Tag: Carol II

  • Le roi Carol II et la crise qui a précédé le début de la Seconde Guerre mondiale

    Le roi Carol II et la crise qui a précédé le début de la Seconde Guerre mondiale

    Dès la signature du
    Traité de Trianon, censé mettre un terme à la Grande Guerre et jeter les bases
    d’une paix durable en Europe, la Roumanie n’a eu de cesse de se voir confronter
    aux visées révisionnistes des deux Puissances décidées à en découdre qu’étaient
    l’Allemagne et surtout l’URSS, mais également de ses voisins, sortis défaits de
    la Grande Guerre : la Hongrie et la Bulgarie. C’est ainsi que le 26 juin 1940,
    pratiquement au lendemain de l’armistice signé par la France devant l’Allemagne
    nazie, le gouvernement soviétique adressait deux ultimatums coups sur coups à
    la Roumanie, lui enjoignant de céder la Bessarabie et la partie nord de la
    Bucovine. La 30 août 1940, le second arbitrage de Vienne, concocté par l’Allemagne
    nazie et l’Italie fasciste, décidait l’annexion par la Hongrie de la moitié
    nord de la Transylvanie aux dépens de la même Roumanie. Enfin, le 7 septembre
    1940, par le traité de Craiova, les mêmes Puissances imposaient à la Roumanie
    la cession de la Dobroudja du Sud au profit de la Bulgarie. Aussi, en l’espace
    de seulement 3 mois, la Roumanie se voyait dépouillée de plus d’un tiers de son
    territoire et de sa population. Le désastre externe n’a pas tardé d’avoir des
    retombées en termes de politique intérieure. Acculé de toutes parts, le roi
    Carol II se voit ainsi contraint à quitter le trône en faveur de son fils, le roi
    Michel. Par ailleurs, le régime d’extrême-droite, national-légionnaire et pro
    allemand, dirigé par le général Ion Antonescu, prenait au même moment les rênes
    du pays.


    1940
    marque la fin d’une époque. Le règne de dix années du roi Carol II, dont les
    deux dernières marquées par l’empreinte de son régime personnel, s’achève avec
    fracas. Personnage haut en couleur, intelligent et manipulateur, orgueilleux, avide
    de pouvoir, entouré d’une camarilla d’hommes d’affaires plutôt louches et peu
    regardants, Carol II laisse aux historiens le soin de démêler un héritage pour
    le moins controversé. Car en dépit des griefs qu’on pourrait facilement imputer
    au souverain déchu, dans sa vie privée ou dans l’exercice de ses fonctions
    constitutionnelles, il n’en est pas moins que son règne marque une époque de
    grande prospérité. La capitale du royaume, Bucarest, avait été réorganisée, en
    suivant pour cela les principes censée régenter la vie d’une ville moderne. La
    vie culturelle du royaume s’épanouissait, le rôle de l’Etat dans cet essor n’étant
    point négligeable.


    Gheorghe Barbul secrétaire personnel de celui qui acculera le roi Carol II à quitter le
    trône, le futur maréchal Ion Antonescu, avait été interviewé à cet égard, en
    1984, par l’historien Vlad Georgescu, sur les ondes de radio Free Europe. L’interview,
    conservée par le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine,
    constitue un important témoignage sur la personnalité du monarque déchu, dressé
    par un contemporain avisé, bien que peu enclin à faire l’apologie du roi. Ecoutons
    la voix de Gheorghe Barbul, enregistrée en 1984 :


    « Ion Antonescu, celui qui deviendra le Duce
    roumain, appréciait que la monarchie constituât une institution indispensable
    pour la stabilité du jeune Etat qu’était la Roumanie à l’époque. Il avait cette
    formule selon laquelle seule la monarchie était en mesure de préserver l’Etat
    de l’influence des démagogues. Un Etat où, prétendait le marchal, les propriétaires
    terriens avaient été remplacés par les « propriétaires de voix ». La
    maréchal faisait de la sorte la distinction entre la Roumanie d’avant la Grande
    Guerre, où les propriétaires terriens constituaient la classe dirigeante, et la
    Roumanie post 1920. C’est pour cette raison que le maréchal, bien qu’ennemi
    personnel du roi Carol II, n’acceptait pas à ce qu’on s’attaque à la monarchie,
    même pas à la personne du souverain. Il craignait l’instabilité. Vous savez, le
    roi Carol II avait déjà contribué à fragiliser le trône lorsqu’il avait renoncé
    au trône pour vivre son amour impossible, avant de revenir sur sa décision,
    détrôner son fils mineur, et remonter sur le trône. Or, le maréchal Antonescu
    ne souhaitait pas voir ces coups de force se reproduire. En cette période, deux
    acteurs politiques importants, le Parti national paysan et la Garde de Fer
    souhaitaient le départ du roi Carol II, et le remplacement de ce dernier par
    son fils, le roi Michel. Pas le maréchal Antonescu, car il craignait de trop l’instabilité
    que de telles agissements ne manqueraient pas de provoque
    r ».


    Dans une interview
    passée en 1995, le juriste Radu Boroș, ancien prisonnier politique,
    reconnaissait à son tour le rôle joué par le roi Carol II dans l’essor de l’économie
    nationale, plus particulièrement dans le domaine de l’aviation, durant les
    années 30 du siècle précédent :


    « A
    mes yeux, le roi Carol II demeure un grand souverain. Et je crois que si les
    Roumains l’avaient mieux compris et mieux suivi, la Roumanie aurait accompli
    davantage de progrès dans beaucoup de domaines. Le roi s’était personnellement
    impliqué dans l’organisation et le développement de l’industrie, de l’administration
    publique, dans plein de domaines. Vous savez lorsqu’il était monté sur le trône,
    dans le domaine de l’aviation, c’était le désert. Pendant la Grande Guerre, l’on
    s’était servi de quelques appareils de vol importés et de quelques ballons à
    air chaud. A l’époque, l’aviation c’étaient les ballons. L’on était loin d’avoir
    des avions de combat, des avions de chasse et de bombardement. C’est le roi qui
    avait décidé de nous doter d’une véritable aviation militaire. Grâce à cela,
    des unités industrielles ont été créés, l’IAR à Brasov, où l’on a construit le
    premier appareil de chasse roumain, IAR 14, qui, dans les années 37-38, était l’un
    des meilleurs au monde. C’est toujours le roi qui a donné le coup de pouce
    indispensable à l’essor de l’aviation civile. Le roi avait une vision. Il avait
    compris la place qu’allait occuper l’aviation dans les prochaines décennies et
    avait aidé à la constitution de la première compagnie roumaine d’aviation.
    Avant cela, il n’y avait une qu’une société mixte, la Compagnie franco-roumaine
    de navigation aérienne, créée en avril 1920par le comte Pierre Claret de Fleurieu. »


    Malgré
    tout et en dépit du bon souvenir que le règne du roi Carol II avait laissé chez
    certains de ses contemporains, la figure du souverain demeure encore aujourd’hui
    tachetée par ses agissements politiciens et affairistes, et surtout par l’échec
    de sa politique interne et externe, soldé en fin de compte par l’amputation d’un
    tiers du territoire national à la veille de la Seconde Guerre mondiale. (Trad. Ionut
    Jugureanu)

  • Immeubles représentatifs à Bucarest dans les années 1930

    Immeubles représentatifs à Bucarest dans les années 1930

    Si on examine une carte ou un dessin illustrant la ville d’il y a plus de 150 ans, on reconnaît à peine les éléments les plus importants, tellement les changements ont été profonds. L’actuelle vieille ville, un ancien quartier marchand et quelques églises médiévales sont les seules qui rappellent l’ancienne capitale valaque. L’histoire de Bucarest comporte trois périodes de transformations majeures. La première est celle de l’époque du roi Carol Ier, de 1866 à 1914. La deuxième a été marquée par le règne du roi Carol II dans les années 1930. Et la troisième est celle de l’époque du dirigeant communiste Nicolae Ceausescu dans les années 1980. Le résultat de ces trois périodes est visible aujourd’hui par tout visiteur de passage par la capitale roumaine à pied. Le roi Carol II a été le souverain le plus controversé des quatre qui ont régné en Roumanie. Ayant une personnalité puissante, intelligent, mais aussi plein de défauts et de faiblesses, Carol II a réussi à transformer Bucarest afin de l’adapter aux besoins d’une capitale moderne, conformément aux styles architecturaux de l’époque.

    Le règne de Carol II de 1930 à 1940 a été marqué par de grands projets qui rappelaient en quelque sorte de ceux de son ancêtre, Carol Ier. Le règne de son père, Ferdinand Ier, de 1914 à 1927, a compris la Première Guerre mondiale et la consolidation du nouvel État issu de l’union des territoires habités par des Roumains avec l’ancien Royaume : la Grande Roumanie. Après l’Union de 1918, les années 1920 ont été marquées par la reconstruction et par l’intégration des nouveaux territoires. Ce ne fut que dans les années 1930 que la Roumanie a repris les grands projets de développement, notamment à Bucarest. Plusieurs grandes avenues furent ouvertes à l’époque de Carol II, dont la plus importante a été celle reliant le nord au sud. S’y sont ajoutés plusieurs immeubles d’institutions d’État et d’institutions culturelles.

    Leur point commun est le modernisme, influencé par le style des buildings américains et par l’architecture fasciste italienne, auxquels se sont ajoutés aussi quelques éléments d’architecture roumaine traditionnelle. Il s’agit de bâtiments imposants, aux lignes droites et aux colonnades construites selon les normes les plus modernes de l’époque, utilisant notamment le béton armé. Certains spécialistes évoquent même l’existence d’un style architectural « Carol II », qui aurait pu se développer davantage en l’absence de la guerre et de l’installation du régime communiste.

