Tag: archéologie

  • Orheiul Vechi et son musée archéologique

    Orheiul Vechi et son musée archéologique

    Orheiul Vechi, le site culturel moldave le plus important

     

    Le complexe muséal Orheiul Vechi se trouve dans la vallée de la rivière Răut, un affluent sur la droite du Dniestr, sur le territoire de la République de Moldova. La réserve culturelle et de la nature Orheiul Vechi bénéficie d’un statut spécial et représente le site culturel moldave le plus important. Il est aussi candidat à être inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Le site inclut plusieurs dizaine d’hectares de terrain de l’ancienne ville médiévale d’Orhei (agglomération humaine datant des XIIIème–XVIème siècles), plus tard appelée Orheiul Vechi / le Vieux Orhei (après l’abandon de l’agglomération initiale et la fondation d’une autre ville portant le même nom – l’actuelle Orhei, sise dans le « raion »/département d’Orhei de la  République de Moldova).

     

    Le complexe est composé de deux grands promontoires (Peștere et Butuceni), trois promontoires adjacents de moindres dimensions (Potarca, Selitra et Scoc), sur lesquels se trouvent des ruines de fortifications, d’habitations, de bains et de lieux de culte (y compris de monastères rupestres) datant de la période tatare-mongole (XIIIème et XIVème siècles) et de la période moldave (XVème et XVIème siècles).

     

    Témoignage de l’histoire des lieux

     

    Le complexe Orheiul Vechi représente un système composé d’éléments culturels et naturels: paysage naturel archaïque, biodiversité, cadre archéologique exceptionnel, diversité historico-architecturale, habitat rural traditionnel et originalité ethnographique. L’agglomération médiévale d’Orheiul Vechi a traversé plusieurs périodes de développement: du XIIème au XIVème siècle, la période précédant l’invasion tatare-mongole, avec le début du développement de la communauté, lorsque la forteresse en bois et terre battue semble avoir été construite ; la période dite de l’« Horde d’Or » au XIVème siècle, quand la forteresse en pierre a été érigée. Entre les XIVème et XVIème siècle, la colonie a été incluse dans l’Etat moldave ; ce fut une période de transformation du bourg oriental en bourg moldave. La forteresse en pierre a été réparée et fortifiée à l’époque du prince Etienne le Grand (1438-1504). Les années 60 du XVème siècle ont vu se dresser la forteresse d’Orhei, un point de défense des frontières orientales du pays contre les invasions tatares.

     

    Les invasions et incursions des Tatares à l’été 1469 ont poussé le prince Etienne le Grand à prendre des mesures pour consolider la capacité défensive du pays le long du fleuve Dniestr, démarrant ainsi d’importants travaux de constructions d’une forteresse avec des fortifications à Orhei. Les fouilles archéologiques, qui ont mis au jour les fondations de la forteresse, et des documents d’époque parlent de ces événements. Ainsi, le document signé par Etienne le Grand le 1er avril 1470 mentionne pour la première fois un « pârcălab », c’est-à-dire un commandant militaire de la forteresse d’Orhei, qui remplissait des fonctions militaires et administratives, selon les coutumes de l’époque ; le déclin s’amorce au milieu du XVIème siècle jusqu’au début du XVIIème, lorsque les habitants abandonnent Orheiul Vechi pour s’établir dans la nouvelle bourgade d’Orhei, que nous connaissons aujourd’hui ; la forteresse en pierre est détruite.

     

    Conserver le patrimoine moldave

     

    Ștefan Chelban, chef du Service Archéologie et Ethnographie de la Réserve, a parlé de l’histoire du Vieux Orhei:

     « Orheiul Vechi est une réserve culturelle et de la nature créée en 1968, qui a connu plusieurs restructurations et réorganisations à travers le temps. La réserve contient sept localités, son but étant de conserver les patrimoines naturel et culturel des lieux. Ce fut, d’ailleurs, une des raisons essentielles de la création de la réserve, s’agissant d’une des zones les plus denses en matière d’objectifs du patrimoine archéologique, ethnographique et immatériel, et ainsi de suite. C’est une zone où le patrimoine culturel est encore bien préservé. »

     

    Des monastères rupestres

     

    Les monastères rupestres d’Orheiul Vechi représentent un ensemble de vestiges rupestres localisés dans les rochers de calcaire de la vallée de la rivière Răut. Cet ensemble particulièrement attractif pour les touristes contient environ 350 vestiges rupestres, dont une centaine représente des salles creusées par des mains humaines, celles qui restent étant en réalité des formations karstiques, regroupées dans six complexes. On y trouve des monastères bien définis, des églises souterraines, des galeries et des cellules monastiques.

     

    Ștefan Chelban donne davantage de détails: « Ceci est probablement le point central pour un grand nombre de gens, mais il faut savoir que la réserve offre beaucoup d’autres choses. Par exemple, les ruines de la ville tatare du XIVème siècle, qui méritent d’être visitées ; cela inclut aussi les ruines de la plus grande, comme superficie, mosquée d’Europe du Sud-Est de l’époque. »

     

    Un modèle d’architecture

     

    Aux dires de Ștefan Chelban, le Musée d’ethnographie d’Orheiul Vechi est un modèle d’architecture traditionnelle de la fin du XIXème siècle et du début du XXème dans la région centrale de la République de Moldova. La rénovation du bâtiment, réalisée avec des fonds européens, a uniquement employé des techniques et des matériaux traditionnels. Ștefan Chelban a enfin ajouté que le monastère était habité par douze moines, car il y a douze cellules individuelles. L’année précise de sa construction n’est pas connue, mais cela aurait eu lieu entre le XIVème siècle et XVème siècle. (Trad. Ileana Ţăroi)

     

  • Axiopolis

    Axiopolis

    La Dobroudja est considérée comme la plus dense et la plus variée des provinces de la Roumanie du point de vue des civilisations qui l’ont habitée. La superficie de 15.570 km carrés de la Dobroudja roumaine est riche de nombreux sites archéologiques et les artéfacts découverts sont des preuves d’une superposition de cultures. A travers les époques, la Dobroudja a fait partie de l’espace de la mer Noire et de l’espace du monde gréco-romain, dont Axiopolis a été l’un des centres les plus importants.

    Sur la rive droite du Danube, à proximité de la ville actuelle de Cernavodă, l’on peut voir les ruines d’une agglomération humaine que les textes antiques mentionnent sous le nom d’Axiopolis. L’existence de ce centre urbain s’étend sur plusieurs centaines d’années, depuis l’époque hellénistique, entre les IVème et Ier siècle avant J. Ch., jusqu’à environ le VIème siècle de notre ère. Son nom est composé de l’ancien mot indoeuropéen « axsaena », désignant la couleur « noir » ou une couleur « foncée », et le mot grec « polis », qui signifie « ville ». Le nom de la ville de Cernavodă  « Apa neagră/De l’eau noire » est la traduction du toponyme, faite par les tribus slaves à leur arrivée en Dobroudja à la fin du VI siècle après J. Ch.

     

    Manque de recherche et de fouille

     

    Avant le début des années 2000, les recherches ont été rares sur le site d’Axiopolis et la documentation historique était inconsistante. L’archéologue Ioan Carol Opriș, qui enseigne à l’Université Bucarest et qui a réalisé les plus récentes fouilles à Axiopolis, nous a donné davantage de détails concernant le site.

