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  • La Roumanie sur la carte scientifique du monde

    La Roumanie sur la carte scientifique du monde

    A 4 kilomètres seulement de Bucarest, sur la plate-forme de Magurele, la Roumanie construit l’infrastructure la plus avancée du monde consacrée aux études liées aux radiations photoniques. Concrètement, c’est bien près de la capitale roumaine qu’il est prévu de voir le jour d’ici 2017 le laser le plus puissant du monde, partie du projet européen Extrême Light Infrastructure ou tout simplement ELI, en français l’Infrastructure de lumière extrême.



    D’autres centres de recherche doivent s’associer à ELI à l’avenir : un à Prague associé à linfrastructure de transport de faisceaux et un autre en Hongrie, consacré à la physique des impulsions optiques ultra-courtes attosecondes. Suite à la mise en place à Magurele d’un futur Centre européen de recherche dans le domaine des lasers de haute énergie, la Roumanie sera en mesure d’attirer les scientifiques les plus qualifiés du monde. Présent à la cérémonie d’inauguration, le Commissaire européen à la politiques régionale, Johannes Hahn, a mis en évidence l’immense potentiel qu’un tel centre de recherche pourrait avoir pour la Roumanie: « Il s’agit d’un moment important non seulement pour la communauté scientifique roumaine, mais aussi pour celle européenne, surtout que l’UE contribue significativement au financement du projet. C’est pour la première fonds que Bruxelles décide de financer la recherche par des fonds régionaux et cela pour deux raisons. Tout d’abord, parce qu’une telle infrastructure a le potentiel d’attirer chercheurs et étudiants à la fois, freinant la fuite des cerveaux et tournant les gens vers la science. Et deuxièmement, parce qu’un tel projet placera l’Europe sur la carte mondiale de la recherche dans le domaine de la physique nucléaire grâce aux lasers de haute énergie. »



    Les barrières de la physique seront franchies, selon les experts de Magurele, qui précisent que la construction du super-laser est une première en matière de physique. Cela parce que le laser à intensité ultra puissante sera, entre autres, un accélérateur compact de particules ainsi qu’une source de rayons gamma très puissants. Il faut préciser que le système laser tout comme l’équipement pour la production du rayonnement gamma dépassent de loin les systèmes existant actuellement. En effet, les lasers les plus performants à l’heure actuelle ont une puissance d’un PW (Petawatt, c’est-à-dire d’un million de milliards de watts), or celui de Măgurele aura une puissance 20 fois supérieure, soit 20 PW.



    Le complexe sera construit à Magurele sur des amortisseurs sismiques, parce que même les moindres vibrations pourraient déclencher un désastre. L’une des parties de l’immeuble aura 12 étages souterrains, l’autre 8. Le centre sera en quelque sorte un analogue du CERN de Genève. Ce dernier fonctionne dans le domaine des particules élémentaires alors qu’à Magurele il s’agit de l’interaction entre la radiation électromagnétique et la matière.



    La construction de Magurele sera unique non seulement par ses dimensions, mais aussi par ses caractéristiques, affirme Nicolae Zamfir, le directeur du projet ELI en Roumanie : « ELI est situé dans un pôle de recherche qui dépasse de loin ce qui existe à l’heure actuelle. C’est l’unique bâtiment au monde qui pose de tels problèmes. La protection contre les vibrations est assurée par le fait que tous ces centaines, voir milliers de mètres carrés s’appuient sur des ressorts qui amortissent toutes les vibrations, tandis que température et l’humidité sont assurées par un système qui consomme énormément d’énergie, plus de 5 MWatts. L’énergie nécessaire au projet provient de sources géothermales. Ce sera le plus grand bâtiment d’Europe à fonctionner avec de l’énergie verte. Côté scientifique, il s’agit d’une recherche fondamentale, appliquée, nous avons reçu des centaines de propositions de la part de chercheurs du monde entier. »



    De l’avis des spécialistes, la puissance des lasers de Magurele sera tellement grande qu’ils pourront produire théoriquement « une mutation de la matière ». Les domaines dans lesquels cette recherche pourrait avoir de l’impact sont assez nombreux : à partir de la thérapie anti-cancer jusqu’à la destruction de déchets radioactifs. Pour ce qui est du traitement du cancer, un tel laser peut être réglé de manière à ce que sa puissance maximale soit ciblée uniquement sur la tumeur, afin de ne pas détruire les autres tissus, explique le physicien Andrei Dorobantu.



    Egalement dans le domaine médical, le laser de Magurele sera utilisé pour la création radio pharmaceutiques, soit des isotopes radioactifs utilisés dans le traitement de certaines maladies. Une autre application pratique pourrait se retrouver dans l’essai des réacteurs nucléaires, sans qu’il y ait besoin de les fermer. La sécurité et la prévention du terrorisme est un autre domaine d’application puisque face à un tel laser, aucun secret n’échappera aux contrôles antiterroristes aux frontières.