    L’ingénieur du BTP, professeur des universités et académicien Nicolae Noica est le directeur de la bibliothèque de l’Académie roumaine. Il a passé en revue quelques-uns des immeubles représentatifs que la capitale roumaine d’aujourd’hui doit au règne du roi controversé Carol II. Et cette liste ne pourrait commencer que par le Palais Royal : « Un des premiers bâtiments à porter l’empreinte de Carol II fut le Palais Royal. La nuit du 7 au 8 décembre 1926, un incendie a éclaté et détruit toute la partie centrale de l’édifice. La consolidation des fondations, de la structure de résistance a porté la signature de l’ingénieur Emil Pragher. Après 1932, d’autres travaux de construction seront menés dans le corps central et enfin un PV de réception du Palais Royal sera dressé, que j’ai moi-même trouvé. Ensuite, début 1938, d’autres travaux seront menés dans l’aile adjacente à l’Athénée, des travaux qui ont continué jusqu’en 1940. A noter aussi que même le tremblement de terre de 1940 n’a pas endommagé cette construction. »

    Les projets se sont poursuivis à un rythme très soutenu. Les institutions de l’État qui avait vu son territoire et sa population carrément doubler en 1918 avaient besoin d’immeubles publics beaucoup plus grands. Nicolae Noica : « Un autre bâtiment important a été le nouveau siège du Ministère des Affaires étrangères, aujourd’hui siège du gouvernement de Bucarest. Cet immeuble a été conçu par l’architecte Duiliu Marcu et les travaux en béton armé ont été coordonnés par l’ingénieur Gheorghiu de 1937 à 1938. L’immeuble fut érigé sur l’emplacement de l’ancien siège du ministère des Affaires étrangères. Le nouveau Palais de la Banque nationale fut également construit à cette époque, selon de nouvelles études d’alignement. Tous les travaux ont été réalisés grâce à un décret du roi Carol II qui a exproprié les superficies de terrain nécessaires pour des raisons d’utilité publique. »

    Le roi Carol II est connu dans l’histoire de la Roumanie comme un grand patron de la culture. L’Académie roumaine n’a pas fait exception et a également bénéficié de l’appui accordé par le monarque. M Noica a mentionné justement le bâtiment de l’institution qu’il dirige : « Un autre bâtiment impressionnant est celui qui accueille la bibliothèque de l’Académie roumaine. En 1931, le professeur Duiliu Marcu présenta un projet à l’Académie pour construire un corps d’immeuble dédié à la bibliothèque. Cette remarquable construction est érigée de 1935 à 1937 et les travaux sont coordonnés par l’ingénieur Ioanovici. L’inauguration aura lieu le 5 juin 1937 en présence du roi Carol II, qui a tenu à assister à cette réunion de l’Académie. »

    Sur un des grands boulevards bucarestois se trouve un autre immeuble érigé à l’époque de Carol II, le siège des Archives nationales. A l’ouest, près du Palais de Cotroceni, l’actuel Palais présidentiel, se trouve l’Académie militaire, monument représentatif du style Bauhaus. Écoutons Nicolae Noica. « Un autre immeuble de cette époque, c’est le Patrimoine du Journal officiel, aujourd’hui siège des Archives nationales, en face du Jardin de Cismigiu. L’école supérieure de Guerre, l’actuelle Académie militaire, a été construite de 1937 à 1939. Le bâtiment principal a une façade de pas moins de 120 mètres et s’étale sur une superficie de 3 650 mètres carrés. Toute la construction a été réalisée en deux ans seulement. Les travaux ont été supervisées par l’ingénieur Emil Pragher dont le nom est lié à plusieurs autres constructions. Il a été une grande personnalité. »

    Sur la liste des immeubles et de monuments érigés dans les années 30 se retrouve l’Institut de recherches agronomiques, le Musée du village, l’Arc de Triomphe, le château Foisor de Sinaia et les cathédrales orthodoxes de Cluj, Mediaş et Timişoara.

  • 80 years since the assassination of historian Nicolae Iorga

    80 years since the assassination of historian Nicolae Iorga

    On September 6, 1940, the regime led by General Ion Antonescu in partnership with the legionnaires, proclaimed Romania a national-legionary state. This meant that the model of state and society adopted was the fascist one, imagined by the Iron Guard and inspired by Italian fascism and German Nazism. A supporter of the superior race theory, the Romanian fascism was synchronised with then European one. Most historical studies see the Antonescu-legionary regime as a strict one, against basic democratic norms.




    Imposing such as regime was possible only in the context of a deep crisis, such as the one undergone by the rule of Carol II, a Romanian version of the European crisis. Starting 1938, Carol II had imposed a regime of personal authority, restricting rights and liberties. At the beginning of September 1940, the king was held responsible for the territorial disaster suffered by Romania. In June, Bessarabia and Northern Bukovina had been annexed by the Soviet Union while two months later Hungary annexed Northern Transylvania, under the Second Vienna Award.




    On September 5, under huge public pressure, Carol II appointed General Ion Antonescu as head of state and renounced the throne. Although it lasted only four and a half months, until January 23, 1941, the regime was defined by repressive measures, especially against Carol II’ camarilla, a group seen as having ruined democracy and made up of courtiers, senior diplomats, army officers, politicians and industrialists who were all in some way dependent upon royal favour. The legionary revenge against 65 dignitaries who had supported Carol II can be explained by the fact that the latter had been involved in the repressive measures against them and especially in the killing of the Iron Guard leader, Corneliu Zelea Codreanu, in 1938.




    One of the legionnaires’ victim was historian Nicolae Iorga. Born in 1871, he is generally seen as the most important historian of Romanians. There is even a Iorga cult in Romania, for two reasons: his impressive work and his tragic death. Iorga wrote a lot, at least 1,250 books and 25,000 articles. Before being the victim of the fascist-type terrorism, Iorga was the model of intellectual who cultivated nationalism, eventually falling victim to its fury. Historian Ioan Scurtu summarized Iorga’s ideas and his political activity: ”Iorga was a nationalist, who in 1910 created, together with A.C. Cuza, the Democratic Nationalist Party. He cultivated the idea that Romanians must prove themselves in all domains, including the economic one, in the context in which, ever since the end of the 19th century, the main industrial companies, banks and trade were in the hands of national minorities and of foreigners. He believed the Romanian element had to replace the foreign one, by means of nationalization. In his opinion, the way to do this was a peaceful one, the Romanians having to prepare, to study, to learn how to do each job so as to be able to win the competition with the foreigners. This was what he supported. The legionnaires propagated his ideas, but they took on an extremist path and went as far as to murder their opponents.”




    Iorga’s separation from the legionnaires, whose mentor he initially wanted to be, took place in the mid-1930s. Iorga’s vanity and difficult personality made this relation to degenerate. The critical moment took place in 1938, when, after political parties had been dissolved, the Legionary Movement ended its activity through a document signed by Codreanu, ever since February 24, 1938. However, the legionary trade continued, and their stores sold products at smaller, production costs. Ion Scurtu explains: ”Nicolae Iorga said the legionnaires’ stores were serving as meeting venues where they gathered and planned actions meant to destabilize the government. Iorga asked for the legionary trade to be banned. Against this background, Codreanu sent Iorga a letter, in which he accused him of being dishonest. After having spread the idea that Romanians should handle trade so as to remove foreigners, Jews in particular, Iorga was now asking for these stores to be closed. Iorga showed the letter received from Codreanu to Armand Calinescu, who in his turned showed it to Carol II. Iorga was advised to sue Codreanu, so the matter was taken to Court. During the trial, Iorga realized he took a risky path and withdrew his court action. But the trial continued and Codreanu was sentenced to 6 months behind bars. During the trial, the headquarters of the Legionary Movement and the houses of a number of members were searched. Based on these searches, a new court action was opened against Codreanu, who, in May 1938 was sentenced to 10 years of hard labour for actions against the state and for holding secret information, accusations which were false. He was imprisoned and, while being transported from Ramnicu Sarat to Jilava, on the night of 29 to 30 November, 1938, he was murdered near the Tancabesti Forest.”




    On November 27, 1940, Nicolae Iorga was taken from his home by a team of legionnaires, and killed with nine bullets in the Strejnicu forest. Thus, the historian paid with his life for his opinions, at a time when political violence, hatred and abuse took the place of justice.


  • 80 ans depuis l’assassinat de Nicolae Iorga

    80 ans depuis l’assassinat de Nicolae Iorga

    Le 6 septembre 1940, le régime dextrême droite formé par lalliance entre les légionnaires du parti de la Garde de Fer et le général Antonescu prenait le pouvoir, et déclarait la Roumanie Etat national-légionnaire. Le modèle dEtat et de société imaginé par la Garde de Fer serait dorénavant inspiré par le fascisme italien et le nazisme allemand. Fervent partisan de la théorie des races, le fascisme roumain sest synchronisé avec les mouvements européens similaires de lépoque, pour frapper à coups de boutoir lordre démocratique en vigueur.



    Mais un tel régime na pu percer que dans le contexte de la forte crise politique et de légitimité qui a secoué la fin du règne de Carol II. En effet, dès 1938, Carol II instaure son régime personnel, supprimant du coup la Constitution de 1923, avec lensemble de ses garanties, en termes de droits et de libertés civiles. Pour ne rien arranger aux choses, au mois de juin 1940, la Roumanie se voyait contrainte de céder, devant lultimatum soviétique, les provinces de Bessarabie et de Bucovine du Nord. Au mois daoût de la même année, lhistoire se répète, avec la Transylvanie du Nord, annexée cette fois par la Hongrie, suite au Deuxième arbitrage de Vienne, concocté par lAllemagne et lItalie. Face à la débâcle et sous la pression de la rue, le 5 septembre 1940, le roi se voit contraint de nommer à la tête du gouvernement le général Ion Antonescu, son ennemi juré. Ce dernier ne tardera pas à déposer le souverain en faveur de son fils, le roi Michel, 18 ans à lépoque, et de proclamer lEtat national-légionnaire. La coalition dextrême droite nouée entre le général Antonescu avec ses militaires et le parti de la Garde de Fer ne fera pas long feu, car elle na duré que 4 mois et demi, jusquau 23 janvier 1941. Mais le régime restera dans toutes les mémoires pour son caractère particulièrement répressif, notamment à lencontre des anciens partisans du roi déchu. La vengeance des légionnaires contre les anciens dignitaires carlistes, notamment contre ceux qui sétaient impliqués dans la répression et les assassinats perpétrés contre les dirigeants de la Garde de Fer, dont celui de son leader, Corneliu Zelea Codreanu, sera particulièrement féroce.



