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  • « Des femmes rue Mătăsari » – nouvelle édition

    « Des femmes rue Mătăsari » – nouvelle édition

    Le premier week-end du mois de juin est dédié, depuis 2011, à un festival urbain déjà traditionnel à Bucarest : « Des femmes rue Mătăsari ». 3 jours de rêve, dont nous allons vous parler. « Les noces », qui dans les contes de fées durent justement 3 jours et 3 nuits, ont été le thème de cette 9e édition du festival. Et puisque ces « noces » se déroulent dans la rue, tout s’y étale : tables chargées de plats appétissants, lurex et diamants, robes originales et souliers vernis, musiques de toute sorte, films sortis des archives et photos-minute. Nous partons à la découverte des nouveautés de cette nouvelle édition du Festival, et nous commençons par la zone réservée aux ONGs.

    Notre attention est attirée par les tabliers très colorés réalisés par Roxana Ene. Professeur d’art en Allemagne, elle met en œuvre depuis 2010 en Roumanie et en Allemagne des projets de bénévolat au bénéfice des enfants autistes et des enfants touchés par le syndrome de Down ou par des traumas psychiques des deux pays. « Ces tabliers sont notre dernière réalisation destinée à une campagne de collecte de fonds. Il s’agit d’une pièce spécifique du costume traditionnel roumain pour femme, appelé « fotă », qui se retrouve aussi dans les costumes traditionnels allemands. Nous avons donc trouvé ce lien entre les deux pays, bien qu’il y ait aussi des différences : chez les Allemands, le tablier traditionnel n’est pas noué de la même façon : si celle qui le porte n’est pas mariée, le tablier est noué de côté. Nous nous sommes dit que ces tabliers sont très simples, nous les avons intégrés aux accessoires et ils se sont avérés très recherchés et versatiles. On peut les lier autour de la taille, mais aussi de côté, où sur la poitrine.

    Roxy a été présente à plusieurs éditions de ce festival et, depuis 2017 elle est venue y participer avec un stand, en tant que présidente de l’ONGs « Roxy and Kids Art ». Le stand le plus coloré de la rue était celui de Teodora Rosetti, directrice exécutive de l’Association « Accept »: « Nous avons souhaité rappeler aux visiteurs que le festival Bucharest Pride est prévu le 22 juin et que nous allons y participer ensemble pour la solidarité et pour la communauté, que nous serons présents dans l’espace public et qu’il est important de parler de l’amour entre tous les humains. Cette année Bucharest Pride lance un message très simple : tous pour l’amour et l’amour pour tous. Quant à notre offre de cette année, rue Mătăsari, nous avons joué, comme d’habitude, avec toutes les couleurs de l’arc-en-ciel et nous avons mis en vente des drapeaux et des parapluies Rainbow, ainsi que beaucoup de produits réalisés par des membres de notre communauté : des savons, des bougies, des aimants pour frigo. »

    Nous quittons la zone des ONGs pour nous engager dans la rue de la mode. Comme à chaque nouvelle édition, depuis 4 ans, nous y retrouvons les ateliers « Zuza Muza ». Mădălina, créatrice des vêtements Zuza Muza, nous accueille chaleureusement : « Initialement, c’était un projet destiné aux femmes grassouillettes, pourtant, aux festivals et aux foires je n’apporte pas uniquement de vêtements grande taille, mais aussi de tailles moyennes ou petites. Le festival « Des femmes rue Mătăsari » en est à sa 9e édition et j’espère qu’il y en aura encore une centaine, car l’ambiance est magnifique et c’est ce qui compte le plus. Les gens sont sympas, la musique est sympa et on est content d’être là ! »

