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  • Danse contemporaine – Corps. Rêves. Défis.

    Danse contemporaine – Corps. Rêves. Défis.

    Nous sommes dans une salle de danse de Bucarest. Mais ce n’est pas une salle quelconque. Elle est devenue le 46e membre officiel du réseau européen de danse contemporaine appelé European Dancehouse Network. C’est un espace de création, ouvert à tous les amoureux de la danse. C’est un espace de liberté, qui invite les gens à se découvrir eux-mêmes par cet art. Cet espace appelle « Areal » et il appartient à 4 chorégraphes, dont notre invité, Cosmin Manolescu. Il nous fait une brève présentation du concept d’« Areal » : « Areal, c’est un espace de développement chorégraphique, un endroit de la rencontre, du dialogue et de la créativité, où tout tourne autour des rêves et de la danse contemporaine, bien évidemment. C’est un nouvel espace de danse à Bucarest, dirigé par quatre chorégraphes : Cristina Lilenfeld, Alexandra Bălăşoiu, Valentina De Pliante et moi-même. Nos ateliers sont plutôt atypiques. Par exemple, on aura bientôt une escapade de danse contemporaine dans les îles grecques de Gavdos et de Crète, puis, début août, on dansera au bord du lac de Techirghiol, au delta du Danube, et au bord de la mer Noire. »

    Début juin, Cosmin Manolescu a lancé un défi très intéressant aux Bucarestois : un atelier intitulé « Corps. Rêves. Défis. » : « Tout d’abord, les thèmes proposés par les participants sont un véritable défi. Je pense que nous avons besoin de bouger et d’expérimenter les émotions sous différentes formes, de sortir de cet état dans lequel la pandémie nous a fait plonger, un état d’immobilité, de solitude, d’écart par rapport aux gens et aux activités culturelles. Alors, cette rencontre avec les émotions, avec les traumas du corps, doublée par une méthode de travail personnalisée, qui tourne autour du corps émotionnel – tout cela crée des connexions entres les gens, cela ouvre l’âme et le corps. »

    Lors de ces ateliers, les participants ont parlé des traumas et des signes du corps, mais aussi de leurs rêves. Ils ont bougé, les yeux fermés, et ont dansé guidés par leur cœur jusqu’à l’aube, dans les rues de la ville, sous les regards surpris ou indignés des passants. Qui participe à ces ateliers hors du commun ? Qui accepte de relever de tels défis ? Cosmin Manolescu répond : « Ce sont des gens très divers, des journalistes culturels, mes anciens élèves ou bien des gens qui font à peine connaissance avec la danse contemporaine. Cela me plaît beaucoup de voir les gens découvrir un nouvel univers de créativité et de liberté. Bref, ce sont de beaux gens libres qui cherchent à se découvrir eux-mêmes. »

    Mais au fait, c’est quoi la danse contemporaine ? Voici la réponse du chorégraphe Cosmin Manolescu : « On se pose nous aussi la même question. Pour moi, la danse contemporaine est une forme de liberté, de courage. Le courage d’assumer des choses, de se rencontrer soi-même et de découvrir son corps et ses émotions. Le courage d’aller vers les gens et la ville ou bien vers la nature. Ce sont les éléments avec lesquels je travaille en général. Je pense que la danse contemporaine change notre vie d’une manière positive, elle nous rapproche des gens et nous rend meilleurs. »

    Ce n’est pas pour la première fois que le chorégraphe Cosmin Manolescu répond aux questions des journalistes. Mais il existe en fait des questions qu’ils ont oublié de lui poser, mais qui sont très importantes, à son avis : « Par exemple, pourquoi la danse contemporaine ne se développe pas ? Pour des raisons objectives d’une part et subjectives, de l’autre. D’abord, partout, la danse est considérée comme une cendrillon de l’art, bien qu’à mon avis ce soit un art qui développe tant l’âme que l’esprit et le corps. C’est un art complexe, qui se sert du corps avant toute chose. Je crois que si les gens dansaient plus dès leur enfance ou bien s’ils faisaient de la danse au lieu du sport, si la danse était une discipline optionnelle à l’école, ce serait un grand avantage pour nous tous. »