    Et dans ce contexte de quasi guerre civile, lune des victimes des légionnaires sera lhistorien Nicolae Iorga. Né en 1871, Iorga sera considéré comme lhistorien roumain le plus marquant, notamment par la frange nationaliste de la profession. Prolifique, auteur de 1 250 livres et de plus de 25 000 articles de presse, la personnalité de Nicolae Iorga a pénétré dans la conscience publique, frappée à la fois par létendue de son activité intellectuelle et politique et par la tragédie de sa mort violente. Avant de tomber sous les balles des fascistes de la Garde de Fer, Iorga était le modèle même de lintellectuel. Ironie de lhistoire : Iorga a été le promoteur du nationalisme dans la vie politique, avant de devenir la cible de sa furie. Ecoutons lhistorien Ioan Scurtu remémorer la personnalité du savant :



    « Iorga était un nationaliste convaincu. Il fonde dailleurs, en 1910, avec A. C. Cuza, le Parti nationaliste démocrate. Il a cultivé lidée que les Roumains devaient saffirmer dans tous les domaines, en ce y compris dans les activités économiques, à un moment où, à la fin du 19e siècle, les principaux domaines dactivité économique, les entreprises industrielles, les banques, les commerces constituaient lapanage des minorités nationales et des étrangers. Et Iorga était davis quil fallait que lélément national remplace lélément allogène, il voulait promouvoir une sorte de nationalisation. Mais il sagissait selon lui dune nationalisation pacifique, qui devait se dérouler grâce à un processus progressif démancipation et déducation nationale, par lequel les Roumains arriveraient à être les meilleurs, et pourraient reprendre les rênes dans ces domaines. Certes, les légionnaires avaient repris ses idées à leur compte, pour les amener jusquà leurs dernières conséquences, allant jusquà assassiner ceux qui semblaient sopposer à leur politique. »



    Le divorce entre Iorga et ses émules de la Garde de Fer se consommera au milieu des années 30. Le caractère orgueilleux et difficile du grand historien y a été pour quelque chose dans ce désamour.



    Cétait au mois de mars 1938, après que lactivité des partis politiques eut été mise hors la loi. Lactivité publique du mouvement légionnaire avait été déjà mise en sommeil par une circulaire de son leader, Corneliu Zelea Codreanu, le 24 février 1938. Mais lactivité du mouvement se poursuivait en cachette, par exemple par lintermédiaire des magasins gérés par des légionnaires, et qui vendaient leurs produits à des prix bradés, à leurs prix de revient en fait. Ioan Scurtu détaille :



    « Nicolae Iorga soupçonnait que ces commerces légionnaires étaient devenus subrepticement des locaux où lactivité politique légionnaire, qui visait à déstabiliser lEtat, se poursuivait impunément. Il exige donc la fermeture de ces commerces. Alors, Codreanu lui donne la réplique dans une lettre, dans laquelle il accuse Iorga de forfaiture. Parce que, disait-il dans cette lettre, alors que Iorga avait dabord lancé lidée dencourager les activités commerciales des ethniques roumains, censés progressivement remplacer les commerces des allogènes, des Juifs notamment, il exigeait maintenant la fermeture de ces mêmes commerces. Iorga, outré, montre cette lettre à Armand Călinescu, le premier ministre de lépoque. Ce dernier la porte à la connaissance du roi. Enfin, Carol II suggère alors à Iorga de traduire Zelea Codreanu en justice. Et cest ainsi que lon arrive au procès. Pendant le procès, Iorga comprend cependant le danger de sa démarche, et retire sa plainte. Mais le procès poursuit son cours malgré tout, et Codreanu se voit condamner à 6 mois de prison ferme. Aussi, durant cette période, plusieurs perquisitions se sont déroulées au siège du mouvement légionnaire, à la Maison verte, ainsi que chez plusieurs de ses leaders. Suite aux perquisitions, un nouveau procès sera intenté à Codreanu, à lissue duquel il se voit condamner, au mois de mai 1938, à dix années de travaux forcés, pour des agissements contre la sécurité de lEtat et possession de documents à caractère secret. Il sagissait de chefs daccusation complètement farfelus. Enfin, Codreanu sera assassiné alors quil se trouvait sous garde policière, lors de son transfert entre les prisons de Râmnicu Sărat et de Jilava, dans la nuit du 29/30 novembre 1930, dans la forêt de Tâncăbeşti. »



    Le 27 novembre 1940, Nicolae Iorga sera enlevé par une équipe de légionnaires, emmené dans le bois de Strejnicu, et tué ensuite, de 9 coups de revolver. Lhistorien Nicolae Iorga payera ainsi ses opinions politiques au prix de sa vie, à une époque où le pire était encore à venir.


    (Trad. Ionut Jugureanu)

  • Le roi Carol II

    Le roi Carol II

    C’est à l’été 1930 qu’allait monter sur le trône de la Roumanie le roi Carol II, le premier fils roi Ferdinand et de la reine Marie. Troisième roi de la dynastie qui avait
    débuté en 1866 par l’avènement du roi Carol Ier au trône des Pays
    roumains récemment unifiés, premier roi né en Romanie même, il sera aussi le
    souverain le plus controversé de sa lignée. En effet, si sa prestance et les
    qualités de sa personnalité ne feront aucun doute pour ses contemporains, si
    des réformes importantes et bénéfiques au pays ont été mises en place pendant
    son règne, il n’est pas moins vrai que son caractère difficile et la soif du
    pouvoir qui était la sienne ont largement entaché sa mémoire.







    le 15 octobre 1893 dans la résidence royale de Sinaia (sud), le futur roi Carol
    II prend part en tant qu’officier de l’Armée roumaine à la deuxième guerre
    balkanique, en 1913, puis à la Première Guerre mondiale. Aventureux, fantasque,
    orgueilleux, il renoncera à deux reprises au trône de la Roumanie, d’abord en
    1918, puis en 1925. L’année 1920 voyait naître son premier enfant, un garçon
    issu du mariage morganatique qu’il avait contracté avec Ioana Lambrino, fille
    de boyards roumains, en faisant fi de l’opposition exprimée par la Maison
    royale et par le Parlement à cette union. Une fois divorcé, il se remarie,
    cette fois légalement, avec la princesse Hélène de Grèce. C’est de cette
    dernière union que naîtra, en 1921, le futur roi Michel Ier de Roumanie.
    La mort de son père, le roi Ferdinand, en 1927, trouve le futur roi Carol II en
    exil. A 5 ans, le roi Michel monte sur le trône, mais les fonctions royales sont
    assurées par une régence. En 1930, le futur roi Carol II, qui concoctait déjà
    des desseins de retour depuis un moment, se voit appeler par la classe
    politique roumaine à revenir pour reprendre le trône. Sans doute, devant les
    effets de la crise de 1929, cette dernière avait estimé préférable de remplacer
    la régence par un roi de plein exercice.






    Pendant la décennie de son règne, le roi Carol II
    transforme le pays, mais également, de façon moins heureuse, le paysage
    constitutionnel. Pendant cette dizaine d’années, l’on assiste à une
    modernisation de l’urbanisme, dans tout le pays, mais notamment à Bucarest. Un
    nouveau Palais royal est ainsi érigé, et de grands chantiers urbanistiques sont
    mis en route. La culture aussi retrouve son blason, soutenue de manière appuyée
    par l’action des Fondations royales. Radu Boroș, docteur en droit de l’Institut
    allemand de droit aérien de Königsberg (Allemagne), et qui a occupé des postes
    à responsabilité dans l’aéronautique roumaine des années 30, parle de l’essor
    de ce domaine pendant ces années-là, et du rôle endossé par le roi Carol II
    personnellement.






    Radu Boros dans l’interview qu’il avait accordée à
    la Radio roumaine en 1995, et conservée depuis par le Centre d’histoire orale
    de la Radiodiffusion roumaine : « Pour
    moi, Carol II est un grand roi. Si nous, les Roumains, avions compris ses
    desseins, on aurait bien avancé. Tout ce que l’on a accompli entre la fin de la
    Première Guerre mondiale et jusqu’à la Seconde conflagration mondiale dans
    l’industrie, dans l’administration et non seulement, tout cela a été réalisé parce
    qu’il l’avait voulu et patronné, parce qu’il l’avait imposé. Lorsqu’il était monté
    sur le trône en 1930, l’aviation roumaine n’était pas grand-chose. Pendant la
    Première guerre mondiale, l’on avait eu quelques aviateurs et quelques ballons
    capturés. Par la suite, l’on s’occupait plutôt de ces ballons que de se doter
    d’une véritable aviation, se doter d’une flotte d’avions de chasse ou de
    bombardement. Et c’est lui qui avait décidé de développer l’aviation en
    général, l’aviation militaire en particulier. C’est alors que l’on avait fondé
    l’usine IAR, à Brasov, où l’on a fabriqué le premier chasseur roumain, l’IAR
    14, un modèle qui, dans les années 37, 38, était l’un des meilleurs avions de
    chasse au monde. L’aviation civile ensuite. Parce qu’il a vu loin, il avait
    compris l’importance à venir de l’aviation en tant que moyen de transport. Il
    avait alors décidé de jeter les fondements d’une compagnie de transport aérien purement roumaine. Mais avant cela déjà, il avait participé à la Compagnie
    franco-roumaine de navigation aérienne, première compagnie aérienne
    transcontinentale au monde. »







    En dépit de certains exploits indéniables de son
    règne, le côté sombre de sa personnalité a empêché que l’histoire fasse asseoir
    le roi Carol II dans la galerie de grandes personnalités de l’histoire
    roumaine. Le rôle néfaste de sa camarilla et ses immixtions dans la vie
    politique du pays et ses liaisons extraconjugales aussi ont souvent défrayé la
    chronique. Quant à sa politique étrangère, le roi Carol II essayera, sans beaucoup de
    succès, de maintenir l’équilibre entre les grandes puissances et de garder le
    pays à l’écart de leurs convoitises.






