets plus larges que leur vie quotidienne, leur porte-monnaie et l’argent disponible chaque jour. C’est ça la vérité. La société change et son regard va plus loin. Le problème c’est que la société a plusieurs pas d’avance par rapport à la classe politique, et cette distance s’agrandit constamment. La société change en mieux, à mon avis. Nous n’avons jamais eu autant de gens éduqués. »

    Après la crise économique, c’est l’euroscepticisme qui est aujourd’hui la plus forte menace que doit affronter l’UE. Parfois, cet euroscepticisme s’accompagne du désir de préserver la souveraineté et l’identité des nations, au détriment d’un Etat européen fédéral. Toutefois, la société roumaine ne semble pas suivre cette tendance, croit le politologue Robert Adam: « Pourquoi le discours eurosceptique ne « fait pas mouche » en Roumanie ? Parce qu’il contredit l’ethos national roumain. Autrement dit, toute la narration fondatrice de la nation roumaine, depuis 1848 jusqu’à présent, s’appuie sur la modernisation et l’alignement sur l’Occident. A la différence de la Hongrie, de la Pologne, ou d’autres Etats, nous n’avons pas de contre-proposition. Nous avons vécu, nous aussi, des moments de tentation identitaire, qui n’ont pas bien fini. Par conséquent, pour rendre populaire un tel discours, il faudrait aller à contre-courant de tout ce que les gens ont appris à l’école ou en famille, un contenu souvent faux, exagéré. Mais c’est ça la raison principale. »

    Au-delà des raisons relatives à l’historiographie ou à la recherche sociologique, la société roumaine semble intégrer de plus en plus les valeurs européennes et démocratiques qui la définissent. Selon un Eurobaromètre réalisé en 2017, une dizaine d’années après son adhésion à l’UE, la Roumanie affichait une confiance croissante dans le bloc communautaire. (Trad. : Ileana Ţăroi)

  • Le parcours européen de Chişinău

    Le parcours européen de Chişinău

    Les hésitations de la société et de la classe politique quant à la direction à imprimer au développement du pays constituent la principale raison pour laquelle la République de Moldova ne compte pas encore parmi les membres de l’UE, aux côtés d’autres ex-républiques soviétiques telles les pays baltes. C’est l’avis exprimé par le premier ministre moldave, Iurie Leancă, lors d’un forum sur l’avenir de la République de Moldova au sein de l’UE récemment organisé à Chişinău par la Fondation Konrad Adenauer.



    Voici les arguments de Iurie Leancă : « En ’91, la Moldova et la Lettonie étaient deux républiques soviétiques situées à peu près au même niveau économique et social. La Lettonie est actuellement un pays où la retraite moyenne est de 300 euros, le salaire moyen mensuel de 800 euros, les subventions agricoles se chiffrent à 180 euros par hectare, pour ne plus parler du climat de sécurité sociale et politique. Je suis persuadé que si la Lettonie a réussi là où nous avons échoué, ce n’est pas parce que nous serions moins intelligents, moins actifs, mais parce que depuis ’91 nous n’avons cessé d’hésiter. Nous avons hésité, n’ayant pas un objectif très clair, une vision sur l’avenir de ce pays et sur le système politique que nous souhaitions adopter, ne sachant pas où nous ancrer et quelle sorte de règles imposer. Les conséquences en sont un Etat dont les institutions sont encore faibles et dominées par le facteur politique. »



    Pourtant, la République de Moldova est actuellement plus près de Bruxelles que jamais. Sur la toile de fond des prochaines élections parlementaires, prévues en République de Moldova le 30 novembre, le président moldave, Nicolae Timofti, est persuadé que l’ancienne république soviétique à population roumanophone majoritaire pourra présenter sa demande d’adhésion à l’UE en 2015. Le 30 novembre, la coalition pro-européenne au pouvoir devrait affronter les partis de gauche, qui plaident pour un rapprochement avec la Russie. « Le statut de pays candidat à l’adhésion va accélérer le processus de modernisation des structures de l’Etat et permettra de renforcer la sécurité du pays », affirmait le président moldave, Nicolae Timofti. Il soulignait l’importance de ce scrutin pour la poursuite du parcours européen de Chişinău. « L’octroi du statut de candidat à l’adhésion sera de nature à stimuler les politiques d’intégration, contribuera à la modernisation des institutions publiques, plaçant la République de Moldova dans un espace conventionnel de sécurité, à l’abri des défis auxquels la région est confrontée », concluait le leader de Chişinău.



    La ratification, à la mi-novembre, par le Parlement européen de l’Accord d’association de la République de Moldova à l’UE est passée pour une réalisation majeure aussi bien dans les yeux de Chisinau qu’à ceux de Bruxelles qui en font un succès essentiel pour accroître la transparence, la croissance économique, la stabilité et la prospérité de ce pays. Signé le 27 juin dernier, à Bruxelles, l’accord a été ratifié par le Parlement moldave le 2 juillet. Par la suite, sept Parlements nationaux sur les 28 de l’UE ont ratifié le document jusqu’à présent. Parmi ceux-ci – le Législatif de Bucarest. Selon un dernier sondage d’opinion, les partis pro-eurasiatiques dominés par la Russie ont connu dernièrement une régression face à ceux pro-européens.



    Pourtant, au cas où les formations pro-occidentales de Chisinau n’obtiennent pas assez de voix pour rester au pouvoir, les analystes moldaves n’excluent pas la nécessité de mettre en place un gouvernement de large coalition qui englobe aussi les communistes.



    Le correspondant Radio Roumanie, à Chisinau, Vasile State : « Six formations moldaves ont des chances réelles d’intégrer le nouveau Parlement unicaméral de Chisinau, apprend-on d’un baromètre d’opinion réalisé par l’Institut de Politiques publiques. Sur leur ensemble, trois – à savoir le Parti libéral-démocrate, le Parti démocrate et le Parti libéral – ont exprimé sans équivoque leur option européenne, tandis que les trois autres – les Parti communiste, Socialiste et celui de la Patrie sont plutôt favorables au rapprochement de Moscou. Il convient pourtant de mentionner que dernièrement, la formation communiste de l’ancien président moldave, Vladimir Voronine, a nuancé son discours en affirmant ne pas dénoncer l’accord d’association avec l’UE. Selon le sondage, si des élections parlementaires avaient lieu dimanche prochain en République de Moldova, les trois partis pro-européens obtiendraient ensemble 33% des voix, tandis que les trois autres sont crédités de 29% des intentions de vote. Pourtant, former une majorité parlementaire s’avère un véritable parcours du combattant dans un pays où le rapport des forces entre les deux camps politiques est presque égal ».



    Le directeur de l’Institut des Politiques Publiques, Arcadie Barbarosie, n’exclut pas une alliance formée par les partis pro-occidentaux et les communistes : « On ne saurait exclure une coalition plus large avec la participation, par exemple, du Parti communiste moldave, afin d’assurer la stabilité du pays pour les six années à venir. Car, si d’ici deux ans, on ne donne pas un chef d’Etat, on se verra contraints d’organiser une fois de plus des élections anticipées. Donc, il faut qu’on trouve une solution stable pour les 4-6 ans à venir. »



    En réplique, le sociologue Ion Jigau affirme qu’une éventuelle alliance des communistes, socialistes et membres du Parti de la Patrie ne sera pas capable d’assurer la stabilité en République de Moldova. (Trad. Dominique, Ioana Stancescu)