    « Le site se trouve en haut d’une colline, dans les environs de l’îlot Hinogului, un îlot qui s’est agrandi au fur et à mesure que le bras du Danube a diminué. En 1900, avec ses 300 mètres de largeur, le bras était encore navigable, comme il l’était à l’antiquité. Il se trouve à environ trois kilomètres du pylône du pont Carol I, après avoir surmonté un récif du Crétacique, un grand massif de calcaire. C’est là que se trouvaient à un moment donné les carrières où se fournissaient en pierre les ouvriers bâtisseurs de la forteresse romaines et ensuite ceux qui ont érigé la forteresse byzantine d’Axiopolis. »

     

    Un intérêt croissant pour le site dans l’entre-deux-guerres

     

    C’est l’archéologue Pamfil Polonic qui a réalisé les premières fouilles sur place entre 1898-1899. Il a pris des photos du site, il a tout mesuré et dessiné avec beaucoup de rigueur, tout en étant un très bon topographe. Les fouilles sont arrêtées après 1900, pourtant des fouilles illégales sont mentionnées en 1907 et 1912 dans les revues de numismatique de l’époque. Juste avant le déclenchement de la première guerre mondiale, le site passe sous la juridiction de l’armée qui y construit une caserne. A l’entre-deux-guerres, Axiopolis fait l’objet de fouilles menées par Vasile Pârvan, l’un des archéologues roumains les plus connus. Selon lui, le centre avait été fondé au IVème siècle av. J. Ch. par le roi Lysimachos de la Macédoine hellénistique, général et héritier d’Alexandre le Grand. Axiopolis s’est de nouveau attiré l’attention des archéologues roumains après la deuxième guerre mondiale. En 1947, l’archéologue Ion Barnea découvrait une inscription qui mentionnait le martyr de chrétiens en Dobroudja. En 2007, une nouvelle découverte replaçait Axiopolis sur la carte des sites archéologiques, à Baltchik, l’antique Dionysopolis, des travaux de construction d’un hôtel ayant mis au jour une nouvelle inscription. Celle-ci fait état de la présence d’un leader militaire appelé Mokaporis, roi des Odryses, au passage du Ier siècle av. J. Ch. au Ier siècle après J. Ch. Ioan Carol Opriș explique

     

    « Nous savons beaucoup plus sur Axiopolis, qui a dû sans aucun doute être un emporion (hub de marchandises) à l’époque hellénistique et qui a su profiter de son exceptionnelle position géographique sur les rives du Danube. Il avait également une sortie sur la vallée de Carasu, semée de lacs. Ou peut-être qu’à l’antiquité il y avait une communication directe, à hauteur de l’actuelle ville de Medgidia, jusqu’à l’endroit où la rivière antique d’Axios se jetait dans le Danube. »

     

    Trois forteresses découvertes au lieu d’une

     

    La zone qui a cependant éveillé le plus grand intérêt parmi les archéologues a été celle de la forteresse d’Axiopolis. En réalité, il s’agit de trois forteresses, dont la plus ancienne avait été construite à l’époque romaine, ajoute Ioan Carol Opriș.

     

    « Ce qui est important sur ce site c’est la zone centrale, celle de la vieille forteresse A, selon la classification des forteresses. Il y a donc celle-là, avec un ajout réalisé également à l’époque romaine tardive ou romano-byzantine, et une forteresse derrière la A, vers la zone haute qui est celle de la forteresse médio-byzantine. »

     

    Les fouilles ont montré qu’Axiopolis avait été un centre important dans le bassin du Bas Danube au cours de la première moitié du premier millénaire chrétien. La présence de la poterie de type Rhodos indique la présence de relations commerciales avec le voisinage. A l’époque romaine, la période de son développement maximal, Axiopolis est le centre important d’un collège des navigateurs danubiens, les « nautae universi Danuvii ». La ville accueillait aussi la II-ème légion Herculia et puis, au IVème siècle, Axiopolis est élevée au rang d’évêché. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • La civilisation du sel dans l’espace carpatique

    La civilisation du sel dans l’espace carpatique

    Appelé, aujourd’hui encore, « l’or blanc », le sel a été une
    denrée particulièrement convoitée depuis la nuit des temps. Les régions riches
    en gisements de sel ont acquis une importance croissante, étroitement liée à la
    valeur de la matière, comme ce fut d’ailleurs le cas de l’espace roumain,
    réputé pour abriter les gisements de sel les plus grands d’Europe.

    Valerii Kavruk, directeur du Musée national des
    Carpates orientales, de la ville de Sfântu Gheorghe, s’attarde sur l’ancienneté
    des exploitations de sel sur le territoire actuel de la Roumanie et sur
    l’histoire des régions saline du pays: L’exploitation appliquée, systématique, du sel sur le
    territoire de la Roumanie remonte à environ l’an 6050 av. J. Ch
    . Ce qui est sûr c’est
    qu’en Europe, l’exploitation la plus ancienne se trouve en Roumanie. Des
    vestiges plus tardifs, datant approximativement de l’an 6.000 av. J. Ch., existent
    en Pologne, près de la ville de Cracovie, et dans le nord-est de la Bulgarie,
    sur le territoire de la ville de Provadia. Ces exploitations sont apparues
    plusieurs siècles après celles de l’espace roumain.



    En plus, l’exploitation du minerai salin continue de nos jours dans les
    zones où se trouvent les plus anciennes mines du pays, tels les gisements de
    sel gemme en surface notamment dans les départements de Prahova, Buzău, Vrancea
    et Harghita (la mine de Praid). Mais les matières salines les plus facilement
    exploitables sans recourir à des outillages modernes sont les accumulations
    d’eau salée, à l’exemple de celles de Bucovine et de la Moldavie Subcarpatique.
    De l’autre côté des Carpates, la dépression du Maramourech (nord) est arrosée
    par des centaines de ruisseaux aux eaux salées, tout comme la partie de la
    Transylvanie qui longe la chaîne des montagnes. Le bois a accompagné, depuis la
    nuit des temps, les exploitations de sel, un type particulier de civilisation
    matérielle s’étant ainsi développé dans les régions en question. Valerii Kavruk
    en ajoute des détails:
    Le plus souvent, lorsqu’il s’agit
    des époques anciennes, le bois n’est pas mentionné, car il n’est pas trop
    utilisé à cause de sa périssabilité. En général, les fouilles archéologiques
    découvrent des restes d’une sorte de charbon, le bois étant pratiquement
    détruit par des microbes. En revanche, dans les régions riches en eaux, boues
    ou sols salés, les conditions de préservation du bois sont optimales. Dans
    certaines zones, notamment en Transylvanie, un grand nombre d’installations et
    d’outils en bois se sont conservés dans les couches de boues superposées, dans
    les périmètres des exploitations salines. Cela ne veut pas dire que les gens
    n’ont pas recouru à d’autres matériaux aussi, ni que de tels objets et
    structures n’ont pas existé ailleurs aussi. C’est tout simplement le hasard qui
    a rassemblé ces conditions de conservation du bois.

    « Nous avons trouvé des
    traces de bois sur la plupart des sites archéologiques d’exploitation du sel »,
    poursuit Valerii Kavruk, qui dirige, depuis plusieurs années, les fouilles
    archéologiques de Băile Figa, près de la ville de Beclean, dans le département
    de Bistrița-Năsăud (nord-ouest). Là-bas, une couche de boue salée, de
    trois mètres d’épaisseur, s’est déposée sur le gisement de sel. Cette couche de
    boue conserve à l’intérieur des milliers d’objets et de traces de structures en
    bois, utilisés pour exploiter le gisement, depuis environ 3.500 ans av. J. Ch. jusqu’à
    nos jours. Actuellement, il n’existe nulle part ailleurs en Roumanie autant de
    vestiges en bois de la préhistoire que sur le site de Băile Figa. De tels
    objets et structures se trouvent, certes, dans d’autres endroits aussi, mais
    nous connaissons mieux ceux de Băile Figa, car, pour l’instant, c’est l’unique
    site où les fouilles archéologiques sont
    systématiques., précise-t-il.


    Le bois est un des quelques matériaux qui se conservent très bien dans un
    environnement salin. À Băile Figa, les archéologues ont découverts, par
    exemple, des palissades de renfort en bois de chêne, construites sur les
    terrains où la boue a été excavée pour arriver aux couches de minerai, ainsi
    que les galeries en bois à l’intérieur des mines. (Trad. Ileana Ţăroi)



  • Le métier d’archéologue dans la Roumanie communiste

    Le métier d’archéologue dans la Roumanie communiste

    Le contrôle
    exercé par l’Etat totalitaire, la censure, les ukases politiques et
    idéologiques, l’omniprésence de l’appareil répressif dans toutes les structures
    de l’Etat ne manquent pas d’empiéter sur le travail des scientifiques et
    d’affecter les résultats de leur travail. Dans le cas de l’Etat communiste, son
    premier souci était la primauté de l’idéologie dans tous les aspects de la vie
    sociale.






    Aussi,
    la maîtrise de la « vérité » historique constituait une priorité
    manifeste du régime, ce dernier faisant de son mieux pour transformer
    l’historiographie en une annexe idéologique du parti. Et en ce sens,
    l’archéologie ne pouvait pas échapper, l’on s’en doute, à la bienveillante attention
    du régime, et surtout de son bras armé, la Securitate, la bien connue police
    politique du régime communiste roumain.