    Radu Lobei, ancien chef de la Garde royale se rappelait, en 1994, la
    tournée entreprise par l’ancien souverain roumain en 1938, dans les capitales
    française, britannique et allemande : « C’est au mois de novembre 1938 que j’avais accompagné le roi à Londres,
    en suivant le programme dûment préparé à l’avance par le premier ministre
    Armand Călinescu. Un programme très précis et très chargé, mais qui s’était
    heurté à l’opposition de la Cour d’Angleterre, qui ne voulait pas accueillir
    Carol. Même les autorités françaises ont posé des conditions, à savoir que la
    maîtresse du roi, Mme Lupescu, n’était pas la bienvenue. Mais, évidemment, dès le
    lendemain, après l’arrivée du roi sur le sol français, Mme Lupescu était allée là-bas
    aussi. Elle ne logeait pas dans le même hôtel que le roi. Donc, nous avons
    visité Paris, puis sommes allés à Londres, pour une dizaine de jours. Puis nous
    étions revenus à Paris, avant de rentrer au pays. C’était le plan. Et puis, un
    matin, je ne me souviens plus exactement lequel, probablement que c’était le 9
    novembre, je suis allé à l’hôtel Meurice, où logeait le roi, et il me dit
    qu’il avait décidé de faire un détour par Berchtesgaden, pour rendre visite à
    Hitler. Ce n’était pas prévu dans le programme. Moi, en l’entendant, je pensais
    que le ciel allait me tomber sur la tête. Parce que, voyez-vous, cette tournée,
    mise au point avec tant de mal, était censée nous rapprocher des Alliés, de la
    France et de l’Angleterre et puis, d’un coup, on va chez Hitler. C’était
    compliqué. Déjà qu’en Angleterre, cela avait été terrible ».







    En 1940, l’histoire
    allait se venger. La Roumanie se voyait obliger de céder des provinces entières
    du territoire national, des provinces obtenues à Versailles après d’énormes
    sacrifices de sang. La Bessarabie, le Nord de la Bucovine, le Nord de la
    Transylvanie et le Quadrilatère allaient être arrachés à la Roumanie par ses
    voisins. Devant le désastre, le roi Carol II se voit forcé d’abdiquer au mois
    de septembre de la même année. Un départ sans gloire, suivi par un long exil,
    passé en compagnie de sa maîtresse, Elena Lupescu. Il s’éteint le 4 avril 1953,
    à Estoril, au Portugal, n’étant accompagné dans son dernier voyage que par une
    poignée de proches, dont son frère cadet, le prince Nicolas ancien membre de la
    régence. (Trad. Ionut Jugureanu),

  • Repas à la cour royale de Roumanie

    Repas à la cour royale de Roumanie

    Comme toute dynastie royale, celle de Roumanie, qui a commencé par Carol Ier de Hohenzollern-Sigmaringen – sest distinguée par ses coutumes, ses festins – fastueux ou austères – et par un protocole plutôt strict au début, mais devenu plus nuancé sous les règnes des successeurs du roi Carol Ier : les rois Ferdinand, Carol II, Michel Ier.


    Lauteure du livre « Repas et menus royaux. Elégance, faste et bon goût », Ştefania Dinu, nous introduit dans latmosphère des repas au palais. « Cest le roi Carol Ier qui a institué le protocole de la Cour princière et ensuite royale de Roumanie. Et cest toujours lui qui a fixé la manière dont allaient se dérouler les repas et la fête de Noël à la Cour royale. Lexactitude et la sobriété du roi étaient proverbiales et le programme fixé devait être respecté comme tel, quels queussent été les invités. Dhabitude, quand ils se trouvaient au Palais de Peleş, à Sinaia, le roi et la reine se dirigeaient ensemble vers la salle à manger pour prendre le repas. Et, bien sûr, le protocole était très rigoureux. Les invités étaient prévenus à lavance et ils connaissaient déjà leurs places réservées à table – plus près ou plus loin du roi. Personne ne se levait de table si le roi ne donnait pas le signal et personne ne sasseyait sans son signal, non plus. Personne nentamait une conversation avant que le roi nait adressé lui-même la parole à ses invités. Au moment où le roi achevait le premier plat, les assiettes étaient levées, même celles des invités qui navaient pas achevé la leur. »



    Les menus royaux étaient imprimés sur du papier de luxe, orné de dessins ou de gravures réalisés par ses plasticiens et rehaussé par le chiffre royal. Les mets étaient préparés selon des recettes françaises ; pourtant, les repas comportaient aussi des menus dinspiration allemande, anglaise ou roumaine. Comme on pouvait sy attendre, le repas et les coutumes domestiques de Noël occupait une place importante dans le protocole royal. Ştefania Dinu. « Le premier sapin de Noël a fait son apparition au Palais royal de Bucarest en 1866. Il a été orné par le prince régnant Carol Ier, par son épouse, Elisabeta, et par les princesses invitées au palais. Pendant les trois jours de Noël, la famille se reposait : pas daudiences, pas de réceptions, cétaient tout simplement des jours de détente. Il arrivait que la famille royale aille à la patinoire, car le roi Carol Ier et la reine Elisabeta aimaient patiner. Lunique enfant du couple royal, la princesse Maria, est morte en 1874, à lâge de 4 ans. La reine na plus pu avoir denfant et le neveu de Carol fut désigné comme successeur au trône, devenant plus tard le roi Ferdinand. Après la fondation de la famille princière, par le mariage du prince Ferdinand avec la princesse Marie dEdimbourg, la famille royale constituée de Carol et Elisabeta a pris lhabitude de fêter Noël au Palais de Cotroceni, pour se trouver aux côtés de la jeune famille et de leurs enfants. Cette habitude devint la règle tant que le roi Carol et la reine Elisabeta sont restés sur le trône de Roumanie. Les archives ont conservé une description des préparatifs de Noël. La veille de Noël, à 18 h, Carol et Elisabeta se rendaient au Palais de Cotroceni. Le sapin était apporté de Sinaia. On apportait aussi du gibier et du gui des domaines royaux. Le sapin était orné dans le grand salon du palais, celui réservé aux réceptions. On distribuait les cadeaux, ensuite les dignitaires invités arrivaient au palais et le repas commençait. A 22h30 ou 23h au plus tard, les festivités sachevaient. Carol et Elisabeta se retiraient et cétait à la famille princière de continuer à animer la fête. »



    Un grand bal était organisé dhabitude au Palais Royal le 1er janvier. Y participaient plus de mille personnes soigneusement choisies par le roi Carol Ier en personne. Après la mort de celui-ci, en 1914, le roi Ferdinand et la reine Marie, mariés vers la fin de lannée 1893, allaient rendre le protocole moins strict et ces réceptions moins austères, organisant des repas plus fastueux et plus animés pour fêter Noël et le Nouvel an. Même les coutumes domestiques étaient plus détendues. La structure du petit déjeuner le prouve, dailleurs. Celui-ci commençait à 9h. Ştefania Dinu. « Il y avait deux sortes de petit déjeuner : un premier, avec au menu du thé, du café au lait, du beurre, des petites baguettes, de la marmelade. Le roi Ferdinand prenait aussi de la viande au barbecue ou une escalope accompagnée de frites, selon la tradition allemande. Une partie des enfants – princes et princesses – prenaient, comme leur père, de la viande au barbecue ou une escalope et une grande tasse de chocolat chaud. Le chef de la chancellerie du palais de Cotroceni lavait bien dit : « le ventre extra plat nétait pas à la mode à la Cour royale ». La tradition des fêtes de Noël fut poursuivie à la Cour du roi Ferdinand. Le roi Carol est mort en septembre 1914, donc pour Noël 1914, ce fut le roi Ferdinand qui prit la relève. Aux repas de Noël à la Cour, le menu était fixe, on servait toujours les mêmes plats. Dans ce menu, le pouding aux prunes fit son apparition pour y occuper une place à part, car la reine Marie aimait ce dessert spécifique des repas de Noël en Angleterre. La reine raconte dailleurs dans ses Mémoires que des membres de la Légation britannique étaient invités au repas de Noël au Palais royal pour se régaler de la tarte à la viande et du pouding aux prunes autochtones. »



    Sous les règnes de Carol II et de Michel Ier, les repas et les festins à la Cour royale se sont modernisés et ils sont devenus moins protocolaires et moins fastueux. (Trad. : Dominique)

  • Le roi Carol II et Elena Lupescu

    Le roi Carol II et Elena Lupescu

    Roi de Roumanie entre 1930 et 1940, Carol II est encore de nos jours un personnage historique controversé. D’une part, en 1938, il interdit les partis politiques et impose un régime autoritaire appelée « la dictature carliste ». En 1940 il est obligé d’abdiquer, après le démembrement de la Grande Roumanie, la Bessarabie étant cédée à l’URSS et la Transylvanie à la Hongrie dirigée par Horthy. D’autre part, Carol II a encouragé le développement culturel et économique du pays. Pourtant, l’aspect de sa biographie qui a suscité le plus de clichés, de racontars et de controverses reste sa relation sentimentale avec Elena Lupescu.

    Victime de campagnes successives de dénigrement menées par les gouvernements libéraux des années ’20, par l’extrême-droite représentée par la Légion de l’Archange Michel et, enfin, par le régime communiste, il est difficile de connaître aujourd’hui la vraie personnalité d’Elena Lupescu, son rôle dans la politique de l’époque et la véritable nature de sa relation avec Carol II. Quelques faits historiques sont certains. En 1921, le prince héritier Carol, fils du roi Ferdinand et de la reine Marie, épouse contre son gré, pour des raisons d’Etat, la princesse Hélène de Grèce, un enfant étant né de cette union. En 1925, Carol renonce au trône pour aller vivre à Paris avec sa maîtresse, Elena Lupescu, fille d’un pharmacien juif converti à la religion chrétienne orthodoxe et ex-épouse d’un officier appelé Ion Tâmpeanu. Suite à cet exil volontaire, c’est Mihai, le fils mineur de Carol, qui hérite de la couronne, après la mort de son grand-père, le roi Ferdinand, en 1927.