    La plupart des participants à ces ateliers de danse sont des femmes. Quelle est la raison de l’absence de hommes ? Cosmin Manolescu : « C’est ce que je me demande moi aussi très souvent. Je pense que les hommes ne sont pas attirés par cette activité qui à trait à la fragilité, au côté émotionnel. En général, les hommes préfèrent le sport, car c’est le domaine qui leur permet de se perfectionner. C’est aussi une question d’éducation, je pense. Le système éducationnel roumain ne favorise pas l’accès des garçons et des jeunes hommes à cet art. La plupart y arrivent par hasard, poussés par leurs épouses ou leurs petites amies. Ils ne viennent pas à nos ateliers de leur propre initiative. S’il y avait davantage d’éducation en ce sens, si la danse était plus présente à la télé aussi, si l’on parlait davantage de la danse, alors, qui sait, à un moment donné, la danse contemporaine aurait du succès auprès des hommes aussi. J’avoue que je suis content que la danse de société commence à attirer plus de garçons, qu’il existe déjà une certaine ouverture vers certains styles. Ce n’est donc qu’une question de temps, d’investissement et de travail dans cette voie. Bientôt, nous aurons un nombre égal d’hommes et de femmes à nos ateliers de danse contemporaine, je l’espère bien ».

    Autant de pistes de réflexion lancées par notre invité au sujet de la danse contemporaine et de nos âmes. (Trad. Valentina Beleavski)

  • Tordre, un spéctacle par Rachid Ouramdane

    Tordre, un spéctacle par Rachid Ouramdane

    Avec délicatesse et pudeur, le fameux chorégraphe français Rachid Ouramdane lève lentement le voile sur ce que cache chaque geste d’un danseur, sur l’intimité à la fois de l’artiste et de l’être humain. Spectacle de danse qui sort entièrement des carcans classiques ou contemporains, création-révélation en 2014 devenue repère de la danse d’aujourd’hui, TORDRE a été présenté, cette semaine au Théâtre National de Bucarest dans le cadre du programme FranceDanse Orient-Express de l’Institut Français, déroulé en partenariat avec le Centre National de la Danse de Bucarest et Teatroskop. Les invités d’Ileana Taroi sont Andrei Popov chargé de communication à l’Institut français de Bucarest et par téléphone Rachid Ouramdane, chorégraphe.



  • “Une minute de danse” avec Gigi Căciuleanu

    “Une minute de danse” avec Gigi Căciuleanu

    Une cinquantaine dannée après ses débuts, Gigi Căciuleanu revient sur la scène du Petit Théâtre de Bucarest, pour un spectacle vif, expressif, consacré à lidée de couple et à sa collaboration avec une des plus importantes chorégraphes de Roumanie, Miriam Răducanu.



    Le spectacle sappelle « Une minute de danse ou Ouf ! ». Ce spectacle a été présenté en première dans le cadre du Festival international de musique « George Enescu ». Que signifie cette minute de danse avec Gigi Căciuleanu? « Cela signifie une vie de tourments et au moins une demi-heure de travail spécifique intense pour cette minute de danse. La danse, on ne la fait pas de trois mouvements. Il faut y réfléchir beaucoup avant. La cristallisation se fait en fin de compte au moment où le chorégraphe rencontre le danseur, lui explique ce quil souhaite obtenir et comment et lui demande de faire exactement ce quil lui dit de faire. Eventuellement, le danseur ny arrive pas et le chorégraphe pense que peut-être son idée initiale na pas été la bonne. Pourtant, il souhaiterait, quand même y revenir… Cest donc une sorte de slalom entre ce que lon peut et ce que lon ne peut pas faire, entre un projet dont on rêve et une réalité avec laquelle il ne saccorde pas. Cette minute est un moment très concentré, qui vous laisse très peu de temps et qui vous prend beaucoup de temps de votre vie et finit par engloutir une partie de votre éternité. »