    D’ailleurs,
    dès son accession au pouvoir, le régime communiste a frappé au cœur du monde
    scientifique, dans une tentative de mettre au pas les historiens récalcitrants.
    L’appareil de répression du régime n’a pas fait dans le détail, et ne s’est pas
    gêné d’incarcérer, à partir de 1950, des historiens illustres, tels que Gheorghe
    Brătianu, Constantin C. Giurescu, Petre P. Panaitescu, ou encore Silviu
    Dragomir. Certains, comme Gheorghe Brătianu, y laisseront la vie. D’autres
    parviendront à survivre dans les geôles communistes jusqu’en 1964, année où fut
    décrétée l’amnistie générale de tous les prisonniers politiques.








    L’archéologue Marian Cosac, professeur à
    l’université « Valahia » de la ville de Târgoviște et éditeur d’un recueil
    de documents sélectionnés des archives de la Securitate, nous apprend un peu
    plus sur les stratégies dont la terrible institution répressive usait pour
    orienter la recherche archéologique de sorte à mieux servir les objectifs du
    régime. C’est grâce à cet ouvrage que le lecteur apprend les ruses qu’utilisait
    la Securitate pour promouvoir certains thèmes de recherche et pour suggérer les
    conclusions voulues. Et certains thèmes avaient véritablement le vent en
    poupe : la naissance et la continuité des Roumains dans les régions
    disputées à leurs voisins, notamment aux Hongrois et aux Bulgares, constituent
    un exemple de choix. La nécessité qu’avait le communisme nationaliste, promu
    par Nicolae Ceauşescu, de prouver la continuité ininterrompue du peuple roumain
    en Transylvanie, au Banat, au Maramureş ou encore en Dobroudja était une
    évidence, devenue une véritable obsession pour le régime. Les fouilles devaient
    toutes affirmer haut et fort les hypothèses de la continuité nationale des
    Roumains dans les régions qui n’avaient intégré le giron étatique que
    tardivement, en 1878 ou en 1918. Pourtant, la Securitate n’avait pas l’exclusivité
    de ce type de pratiques. Les appareils répressifs des autres pays de l’Est
    agissaient de même.






    Le
    professeur Marian Cosac décortique le fonctionnement du mécanisme mis en place
    par la police politique roumaine pour atteindre ses buts : « La
    Securitate disposait d’un vaste réseau d’informateurs parmi les personnels des
    musées, surtout des musées d’histoire. Et ce sont bien ces gens qui étaient
    chargés de donner sens aux découvertes archéologiques. Les officiers de la 1ère
    Direction de la Securitate n’étaient pas
    en mesure de comprendre la signification des artefacts mis à jour lors des
    fouilles. Alors, certains muséographes, inféodés à la Securitate, prenaient la
    relève. Ce sont ces derniers qui tiraient la sonnette d’alarme lorsque les
    ukases idéologiques du parti semblaient être ignorés par leurs collègues. Et ce
    n’est qu’ensuite que les officiers de la Securitate ouvraient l’enquête à
    l’encontre des récalcitrants. Certains archéologues se sont ainsi retrouvés mis
    au ban de la profession, et accusés d’être des ennemis du peuple, alors qu’ils
    étayaient leurs thèses avec la plus grande rigueur scientifique. Mais ce n’était
    pas ce que cherchait l’Etat communiste, mais des scientifiques dociles. »









    L’immixtion de la police politique dans
    la profession n’avait pas manqué de provoquer des drames. Certains archéologues
    et muséographes se sont élevés ouvertement contre ces ingérences, inacceptables
    à leurs yeux, et ils ont souffert les conséquences de leur attitude. Ce fut le
    cas de Florin Medeleț, du Musée d’histoire de la ville de Timişoara.






    Marian
    Cosac : « Florin Medeleț est un des archéologues devenus la cible
    de la Securitate un peu par hasard. En effet, voici que l’on découvre trois
    briques, datant de l’époque romaine, à l’occasion d’un chantier de
    construction. Le régime y érigeait un bâtiment, les ouvriers avaient creusé
    pour y poser les fondations. Et ces trois briques furent analysées par un
    historien spécialisé dans la période moderne, Ioan Dimitrie Suciu, qui trouva
    que ces briques romaines apportaient la preuve irréfutable de la présence
    continue de l’élément romain dans cette région du Banat. Et ce mec soutenait la
    thèse de la présence d’un ancien castre romain dans les fondations de la ville,
    s’appuyant sur la présence de ces seules trois briques découvertes. Face à
    cela, Medeleț, archéologue d’excellente réputation, avait quant à lui réfuté
    avec vigueur l’hypothèse. Mal lui a pris. Il a été démis de son poste de
    directeur, a été banni des librairies, il ne pouvait plus publier, il était
    suivi, on l’empêcha de s’inscrire à l’école doctorale, enfin il subit
    d’innombrables chicanes, en tous genres. La Securitate lui a brisé la carrière,
    alors que Medeleţ était un excellent scientifique, qui avait jeté les bases
    d’une véritable école archéologique dans la région du Banat. »









    La période 1945-1989 a été une époque
    noire à plus d’un titre. L’archéologie n’y a pas échappé. Les communistes
    n’avaient que faire de l’éthique académique ou scientifique et ils l’ont fait
    savoir à tous ceux qui essayaient, au péril de leur carrière et parfois de leur
    liberté, de leur barrer la route. (Trad.
    Ionuţ Jugureanu)

  • L’Archéologie de l’amour, de Catalin Pavel

    L’Archéologie de l’amour, de Catalin Pavel

    Traduit en français par Jean-Louis Courriol pour les Editions de l’Aube, l’Archéologie de l’amour de Catalin Pavel raconte « comment l’homme aime» et « comment il aime aimer » depuis la nuit des temps et jusqu’ l’époque moderne. Invité en avril, au Festival du livre de Paris 2022 pour un dialogue autour de cet ouvrage, avec Anca Dan, historienne et archéologue classique, chargée de recherches au CNRS, à l’Ecole Normale Supérieure, dans l’Université Paris Sciences Lettres et Jean-Louis Courriol, traducteur de l’ouvrage, Catalin Pavel a séduit par son écriture Laurie Mouret, libraire chez Kyralina, qui a fait de l’Archéologie de l’amour son coup de cœur de cette semaine.

  • NeoNlitic 3.0

    NeoNlitic 3.0

    L’automne 2021 a fait vivre la troisième édition du projet culturel, de documentation historique et d’exposition NeoNlitic 3.0, qui se propose de rapprocher les cultures préhistoriques de trois pays – la Roumanie, la Serbie et la Grèce. Nous avons échangé sur ce sujet avec l’artiste Andrei Cornea, un des auteurs du projet : « C’est une édition NeoNlitic qui s’est proposé de faire avancer l’exploration des cultures néolithiques présentes sur les territoires de la Roumanie et des pays voisins, la Serbie et la Grèce en l’occurrence. Après deux éditions consacrées aux cultures de Hamangia et de Cucuteni, de Roumanie, cette année nous nous sommes inspirés des cultures de Starčevo-Körös-Criș et de Vinca, présentes en Roumanie et en Serbie, alors qu’en Grèce nous avons analysé la culture de Sesklo, devancière de celle de Starčevo-Körös-Criș. En fait, nous nous sommes proposés de faire à peu près la même chose, c’est-à-dire de montrer au public des créations d’artistes vivant dans des environnements différents, mais qui ont eu la même source d’inspiration. »

    L’artiste Daniel Loagăr, second auteur du projet, nous a expliqué plus en détail le concept de NeoNlitic : « NeoNlitic est un projet qui apporte des solutions différentes à un défi partagé, celui de notre histoire commune. Il est en lien avec les premiers temps de l’humanité telle que nous la connaissons, avec l’apparition de l’homme moderne, mais aussi avec l’apparition de l’art dans le monde. NeoNlitic est un projet nostalgique, car il explore le premier âge de l’humanité, nos commencements. Mais c’est aussi un projet qui veut mettre en lumière cette époque historique peu connue. Nous n’avons pas voulu imiter les motifs esthétiques de cette période-là, nous avons innové en utilisant des matériaux et des techniques modernes, dans une démarche comparative qui crée des ponts entre le passé et le présent, entre le passé et l’avenir. C’était aussi un défi lancé aux artistes, celui d’assumer et de porter plus loin leurs origines en utilisant des techniques et des styles personnels. »

    Andrei Cornea a ajouté : « Nous avons reçu de nombreuses réponses à notre appel à candidatures et la sélection n’a pas été facile. Mais nous avons réussi à rassembler un groupe final de 24 artistes contemporains des trois pays impliqués dans les projets. »