    La situation allait pourtant changer 5 ans plus tard, lorsque Carol revient en Roumanie, envoie en exil la princesse Hélène, dont il avait divorcé, et récupère son trône. A la différence d’Edouard VIII de grande Bretagne, auquel il était apparenté et qui avait renoncé au trône pour épouser Wallis Simpson, une Américaine divorcée, Carol II décide de régner, avec Elena Lupescu à ses côtés, même si elle restait dans l’ombre. Ce fut le début d’une période de grandes transformations pour la Roumanie : le développement culturel et économique sans précédent dans l’histoire du pays fut doublé de troubles et de changements politiques et sociaux, culminant par l’essor de l’extrémisme de droite et l’instauration de la dictature carliste.

    Autour du roi s’est coagulé un groupe de favoris, que la presse de l’époque désignait par le terme de « camarilla » et qui était dominé, paraît-il, par Elena Lupescu. Elle a d’ailleurs été maintes fois le bouc émissaire du mécontentement général – politique et non seulement. Quelle est la vérité derrière les campagnes de dénigrement dirigées contre elle dans le passé et les clichés à travers lesquels nous nous imaginons de nos jours cette femme, surnommée à l’époque « Duduia » – « la Mam’zelle » ? Un livre vient de paraître qui tente d’apporter une réponse à cette question : « Le Roi et la Mam’zelle. Carol II et Elena Lupescu, au-delà des racontars et des clichés » écrit par Tatiana Niculescu et paru aux Editions Humanitas. Ce livre est une double biographie – celle d’Elena et de Carol II – mais aussi et surtout une biographie de leur relation qui, une fois le livre parcouru, se présente aux yeux des lecteurs comme une histoire d’amour, profonde et authentique. En outre, en lisant les lettres qu’ils avaient échangées, en découvrant des documents d’époque pas encore étudiés – entre autres le certificat d’études d’Elena Lupescu – ou en analysant la manière dont le couple avait été surveillé par la police et les services secrets un peu partout où il allait, on voit leurs personnalités se libérer des clichés et s’humaniser. Surtout « la Mam’zelle » nous apparaît avec ses qualités et ses défauts, que l’on rencontre si souvent chez nombre de nos semblables.

    Alina Pavelescu, directrice adjointe des Archives nationales de Bucarest, nous parle des aspects moins connus de la biographie d’Elena Lupescu présentés dans le livre: « J‘ai souri en lisant qu’à l’internat, Elena Lupescu excellait en « intuition », discipline où elle décrochait les meilleures notes. Le langage parfois vulgaire des lettres d’amour qu’Elena et Carol II échangeaient et les platitudes qu’ils se disaient font également sourire. Il appelait Elena « ma fille » et elle appelait Carol par toute sorte de diminutifs hilaires, ce qui peut paraître amusant, de nos jours. Pourtant, il paraît qu’ils se faisaient un plaisir de parodier ainsi le style des personnages de Caragiale. Et le fait d’avoir choisi d’exprimer leur amour dans un style pas du tout sophistiqué a-t-il rendu leurs sentiments moins légitimes ? Pas du tout. En fin de compte, en parlant de ces deux personnages, on peut dire que, pour Elena, Carol a été l’homme de sa vie et pour Carol, Elena a été la femme de sa vie. Cette histoire d’amour entre le roi Carol II et Elena Lupescu ne doit pas nécessairement être lue dans un registre politique. Je doute que le destin de la Roumanie ait été différent si Elena Lupescu n’avait pas existé dans la vie de Carol II ou qu’il ait été un meilleur roi. »

    Par ailleurs, les contradictions qui se font jour dans la personnalité du roi Carol II se retrouvent chez nombre de représentants de la jeune génération de l’entre-deux-guerres, notamment ceux nés après 1900. Alina Pavelescu : « Carol II était le représentant de cette génération de jeunes qui s’étaient affirmés après la Première Guerre mondiale, une génération que Mircea Eliade décrivait, dans la presse de l’époque, comme une génération touchée par les égarements d’extrême droite, mais qui a été l’enfant de la Grande Guerre. Cette génération était l’enfant d’un trauma historique majeur et elle souhaitait rompre avec les moules du vieux monde. Or, c’est ce que Carol II a fait, d’une manière plutôt douteuse. Il a rompu avec les moules du vieux monde. Il a détruit l’image de la monarchie, mettant souvent la monarchie roumaine et la famille royale dans des situations difficiles – ce dont on ne doit certainement pas le féliciter. Pourtant, un autre côté de son caractère se laisse entrevoir. S’il n’avait pas été roi, il aurait peut-être été un personnage beaucoup plus sympathique. Il n’aurait peut-être pas marqué de son nom le démembrement de la Grande Roumanie héritée de ses parents, ce qui a fait de lui un roi lamentable. Qui sait ? »

    Après avoir abdiqué, en 1940, Carol II a pris la route de l’exil, accompagné par Elena Lupescu. Leur long périple au Brésil et au Mexique s’est achevé au Portugal. Ils se sont mariés en 1947 au Brésil, mais ils se sont établis à Estoril, au Portugal, où l’ex-roi est mort en 1953. Son épouse allait s’y éteindre en 1977. (Trad. : Dominique)

  • 09.03.2019 (mise à jour)

    09.03.2019 (mise à jour)

    Enquête — La Section spéciale d’investigation des magistrats de Bucarest a annoncé que l’ancienne procureure en chef du Parquet national anticorruption (la DNA), Laura Codruţa Kövesi, est mise en examen dans un deuxième dossier, accusée de création d’une association de malfaiteurs et de complicité de répression injuste. En 2015-2016, Mme Kövesi aurait coordonné, par ses ordres et dispositions, un groupe criminel créé par deux procureurs et par un officier de police judiciaire, soupçonnés d’enquête abusive, de répression injuste, d’avoir influencé les déclarations et d’avoir induit en erreur les organes judiciaires. L’ancienne cheffe de la DNA a estimé que ces accusations étaient des fabulations censées la dénigrer. Dans un premier dossier ouvert par la Section spéciale d’investigation des magistrats, Laura Codruţa Kövesi est accusée d’abus de pouvoir, de faux témoignage et de corruption passive. Rappelons que l’ancienne procureure en chef de la DNA a été révoquée de ses fonctions l’été dernier. Le ministre de tutelle, Tudorel Toader, lui reprochait, entre autres, d’avoir défié l’autorité du parlement et d’avoir contesté des décisions de la Cour constitutionnelle.



    Laura Codruţa Kövesi — Le président du Parlement européen, Antonio Tajani, a adressé au ministre roumain des Affaires européennes et président en exercice du Conseil de l’Union européenne, George Ciamba, une lettre officielle lui annonçant que Laura Codruţa Kövesi est la candidate du Parlement européen pour les fonctions de procureur chef européen. « Laura Codruţa Kövesi a toutes les qualités nécessaires pour faire un très bon travail », a écrit Antonio Tajani sur Twitter. Après les récentes auditions dans les commissions des libertés civiles et respectivement de contrôle budgétaire du Législatif communautaire, Laura Codruţa Kövesi a devancé par le nombre de voix obtenues ses contre-candidats Jean-François Bohnert (France) et Andres Ritter (Allemagne). Ultérieurement, la Conférence des présidents du PE a décidé de soutenir la nomination de Mme Kövesi aux fonctions de procureur chef du futur Parquet européen. Ce dernier sera nommé après des négociations entre le Parlement et le Conseil des Etats membres, qui préfèrent le candidat français. Le Parquet européen, qui devrait commencer son activité jusqu’à la fin 2020, sera un bureau indépendant chargé d’enquêter, de poursuivre et de renvoyer en justice les infractions contre le budget de l’UE. Le procureur européen aura un mandat de 7 ans non renouvelable.



    Royauté — La dépouille mortelle de l’ancien souverain de Roumanie, Carol II, a été ré inhumée ce samedi dans une des cryptes de la nouvelle Cathédrale de l’Archevêché de Curtea de Argeş (sud), nécropole royale. Le cercueil a été descendu dans une crypte non loin de celles où reposent le dernier roi de Roumanie, Michel Ier et son épouse la reine Anne. Carol II de Roumanie a régné entre 1930 et 1940. Son règne a été particulièrement controversé, et caractérisé par la prospérité économique, un épanouissement culturel et de la fidélité par rapport aux alliances traditionnelles avec les démocraties occidentales. D’autre part, il a été marqué par l’immoralité du roi, la corruption de sa camarilla, ses pratiques autoritaires et, à compter de 1938, la mise en place de sa dictature personnelle. En 1940, après avoir cédé sans combat aux voisins soviétiques, hongrois et bulgares environ un tiers du territoire national, Carol II a été obligé d’abdiquer en faveur de son fils Michel. Il a vécu en exil et il est décédé au Portugal en 1953. En 2003, le cercueil a été apporté de Lisbonne et a été déposé dans une chapelle à Curtea de Argeş.



    Commémoration — Les anciens détenus politiques et les victimes du régime communiste de Roumanie de la période 1944-1989 ont été commémorées ce 9 mars, date à laquelle l’Eglise orthodoxe fête les 40 martyrs. Un service religieux a été officié à Bucarest, et des dépôts de couronnes de fleurs ont été organisés. Estimation est faite que le régime communiste a emprisonné 1 million de Roumains, dont des dizaines de milliers sont morts à cause du régime de détention.



    Visas — L’Union européenne a annoncé qu’à partir de 2021, les citoyens des Etats Unis auront besoin de visas pour voyager dans l’espace Schengen. Les Américains doivent être en possession d’un passeport en cours de validité, d’une carte de crédit ou de débit et d’une adresse courriel pour demander un visa ETIAS (European Travel Information and Authorization System), informe le site www.etiasvisa.com. Les mineurs n’auront besoin que d’un passeport et d’être inscrits à ETIAS. A présent, les ressortissants des Etats Unis n’ont plus besoin de visas pour des séjours de moins de 90 jours dans l’espace Schengen. « Comme d’autres régions du monde, l’Europe a décidé récemment d’améliorer son système de sécurité pour éviter tous les autres problèmes liés à la migration clandestine et au terrorisme », indique le site précité. La Commission européenne a publié pour la première fois en 2016 un rapport demandant aux Etats Unis de renoncer à demander un visa pour les citoyens de cinq pays communautaires : Bulgarie, Chypre, Croatie, Pologne et Roumanie, car, selon les normes de l’UE, tous les citoyens européens doivent bénéficier du même traitement.



