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  • Jeunesse créative à l’air Bauhaus

    Jeunesse créative à l’air Bauhaus

    Aujourd’hui nous parlons jeunesse et design.

     

    C’est en 1919 en Allemagne que voyait le jour le courant artistique appelé « Bauhaus », formé des mots allemands – bau – construire et Haus – maison. Le terme désigne non seulement une éthique architecturale, mais aussi une grande école des arts décoratifs. Ce fut un mouvement artistique dont les bases ont été jetées par l’architecte et pédagogue allemand Walter Gropius. Il a eu une influence majeure sur l’architecture, les arts plastiques, la sculpture, le design intérieur et industriel, la photographie, l’imprimerie, les objets domestiques, les décorations intérieures et le mobilier du 20e siècle. De 1919 à 1933, ce style a connu son apogée notamment dans 3 villes allemandes – Weimar, Dessau et Berlin. Et bien qu’il ait été interdit par les nazis en 1933, il est resté un des courants les plus importants de l’art moderne, source d’inspiration pour de nombreux autres styles qui lui ont suivi. Au moment de l’émigration de son fondateur, Walter Gropius, aux Etats-Unis, ce mouvement artistique s’affiche sous un nouveau jour, étant connu comme « le nouveau style Bauhaus ».

     

    Source d’inspiration pour les adolescents

     

    Un siècle plus tard, de nos jours, le style « Bauhaus » sert de source d’inspiration et d’éducation pour les adolescents de Bucarest à la recherche de nouvelles manières de s’exprimer. Dans la capitale roumaine, le Musée de la Littérature roumaine accueille l’exposition « Bauhaus 2024 » réunissant des créations réalisées par des lycéens.

     

    L’artiste visuel Nicoale Stoian en est très fier :
     « C’est une exposition extraordinaire qui ramène dans les galeries les concepts Bauhaus, cette école de l’entre-deux-guerres qui impressionne toujours par ses principes en matière d’art, de design, de concept moderne – des idées que les jeunes ont reçues les bras ouverts. Effectivement, nous avons visé les jeunes lycéens ».

     

    Une journée spéciale

     

    Elève au Lycée Technique des travaux publics et d’architecture Ion N. Socolescu de Bucarest, Alexandru Cristian Ghezea nous a fait part de ses impressions : « C’est une journée super spéciale au Musée de la littérature roumaine qui a organisé ce fastueux vernissage pour notre exposition Bauhaus, une importante école allemande fondée en 1919. On y expose une multitude d’œuvres réalisées par des élèves de la première jusqu’à la dernière année de lycée, venus de plusieurs écoles, que ce soit de lycées d’architecture, comme le mien, ou de lycées de mathématiques et informatique ou bien spécialisés en sciences de la nature. Il y a une très grande variété ! »

     

    Une théière devenue repère du design

     

    Alexandru Cristian Ghezea expose deux ouvrages dans le cadre de cette exposition. Elles s’intitulent « Compositions Bauhaus dans la vision d’un Roumain ». Alexandru nous a parlé de ses sources d’inspiration :

    « J’ai voyagé en Allemagne et j’ai visité Berlin. Le style Bauhaus est originaire d’une ville de l’ouest de l’Allemagne. Pourtant, à Berlin j’ai trouvé dans de nombreuses pâtisseries la fameuse théière Bauhaus, tout comme la belle chaise projetée par Marcel Breuer, la chaise que j’ai dessinée… »

     

    Pour explication, la théière dont parlait notre jeune invité a été conçue en 1924 par Marianne Brandt, qui a simplifié au maximum cet objet, se résumant aux formes géométriques. Réalisé en acier, un matériau largement utilisé dans les créations en style Bauhaus, cette théière n’a jamais été produite en série, étant donc très rare. Quant à la chaise imaginée par Marcel Breuer en 1925, vous la reconnaitrez sans doute, il s’agit bien d’un siège en acier tubulaire et avec des morceaux de tissus pour l’assise et le dossier. Connue aussi sous le nom de « fauteuil Wassily » elle est devenue un repère design moderne, étant fabriquée en série à compter des années 1960.

     

    Inspirée par une chaise

     

    Et c’est toujours une chaise qui a inspiré la jeune Francesca Vlădăraş, élève au Lycée national Ion Creanga de Bucarest :

     « J’expose ici une chaise représentative du style Bauhaus, un ouvrage que j’ai réalisé l’année dernière, et aussi une toile réunissant d’autres créations du type Bauhaus, à savoir la théière mentionnée par mon collègue et deux lampes spécifiques du courant. J’aime beaucoup tous les ouvrages exposés ici, surtout parce qu’ils sont très divers et réalisés par des élèves de différents âges. Je trouve que tous ces enfants sont vraiment très talentueux ! »

     

    « Mais, Madame, moi, je n’ai pas de talent ! »

     

    C’est justement pour faire valoir ce talent, que Grațiela Stoian, professeure et artiste visuelle, encourage ses élèves à découvrir leur côté artistique : 

    « Je suis très fière d’avoir pu faire une sélection parmi les élèves qui ont ce désir de s’exprimer par le biais de l’art. Souvent, ils ont du mal à me croire et disent : « Mais, Madame, moi, je n’ai pas de talent ! » Alors c’est à moi de leur expliquer qu’il ne faut pas avoir forcément du talent, mais surtout avoir des idées-concept et qu’il faut avant tout faire ses recherches. Je leur dis aussi que l’art est quelque chose d’extraordinaire. Qu’il s’entremêle aux autres matières, pas seulement avec la sculpture, la peinture, la graphique etc, mais aussi avec la physique, les mathématiques et la biologie. Et je poursuis en leur racontant comment, en regardant à travers un microscope, on peut voir de vraies merveilles, je leur parle de Fibonacci, du spectre des lumière et de l’arc-en-ciel en physique et ainsi de suite. C’est en parlant de ce genre de choses que les enfants qui ne sont pas étudiants en Arts réussissent eux aussi à créer des choses extraordinaires ».