    Daniel Loagăr nous a offert un tour guidé d’une des sélections d’ouvrages présentés dans le projet : « Cette année, l’offre artistique du NeoNlitic 3.0 a été éclectique, incluant des animations vidé de Daniel Florea (Roumanie) et de Georgia Orfanidou (Grèce) ; un court-métrage d’un artiste serbe et une performance d’une autre artiste de Serbie, présente dans deux expositions du projet ; des sculptures céramiques réalisées par des artistes de Grèce, Serbie et Roumanie; de nombreuses installations artistiques, des lithographies, des mix-media et des bas-reliefs fluorescents, des peintures. Parmi les créations présentées, je mentionnerais le bas-relief fluo « NeoNlitic Tomb » d’Alexandru Răduță; la vidéo-animation « The Anatomy of Existence » de Florea Alexandru Daniel; l’installation lumineuse manifeste de l’artistes grec Yannis Didaskalou; l’installation sculpture fluo « Hommo Geometricus » de Valentin Soare; la sculpture céramique « Dark Metal » de Vlad Basarab; la vidéo « NeoNlitic Ladies » de Darko Trajanovic; le mix-media « Geological Section » d’Ion Alexandru. Nous avons aussi eu des installations interactives. Alex Manea a imaginé et confectionné un instrument musical de l’Âge de la pierre, qu’il a appelé « Litofon » et le public a interagi avec. »

    Daniel Loagăr nous a également parlé de certains aspects de la documentation du projet NeoNlitic 3.0 : « La documentation du cette édition du projet NeoNlitic 3.0 a eu une partie histoire et archéologie, avec des visites de sites archéologiques et de musées, et puis une partie artistique, avec des visites de galeries d’art et de musées et des rencontres avec des artistes des lieux. En Roumanie, nous avons cherché les traves de la culture de Vinca et de Starčevo-Criș dans la région d’Alba Iulia, où nous avons visité entre autres le site de Tărtăria, célèbre pour les tablettes sur lesquelles il y a, parait-il, une forme de proto-écriture. Nous sommes allés, ensuite, en Serbie, également sur les traces de la culture de Vinca et de Starčevo-Criș. Nous avons passé une journée à Novi Sad, pour visiter des galeries d’art et le musée d’art contemporain de la ville. À Belgrade, nous avons visité le Musée d’archéologie, le Musée Zepter et la Galerie X-vitamin, où nous avons rencontré Milorad Stajcic, un des artistes confirmés de l’édition de cette année. Et puis, nous nous sommes rendus sur le fabuleux site archéologique de Vinca, toujours actif sur les rives du Danube où les premières traces de cette culture ont été découvertes. Au retour en Roumanie, nous avons eu l’occasion de passer par un autre site fabuleux, lui-aussi au bord du fleuve, le site de Lepesnski Vir, celui du premier établissement humain d’Europe, du Mésolithique tardif, et des premières sculptures monumentales de notre continent. »

    À la fin de l’entretien, Andrei Cornea nous a parlé des sources d’inspiration, de l’exposition itinérante du projet, mais aussi de l’avenir de NeoNlitic : « Les sources d’inspiration ont, bien-sûr, été les idoles néolithiques, les statuettes rituelles, l’esthétique de la poterie de cette période-là. Notamment la première forme d’écriture retrouvée sur les tablettes de Tărtăria (centre de la Roumanie), les rites funéraires. La majorité des artistes a trouvé son inspiration dans l’esthétique des objets de culte et dans les coutumes de l’époque. Le projet s’est concrétisé en une exposition itinérante qui a été débuté au Musée national de Zrenjanin, en Serbie. Nous l’avons ensuite présentée en Roumanie, à la Galerie souterraine de Timișoara (ouest), et enfin en Grèce, à Salonique, à la Galerie Bensousan Han, une ancienne auberge du début du siècle passé. Pour ce qui est de l’avenir, nous sommes en train de négocier la continuation, mais on n’en dira pas plus, pour l’instant. Tout ce que je peux vous dire c’est que ce sera une surprise, avec une sélection des ouvrages présentés aux trois éditions, exposés très probablement bientôt à Brașov (centre). » a conclu l’artiste Andrei Cornea.

  • Attractions touristiques inédites dans le département de Buzău

    Attractions touristiques inédites dans le département de Buzău

    Nous en apprendrons davantage sur des collections inédites, dont celle de téléphones. La pièce la plus ancienne de lexposition a été fabriquée en 1894, peu de temps après linvention du téléphone. Notre guide daujourdhui est Daniel Costache, directeur du Musée départemental de Buzău. Il nous propose de commencer par les attractions naturelles : « Beaucoup de gens, quand ils entendent parler du comté de Buzău, pensent aux Volcans de boue. Cest un phénomène naturel unique en Europe du Sud-Est, qui sétend sur plusieurs dizaines dhectares et offre un paysage lunaire. Nous avons ensuite les Feux vivants, un phénomène naturel tout aussi unique, dans la région montagneuse du département de Buzău, celle de Lopătari. Là, le feu sort tout droit du sol, le transformant en un champ de flammes. Toujours à Buzău, un autre phénomène naturel inédit est celui des « pierres qui poussent ». Nous avons deux zones où ces pierres circulaires peuvent être vues, dont certaines sises en un équilibre incroyable sur des crêtes de montagne. La première serait la région dUlmet, lesdites pierres étant connues sous le nom Babele de la Ulmet ou dans la région de la vallée de la rivière Bâsca, du côté de Chiojdu. Ce sont des formations naturelles, aux formes quasi circulaires, enveloppées dune couche de bitume naturel, autour desquelles, au fil du temps, différentes légendes sont nées. »



    Le Musée départemental de Buzău est un ensemble composé de quatre musées pavillonnaires et dun autre en plein air. Le dernier est, en fait, le Camp Măgura, le plus grand camp de sculpture en plein air dans cette partie de la Roumanie. Daniel Costache, directeur du Musée du comté de Buzău, explique : « Il a une histoire extrêmement intéressante. Il couvre une superficie de plus de 20 hectares, dont il en occupe effectivement sept. Ainsi, au sommet des collines de la région du monastère de Ciolanu, il existe pas moins de 256 œuvres monumentales, sculptées dans de la pierre de Măgura, une pierre spéciale, avec beaucoup de calcaire coquillier dans sa composition, et avec une apparence particulière. En outre, cette exposition est à proximité dun monument de culte extrêmement intéressant et visité : le monastère de Ciolanu. Le Musée de lAmbre, à Colţi, fait également partie de lensemble de musées de Buzău. Il est unique dans cette partie de lEurope. Le musée a rouvert ses portes au public en août 2020 et, sis au sommet de la montagne, il accueille ses visiteurs avec un paysage de conte de fées et une exposition de base digne de tout autre grand musée du monde. Vous y découvrirez aussi des éléments de technique muséale très innovants : vitrines interactives et dautres modalités innovantes de mettre en valeur le patrimoine culturel détenu par cette institution. »



    Il existe peu dendroits dans le monde où lambre est à retrouver en surface. La commune de Colţi, où ce musée est situé, est un de ces rares endroits. Notre voyage se poursuit avec Daniel Costache, directeur du Musée du comté de Buzău : « Le Musée dethnographie « Casa Vergu-Manăila » fait également partie du complexe muséal de Buzău, dans la ville homonyme. Le musée a rouvert en juillet de lannée dernière, après dix ans. Il met en évidence la maison traditionnelle de lespace du département. Il fonctionne dans un bâtiment monument historique, attesté pour la première fois vers 1792 – 1794. La Maison musée du poète Vasile Voiculescu (1884-1963, né dans le comté de Buzău) qui a également été appelé le « médecin sans payer », très apprécié par la communauté, a cependant fait partie du groupe de ceux qui allaient subir les horreurs des prisons communistes. »



    Enfin, nous arrivons au Musée darchéologie, dhistoire et dart de Buzău, lune des institutions muséales emblématiques de Roumanie, qui possède une série de collections uniques, qui ne peuvent pas être vues dans dautres musées du pays. Daniel Costache, directeur du Musée départemental de Buzău, précise : « Cest la plus grande collection de téléphones de Roumanie. Nous en avons plus de 400 exemplaires, tous fonctionnels. La pièce de résistance est un dispositif figurant dans la catégorie « trésor national », un téléphone de 1894. Nous en avons aussi un de bureau qui semble avoir fait partie du mobilier de bureau de Gheorghe Gheorghiu-Dej (le premier chef dÉtat communiste roumain). Nous avons aussi lunique exposition organisée en lhonneur du premier globe-trotter roumain, Dumitru Dan. Lexposition a été réalisée avec des fonds européens il y a quatre ans et elle a beaucoup de succès, notamment auprès des visiteurs étrangers. Notre institution a un programme spécial qui attire également les touristes étrangers. Il sappelle « Escapade culturelle nocturne ». Lannée dernière, lors des événements de la Nuit internationale des musées, nous avons organisé une édition internationale. Nous avions invité Son Excellence lAmbassadeur du Mexique, qui nous a présenté un costume traditionnel mexicain. Nous avons eu lhonneur davoir des invités étrangers, des personnalités politiques et culturelles lors de visites de travail mais aussi privées. »



    Le département de Buzău est également reconnu parmi les amateurs de tourisme daventure, car le rafting y est pratiqué avec succès. Les vins de Buzău sont également connus. Pietroasele est la plus ancienne station de recherche viti-vinicole de Roumanie, fondée en 1893. Là, trois variétés de vins roumains ont été mises en valeur : le Muscat roumain, la Grasă et la Busuioacă. Et parce que les légendes se racontent mieux le soir, entre amis, avec un verre de bon vin, nous vous recommandons le Muscat roumain, la variété à partir de laquelle les meilleurs vins aromatiques sont obtenus. Le goût est floral, composé de fleurs des champs et de tilleul, auquel sajoute larôme du miel et des amandes. Bonne dégustation !


