Tag: changements climatique

  • Bienvenue à Sustenlandia

    Bienvenue à Sustenlandia

    A Sustenlandia, une conférence organisée à Bucarest par l’association Ambasada Sustenabilității în România, comprendre Ambassade de la durabilité, la disparition tendancielle du culte du profit comme seul horizon et raison d’être du capitalisme a été discutée. Il ressort de la conférence que dans le contexte actuel de dérèglement climatique seul les acteurs économiques qui sauront s’adapter aux nouveaux standards de durabilité survivront. Les entreprises doivent prendre la mesure de leurs responsabilités face aux communautés humaines et à l’environnement.

    Sur scène, aux côtés des représentants des plus grandes entreprises roumaines, se trouvaient trois grands noms internationalement liés au concept de durabilité. John Elkington est l’un d’entre eux. Surnommé le parrain de la durabilité, il est devenu une référence dans le secteur de la responsabilité des entreprises et a écrit 20 livres qui font autorité en la matière. Fort d’un demi-siècle d’expérience et de réflexion, John Elkington nous fait part de son point de vue sur la durabilité des sociétés roumaines.

    «  Il y a en Roumanie un passé d’exploitation du pétrole par exemple qui était problématique et va le devenir de plus en plus. Dans le domaine agricole, coexistent des agriculteurs conventionnels qui pratiquent une agriculture intensive basée sur les pesticides et les engrais et d’autres qui s’orientent vers des pratiques d’agriculture biologique. C’est dur de généraliser mais je dois confesser, au vu des discussion d’aujourd’hui, que je suis fortement surpris du niveau des débats qui est bien plus élevé que ce à quoi je m’attendais, en tout cas dans les réseaux présents à la conférence. »

     

    Pour les personnes extérieures, le marché roumain des entreprises semble toujours fondé sur une mentalité ancienne. Lorsqu’on lui demande ce qu’il en pense, John Elkington répond :

     

    «  Il est parfaitement compréhensible, dans un pays comme la Roumanie, dans une économie comme la vôtre, qui sort d’une période où l’on avait une compréhension très différente de ce que signifiait la valeur et de la manière dont elle devait être créée, que les gens se soient efforcés de démontrer qu’ils pouvaient faire des bénéfices de manière à attirer les investisseurs et, finalement, le monde entier. Mais je pense que si vous regardez d’autres parties du monde, ce sont les catastrophes qui ont réveillé les gens au début de ce programme de changement. Ce sont les choses qui ont mal tourné. Les situations d’urgence. Et très souvent, j’ai travaillé avec des entreprises qui ont été directement touchées ou qui ont vu d’autres entreprises de leur secteur traverser de très gros problèmes. Mais, entre-temps, les choses ont changé et il est possible qu’elles aient également changé en Roumanie, et les entreprises, au lieu de considérer le changement comme un simple effort de gestion des risques, commencent à réaliser qu’il s’agit en fait des opportunités du futur, de ce que les marchés voudront. Comment pouvons-nous avoir une longueur d’avance ? Comment pouvons-nous servir de nouveaux types de consommateurs, de nouveaux types de clients, de nouveaux types d’investisseurs, etc. Mais tout le monde ne pensera pas ou n’agira pas de la sorte. Beaucoup de ceux qui dirigent des entreprises traditionnelles, purement orientées vers le profit, ne changeront pas. Ils partiront seulement à la retraite ou ne seront plus là. La question est donc la suivante : comment pouvons-nous accélérer le processus d’accession des jeunes à des postes d’influence, puis de pouvoir ? Parce qu’en général, les jeunes ont tendance à être plus conscients du monde qui les entoure. »

     

    Les discussions sur scène étaient animées par Charlie Cox, fondateur d’une société britannique qui aide les dirigeants d’entreprises à adopter l’état d’esprit entreprenarial nécessaire à la lutte contre le changement climatique. À la question de savoir quelles forces motivent les gens à réformer la gestion de leurs entreprises, à donner la priorité à l’environnement, Charlie Cox répond :

     