    Rougeole — 111 nouveaux cas de rougeole ont été rapportés, cette dernière semaine, à Bucarest et dans 20 départements de Roumanie, a annoncé le Centre national de suivi et de contrôle des maladies transmissibles de l’Institut national de santé publique. Le plus grand nombre de malades ont été enregistrés dans les départements de Iaşi (est), Bihor (ouest) et Prahova (sud). Le nombre total de cas de rougeole confirmés en Roumanie dépasse jusqu’à présent les 16.000, dont 62 décès. La rougeole est une maladie infectieuse qui mène bien des fois à des complications.



    Tennis — La joueuse de tennis roumaine Simona Halep, numéro 2 mondiale, affrontera Katerina Kozlova d’Ukraine au 3e tour du tournoi WTA dIndian Wells, aux Etats-Unis. Au deuxième tour, elle a disposé de la Tchèque Barbora Strycova par 6-2, 6-4. Simona a été championne en 2015 à Indian Wells. Ce dimanche, le duo roumano-américain Monica Niculescu/Abigail Spears rencontrera le couple Gabriela Dabrowski/Yifan Xu (Canada/Chine) dans les huitièmes de finale. Dans le concours masculin, à l’épreuve de double, le Roumain Horia Tecău et le Néerlandais Jean-Julien Rojer joueront au premier tour contre la paire Marton Fucsovics (Hongrie)/Guido Pella (Argentine).



    Rugby — Au Championnat International de Rugby 2019, la sélection nationale de la Roumanie a vaincu l’équipe de la Russie 22 à 20, samedi, à domicile. Dans le dernier match, la Roumanie rencontre la Belgique en déplacement, le 17 mars. Dans les trois premiers matchs de la compétition, les Roumains ont perdu face à la Géorgie, 9-18, ils se sont imposés 38 à 10 contre l’Allemagne et ont essuyé une défaite de la part de l’Espagne, 21-18. Ce championnat est considéré le 2e sir le continent du point de vue de la valeur, après le célèbre tournoi des Six nations. Au classement international, la Roumanie est 18e, sa position la plus faible des six dernières années.


  • 09.03.2019

    09.03.2019

    Enquête — La Section spéciale d’investigation des magistrats de Bucarest a annoncé que l’ancienne procureure en chef du Parquet national anticorruption (la DNA), Laura Codruţa Kövesi, est mise en examen dans un deuxième dossier, accusée de création d’une association de malfaiteurs et de complicité de répression injuste. En 2015-2016, Mme Kövesi aurait coordonné, par ses ordres et dispositions, un groupe criminel créé par deux procureurs et par un officier de police judiciaire, soupçonnés d’enquête abusive, de répression injuste, d’avoir influencé les déclarations et d’avoir induit en erreur les organes judiciaires. L’ancienne cheffe de la DNA a estimé que ces accusations étaient des fabulations censées la dénigrer. Dans un premier dossier ouvert par la Section spéciale d’investigation des magistrats, Laura Codruţa Kövesi est accusée d’abus de pouvoir, de faux témoignage et de corruption passive. Rappelons que l’ancienne procureure en chef de la DNA a été révoquée de ses fonctions l’été dernier. Le ministre de tutelle, Tudorel Toader, lui reprochait, entre autres, d’avoir défié l’autorité du parlement et d’avoir contesté des décisions de la Cour constitutionnelle.



    Laura Codruţa Kövesi — Le président du Parlement européen, Antonio Tajani, a adressé au ministre roumain des Affaires européennes et président en exercice du Conseil de l’Union européenne, George Ciamba, une lettre officielle lui annonçant que Laura Codruţa Kövesi est la candidate du Parlement européen pour les fonctions de procureur chef européen. « Laura Codruţa Kövesi a toutes les qualités nécessaires pour faire un très bon travail », a écrit Antonio Tajani sur Twitter. Après les récentes auditions dans les commissions des libertés civiles et respectivement de contrôle budgétaire du Législatif communautaire, Laura Codruţa Kövesi a devancé par le nombre de voix obtenues ses contre-candidats Jean-François Bohnert (France) et Andres Ritter (Allemagne). Ultérieurement, la Conférence des présidents du PE a décidé de soutenir la nomination de Mme Kövesi aux fonctions de procureur chef du futur Parquet européen. Ce dernier sera nommé après des négociations entre le Parlement et le Conseil des Etats membres, qui préfèrent le candidat français. Le Parquet européen, qui devrait commencer son activité jusqu’à la fin 2020, sera un bureau indépendant chargé d’enquêter, de poursuivre et de renvoyer en justice les infractions contre le budget de l’UE. Le procureur européen aura un mandat de 7 ans non renouvelable.



    Royauté — La dépouille mortelle de l’ancien souverain de Roumanie, Carol II, est ré inhumée aujourd’hui dans une des cryptes de la nouvelle Cathédrale de l’Archevêché de Curtea de Argeş (sud), nécropole royale. Le cercueil a été sorti de la chapelle où il était depuis 2003, lorsqu’il a été apporté de Lisbonne, et a été déposé sur un catafalque. Après un service divin, le cercueil sera descendu dans une crypte non loin de celles où reposent le dernier roi de Roumanie, Michel Ier et son épouse la reine Anne. Carol II de Roumanie a régné entre 1930 et 1940. Son règne a été particulièrement controversé, et caractérisé par la prospérité économique, un épanouissement culturel et de la fidélité par rapport aux alliances traditionnelles avec les démocraties occidentales. D’autre part, il a été marqué par l’immoralité du roi, la corruption de sa camarilla, ses pratiques autoritaires et, à compter de 1938, la mise en place de sa dictature personnelle. En 1940, après avoir cédé sans combat aux voisins soviétiques, hongrois et bulgares environ un tiers du territoire national, Carol II a été obligé d’abdiquer en faveur de son fils Michel. Il a vécu en exil et il est décédé au Portugal en 1953.



    Tennis — La joueuse de tennis roumaine Simona Halep, numéro 2 mondiale, s’est qualifiée au 3e tour du tournoi WTA dIndian Wells, aux Etats-Unis. Elle a disposé de la Tchèque Barbora Strycova par 6-2, 6-4. Simona, championne en 2015 à Indian Wells, affrontera Katerina Kozlova d’Ukraine. En revanche, Mihaela Buzarnescu s’est inclinée devant lAustralienne Daria Gavrilova 6-2, 6-2. Dans le concours de simple messieurs, le Roumain Marius Copil a été vaincu par le Moldave Radu Albot 6-2, 6-2.



    Météo — Temps particulièrement chaud en Roumanie, même si les températures sont en légère baisse par rapport à hier. Le ciel est nuageux et des pluies à verse ne sont pas exclues sur le sud-ouest, le centre et l’est notamment. Des giboulées et des chutes de neige sont signalées à plus de 1800 m d’altitude. Les maximales du jour vont de 10 à 20°, avec 19° sous le soleil à Bucarest.

  • The Crisis of 1927

    The Crisis of 1927

    Throughout the course of history, the moments of crisis have never managed to predict accurately enough the true proportions of the events that would follow. In the first half of the 20th century, the decline of democracy had been announced through signals that people often overlooked, in the hope that things would go back to normal. Before the start of WW2, there had been several clues as to who the enemies of democracy were. In Romania, democracy was clearly at risk in February 1938 when King Carol II banned all political parties, drew up a new constitution and instated his own dictatorial regime.



    However, the political situation in 1938 could have been anticipated long before. The crisis of Romanian democracy had started ever since 1927, a crucial year in the country’s political history. The year 1927 was marked by the death of two outstanding personalities of that time: King Ferdinand and the visionary Liberal politician Ion I. C. Bratianu. They had both contributed a great deal to the creation of Greater Romania. The inter-war Romania never really managed to absorb the shock of losing those two men, which accelerated the degradation of the monarchy’s image and marked the start of a difficult period for the Liberal Party. Moreover, in 1927 the Romanian political class and society were faced with the issue of finding a successor to Ferdinand I, given that his heir, Mihai, was only 5 years old. Florin Muller, a professor of Romanian contemporary history with the Bucharest University tells us how King Ferdinand’s death impacted monarchy in Romania.



    Florin Muller: “The death of King Ferdinand I impacted Romanian history for a long period and reopened what was believed to be ‘a closed subject’, namely the act of January 4th 1926, when Carol II, King Ferdinand’s son, had given up his rights as heir to the throne. King Ferdinand’s death showed that the problem of his successor was still one to be solved. The regency was only a temporary structure, a mock monarchy, unable to fill in the institutional gap. King Ferdinand did not have the authoritarian leadership style of Bratianu or of his son, Carol II. But he gave monarchy the appearance of a solid and stabile institution. Ferdinand’s rule did not have any of the authoritarian accents that defined the reign of his son Carol II. We could also mention the authoritarian inclinations of Queen Marie, King Ferdinand’s wife, but they were not strong enough to be relevant for his rule. King Ferdinand strengthened the idea of monarchy, which was more of an institution of representation rather than one of real power.”



    The National Liberal Party was unable to recover after Ion Bratianu’s death, as they could not find a replacement of equal value. No one else seemed able to lead the party the way Bratianu did, says Florin Muller:


    “Ion I.C.Bratianu was the driver and promoter of the liberal type of democracy. He only allowed limited democracy, within the boundaries accepted by the Liberal Party, in the sense that reforms had to be carried out at a higher level. The executive power decided on the legislative power. An essential characteristic of the Romanian political life in the 1920s, whose effects would continue to be felt in the following years, was Bratianu’s hyper-personalization. Ion I.C.Bratianu was highly influential and the Liberal leaders themselves had a great power that exceeded the limits of a democratic system. Bratianu’s personality prevented the emergence of a genuine Liberal political elite. Among the Liberal leaders that succeeded Ion I.C. Bratianu were I.G. Duca and his brother Vintila Bratianu, but there was no comparison between them. Duca seemed closer to Ion Bratianu’s style, but that was not the case with other Liberal politicians.”



    The National Peasant Party, set up in 1926 in opposition to the Liberals, took advantage of the crisis within the Liberal Party to become the party in power in 1928. But this party was unable to temper the authoritarian tendencies of the future King Carol II.