    (Trad.: Ligia)

  • Le Musée d’Histoire nationale et d’Archéologie de Constanta

    Le Musée d’Histoire nationale et d’Archéologie de Constanta

    Cette semaine, nous vous invitons à une escapade radiophonique à Constanţa, ville port à la Mer Noire, là où se trouve un des musées les plus riches de Roumanie. Il s’agit du Musée d’Histoire nationale et d’Archéologie dont les collections réunissent plus de 430.000 objets, allant du Paléolithique jusqu’à l’époque moderne. Même si les portes du musée sont actuellement fermées aux visiteurs, en raison de la pandémie de coronavirus, une visite reste toujours possible en ligne. Dès le départ, précisons qu’à la différence d’autres musées départementaux qui se donnent pour tâche de mettre en lumière le patrimoine local, ce musée couvre une thématique nationale. Le visiteur y peut découvrir des objets en terre cuite d’origine grecque, romaine, byzantine ou encore médiévale, des armes ou des outils en pierre, bronze ou fer, des éléments d’architecture datant de l’Antiquité, tels des colonnes, des chapitaux ou des bas-reliefs. Une fois à l’intérieur, vous allez découvrir les riches collections de sculptures, de vases, de statues ou encore de bijoux. Et puis, n’oublions pas d’admirer la prestigieuse collection de monnaies d’argent, de bronze et d’or dont plusieurs sont uniques au monde.

    Cristian Ceagra nous accompagne tout au long de cette visite virtuelle du Musée d’Histoire et d’Archéologie de Constanţa: « La Dobroudja est une terre merveilleuse, plutôt mal connue et dont l’histoire est très riche. Quel que soit l’itinéraire choisi, le touriste finira par tomber sur des vestiges ou des ruines aux histoires extraordinaires. La Dobroudja est le lieu où la terre, la mer et le Danube se donnent rendez-vous, l’endroit où se trouve ce delta fabuleux autour duquel un tas de légendes gravitent. Ces histoires cachent toujours un brin de vérité. Des vestiges antiques en sont la preuve et je pense, par exemple, au fameux Serpent Glykon. Autant de détails qui, mis ensemble, représentent une excellente carte de visite pour cette région où le touriste se sentira facilement à l’aise, tellement elle est multiculturelle et pluriethnique! »

    Le Serpent Glykon est une divinité romaine, une statue unique au monde, datant du deuxième siècle avant J.C et qui se trouve au rez-de-chaussée du musée, à côté d’autres objets exceptionnels. Pendant notre visite virtuelle, vous aurez l’occasion d’admirer le groupe statuaire de Fortuna, la déesse de la chance, et de Pontos, personnification mâle de la mer, les deux protecteurs du port de Tomis, ancien nom de Constanţa. Parmi les artéfacts les plus prestigieux dont le musée s’enorgueillit, notons l’Edicule, au centre duquel se trouve une représentation de la déesse Némésis ou encore la collection de bijoux en or. A l’étage, les enfants seront contents de tomber sur les défenses d’un mammouth.

    Cristian Ceagra explique: « A l’étage, vous aurez l’occasion de voir le crâne d’un ours des caverne datant d’une époque où la faune commençait à changer. C’est la période où les hommes ne sont plus que des chasseurs- cueilleurs et deviennent, petit à petit, sédentaires. Une diversité de cultures néolithiques apparaissent et du coup, le rôle de la culture en général et de la céramique, en particulier, se renforce. Une fois devenu sédentaire, l’homme commence à se construire un foyer et à gérer sa vie. On a une reproduction pour comprendre comment les gens ans vivaient, il y a 6000 ou 7000. C’est l’époque où ils renoncent petit à petit aux peaux et aux fourrures d’animaux pour se couvrir de tissus. »

    La visite virtuelle du Musée d’Histoire et d’Archéologie de Constanta se poursuit, avec un coup d’œil jeté aux expositions non permanentes. Cristian Ceagra raconte: « On a mis en place de nombreuses expositions à même d’attirer toutes les catégories de public, quel que soit le niveau de connaissances ou le pays d’origine. On espère surprendre nos visiteurs, même ceux qui ont cherché sur Internet à se documenter sur l’histoire de la Dobroudja. On a beau lire à l’avance pour connaître telle ou telle région, il faut se rendre sur place et constater que tout ce qu’on a trouvé sur Internet ne représente qu’un faible pourcentage de tout ce qu’on peut découvrir en faisant le voyage. La plupart de nos expositions sont temporaires. Même si le musée doit sa renommée aux vestiges antiques, les expositions attirent, elles aussi, leur propre public. On a eu, par exemple, une exposition de presse avec des journaux d’il y a cent ans, bilingues, appartenant aux différentes communautés ethniques locales. »

    Si vous voulez visiter un jour le musée de Constanţa, soyez prêts à lui consacrer deux ou trois heures. En revanche, sur Internet, la visite peut durer autant que vous voulez, en fonction de vos intérêts. Cristian Ceagra précise que: « Les touristes se disent impressionnés par la possibilité de faire un tour en ligne, car ils ne s’y attendaient pas. C’est ce qu’ils n’arrêtent pas de nous dire. Le musée renferme des tas d’histoires et de légendes, que les gens ne connaissent pas et qu’ils sont enthousiasmés d’apprendre. On nous a déjà posé la question pourquoi une telle visite virtuelle n’est pas plus médiatisée. Une ville cosmopolite comme Constanţa, habitée, déjà à l’Antiquité, par des gens venus de tous les coins de l’empire romain, transmet son héritage culturel aux générations futures. Ici, les habitants, quelle que fût leur religion – musulmane, juive, chrétienne – ont cohabité en paix. Ce fut la principale raison qui a permis à cette ville de se développer tout au long de son histoire de 2500 ans. »

    Ouvert en 1878, le Musée d’Histoire nationale et d’Archéologie de Constanţa renferme un grand nombre de trésors: des objets appartenant aux cultures néolithiques de Hamangia et de Gumelniţa, des outils agricoles de l’époque médiévale, des sarcophages datant du premier ou deuxième siècle après J.C., des amphores de l’Antiquité romaine et des statues de divinités grecques. Autant d’objets que vous pourriez découvrir durant le tour virtuel que le musée propose sous le titre « Incursion virtuelle dans l’histoire antique de la ville de Tomis ». La page internet du musée vous offre également accès à une galerie de photos et une autre vidéo, ainsi qu’à une carte interactive. Autant de détails censés vous faire la visite aussi agréable que possible. (trad. Ioana Stancescu)

  • Le Trophée de Trajan d’Adamclisi

    Le Trophée de Trajan d’Adamclisi

    L’Antiquité romaine glorifiait
    ses vainqueurs par des titres, des célébrations et des monuments publics. L’un
    de ces monuments, c’est le Trophée de Trajan ou Tropaeum Traiani en latin,
    érigé en Dobroudja, dans le sud-est de la Roumanie, dans la commune
    d’Adamclisi. Le Sénat et le peuple romain ont rendu hommage à l’empereur Trajan
    en érigeant un monument impressionnant à sa victoire dans la première guerre
    dacique, celle des années 101-102. Tropaeum Traiani est considéré comme l’un
    des monuments antiques les plus grands et les plus emblématiques de la Roumanie
    d’aujourd’hui et il est en fait l’élément central de tout un ensemble. Ce que
    l’on peut voir aujourd’hui, c’est une reconstruction sous la supervision
    d’archéologues, achevée en 1977.