    Une éternité comprimée dans une minute de spectacle, un spectacle dune grande complexité, dont le déroulement est accompagné par le violon de Paul Ilea. Une histoire damour, une histoire sur le sacrifice et les concessions à faire, dans un but commun : lart. Gigi Căciuleanu: « Cest lhistoire du créateur de danse et de celui qui doit sadapte à ce créateur. Cest léternelle histoire du sculpteur et de la matière quil sculpte. Le problème du sculpteur est quil travaille une matière inerte, à laquelle il doit insuffler la vie. Le problème du chorégraphe est de travailler avec une matière vivante quil ne peut pas travailler au ciseau. Et cest là quinterviennent les facteurs psychologiques, qui sont très importants et dont dépendent beaucoup de choses. On doit connaître lartiste, le deviner, le comprendre, mais on doit lui demander de vous comprendre, à son tour, dêtre au moins désireux de le faire, dêtre sur la même longueur donde que vous. On doit se mettre au diapason, comme un orchestre en train de saccorder. Pourtant, un ensemble a devant lui un chef dorchestre. Les danseurs nen ont pas. Cest donc au chorégraphe de faire en sorte que le morceau sa propre identité et vibration, sans que quelquun vienne de lextérieur donner des ordres à tout moment, comme cela se passe pour un orchestre. »



    Gigi Căciuleanu précisait aussi: « Ce moment-là est très spécial pour moi, cest un duo que jai dansé pendant longtemps avec Ruxandra Racoviţă. Le spectacle est dédié à Miriam Răducanu, mais jai profité de loccasion pour y glisser une allusion à Ruxandra. Jai tissé beaucoup de choses autour de la linéarité de son corps et jai demandé avec insistance aux danseurs de sidentifier à cette linéarité, à cette extension du corps pareil à une corde de violon que Ruxandra possédait naturellement et que jai mise en valeur dans cette minute de danse. Cest comme un numéro de trapèze où tout se déroule au ralenti et où les deux corps dépendent beaucoup lun de lautre ; cest comme dans la vie : nous vivons avec quelquun et le temps qui passe nous marque et nous sculpte à chaque fois différemment. Le temps passe, le temps revient et touche tout le monde, mais tout particulièrement un couple. Ce duo de danse a son histoire : je lai appelé, à un moment donné, « système lié ». Cest là une notion astronomique plutôt bizarre. Par exemple si lon prend en compte la Terre et la Lune, la Lune est mobile par rapport à la Terre, elle aussi en mouvement. Elles forment un système. Si on les pèse séparément, ensuite ensemble, on constate que le système perd un peu de sa masse, en raison justement du fait que le système est lié. Cest ce qui arrive dans la vie aux gens qui sont liés par le mariage ou par un sentiment damour, mais aussi aux partenaires de danse, comme Fred Astaire et Ginger Rogers ou aux partenaires dacrobatie, au cirque ou encore au chevalier et son cheval. En raison de cette osmose, du fait quils dépendent lun de lautre, le système quils constituent devient plus léger que les deux éléments pris séparément. »



    Le spectacle de Gigi Căciuleanu, où il se trouve aux côtés de Irina Ştefan, Răzvan Stoian et Paul Ilea, reste à laffiche pendant toute la durée du Festival international de musique « George Enescu », qui sachève le 20 septembre. (Trad. : Dominique)

  • Le chorégraphe Gigi Căciuleanu

    Le chorégraphe Gigi Căciuleanu

    «Gigi Căciuleanu dépasse, en matière d’envergure et de démarche culturelles, l’espace chorégraphique. Il est un grand créateur, en termes absolus, un innovateur et en même temps un homme de synthèse», affirmait Alina Ledeanu, directrice de la publication «Le XXIe siècle», lors du lancement du numéro paru sous le titre «Danse-danse-danse». Artiste international, lauréat de maints prix, le chorégraphe Gigi Căciuleanu est membre fondateur du Conseil International de la Danse auprès de l’UNESCO, en 1974, et à compter de 2001, directeur artistique du Ballet National du Chili, El Banch. Aux origines russes et grecques, Gigi Căciuleanu est né en Roumanie. Il déclarait dans une interview qu’il ne se sent chez lui que «dans une salle de danse, de spectacle, où qu’elle puisse se trouver». «Devant le public, je suis toujours chez moi», concluait-il.