    Florin Muller: “The political and ideological stake of the National Peasant Party was a genuine one, in the sense that this party’s members were raising awareness as to the oligarchic power of the National Liberal Party by using many arguments. But the National Peasant Party came with a leftist pseudo-revolutionary rhetoric, which did not quite meet Romanian society’s long term expectations. Assuming that these pseudo-revolutionary accents were annihilated by Iuliu Maniu, the Peasant Party also had to deal with the idea of restoration, of bringing Prince Carol back to the country and proclaiming him a king. A new power pole was formed alongside the Peasant Party that came to power in 1928, which in fact sabotaged the party. It’s interesting to note that the Peasant Party and Maniu himself had an ambiguous stand towards restoration. Maniu, unlike Duca and the Liberals favored a revision of the act of January 4, 1926. But the Peasant Party wanted the revision to be made within the democratic confines, with the future king pledging to respect democracy. Carol, however, had never given assurances in this respect, not to mention putting into practice what Maniu wanted, which was observing the constitutional principles.”



    Starting 1927, another important player on Romania’s political scene was the Legion of the Archangel Michael, a fascist movement. Having the ambition to transform society, the legionnaires wanted to free society from the evil of capitalism. 1927 was the year when the once calm manner of doing politics was replaced by a more aggressive manner, and radicalism became the defining term of political rhetoric.

  • Mihail Moruzov – der Geheimdienstler, der überall mitmischte

    Mihail Moruzov – der Geheimdienstler, der überall mitmischte

    Die Boulevardpresse könnte über das Leben von Mihail Moruzov, dem Leiter des Nachrichtendienstes Rumäniens in der Zwischenkriegszeit, schreiben, es sei wie ein Roman. Die Realität ist aber viel interessanter als die Fiktion und das Leben von Mihail Moruzov erweist sich als zu komplex für einen Roman. Mihail Moruzov war ein Mensch von au‎ßerordentlicher Intelligenz, der eine der stärksten Staatsstrukturen führte und dabei einige der wichtigsten Entscheidungen der rumänischen Regierung beeinflusste.



    Geboren wurde Moruzov am 8. November 1887 in einer gro‎ßen Familie mit sieben Kindern, im ostrumänischen Zebil, Landkreis Tulcea, der als Tor zum Donaudelta gilt. Sein Vater, Nicolae Moruzov, war Priester, seine Mutter stammte aus einer ukrainischen Kosakenfamilie, die sich in Rumänien niederlie‎ß. Horia Sima, der Leiter der faschistischen Eisernen Garde, beschrieb Moruzov als einen Mann mit breitem, fast flachgedrücktem slawisch-mongolischem Gesicht“. Sein Nachfolger an der Leitung des Nachrichtendienstes, Eugen Cristescu, zeichnete seinerseits ein realitätsnahes Porträt von Moruzov: Er konnte Russisch und Bulgarisch, Sprachen, die er in seiner Familie gelernt hatte, aber keine westeuropäische Sprache, deswegen stie‎ß er auf gro‎ße Schwierigkeiten in seinen beruflichen und sozialen Beziehungen. Er hatte drei Gymnasialjahre abgeschlossen, dennoch las er kein Buch, sondern nur Zeitungen, die er allerdings sehr oberflächlich las.“



    Mihail Moruzov liebte sein Land und wollte ein treuer Bürger sein. So kann man auch seine erste Mission im Auftrag des rumänischen Nachrichtendienstes rechtfertigen, woran er sich als Volontär beteiligte. Der Historiker Cristian Troncotă beschrieb die Mission wie folgt: 1909 entdeckte und anschlie‎ßend machte er den rumänischen Behörden einen Plan der Bulgaren aus der Dobrudscha bekannt, die einen Aufstand gegen den rumänischen Staat entfachen wollten. Während des Ersten Weltkriegs arbeitete er für die rumänische Gegenspionage in der Dobrudscha und im Donaudelta und trug somit erheblich zur Abwehr verhängnisvoller Aktionen rumänischer Deseurteure russischer Nationalität, der bulgarischen und deutschen Propaganda innerhalb der russischen Armee und der Aktionen der russischen Diplomaten in Sulina bei. 1920 wird Moruzov beschuldigt, im Auftrag der russischen und bulgarischen Spionage gehandelt sowie Geld geschmuggelt zu haben. Infolgedessen wird er im Jahr 1920 verhaftet, kurz danach wird er dennoch aus Mangel an Beweisen freigelassen.



    Nach 1918 erlebt die Karriere von Moruzov einen furiosen Aufstieg. Für seine Erfolge bei der Informationstätigkeit während des Ersten Weltkriegs wird er befördert. Anschlie‎ßend wird er zum Gründer des Sonder-Nachrichtendienstes 1924. Die Nachbarschaft der Sowjetunion und ihre aggressive Politik hatten die Notwendigkeit des Dienstes deutlich gemacht. In den 1930er Jahren gehört Moruzov zum engeren Umfeld des Königs Carol II. — die Gruppe wurde als Kamarilla des Königs“ bezeichnet, weil sie staatliche Strukturen für politische Raufereien und persönliche Bereicherung ausnutzte. Etwa zur gleichen Zeit entwickelt sich die Beziehung zu den Anführern der Legionäre, insbesondere zu Horia Sima. Das bestätigt der Oberst Traian Borcescu, ehemaliger Agent des Sondernachrichtendienstes, in einem 1996 aufgezeichneten Interview mit dem Zentrum für Mündliche Geschichte des Rundfunks:



    Horia Sima war Moruzovs Agent, denn Moruzov wollte Informationen aus dem nahen Umfeld von Hitler bekommen. Und durch Horia Sima konnte er sich sowohl militärische Informationen über die Wehrmacht besorgen, deren Geheimdienst, die sogenannte »Abwehr«, von Canaris geleitet wurde, als auch politische Informationen über Hitler. Durch Horia Sima gelang eine Annäherung an Himmler und für die Annäherung an die Wehrmacht arbeitete Moruzov auch mit anderen Personen zusammen.“




    Gemä‎ß dem Zeitzeugenbericht von Teodor Aleonte, Offizier im Sondernachrichtendienst, hatten die Legionäre mehrere Informanten und Agenten in der Staatssicherheit als umgekehrt. Traian Borcescu glaubte zu wissen, welche Karten der Legionärsanführer Horia Sima und Mihail Moruzov im Kampf um die Einflusssphären im Staatsapparat spielten:



    Die Freundschafts- und Kooperationsbeziehungen zwischen Moruzov und Horia Sima werden dadurch deutlich, dass König Carol die Bildung einer Legionärsregierung zulie‎ß. Moruzov hatte ihm eingetrichtert, dass Horia Sima auch ihn töten könnte, das versetzte Carol in Angst und Panik. Und jetzt stand Sima kurz bevor, der Regierung beizutreten, obwohl er kurz davor verhaftet und verurteilt werden sollte. Also hat Moruzov Horia Sima gerettet und ihn befördert. Und bestimmt hat er ihm auch ein paar Groschen zukommen lassen. Moruzov kannte die Vergangenheit von Horia Sima, wie er rekrutiert worden war und was er gemacht hatte. Deshalb dachte Moruzov, Horia Sima würde sich bei ihm dafür revanchieren, dass er ihm sein Leben gerettet und ihm zum Aufstieg verholfen hatte. Das sollte aber nicht eintreffen, denn in solchen Situationen werden Wohltäter getötet. In Jilava wurden alle umgebracht, der letzte, der starb, war Moruzov. Nach der Verhaftung und Hinrichtung von Moruzov kam der von Hitler entsandte Canaris nach Rumänien. Das, weil Himmler Hitler über die Entwicklung im Land in Kenntnis gesetzt hatte. Und Canaris ist bei Antonescu vorstellig geworden und hat sich nach Moruzov erkundigt. Da hat Antonescu geantwortet: ‚Es tut mir leid, aber die Legionäre haben ihm den Garaus gemacht.‘“




    Mihail Moruzov ist am 5. September 1940 auf Befehl von Ion Antonescu verhaftet worden. Die Eiserne Garde hatte davor Druck ausgeübt, denn sie wollte ihn für die zahlreichen Gesetzwidrigkeiten an der Spitze des Sondernachrichtendienstes vor Gericht bringen. Auch wenn die Kamarilla von Carol versuchte, auf mehreren Hochzeiten zu tanzen und sich Deutschland anzunähern, scheiterte sie und ihre Mitglieder, einschlie‎ßlich Moruzov, landeten mit wenigen Ausnahmen im Gefägnis. Eines seiner grö‎ßten Vergehen in den Augen der Legionäre war die Beteiligung an den Plänen Carols, die Anführer der Eisernen Garde in den Jahren 1938-1939 zu beseitigen. In der Nacht zum 27. November wurde Mihail Moruzov gemeinsam mit weiteren 63 früheren Amtsträgern in seiner Zelle in der Gefängnisanstalt von Jilava von einer Legionärsgruppe getötet.

  • Rivalités politiques: le roi Carol II et le prince Nicolae

    Rivalités politiques: le roi Carol II et le prince Nicolae

    Le roi Carol II, qui a régné entre 1930 et 1940, compte parmi les personnalités les plus controversées de l’histoire de la Roumanie. Fils aîné du roi Ferdinand et de la reine Marie, Carol était orgueilleux, rancunier et enclin à la vengeance. Il rêvait de devenir le leader national absolu, tissait des intrigues et s’entourait de personnes qui partageaient ses valeurs. Dans le monde politique, il a été répudié tant par des figures de proue de la démocratie roumaine, tel Iuliu Maniu, que par l’extrême droite. A la fin de sa décennie de règne, la Roumanie de Carol II agonisait, avec des territoires amputés dans l’est, l’ouest et le sud.




    Carol II est même entré en conflit avec les membres de sa famille, par exemple avec son frère, le prince Nicolae. Quatrième enfant du couple royal Ferdinand et Marie, Nicolas a été baptisé par le tzar russe Nicolas II, celui qui allait être liquidé par le régime bolchevique en 1918. Malgré l’éducation reçue, celle d’un héritier du trône de Roumanie, Nicolas a constamment refusé d’assumer une telle mission, malgré les nombreuses occasions de le faire.