    Les chercheurs affirment que ce type de laser pourrait résoudre aussi le principal problème de l’énergie nucléaire — c’est-à-dire les déchets. Certains d’entre eux demeurent radioactifs pendant des millions d’années. Avec ce laser ce délai serait réduit à seulement quelques heures. Ce projet mettra la Roumanie en première position mondiale pour qui est de la recherche aux fascicules de photons aux propriétés extrêmes et ouvrira la voie vers d’autres domaines de recherche. (trad. : Ioana Stancescu, Alex Diaconescu)


  • Le chercheur Andrei Dorobantu

    Le chercheur Andrei Dorobantu

    Vers le milieu du mois de juin, la plate-forme de recherches de Măgurele, près de Bucarest, accueillait l’inauguration de la construction de l’infrastructure la plus avancée destinée aux études liées à la radiation photonique. Cette construction est partie composante d’un projet européen d’envergure connu sous le nome d’ELI — EXTREME LIGHT INFRASTRUCTURE – et qui réunit une quarantaine d’établissements académiques et scientifiques de 13 pays membres de l’UE.



    Andrei Dorobanţu est un des chercheurs roumains qui ont participé à l’élaboration du projet. Invité au micro de RRI, il nous raconte pourquoi nous avons besoin de lumière extrême. « C’est parce que nous sommes dans la situation de pouvoir faire reculer les frontières de la connaissance. La lumière est la base de tout ce qui se passe même indépendamment de notre volonté. Pouvoir jouer avec la lumière, c’est voir davantage qu’auparavant. Puisque les limites du savoir sont ni trop éloignées ni trop proches de nous, pour les faire vraiment reculer il faut disposer d’une lumière à très forte intensité. Tout a commencé par la superbe idée du physicien français Gérard Mourou. Au bout de 30 ans passés aux Etats-Unis, il a regagné l’Europe. En 2006, il avançait devant la Commission européenne la proposition de faire construire un laser un million de fois plus puissant que ceux qui existaient à l’époque en Europe. C’est ainsi que prenait naissance le projet Extreme Light Infrastructure. On a créé un consortium européen de 13 pays, dont la Roumanie, désireux de se battre pour cette idée et de la matérialiser ensemble. »



    L’aventure ELI a débuté officiellement en 2008, à Paris, par l’appel d’offres auquel ont participé cinq pays : France, Royaume-Uni, République Tchèque, Hongrie et Roumanie. A la surprise générale, le Royaume-Uni et la France allaient être éliminés. Andrei Dorobanţu explique pourquoi : « Pour la simple raison qu’à l’époque le coût total du projet était estimé à quelque 400 millions d’euros. Or, si les trois autres pays de la liste avaient la possibilité d’utiliser des fonds structurels, dans le cas des deux Etats mentionnés, c’était à leurs gouvernements respectifs de trouver de l’argent. Le recours aux fonds structurels a été un formidable atout. A présent, il est inconcevable qu’un tel projet soit financé et mis au point par un seul pays, vu qu’il suppose une somme trop importante. L’expérience acquise à l’échelle européenne 60 années durant prouve qu’il vaut mieux y coopter plusieurs pays, car cela débouche sur un croisement enrichissant de cultures, mentalités, savoir-faire et talents, ainsi que de disponibilités à rechercher et à trouver l’argent nécessaire, à réfléchir, à opérer des synthèses et des analyses. Bref, un tel croisement s’avère être vital . »



    Avec une valeur totale de plus de 700 millions d’euros, le projet ELI, dont les installations sont mises en place en Roumanie, en République Tchèque et en Hongrie, deviendra la structure la plus avancée sur le plan international au service des recherches aux applications multiples. Andrei Dorobanţu nous fournit quelques exemples concerts d’applications. « Dans un proche avenir, soit à l’horizon 2030, il sera possible de construire des accélérateurs de particules de petites dimensions. Ce sera, pour ce domaine, un tournant similaire à celui que l’ordinateur portable avait marqué en son temps. Un accélérateur de ce type rendra possible le traitement anti-cancer différent de la chimiothérapie et de la radiothérapie actuelles, que j’espère voir disparaître au fil du temps. Cette autre thérapie ne nuit pas au tissu sain environnant et n’a pas d’effets secondaires. En outre, ces accélérateurs pouvant également être utilisés comme sources de particules, cela revient à dire que l’on disposera de nouvelles sources de radio-isotopes et par conséquent de nouveaux produits radio-pharmaceutiques. Plus besoin donc d’arrêter le réacteur d’une centrale nucléaire pour dépister les éventuelle failles de son revêtement ou n’importe quel autre problème. Le laser de grande puissance permet d’y accéder et d’établir l’état du revêtement du réacteur sans perturber le processus technologique. Ensuite, ce laser sera l’unique solution viable au problème des déchets radioactifs, sachant que les plus dangereux d’entre eux ont une vie de plusieurs millions d’années. En exposant ces déchets aux radiations du laser de grande puissance, on en raccourcit la vie à seulement quelques jours ou semaines, même s’ils restent radioactifs. »



    ELI-NP, le centre roumain de recherches dans le domaine de la physique nucléaire, sera construit à Măgurele, tout près de la capitale roumaine. C’est là que sera installé le laser le plus puissant au monde, dont l’inauguration est prévue en 2018. Quant au centre de Prague, qui se penchera sur la science des faisceaux de haute énergie, il se consacrera entièrement au développement et à l’utilisation des faisceaux pour générer des impulsions ultracourtes de haute intensité et des particules qui approchent la vitesse de la lumière. Enfin, le centre hongrois de Szeged étudiera la dynamique des électrons au sein des atomes et des molécules. (trad. : Mariana Tudose)