    A part les vêtements farfelus, des cosmétiques attendent également leurs clients. Tudor Adriana, apporte depuis 2011 sur le marché des produits dont le nom rappelle le temps des chevaliers : « Nous sommes des producteurs de cosmétiques naturels. Nous avons apporté des produits de toute sorte : savons naturels, crèmes sans conservateurs, shampoings… Nous sommes venus rue Mătăsari pour être plus près du public, des clients et nous nous y plaisons. D’une année à l’autre l’ambiance est toujours meilleure. Les jeunes organisateurs du festival sont vraiment exceptionnels. Nous sommes venus présenter nos produits et nous faire connaître. Si on respecte les clients et que les produits soient de qualité, les gens achètent. Mais il faut aimer le métier. Sans la passion, on ne peut rien faire de bon. Nous participons à ce festival depuis 5 éditions et cette année, nous sommes à nouveau là. »

    Andrei Abrudean, de Timişoara, crée des bijoux en argent, mais il utilise aussi des matériaux inhabituels, comme par exemple les crayons de couleur. Cette année, il est présent rue Mătăsari avec un nouveau projet: « L’idée est née de mes études paysagères. J’ai commencé par ramasser des cupules de glands et j’ai « construit » des « glands » en résine époxydique, à l’intérieur desquels j’ai placé différentes plantes, créant ainsi de minuscules paysages. En portant un tel bijou, on porte avec soi un coin de nature. Ils se sont bien vendus, les gens sont réceptifs à tout ce qui est nouveau. Je suis présent pour la deuxième fois rue Mătăsari et je suis venu parce que l’ambiance est très accueillante et les gens sont vraiment bien. »

    Paul de « Greenarium » est une autre présence déjà familière au Festival rue Mătăsari. Il nous a habitués à ses plantes succulentes placées de manière artistique dans des bols ou des terrariums de différentes formes, aussi inhabituelles que possible. Cette année il rejoint l’utile à l’agréable, en nous proposant de magnifiques lampes en verre Tiffany.Quant à la nourriture et aux boissons, il y en a eu, comme disent les contes, pour tout un royaume et tout a baigné dans la gaité et la bonne humeur.
    (Trad. : Dominique)

  • “Le manuscrit phanariote”

    “Le manuscrit phanariote”

    Certains historiens se plaisent à affirmer que l’histoire s’inscrit parmi les sciences exactes puisqu’elle parle de faits et d’événements datés pour la plupart. Pourtant, les années, les noms des protagonistes, les intrigues et les enjeux ne sont pas tout lorsqu’on évoque un événement historique. S’y ajoute l’ambiance de l’époque, les mœurs, les mentalités refaites pour la plupart dans des ouvrages littéraires d’inspiration historique. Les romans historiques jouent un rôle essentiel dans la présentation de telle ou telle période de notre passé.

    Selon Wikipedia, le roman historique s’efforce d’apparaître vraisemblable en regard de la vérité historique et l’auteur s’appuie généralement sur une importante documentation. C’est le cas de Doina Rusti dont le roman «Le manuscrit phanariote» enthousiasme dernièrement le public de Roumanie. Après avoir étudié des centaines de documents des années 1770 – 1830, la romancière se penche sur le destin d’un jeune venu dans la capitale pour faire fortune. Une histoire banale à première vue qui offre à son auteur l’occasion de refaire l’ambiance d’un Bucarest exotique peuplé de toute sorte de personnages parmi lesquels le prince Alexandru Moruzi qui a vécu entre 1750 et 1816.

    Doina Rusti : « Moruzi m’intéressait vraiment. C’était un prince phanariote qui a mené une vie fort intéressante et qui nous a légué probablement le plus grand nombre de documents. D’origine grecque, marié à une Roumaine, Alexandru Moruzi a plusieurs fois régné en Valachie et en Moldavie. Moi, j’ai été fascinée d’apprendre qu’il dictait ses idées chaque jour, d’où le nombre impressionnant de documents qu’il a laissé derrière lui décrivant la vie à la cour des princes phanariotes. Moruzi a fini tragiquement: attrapé par les Turcs, il a été vendu comme esclave sur les galères. La figure de Moruzi domine tout mon roman. A un moment donné, j’ai abandonné un peu l’histoire du personnage principal pour me consacrer davantage à l’ombre de Moruzi qui plane sur la ville de Bucarest ».