    L’historien Ioan Scurtu croit que le prince Nicolas n’avait jamais eu envie de devenir monarque. « Le prince Nicolae était le deuxième enfant des six enfants de la princesse Marie, celle qui allait devenir reine de Roumanie aux côtés de son époux, le roi Ferdinand. Le prince Nicolae n’a jamais voulu être roi, ni même lorsque le premier ministre Alexandru Marghiloman avait proposé de le proclamer héritier du trône. Un de ces moments a été en 1918, quand Carol avait épousé Zizi Lambrino, malgré le risque de se voir exclus de la famille royale. Ensuite, pendant la régence de 1927 – 1930, la reine Marie avait proposé, elle aussi, de faire élire Nicolae premier régent, pour diriger pratiquement la Maison royale. Mais, je le répète, le prince Nicolae n’a pas eu de telles velléités. »



    Dans une fratrie, il y a toujours des querelles; chose valable aussi dans le cas des familles royales. L’historien Ioan Scurtu explique la rivalité entre Carol et Nicolae par deux raisons. Le premier serait l’orgueil de Carol de voir son entourage obéir à sa volonté dans tous les aspects de la vie, même dans le cas des choix personnels ou sentimentaux. « Le 6 juin 1930, quand Carol est rentré au pays de l’exil qu’il s’était lui même imposé, le prince Nicolae l’a accueilli les bras ouverts au Palais de Cotroceni et l’a embrassé, lui souhaitant la bienvenue. Je pense qu’à l’origine du conflit se trouvait une question de nature subjective, à savoir le mariage du prince Nicolae avec une personne qui ne faisait pas partie des familles royales, ce qui était contraire au statut de la Maison Royale. Carol a tenté d’amener Nicolae sur le bon chemin. Ce même Carol qui vivait une histoire d’amour avec Elena Lupescu, elle non plus de souche noble et qu’il n’a même pas épousée. Nicolae s’était marié avec Ioana Dolete-Săveanu en décembre 1931. A la suggestion de Carol, le ministre de l’intérieur Constantin Argetoianu a demandé au maire de la commune de Tohani, où la cérémonie de mariage avait eu lieu, d’apporter le registre des mariages et de faire venir le notaire. Celui-ci a dû copier en entier le registre des mariages et en rayer celui du prince Nicolae avec Ioana Săveanu. »



    La rivalité entre les deux frères a également été causée par les sympathies politiques du cadet. De l’avis de Ioan Scurtu, cet autre motif avait pesé plus dans ce conflit. « La deuxième cause du conflit est celle des options politiques de Nicolae. Il s’était rapproché de la Légion de l’Archange Michael. En avril 1936, ce mouvement avait organisé un congrès lors duquel avaient été constituées les équipes de la mort, qui devaient liquider plusieurs adversaires politiques, dont Elena Lupescu. N’agréant pas le prince Nicolae, Elena évitait aussi la compagnie de son épouse. Pour forcer la note, Nicolae a fait des gestes de sympathie envers les membres de la Légion de l’Archange Michel. C’est ce qui explique pourquoi cette dernière a diffusé un tract élogieux à l’adresse du prince, qui avait pris position contre Mme Lupescu, considérée comme « un malheur » pour le pays. Une année plus tard, en avril 1937, sur l’initiative de Carol II, un Conseil de la couronne décida d’écarter le prince Nicolae de la famille royale. La question était délicate, car on l’accusait de mésalliance, autrement dit de violation du statut de la Maison royale. »




    La fin de la guerre c’est aussi la fin de la dynastie royale de Roumanie. La famille royale a été obligée à suivre l’exemple de Carol II, lequel avait choisi de s’exiler, en 1940. Et ce fut Nicolae qui fit le premier pas vers la réconciliation avec son frère.



    Ioan Scurtu : « Bien qu’ostracisé et en dépit de la très mauvaise attitude du roi, Nicolae a été le seul membre de la famille royale à participer aux obsèques de Carol II. Le prince Nicolae, ce personnage intéressant du paysage politique roumain, n’a jamais convoité le trône. Il n’est pas moins vrai, cependant, qu’il a eu du mal à digérer l’implication d’Elena Lupescu dans la vie politique. »




    La rivalité qui a opposé le roi Carol II à son frère, le prince Nicolae, n’est pas allée aussi loin que celle entre le roi et Corneliu Codreanu, le chef de la Légion de l’Archange Michel, une rivalité qui allait d’ailleurs finir par l’assassinat de Codreanu. Pourtant, le capricieux roi Carol II n’a pas hésité à recourir à toutes les manigances, afin d’imposer sa volonté à son frère…


  • Iuliu Maniu, le gentleman de la démocratie roumaine

    Iuliu Maniu, le gentleman de la démocratie roumaine


    Quand ils prononcent le mot « politique », la plupart des Roumains deviennent suspicieux. Pour eux, la politique telle quelle se présente aujourdhui est synonyme de corruption, darrogance, darrivisme, quelques-uns des pires traits de caractère de nous autres humains. Seulement, voilà, les exceptions sont là pour confirmer la règle ; cest le cas de Iuliu Maniu qui vient infirmer la majorité de nos préjugés.


    Iuliu Maniu est né en 1873 dans le nord-ouest du territoire actuel de la Roumanie, dun père avocat et dune mère qui était la fille dun prêtre uniate (grécà-catholique). Il suit lexemple de son père et choisit une carrière davocat, soutenant sa thèse de doctorat en 1896, à lUniversité de Vienne, capitale de lempire austro-hongrois. Le jeune Maniu entre en politique et adhère au Parti national roumain de Transylvanie, à lépoque sous la domination de lAutriche-Hongrie.


    En 1906, il est élu député au parlement de Budapest ; en 1915, il est mobilisé dans larmée austro-hongroise qui combat sur le front italien et en 1918, à la fin de la Grande guerre, Iuliu Maniu et plusieurs autres leaders des Roumains de Transylvanie décident de lunion de cette province historique avec le Royaume de Roumanie. En 1926, Maniu et Ion Mihalache fondent le Parti national paysan, un des partis politiques les plus importants de lentre-deux-guerres en Roumanie.


    Entre 1918 et 1945, Iuliu Maniu occupe trois fois le fauteuil de premier ministre. Démocrate convaincu, il refuse de collaborer avec la dictature fasciste et surtout avec celle communiste. Jeté en prison en 1947, lorsquil avait déjà 75 ans, Iuliu Maniu meurt le 5 février 1953, à cause des mauvais traitements appliqués aux détenus dans la geôle de Sighet.


    Incorruptible, charismatique, tenace, Maniu a vraiment été lhomme dont les Roumains avaient besoin pour traverser les moments difficiles de leur histoire de la première moitié du 20e siècle. Tous ceux qui lont connu se souviennent de lui comme dun modèle à suivre en politique et dans la vie courante. Parmi les innombrables témoignages, nous en avons choisi deux, archivés au Centre dhistoire orale de la Radio publique roumaine. En 2000, Ioana Berindei, fille de Ioan Hudiţă, un des ténors du Parti national paysan, se souvenait de celui quelle appelait « Monsieur Iuliu Maniu » comme dune personne exceptionnellement généreuse et modeste : « Maniu était dune modestie rare ! Cétait quelquun de très gentil, avec une voix très douce. Je me souviens quun jour il est venu déjeuner chez nous et ma sœur et moi lavons accueilli ; “bonjour, mes chères demoiselles”, nous a-t-il saluées. Moi, jai remarqué une tache sur le col de sa veste et je lui ai demandé de me permettre de la nettoyer. “Aïe, quelle honte !”, sest-il exclamé. Alors je lui dis que cela peut arriver et quil me laisse enlever la tache pour pas quil lemporte aussi ailleurs. M. Maniu était très malade à lépoque, il se laissait pratiquement choir sur la chaise. Ses genoux lui faisaient mal et il avait des difficultés à marcher, mais je ne lai jamais vu nerveux ou irrité par quoi que ce soit. Il était dun calme reposant. En tant quhomme politique, il était intransigeant. Cest ce que mon père aimait chez lui, dailleurs. Il ne cédait jamais ! Les mauvaises langues disaient qu’il avait du mal à se décider. Mais ce sont des méchancetés faciles, tous les hommes politiques ont des ennemis, personne nest parfait ni ne peut vivre sans avoir des opposants. Mais pour M. Maniu, je vous dis que je ne lui ai pas trouvé de failles, et je ne dis pas ça parce que mon père laimait bien, ni parce que moi je lai connu. Il sest opposé de toutes ses forces au roi Carol II. Maniu a été déçu par le roi dont il a vu toutes les erreurs. »


    Sergiu Macarie, militant de la jeunesse nationale paysanne, racontait en 2000 que lentrée des Soviétiques en Roumanie à la fin de la seconde guerre mondiale a été un signal dalarme pour la société roumaine qui sest mobilisée contre ces ennemis. Malgré son âge et sa maladie, Iuliu Maniu na pas hésité à sy impliquer activement : « Il ne passait pas deux-trois jours sans un accrochage avec les bandes communistes. Il y avait des réunions plus importantes et on savait tout de suite que ceux-là allaient venir. Nous nous rassemblions tous sur la Place du Palais et acclamions le roi, et puis le roi sortait au balcon et nos ovations faisaient résonner la grande place.Et à chaque fois, des véhicules transportant des ouvriers armés de matraques faisaient leur apparition. Le 15 mai 1947, par exemple, cétait lanniversaire des 98 ans depuis le discours d’affirmation nationale de Simion Bărnuţiu, au Champ de la Liberté de Blaj, en Transylvanie, et Maniu sest joint à nous. A la fin, on a vu de ces véhicules. On a peiné pour évacuer le président du parti de là. »


    Iuliu Maniu a été un symbole de la démocratie. Entre 1944 et 1947, le poids de son nom a attiré les espoirs des Roumains et la considération des Occidentaux qui lont tenu pour leur plus important partenaire de dialogue. Son intransigeance lui a coûté la vie, mais son sacrifice la transformé en un repère de la politique roumaine du 20e siècle. (trad. : Ileana Taroi)