    Les premières fouilles à
    Adamclisi ont commencé en 1882, quatre ans après que la Roumanie a reçu la
    Dobroudja à la suite de la guerre roumano-russo-turque de 1877-1878. Grigore Tocilescu,
    fondateur de l’école roumaine d’archéologie, a lancé les campagnes de fouilles
    et de recherches qui allaient avoir lieu les cent années suivantes. Le monument
    central est un socle cylindrique avec 40 mètres de diamètre et il dispose de
    beaucoup de rangées de marches circulaires. Au-dessus du socle cylindrique est
    placé un toit tronconique avec des ornements sous forme d’écailles, tandis qu’au
    milieu du socle se dresse une structure hexagonale. Au sommet de la structure
    se trouve le trophée, un légionnaire romain avec quatre boucliers, haut de près
    de 11 mètres. À la base du trophée on retrouve deux groupes statuaires
    contenant la représentation de trois prisonniers daces. La hauteur de
    l’ensemble du monument est à peu près égale au diamètre de base de 40 mètres.


    L’archéologue
    Alexandru Barnea a conduit les fouilles sur le site archéologique d’Adamclisi
    et nous a donné des détails sur ce monument : « Le monument d’Adamclisi fait partie, en fait,
    d’un complexe de monuments qui se trouve sur la colline près du village actuel
    et il est de loin le plus imposant et le plus connu de tous. Il existe à
    proximité deux autres monuments importants et les ruines d’une ville. À
    proximité du monument triomphal est sis un tumulus, la tombe d’un commandant
    dont nous ne connaissons pas le nom. Un peu plus loin, à quelques centaines de
    mètres de là, se trouvent les ruines d’un autel funéraire à la mémoire de ceux
    qui sont tombés dans la bataille qui a eu lieu dans cette région. Il s’agit des
    batailles qui ont eu lieu près du village actuel, sur le plateau où se trouve
    aujourd’hui le monument, mais aussi dans les environs, entre les Daces et les Romains.
    C’était en 102, à la fin de la soi-disant première guerre dacique, lorsque les Daces
    ont essayé d’attaquer les Romains dans leur propre province. »


    La présence romaine au Bas-Danube a été consolidée
    un siècle et demi avant les guerres daciques contre les Romains. Alexandru
    Barnea a souligné que la province de Mésie inférieure, l’ancien nom de la Dobroudja,
    faisait partie intégrante de la civilisation et de la culture romaines : « Avec une carte historique dépliée devant nous,
    nous verrons que la Dobroudja était dans l’Empire romain, c’est-à-dire qu’elle
    faisait partie d’une province de l’empire appelée la Mésie inférieure. Dans
    cette province, l’organisation romaine existait déjà, il y avait une armée
    romaine, l’administration romaine fonctionnait. À ce moment dramatique pour les
    Daces, le roi Décébale et ses alliés germaniques attaquèrent les Romains sur leur
    propre territoire en essayant de faire une diversion à l’hiver 102. Attaqués
    par surprise, les Romains ont résisté fermement ; ils subissent de
    nombreuses pertes, puis se reprennent peu à peu. Les troupes qui y sont
    envoyées ont vaincu l’alliance daco-germanique de Décébale. Suite à ces
    batailles l’empereur Trajan lui-même décide d’élever un monument en souvenir de
    cette bataille tragique. »


    L’ensemble qui comprenait le monument comportait
    également un autel funéraire, sur les murs desquels étaient inscrits les noms
    des quelque 3800 soldats romains tombés au combat dans la bataille d’Adamclisi.
    Il existe aussi un mausolée avec trois murailles concentriques dans lequel le
    commandant romain, qui a décidé au prix de sa vie de la victoire romaine en 102,
    a été enterré. Alexandru Barnea parle des interprétations données au monument : « Le monument, érigé semble-t-il d’après le
    projet du célèbre architecte Apollodore de Damas, a été inauguré en 109.
    Quelques années plus tard, lorsque la paix régnait là aussi, dans la région du Bas-Danube,
    et en Dacie, devenue province romaine, la Colonne Trajane a été inaugurée à
    Rome en l’an 113. La Colonne, ainsi que le monument
    d’Adamclisi, sont pour ainsi dire les deux documents de naissance du
    peuple roumain – un original et un double. D’ailleurs, de nombreux historiens
    l’ont affirmé à propos de ces deux monuments. Les recherches sur ce monument,
    le tumulus et l’autel funéraire ont été achevées depuis longtemps, il n’y a pas
    grand-chose à dire sur la partie interprétation archéologique. Il reste par
    contre encore beaucoup de choses en ce qui concerne l’interprétation artistique
    et peut-être aussi l’interprétation historique des représentations sur le
    monument triomphal. »


    À Adamclisi, il existe aussi une cité romaine fondée
    par l’empereur Trajan sur l’emplacement de l’ancienne agglomération géto-dace.
    Une basilique préservée in situ complète l’héritage d’il y a près de 2.000 ans.
    (Trad. : Ligia)

  • Le musée archéologique de la ville de Mangalia

    Le musée archéologique de la ville de Mangalia

    Si vous vous laissez tenter par un séjour sur la côte roumaine de la mer Noire, nhésitez surtout pas à faire un détour au Musée darchéologie de la ville de Mangalia, située dans la partie sud de notre littoral, près de la frontière bulgare. Sur place, vous trouverez le musée Callatis, abritant une impressionnante collection archéologique. Au mois de juillet, le musée a organisé le vernissage dune exposition permanente, intitulée « Callatis – patrimoine numismatique ». Une belle occasion sil en est pour initier les enfants à la confection des pièces de monnaie en terre cuite, dans le cadre des ateliers spécialement organisés à cet effet, tout près du musée.





    Une fois passé entre les colonnes grecques qui font office de porte dentrée du musée, lémerveillement se fait sentir. Car il sagit bien de ce que les spécialistes appellent un musée de site, soit un musée érigé à lendroit même du chantier archéologique.



    Nicolae Alexandru, archéologue au musée de Mangalia, nous emmène à travers lhistoire et les collections du musée, découvertes et reconstituées à compter de 1915 dans la ville de Mangalia : « Les fouilles archéologiques entamées en 1915 se poursuivent encore aujourdhui. Callatis, lancien nom de la ville, était à lorigine une colonie grecque de type dorien. Cétaient des colons originaires dHeraclée Pontique qui commencent à sétablir ici à compter du début du 6e siècle, ou plus tard, au début du 4e siècle avant J.-C. La date exacte des premiers peuplements constitue toujours sujet à débats. Quoi quil en soit, au 4e siècle av. J.-C., la ville était en plein essor. Protégée par un mur fortifié, Callatis frappait sa propre monnaie, entretenant des relations commerciales avec les cités situées sur le pourtour de la mer Noire, de la mer Egée et de la Méditerranée. La ville était organisée en démocratie, les citoyens étaient impliqués dans la politique locale, surtout lors des conflits armés contre Lysimaque ou lEmpire byzantin. Callatis sest ensuite allié à Rome, la preuve de cette alliance est à retrouver dans cette inscription qui fait état dun traité dalliance entre les deux cités. Pourtant, et en dépit de ces relations étroites avec Rome, le caractère grec de la ville a été maintenu. Pendant mille ans, la civilisation grecque a fait valoir son identité, sa culture, sa langue et son calendrier. Pendant lépoque romaine, même les institutions grecques traditionnelles avaient réussi à survivre. Le site archéologique recèle en fait un concentré de mille années dhistoire. Les statuettes de style Tanagra, de Béotie, en céramique peinte, étaient soit produites localement, soit importées, représentant aussi bien des personnalités humaines que des divinités. Elles étaient utilisées en offrande sur les tombeaux des ancêtres. »





    Nicolae Alexandru, archéologue au Musée darchéologie de la ville de Callatis, raconte lattraction exercée sur les visiteurs par les chapiteaux et les statuettes extrêmement bien conservés dans le musée. Le chapiteau de Teodosian, appartenant à une ancienne basilique, est particulièrement bien conservé.