     

    Chaises ou théières, carrés ou triangles, formes abstraites ou concrètes – ces lycéens roumains sont désormais plus proches de l’art, du design intérieur et de l’histoire moderne aussi. C’est leur talent très prometteur que l’exposition Bauhaus présentée au Musée de la littérature roumaine de Bucarest a voulu mettre sous les projecteurs. (trad. Valentina Beleavski)

  • Récits des marais

    Récits des marais

    Un projet pluridisciplinaire a eu lieu dernièrement dans le village de Luncaviţa, dans le département de Tulcea. Intitulé « Glossaire de résidence. Art et anthropologie » le projet a présenté au public les conclusions de deux ans de recherches anthropologiques et linguistiques  qu’une équipe ayant à sa tête Dana Pârvulescu a mené dans cette localité nichée dans une zone inondable au bord du Danube, récemment transformée en terrain agricole. Dana Pârvulescu nous donne plus de détails:

    « C’est l’endroit où j’ai passé mon enfance et où j’ai voulu retourner pour mieux comprendre les changements que cette localité a subis ces 20 ou 30 dernières années et qui ont laissé des traces dans la vie des habitants. Il s’agit des transformations dans plusieurs domaines, en allant de l’écologie et jusqu’à la migration. La localité de Luncavița se trouve dans la partie nord de la Dobrodgea, sur la route qui relie Galați à Tulcea, une fois traversé le Danube. C’est une zone humide, inondable, où au printemps, les eaux du fleuve montaient jusqu’aux portes des maisons. Or, depuis 1987, cette région a commencé petit à petit à disparaître, parallèlement aux travaux de modernisation et aux barrages installés sur le Danube. Mon enfance, je l’ai passée principalement dans cette région envahie par les eaux, un univers lacustre peuplé par les nénuphars, les joncs et les saules. »

     

    Un paysage difficile à imaginer de nos jours par ceux qui se rendent à Luncavița, petit village à une dizaine de kilomètres des rive du fleuve. Dana Pârvulescu poursuit:

    « Les changements sont intervenus progressivement. Au début, les systèmes de digues ont rendu la terre fertile. Dans le village, les habitants avaient des lopins de terre dans la zone humide où ils faisaient pousser des tomates, des poivrons, du tournesol, bref, toute sorte de  légumes et de céréales nécessaires au quotidien. Le système d’irrigation existe encore de nos jours et permet aux gens de cultiver du blé et d’autres céréales. A l’heure où l’on parle, la zone est devenue un terrain agricole entièrement contrôlé par ceux qui y font de l’agriculture. »

     

    Le village de Luncavița s’est laissé imprégné de modernité ce qui a facilité le contact avec les artistes, les anthropologues et les habitants, affirme Dana Pârvulescu, responsable du projet « Glossaire de résidence. Art et anthropologie ».

    « Le projet s’est déroulé l’année dernière et nous avons privilégié le travail sur le terrain. D’une part, les artistes ont essayé de documenter le travail mené par les anthropologues et de l’autre, les anthropologues ont pris des notes. D’ailleurs, leurs recherches ont débouché sur la publication de deux articles parus sur une plateforme en ligne. Ce fut donc un exercice pluridisciplinaire entre des artistes et des anthropologues. Même si à première vue, leur travail diffère beaucoup, le projet a montré une autre approche. Il est vrai que certains d’entre eux se connaissaient déjà et connaissaient aussi la région où ils étaient censés faire leur travail de recherche. Cela nous a permis de passer outre l’étape consacrée normalement à l’accommodation à un nouvel espace et à des nouveaux gens. Moi, je fais confiance à l’interdisciplinarité et les résultats d’un travail commun se voient toute de suite. C’est d’ailleurs ce type de travail que le projet « Glossaire de résidence. Art et anthropologie » met en lumière. »

     

    La résidence organisée l’année dernière à Luncaviţa, a débouché sur l’exposition « Il était une fois une eau ». Dana Pârvulescu nous en parle:

    « En fait, dans l’espace qui a accueilli notre exposition, on a mis en place une carte de l’ancienne zone humide sur laquelle les anthropologues ont ajouté des extraits des témoignages des habitants. Nous, on a cartographié pour indiquer sur la carte à quoi cette zone ressemblait il y a 30 ou 40 ans. Par exemple, nous avons montré l’endroit où l’on ramassait la capture de poissons destinés au commerce. Un habitant nous disait jadis, c’est par ici que passait le charriot, de nos jours, c’est la voiture qui roule”. Voilà pourquoi une de nos artistes a dessiné les traces des chevaux qui se dirigeaient autrefois vers les digues. De nos jours, les chevaux n’existent plus. Cette année, un des anthropologues a remarqué la disparition des attelages qui ont été remplacés par des machines agricoles. A la différence de l’année dernière quand nous avons créé cette carte qui a représenté l’élément central de notre exposition et que nous avons mise en place à l’école pour servir aux enfants, le Glossaire de cette année est moins spécifique. En 2023, nous avons organisé une série d’ateliers pour enfants et lors de ces ateliers, les gamins utilisaient le mot marécage pour désigner leur région. Or, j’ai été surprise de constater qu’en fait, ils ne savaient pas que jadis, la zone était inondée par le fleuve. Eux, ils parlaient du terrain aride de nos jours en le désignant par le terme de marécage. »

    L’exposition a été mise en place au Musée national du Paysan roumain de Bucarest jusqu’au 22 octobre. Mais, les recherches se poursuivent.