    «  Souvent, lorsque nous pensons au changement, nous pensons à la manière de faire les choses, nous pensons en termes d’action. Or nous devons également tenir compte de la motivation. La motivation est le premier des trois éléments. Il s’agit de se connecter aux valeurs inhérentes et intrinsèques des personnes, à leur but, nous pourrions dire à leur fibre morale. Il s’agit d’exploiter cette partie de l’être humain qui, à l’âge de quatre ans, voulait devenir astronaute, ce rêve, cet amour, ce sentiment de vouloir sauver une coccinelle. Cette partie de nous est toujours vivante, mais en tant qu’adultes, nous l’avons réprimée et il est très important d’y accéder à nouveau. J’aurais l’air idéaliste si je ne mentionnais pas deux autres choses : la rareté et la pertinence, qui sont presque les deux faces d’une même pièce. L’un d’eux est, et j’utilise ce terme avec prudence, l’activation du sentiment de peur, de la menace que quelque chose va vous frapper si vous ne faites pas de changement. Quel est le risque pour votre entreprise si vous restez immobile et ne faites rien ? Nous pouvons parler, par exemple, de ces vieilles entreprises d’il y a 30 ans dont nous pensions qu’elles existeraient toujours et qui sont aujourd’hui complètement obsolètes en raison de l’évolution de la technologie. Il s’agit donc de rappeler aux gens qu’ils doivent s’alignent sur les nouvelles exigences sinon ils seront laissés pour compte. Le revers de cette médaille est la pertinence. Il s’agit ici d’aider les entrepreneurs à sentir qu’ils resteront pertinents et qu’ils feront partie d’un mouvement général de changement s’ils choisissent de changer eux-mêmes. Il s’agit de l’autre face de la même pièce, au lieu d’être laissés pour compte, ils ont la possibilité de participer au changement. Mais pour cela, nous avons besoin de données sur les tendances, nous devons dire aux gens : « Ne faites pas quelque chose qui sorte de l’ordinaire ou qui soit inédit, à moins qu’ils ne veuillent être des pionniers. Vous faites en fait partie d’une vague d’entreprises qui vont dans la même direction ». Cela crée un sentiment de sécurité, un sentiment d’appartenance, un sentiment que vous n’allez pas vous faire virer en tant que PDG ou par l’équipe de direction parce que vous allez simplement dans la direction que tout le monde prend et que vous êtes en sécurité. »

     

    Wayne Visser, qui fait partie du classement de l’Université Harvard des 100 penseurs phares de l’entreprenariat de confiance, était le troisième invité extérieur à s’exprimer. Wayne Visser est fermement convaincu qu’aucun homme ne peut à lui seul changer le monde, mais que chacun peut le faire dans sa sphère d’influence :

    «  C’est là, je pense, que l’action locale peut être extrêmement puissante. Si vous regardez ce que certains maires ont fait au niveau de la ville sur le changement climatique, cela a été beaucoup plus efficace que ce que certains gouvernements nationaux ou certaines collaborations internationales ont fait. Et à juste titre, parce que les maires peuvent voir l’impact au niveau local, ils ont souvent plus de pouvoir pour prendre des décisions et mettre en œuvre des solutions, et il est tout simplement plus facile pour eux de gérer le problème et la solution. Bien qu’il faille agir à tous les niveaux et que tous doivent travailler ensemble, je ne pense pas qu’il faille attendre d’avoir une législation idéale et que tout le monde soit d’accord. Vous savez ce qu’on dit : ne laissons pas la perfection être un obstacle au changement. »

    Un ensemble de défis pour les nouvelles générations d’entrepreneurs roumains sur lesquels repose la transformation de l’économie du pays. (Trad : Clémence Lheureux)

  • Les Roumains face aux changements climatiques

    Les Roumains face aux changements climatiques

    Initié par l’adolescente suédoise Greta Thunberg, le mouvement de jeunes Fridays for Future visant à susciter une prise de conscience des problèmes climatiques et écologiques a déjà des adeptes en Roumanie. Du 20 au 27 septembre, plusieurs organisations environnementales ont organisé des protestations et des activités censées attirer l’attention des responsables sur le niveau de pollution et ses effets nocifs pour la santé. Depuis un an, d’autres événements similaires ont eu lieu en Roumanie, à commencer par la capitale.

    Mădălina Scarlat compte parmi leurs initiateurs : « Après Bucarest, nous nous sommes réunis dans d’autres villes pour protester et nous avons conçu ensemble le programme de cette semaine de manifestations. C’était une semaine spéciale, celle du Sommet de l’ONU sur le climat, à New York. Les représentants du mouvement Fridays for Future y ont été présents, pour tenter de convaincre les gouvernements des pays du monde à reconnaître l’état d’urgence climatique mondial et à adopter les mesures nécessaires pour diminuer l’impact des changements climatiques. »

    La semaine a débuté le 20 septembre par une marche de protestation, qui a réuni un millier de jeunes de 16-17 ans et dont le point de départ a été la Bibliothèque nationale de Bucarest. D’autres activités ont suivi dans les quelque 75 écoles participantes au mouvement de protestation. Les activités ne sont pas d’envergure, mais elles informent les jeunes et les mobilisent pour qu’ils contribuent à ralentir le réchauffement climatique et à réduire le niveau de pollution. Ces activités reposent sur l’idée que toute contribution individuelle compte.