    Gigi Căciuleanu se plaît à dire qu’il n’est pas chorégraphe mais «faiseur de danse», et que ses créations ne sauraient être désignées par le terme de danse. Gigi Căciuleanu: «Ce que je fais, c’est du théâtre chorégraphique, qui est l’inverse du théâtre-danse. Dans le théâtre danse, qui a été inventé par Pina Bausch, le danseur est appelé à penser et à réagir tel un comédien sur la scène. C’est une heureuse trouvaille, qui a amené en grand nombre les spectateurs de théâtre aux spectacles de danse. Moi, je m’intéresse aux mécanismes internes du mouvement, qui ne concernent pas que le danseur. En fait, certains mouvements internes sont à retrouver chez tous les gens. Par ailleurs, le danseur se transforme en quelque chose qu’il est le seul à pouvoir incarner. Autrement dit, alors que dans le théâtre le geste est traduit, dans la danse il l’est davantage, de sorte qu’il ne ressemble pas au mouvement quotidien, ni même à ceux du théâtre. Bref, je dirige le danseur d’abord vers le jeu théâtral – et là c’est de la danse–théâtre – et tout de suite après je l’emmène, le plus impétueusement possible, à l’état de danse, cette étape de transposition du mouvement en métaphore. Pour ce faire j’ai besoin de versions fort intelligentes, voire savantes».



    Il existe quelques termes capables d’offrir une définition brève mais complète de Gigi Căciuleanu. A ceux déjà mentionnés, à savoir «faiseur de danse» et «théâtre chorégraphique», on pourrait ajouter celui de «danse autrement». Ce dernier est d’ailleurs le titre du manifeste personnel de l’artiste, lancé en 2005 à Santiago du Chili. «A un moment donné, j’ai été très irrité de constater que le public mais notamment les hommes politiques de la culture nous mettent dans des tiroirs. J’ai alors dit que je revendiquais le droit d’être moi-même, le droit de chaque artiste d’être soi-même. A savoir ne pas faire quelque chose, parce que c’est la coutume ou encore choquer uniquement par le pur plaisir de choquer. S’exprimer soi-même doit être la seule préoccupation de l’artiste. Parce qu’à mon avis, cet art ne doit pas être privée de sincérité. Nous savons qu’au moment où nous dansons, nous sommes seuls. Nous ne saurions être plus seuls que ça, même lorsque nous dansons avec quelqu’un. Et lorsque nous dansons en groupe, la solitude est terrible. C’est ce que ressens. J’ai le sentiment d’être responsable de tout ce qui m’arrive et de tout ce qui arrive à celui qui me regarde. Mais cette solitude n’est pas du tout tragique. C’est la solitude du coureur de longue distance, une solitude qui a quelque chose de beau. Le problème c’est que je suis aussi compositeur et le meneur de mon propre corps. Nous avons à la fois de grandes responsabilités et de nombreuses tâches. Je ne vois pas pourquoi je perdrais mon temps et ma vie à faire ce que quelqu’un dit que je devrais faire.»



    Gigi Caciuleanu est diplômé de l’Ecole nationale supérieure de chorégraphie de Bucarest. A 14 ans, il découvre la danse contemporaine auprès de Miriam Raducanu, cette grande dame de la nouvelle danse roumaine. Une fois les études à Bucarest achevées, Gigi suit un stage de perfectionnement en techniques classiques au Bolchoï, à Moscou.



    Au début des années’ 70, Gigi Caciuleanu est chorégraphe invité et professeur de danse contemporaine au Folkwang Ballet d’Essen-Werden, en Allemagne, dirigé par Pina Bausch. En 1973, Gigi Caciuleanu fonde le Studio de danse contemporaine — une compagnie de douze interprètes au répertoire contemporain — aux côtés de Rosella Hightower, avant de lui succéder à la direction du Ballet du Grand Théâtre de Nancy, lannée suivante. Lauréat de plusieurs prix en France, Gigi Caciuleanu crée au théâtre Espace Pierre Cardin de Paris le spectacle «La folle de Chaillot» avec Maïa Plissetskaïa. Fin 2010, lors du Bicentenaire de la République du Chili, un prix spécial lui est consacré pour son activité aux côtés de la compagnie El Banch, avec laquelle il collabore depuis 13 ans. Il reçoit aussi à Rome le prix «Roma in danza» pour sa contribution au développement, à la définition et la reconnaissance de la danse contemporaine dans le monde. (trad.: Mariana Tudose, Alexandra Pop)