    Nicolae Alexandru : « Dans les collections du musée, lon retrouve des objets de tous les jours, en céramique, depuis des tasses et des plateaux à des objets impressionnants qui ornaient les tombeaux, les édifices publics ou les temples. Callatis était une cité très marquée par la culture agricole, dotée de temples érigés pour des divinités telles Déméter ou Cybèle par exemple, mais aussi aux déités classiques, comme Aphrodite ou Apollon. A part le musée proprement dit, trois autres cités archéologiques, récemment aménagées, ont été ouvertes au public. Dans la partie nord-ouest de la cité, bâtie entre le 2e siècle av. J.-C. et le 2e siècle après J.-C., on retrouve encore la porte dentrée dans la cité, et une route ancienne, qui allait à Tomis, les deux très bien conservées. Un autre mur denceinte, datant cette fois de lépoque romaine tardive, entre le 4e et 6e siècle de notre ère, ainsi quune basilique ont aussi été préservés. Enfin, tenez-vous bien, au rez-de-chaussée dun hôtel moderne vous allez trouver un quartier romano-byzantin très bien conservé. Cest, dun point de vue chronologique, le site le plus récent. Il sagissait dun quartier dhabitations collé au côté sud du mur denceinte ».





    La richesse archéologique que recèle le musée de Mangalia se traduit dans les notes laissées par les touristes dans le livre dor du musée, mais aussi dans les autres notes, celles que le musée reçoit sur les sites des agences de voyage. (Trad. Ionut Jugureanu)

  • Archéologie et histoire ancienne en Roumanie (II)

    Archéologie et histoire ancienne en Roumanie (II)

    Cette semaine nous continuons de discuter d’archéologie avec notre invité Liviu Iancu qui est spécialiste de ce domaine. Nous nous pencherons plus précisément sur l’histoire ancienne de la zone qui forme aujourd’hui la Roumanie. On observe effectivement des passages nombreux de divers populations et empires. Malgré tout, une certaine homogénéité culturelle semble présente. Nous examinerons aussi les controverses politiques qui accompagnent cette histoire antique.

    Photo: Céramique – Les trouvailles les plus fréquentes dans les fouilles sont celles en céramique. Les fragments céramiques doivent être lavés, inventariés et étudiés pour donner des informations précieuses sur la vie des hommes du passe. Récolte des trouvailles céramiques laves, découvertes pendant les fouilles de 2018 à Histria de l’équipe mixte américano-roumaine de l’Université de Texas et de l’Institute d’Archéologie Vasile Parvan de Bucarest. (Crédits photo: Liviu Iancu)

  • Les sites archéologiques de Roumanie

    Les sites archéologiques de Roumanie

    Aujourd’hui nous allons discuter d’archéologie en Roumanie. On oublie souvent que cette société a une très longue histoire qui a laissé des traces dans toutes ses régions. Les sites archéologiques sont pourtant nombreux et d’un intérêt remarquable. C’est à cet univers que nous sommes conviés avec un spécialiste de ce domaine Liviu Iancu.

    Photo attachée au son : Recherches sur le site archeologique de Açik Suhat – Caraburun (commune de Baia, département de Tulcea, Roumanie), menées par une equipe franco-roumaine conduite par le Musée du Louvre, Paris, l’Institut d’Etudes Sud-Est Européennes, Académie Roumaine, Bucarest et Institut de recherches éco-muséales Gavrilă Simion, Tulcea. Photo prise en 2016. Crédits photo: Liviu Iancu.

  • La culture de Cucuteni

    La culture de Cucuteni

    Une des plus impressionnantes cultures Néolithiques a été la culture de Cucuteni-Ariuş-Tripolia qui s’étendait entre le nord-est de la Roumanie, la République de Moldavie et l’Ukraine de sud-est. Elle a eu son nom par le village de Cucuteni où, en 1884, on a découvert les premiers vestiges archéologiques. Réputée pour sa céramique peinte superbement, la culture de Cucuteni est datée autour de 4800-4600 avant notre ère. Ses habitants, nommés aussi cucuteniens, avaient un mode de vie principalement sédentaire. Ils étaient chasseurs, agriculteurs, pêcheurs, s’occupaient de l’artisanat, de l’exploitation du sel et de sa commercialisation.

    Lăcrămioara Stratulat est la directrice du Complexe Muséal Moldova de Iaşi qui accueille le Musée d’Histoire de la Moldavie. Des pièces représentatives de la culture de Cucuteni y sont exposées. Elle nous fait une courte introduction dans cette culture célèbre dans le monde entier. Lăcrămioara Stratulat : « La culture de Cucuteni, une magnifique culture Néolithique, importante et surprenante, est la plus importante culture d’Europe. Ce n’est pas nous, les Roumains, qui le disons. C’est une culture antérieure aux grandes pyramides et à la culture mycénienne. Les plus anciens artefacts ont un âge de 6.500-7.000 ans. Ce n’est pas peu si nous considérons ce qu’elle a de remarquable, les peintures splendides dont les couleurs sont restées presque intactes. Nous avons encore beaucoup de questionnements concernant cette culture. »

    La géographie des hommes qui vivaient il y a quelques milliers d’années était toute autre, l’espace tel qu’ils se l’imaginaient diffère fondamentalement de celui que nous imaginons aujourd’hui. Dans ce sens, la signification de la culture n’était pas limitée à notre compréhension moderne du terme. Lăcrămioara Stratulat : « Comme toute culture archéologique, elle a une période de début, une de développement maximal et une période de fin. La période de début s’est déroulée dans la zone de la Moldavie et c’est ici aussi qu’elle a eu sa période de développement, dans toute la Moldavie, d’un côté et de l’autre de la rivière Prut. La dernière partie de développement de cette culture s’est déroulée du côté ukrainien. Il y a 7.000 ans il n’y avait pas de frontières, les pays et peut-être qu’il serait bénéfique, lorsque nous parlons de culture, de souligner le fait que la chose la plus importante est la valeur et non les frontières administratives d’un pays qui, néanmoins, doivent être respectés.»

    Une des colonies les plus importantes de Roumanie de la culture de Cucuteni est le village Poduri du département de Bacău, dans l’est de la Roumanie. C’est ici qu’on a découvert en 1979 un important site archéologique qui contient des habitations, des outils, des réserves de provisions, de la céramique peinte, des statuettes et un moulin. On y a trouvé des grandes réserves de céréales, 16 dépôts ont été découverts dans une seule habitation. On a découvert, à différents niveaux, des constructions en terre crue / adobe en forme de boîte avec une surface d’un mètre carré et des murs de 45 cm. Le moulin était une construction à quatre silos de forme tronconique, haute de 1.1 mètres, prévues avec un couvercle et une aération. Au moment de la découverte, ils étaient un tiers pleins avec des céréales carbonisées. Les silos étaient spécialisés, deux contenaient de l’orge et les deux autres du blé. Près des deux silos, il y avait une construction carrée où étaient rangés cinq meules, trois grandes et deux plus petites. Elles étaient fixées sur des piédestaux en argile peints en blanc. Au coin de cette construction il y avait une conduite pour évacuer les résidus de la mouture. C’est un des plus anciens moulins de l’Europe de sud-est.Néanmoins,

    Lăcrămioara Stratulat souligne que la spécificité de la culture de Cucuteni est la céramique exceptionnelle et le savoir-faire des artisans : « C’est une culture qui a occupé 360.000 km carrés, c’est un territoire absolument énorme pour l’époque. Il y a eu des phases et des sous phases de développement, mais le fil rouge, l’élément commun à toutes ces époques reste la peinture incroyable sur la céramique. En fonction de la période, nous avons des motifs méandreux, en spirale, ou des motifs géométriques. Les spécialistes ont voulu trouver des explications à ces motifs en essayant de comprendre la mentalité des habitants, mais il est très difficile pour nous de retourner dans une période si éloignée dans le temps. Ce que nous pouvons affirmer avec certitude, c’est qu’ils étaient de grands amateurs de beauté et de grands artistes, s’ils ont pu exploiter les oxydes qu’ils trouvaient dans une zone proche d’eux. La céramique était travaillée d’une manière quasi parfaite, pas tournée, mais à la main. Si on prend n’importe quel pot de Cucuteni, on peut jurer qu’il a été tourné, les maîtres de Cucuteni détenaient un savoir-faire proche de la perfection. On les appelle des artistes, ils peignaient jusqu’à la louche utilisée pour manger. »

    Les cucuteniens travaillaient, priaient, avaient une vie de famille et une vie sociale. Leur culture est la preuve de la créativité admirable de l’homme, à toute époque. Les artefacts qui nous sont parvenus en parlent d’eux-mêmes. (Trad. Elena Diaconu)

  • La Roumanie, un concentré de civilisations superposées

    La Roumanie, un concentré de civilisations superposées

    A linstar des autres coins du monde, lespace roumain est lhéritier de plusieurs cultures et civilisations. Les archéologues et les anthropologues ont toujours cherché à déceler les différentes spécificités et influences en étudiant les objets que lon retrouve dans des expositions ou sur des sites archéologiques. Le concept de civilisations superposées désigne la contribution de plusieurs peuples à la création du patrimoine des nations ou des pays daujourdhui.