    Mădălina Scarlat : « Chaque personne peut contribuer par une petite chose laquelle, si elle s’ajoute aux efforts communs, peut apporter une amélioration significative. Si nous limitons l’usage du plastique, si nous avons notre petite bouteille d’eau, que nous remplissons et portons avec nous, si au marché nous ne mettons plus, à chaque fois, les fruits et les légumes que nous achetons dans des sacs plastiques, mais dans les sacs en toile que nous avons pris soin d’emporter en partant de chez nous, toutes ces actions individuelles accumulées peuvent avoir un impact important et elles peuvent aussi éveiller la conscience d’autres personnes. »

    Pourtant, selon un récent sondage sur la façon dont les Roumains perçoivent les changements climatiques et le réchauffement global, 6% seulement des Roumains ont entendu parler du mouvement Fridays for Future et des actions initiées par la militante suédoise Greta Thunberg, alors que deux tiers des personnes interrogées ont entendu parler de l’Heure de la Terre et 36% d’entre eux y ont participé. 73% des sujets questionnés n’ont pas entendu parler de l’Accord de Paris, pourtant l’étude prouve que les Roumains sont très préoccupés par les problèmes de l’environnement. 96% des participants au sondage ont entendu parler du réchauffement global et 86% estiment que ce problème est des plus sérieux. Ces résultats sont réjouissants, surtout si on les compare avec les données d’une autre enquête réalisée en 2009. Il y a une dizaine d’années, les changements climatiques ne représentaient un sujet d’inquiétude que pour 16% des Roumains. A présent, plus de 25% des participants au sondage estiment que les changements climatiques constituent le deuxième grand problème de l’humanité, après la pauvreté.

    Quelles seraient les causes de ce changement d’attitude? Voici la réponse du sociologue Dan Jurcan : « La médiatisation de ce sujet a finalement eu des effets. Il ne suffit pas que les hommes politiques parlent de l’Accord de Paris. Les phénomènes météorologiques – qui se sont d’ailleurs produits en Roumanie aussi – sont plus convaincants. Cette année nous avons eu deux mini-tornades dans le sud du pays, un phénomène similaire s’est produit l’année dernière à Timișoara, dans l’ouest. Il est évident que les effets des changements climatiques sur de petites communautés, suivis par leur médiatisation, ont un impact au niveau cognitif et comportemental. »

    Selon la même étude, les campagnes d’écologisation ou de tri sélectif des déchets suscitent l’intérêt de moins de personnes que celles de reboisement – 75% contre 86%. Pourtant, les gens sont plus nombreux à participer aux campagnes d’écologisation (38%) qu’à celles de reboisement (33%).

    C’est pourquoi il faut faire la distinction entre l’intention et la participation, mais aussi entre ce que souhaite la population et ce que réalisent les autorités, estime Dan Jurcan : « Si la population avait une culture écologique plus solide, les comportements seraient différents. Par exemple, notre étude montre que les gens aiment dire qu’ils font le tri sélectif des déchets, alors qu’en pratique il n’en est pas ainsi. Et ce n’est pas de leur faute, car ils font preuve de bonne volonté. Le plus souvent, cette activité est entre les mains des autorités et des sociétés qui s’occupent de la collecte des déchets. Il y a aussi des histoires à succès, certains pouvoirs publics ont mis à la disposition des gens des sacs de couleurs différentes pour qu’ils séparent les déchets ménagers des déchets en plastique ou d’autres matériaux recyclables : le papier et le verre. Et les gens se sont conformés, ce qui signifie qu’au niveau de l’intention, ils sont prêts à adopter un comportement écologique. C’est aux autorités de créer les conditions appropriées. »

    Bien que cette étude contienne nombre d’éléments susceptibles de tempérer un optimisme trop hâtif, une de ses conclusions peut nous réjouir : les problèmes de l’environnement figurent à l’agenda public des Roumains. Dan Jurcan : « Lorsque le sujet est perçu comme important pour la société, il est normal que les réponses soient, elles aussi, positives. Ce thème a déjà pénétré dans la conscience du public, les gens en parlent et ça, c’est très important. Les changements climatiques ne sont plus un sujet véhiculé dans les cabinets ministériels et par quelques scientifiques qui tâchent de le faire inscrire à l’agenda public. Il y est déjà ». (Trad. : Dominique)