    Au début du XIXème siècle, Bucarest était une sorte de « Babel », de par le mélange de langues et de nations. Parmi les personnages du « Manuscrit phanariote » figure Delizorzo, un étranger établi au cœur de cette Babylone valaque, aux dires de Doina Rusti : « Nombre de Grecs qui sont venus ici étaient en fait Aroumains et Vlashi ou Mégléno-roumains, qui parlaient bien le roumain. Presque tous avaient des liens avec le monde roumain. D’ailleurs, c’est pour cette raison qu’ils étaient venus ici. Un d’entre eux, Dositei Filiti, surnommé Delizorzo, allait remplacer le métropolite Filaret. Né d’un père grec et d’une mère albanaise, en fait mégleno-roumaine, Delizorzo était imbu de culture grecque. En ces temps-là, ce métissage était chose habituelle dans les Balkans de ces temps-là. Le surnom de Delizorzo, Dositei Filiti le doit aux Bucarestois. Je l’ai gardé tel quel dans mon roman, après moult efforts de le décrypter. C’était un nom sympa, moitié en turc, moitié en grec. En langue turque, « deli » veut dire « fou », mais dit avec sympathie : «Zorzo le folâtre». Comme « Zorzos » était un nom très répandu à travers les Balkans et que sa sonorité était tellement rigolote, les Roumains finissent par créer ce surnom. Extrêmement agité, Delizorzo était une sorte de professeur étourdi. »

    Arrivé à Bucarest pour faire fortune, le jeune homme vit selon les mœurs du temps. L’écrivaine Doina Rusti a glissé dans la biographie de son héros l’expérience d’un autre personnage, contemporain de celui-ci : « Ce personnage, que j’ai trouvé dans un manuscrit, m’a étonnée par son histoire. Mégléno-roumain lui aussi, il arrive à Bucarest, la tête pleine de grands projets. Il affirme être Grec, donc étranger, mais se présente comme étant fils de Radu, un nom typiquement roumain. A cette époque-là, il était préférable de se déclarer Mégléno-roumain, plutôt que Grec, venu je ne sais d’où. Eh bien, le hasard veut qu’il devienne l’esclave du boyard Doicescu. C’est une histoire qui parle d’amour, de désespoir et d’esclavage. Dès qu’il arrive à Bucarest, Ion, le fils de Radu, est pris pour Leun, un personnage mentionné à plusieurs reprises par les documents de l’époque. Très probablement français, âgé de 17 ans, Leun était devenu valet du comte Hasatov, premier consul russe à Bucarest. Ce Léon que même Moruzi appelle Leun et qui avait pris la fuite en pleine nuit, était recherché par la police. Comme le prince lui-même avait ordonné de mettre la main sur « ce sale Leun », on peut se demander qui il était et pour quelle raison les policiers étaient sur ses traces. On savait qu’il était vêtu d’habits verts et assez indécents, à en juger d’après ses pantalons serrés, à l’allemande et ses cheveux attachés en queue de cheval. Finalement, je suis tombée sur un document où l’on expliquait les faits. Même Moruzi avait dit qu’une fois attrapé, Leun devait se présenter chez un grand commerçant dont la fille l’attendait pour l’épouser. Difficile à comprendre pourquoi un domestique se serait enfui et aurait refusé une proposition si honorable. Bref, tout le monde recherchait Leun pour ce mariage arrangé. Moi, je me suis inspirée de tous ces document réels pour imaginer l’histoire de mon personnage, Ion, le fils de Radu. Lequel vient à Bucarest pour faire fortune, car, à ses 17 ans, il n’avait guère envie de rejoindre l’armée du général Lambros, libératrice de la Grèce. Il voulait tout simplement profiter de sa jeunesse. »

    Il arrive que les documents historiques soient tout aussi confus que la réalité dont ils parlent. Même cas de figure pour les écrits littéraires, qui racontent des histoires, sujettes à interprétation et bien des fois fictives. (Trad. Ioana Stancescu, Alex Diaconescu)