    Et puisque civilisation et culture vont main dans la main, on peut conclure à lexistence dune culture superposée aussi. Le patrimoine identitaire roumain est donc un amalgame dinterférences matérielles et spirituelles. Les peuples néolithiques, les influences hellènes, les Cimmériens, les Scythes, les Géto-daces, les Romains et les colons quils ont emmenés avec eux, les dizaines de populations migrantes qui ont traversé ces terres du IIe au XIIIe siècle de lère chrétienne, ce ne se sont que quelques – uns des repères jalonnant lhéritage des Roumains.



    Lexposition “La Roumanie, civilisations superposées, organisée par le Musée national dhistoire sest proposé justement de mettre en lumière la profusion déléments culturels et de civilisation qui composent un univers à la confluence de lEurope et de lAsie. Corina Borş, archéologue et commissaire dexposition, nous a fourni des détails sur les objets exposés, qui parlent dune longue histoire : « Nous présentons les nombreuses civilisations qui sy sont succédé, depuis le paléolithique, soit lâge de la pierre, jusquà la pré-modernité. Etant spécialisée dans la pré-histoire, japprécie particulièrement les vestiges archéologiques de cette époque-là. Cela fait plus dun siècle et demi que les Roumains nont plus eu loccasion dadmirer les trésors de la civilisation néolithique. Parmi les objets récupérés ces dernières années avec laide des autorités roumaines et grâce aussi à une coopération internationale, je mentionnerais les deux tables contenant des fragments de la loi municipale de Troesmis (Mésie inférieure), documents dune importance historique mondiale. Chacune des pièces exposées est une page dhistoire et la portée de cette signification dépasse sa valeur esthétique ou pécuniaire. »



    En effet, tous ces témoignages du passé sont extrêmement précieux. Ils reflètent aussi le savoir-faire et lesprit de ceux qui les ont créés ou utilisés. La vedette de lexposition est sans doute un objet en céramique de Cucuteni, unique en Europe et qui ressemble fort à une autre culture néolithique, mais de Chine. Le cachet de la céramique de Cucuteni réside dans ses décorations spiralées, se déclinant en de nombreuses variantes et combinaisons. Les fouilles archéologiques ont également mis au jour des figurines féminines au torse plat, décoré de motifs géométriques, ajoute Corina Borş, archéologue et commissaire dexposition : « Dans la céramique datant du néo-énéolithique, les cultures Cucuteni et Gumelniţa sont les plus représentatives. Je mentionnerais aussi une première, à savoir la présentation du trésor en or de Sarasău, qui remonte à la fin de lAge du bronze. Le ministère roumain de la Culture a initié les démarches en vue de lachat au bénéfice du Musée dhistoire de Roumanie. Il y a aussi les tables de loi de Troesmis, que je viens de mentionner, et différents objets datés du Moyen-Age. Je dirais que cest lune des rares occasions de présenter en entier une collection de bijoux en métal précieux, surtout en argent, datant des 11e et 14e siècles. »



    Création des historiens et archéologues, pour lessentiel, lexposition « La Roumanie, civilisations superposées » doit sa personnalité et sa structure aux architectes qui en ont imaginé la disposition dans lespace. Corina Borş : « Lexposition a été conçue par le jeune architecte Andrei Câmpean. Partant du concept de civilisations superposées, il a défini et aménagé quatre zones: la préhistoire, lAntiquité, le Moyen-Age et lépoque pré-moderne. Sa conception na rien à voir avec les ségrégations chronologiques. Au contraire, cette exposition aspire à remonter le temps sous la forme dune balade dans lhistoire, dun parcours qui, en partant des données géographiques, se propose de mettre en évidence les superpositions et les différentes influences que les grandes civilisations antiques, dont surtout lEmpire romain, ont exercées sur lensemble du territoire roumain. »



    Le concept de civilisations superposées nous invite à réfléchir autrement sur le passé, car elles ne cessent de créer, demprunter les unes aux autres, de se réinventent. Bref, il y a toute une dynamique des échanges et des changements. (trad.: Mariana Tudose)

  • Routes et tessons

    Routes et tessons

    13 bracelets, d’une série très connue surtout dans l’espace transylvain, qui remontent à il y a 3000 ans, à la fin de l’âge du bronze, d’anciens pots reconstitués, mais aussi des casques et ustensiles utilisés dans l’exploration d’un site archéologique sont exposés dans la collection appelée « Routes et tessons ». Accueillie par le Musée de la civilisation dacique et romaine de Deva, dans le centre du pays, l’exposition raconte l’histoire des cinq mois d’exploration archéologique du chantier, des pièces qui y ont été découvertes, mais aussi de la manière dont le travail a été réalisé avec les ouvriers. Comme caractéristique générale du chantier, les archéologues nous ont dit que dans les sites explorés entre Abucea et Ilia ont été découverts des agglomérations et logements de la fin du néolithique jusqu’au haut Moyen Age.



    Cătălin Rişcuţa, chef de la Section d’archéologie du Musée de la civilisation dacique et romaine de Deva, fait état de l’idée de cette exposition : « Il s’agit d’une exposition ayant pour sujet les recherches effectuées par notre institution en collaboration avec l’Institut national d’archéologie Vasile Pârvan de Bucarest. C’est en fait l’histoire des fouilles archéologiques sur un tronçon d’autoroute entre les villes de Lugoj et de Deva, à la frontière des départements de Hunedoara et de Timiş. Par cette exposition, nous avons essayé de montrer au public ce qui se passe sur un chantier archéologique. D’habitude, les gens apprennent que des fouilles archéologiques sont faites sur un terrain pour pouvoir construire ensuite. Peu d’entre eux s’imaginent en fait ce qui se passe sur ce terrain. Nous avons fait le choix de ne plus organiser d’expo classique, dans laquelle on aurait exposé des pièces avec des explications techniques des découvertes mises au jour. Nous avons essayé de créer une atmosphère, de montrer au public comment les choses se déroulent sur le terrain. A cet effet, nous avons fait une série de panneaux avec beaucoup d’illustrations, qui indiquent toutes les étapes de notre recherche, ainsi qu’une série de reconstitutions à l’identique. Respectivement, plusieurs piédestaux en terre, sur lesquels nous avons placé du matériel archéologique, ainsi que des outils avec lesquels travaillent les archéologues. »



    Selon notre invité, l’idée était de mettre en évidence l’ambiance, le déroulement des travaux. Le travail de l’archéologue n’est pas facile, vu les conditions difficiles auxquelles il est soumis, dont le froid ou la chaleur excessive, ajoute Cătălin Rişcuţa, chef de la Section d’Archéologie du Musée de Deva. Il nous a également parlé d’autres composantes de cette exposition: «Nous avons exposé aussi une partie des objets découverts au cours de cette recherche, de la céramique avec de très belles décorations. Il y a aussi des objets en métal, des outils en bronze, notamment, car tous les 5 sites que nous avons étudiés sur cette partie de l’autoroute datent de la fin de l’âge du bronze. Chaque objet est accompagné d’explications scientifiques».



    Mais est-ce quelque chose d’habituel pour les travaux de construction d’une autoroute de mettre au jour des vestiges historiques? Voici la réponse de Cătălin Rişcuţa : «La construction d’autoroutes ne fait que reprendre des trajets anciens établis depuis des milliers d’années. Concrètement, cette autoroute traverse la vallée de la rivière Mures. La vallée du Mures est une route de circulation très ancienne. Par conséquent, on y retrouve les habitations de ceux qui ont circulé et vécu dans ces zones. Une autoroute est une chance pour les archéologues, c’est une section de l’évolution historique des communautés humaines d’un certain espace. Il est normal de découvrir de tels sites. En définitive, ils ne sont pas si nombreux que ça — on a trouvé 5 sites sur une distance de 22 km, dont deux sont plus grands et appartiennent à des communautés préhistoriques. Tout ce que nous faisons c’est de sauvegarder ce qui existe encore, nous n’arrêtons pas la construction de l’autoroute. Ca fait déjà une année que nous avons terminé notre travail ».



    Enfin, tous les objets dont nous venons de parler sont à retrouver au Palais Magna Curia de Deva. (trad.: Ligia Mihaiescu, Valentina Beleavski)