Tag: Casa Buna

  • Aide citoyenne pour un ghetto de Bucarest

    Aide citoyenne pour un ghetto de Bucarest

    Sis dans la partie sud-ouest
    de la capitale roumaine, Bucarest, le quartier de Ferentari est devenu, avec le
    temps, un synonyme de vie insalubre, de pauvreté, de violence, de précarité
    extrême et généralisée. Le grand nombre d’habitants d’ethnie rom est la raison
    pour laquelle ce quartier ressemble à un ghetto, puisque rares sont les gens de
    Ferentari qui décident d’en franchir les confins réels et symboliques pour
    aller vivre mieux ailleurs. La solution serait d’améliorer la vie de ces gens
    dans le ghetto, une tâche à laquelle Valeriu Nicolae s’est attelé depuis une
    bonne dizaine d’année. Informaticien ayant travaillé aux Etats-Unis et au
    Canada, fondateur du premier groupe de réflexion sur les problèmes de la
    population Rom de Roumanie, membre du Haut Commissariat des Nations Unies aux
    droits de l’homme, directeur régional de la Communication et Plaidoyer au sein de World Vision
    International et ministre secrétaire d’Etat au gouvernement roumain en 2016,
    Valeriu Nicolae a milité sans répit pour les droits des déshérités de ce monde.

    Ethnique rom issu d’un milieu défavorisé, Valeriu Nicolae connaît parfaitement
    les problèmes de vie des marginaux, il sait aussi à quel point il est important
    pour les enfants d’avoir une chance de sortir du ghetto. C’est ce qui l’a
    poussé, en 2007-2008, à rejoindre d’autres bénévoles et à se rendre, ensemble,
    dans une école de Ferentari, pour aider les élèves à faire leurs devoirs. L’établissement
    scolaire était non loin d’un endroit connu sous le nom d’Allée de la drogue, un
    endroit où « l’on peut facilement trouver au moins 40-50 personnes en
    sevrage », raconte Valeriu Nicolae. Ordures, rats, cafards, pacs de 5-6
    personnes entassées dans des studios de 14 mètres carrés, font partie du
    quotidien vécu par ceux que Valeriu Nicolae aide. L’été dernier, soutenus par
    des bénévoles tenaces, les enfants du quartier occupaient chaque weekend
    quelques salles de classe où ils se faisaient aider dans leur travail scolaire,
    se souvient Valeriu Nicolae. « On
    les aidait à faire leurs devoirs scolaires et bine plus que ça: on a réussi à
    faire délivrer des certificats d’invalidité pour les parents ayant ce genre de
    problème, on a aidé les gens ayant des problèmes de santé, depuis des problèmes
    dentaires jusqu’à des interventions chirurgicales cardiaques. On a essayé de
    les aider avec tout ce qu’ils avaient besoin. La quasi-totalité des enfants
    avec lesquels on a travaillé étaient presque sur le point d’abandonner l’école.
    Aucun d’entre eux ne l’a fait et sur la centaine d’enfants, seuls deux ont des
    résultats mitigés. Avant c’était un désastre. La majorité abandonnait les
    études au passage au collège. A présent, on en a qui vont au lycée, la
    situation est donc meilleure. Et on leur assurait aussi un repas chaud
    . »


    Tout allait bien, même trop
    bien, puisque la mairie du 5-e arrondissement de Bucarest, où est situé le
    quartier de Ferentari, a décidé de
    mettre en œuvre sont propre programme d’assistance dans le même établissement
    scolaire et de poussaer ainsi à la sortie Valeriu Nicolae et ses bénévoles. Mais
    Valeriu Nicolae n’a pas jeté l’éponge et a ouvert la Bonne Maison/Casa Bună, dans un immeuble
    voisin de son propre logement, tout près de Ferentari. Les enfants du ghetto y
    viennent pour continuer « l’éducation d’après l’école ». La Bonne Maison/Casa Bună a
    ouvert ses portes à l’automne 2019, un mois après l’achat de l’immeuble, grâce
    à la générosité publique et à l’abnégation des bénévoles, raconte Valeriu
    Nicolae. «On a pris deux minibus et les
    voitures personnelles des bénévoles et on ramené les enfants à la Bonne Maison
    et puis chez eux, tout les weekends. On y est arrivé encore une fois à avoir
    une bonne centaine d’enfants et c’était mieux qu’avant. La Bonne Maison nous
    appartenait, elle était le lieu où on pouvait faire ce que l’on voulait. Nous y
    avons rassemblé une bibliothèque et tout se passait bien, parce qu’on a été
    aidé par beaucoup de gens, par exemple des chefs très connus qui sont venus
    cuisiner pour les enfants. »


    Et
    puis, tout d’un coup, il y a eu l’état d’urgence à cause de la pandémie de
    COVID-19, les écoles ont été fermées et le confinement est devenu le nouveau
    mot d’ordre. Impossible, donc, d’accueillir les enfants à la Bonne Maison, mais
    des solutions se sont tout de même fait jour, se félicite Valeriu Nicolae. « Les enfants progressaient et on ne
    pouvait pas arrêter de travailler avec eux. Alors, je me suis mis à installer
    des ordinateurs et des hotspots (points d’accès) wi-fi dans le ghetto. On m’a
    fait don de cartes d’accès illimité à internet, des gens m’ont offert de vieux
    téléphones. On a agi très vite et moi, je me suis tourné vers mon ancienne
    profession d’informaticien et j’ai réussi à installer rapidement à peu près
    tout ce qu’il fallait. J’ai installé les ordinateurs et des logiciels
    éducationnel et, à l’heure où l’on parle, une cinquantaine de bénévoles
    travaillent quotidiennement en ligne avec ces enfants. C’est en ligne qu’on les
    tient branchés. »


    Dans le ghetto de Ferentari,
    les restrictions actuelles et l’arrêt d’un grand nombre d’activités économiques
    rendent encore plus difficile la vie des gens. Mais Valeriu Nicolae et ses
    bénévoles reçoivent des dons de la part de différentes compagnies, ce qui leur
    permet de ramener dans le ghetto des produits laitiers, des produits de
    boulangerie, des denrées alimentaires, du café, des thés… « Nous arrivons à
    couvrir les besoins de produits d’alimentation. De nombreux gens de là-bas ont
    perdu leurs emplois. Mais, depuis le confinement, nous réussissons à fournir le
    nécessaire aux familles avec lesquelles nous travaillons. J’espère pouvoir
    continuer à le faire, mais la situation empire dans le ghetto. Bien que les
    gens, mêmes les toxicomanes, me connaissent bien, le contexte devient, parfois,
    violent, car les toxicomanes ont eux aussi besoin de nourriture. Ils savent que
    moi, j’y vais pour aider les enfants, mais ils ont eux aussi besoin de manger.
    Dans le même temps, la violence en famille et les abus en tout genre sont en
    forte hausse. Et, malheureusement, personne ne se rend dans de telles zones
    pour arrêter ces choses. »


    Valeriu
    Nicolae estime que, rien qu’à Bucarest, plusieurs dizaines d’enfants de milieux
    défavorisés n’ont pas d’accès aux ressources éducationnelles en ligne et
    risquent d’abandonner l’école, en cette période de confinement et
    d’établissements scolaires fermés. (Trad. : Ileana Ţăroi)