Tag: chorégraphie

  • Un spectacle chez vous, ça vous dit ?

    Un spectacle chez vous, ça vous dit ?

    Si la pandémie nous fait rester à l’intérieur et peut-être loin des salles de spectacles, il est maintenant possible de profiter d’un projet chorégraphique à part. « Private Bodies », tel est le nom du projet de danse contemporaine qui se déroule à Bucarest, Cluj-Napoca et Braşov, avec la participation des artistes Anamaria Guguianu, Oana Mureşanu, Cristina Lilienfeld et Cosmin Manolescu.


    Cristina Lilienfeld nous a aidés à comprendre de quoi il s’agit :



    « C’est un spectacle un peu plus spécial qui s’appuie beaucoup sur cette relation, appelons-la un peu plus proche, entre l’artiste et le public. L’invitation est venue de Cosmin Manolescu, qui a fait voici 20 ans un spectacle appelé « Private Show », qu’il souhaite transmettre à d’autres d’une certaine manière. A cet effet, il a invité trois artistes, dont moi. Nous avons aussi Anamaria Guguianu, à Braşov, et Oana Mureşanu, à Cluj, et sinon il nous a donné toute la liberté. La seule chose qu’il nous ait dite, c’est qu’il doit se dérouler dans un appartement, avec peu de participants, et qu’il souhaite que ce soit un spectacle interactif. C’étaient les seules indications qu’il nous ait données. Après, chacun de nous a commencé à faire des choses et à aller dans des directions différentes. Bien sûr, je ne peux parler que de ma direction, qui contient effectivement de l’interaction, une interaction assez fine, dans laquelle j’invite mon public à m’accompagner et à faire des choses à mes côtés. Mon concept est allé un peu plus loin, parce que je suis partie de cette idée de ce que privé et public veut dire. J’ai lu un peu, j’ai fait des recherches dans la littérature de spécialité sur ce sujet, et je suis progressivement arrivée à l’idée de limites et ce que sont les limites, où nous plaçons nos limites. Qu’est-ce que cela signifie si vous travaillez avec la limite de votre propre corps, où il s’arrête réellement, s’arrête-t-il à la peau ou plus loin, au muscle ? Et aussi avec la limite émotionnelle. Cela ne veut pas dire que j’essaie de provoquer un passage au-delà de la limite du spectateur, ce n’est pas ce que je fais, mais avec mon propre corps et mon propre émotionnel. J’essaie de me remettre en question et de voir ce que privé veut dire pour moi et ce que je peux rendre visible, pas public, ce que je peux montrer au public. »



    Le chorégraphe Cosmin Manolescu nous en dit plus :



    « Tout d’abord, je pense que l’expérience de danser dans la ville, dans les parcs, dans les rues, d’adresser la danse à des gens qui ne sont pas nécessairement des spectateurs courants de la danse contemporaine est quelque chose de très libérateur et de très fort. C’est extraordinaire quand quelqu’un vous sourit ou quand vous voyez que votre danse suscite une émotion pure et simple. C’est pratiquement une pause dans le temps, pendant laquelle vous pouvez profiter du moment présent. J’aime m’inspirer de la ville dans mes projets, de toute façon cela fait un moment que je n’ai plus dansé dans des salles de spectacles. Il me semble que la ville, avec ses rues, ses appartements, avec tout ce qu’elle est, avec l’architecture de l’espace, offre beaucoup pour la danse et pour moi en tant qu’artiste. En ce moment, nous préparons un projet qui s’appelle « Private Bodies », qui se produira en même temps dans trois villes, Bucarest, Braşov et Cluj Napoca, projet dans lequel nous partons d’une pièce très ancienne, une pièce unique, dans laquelle je dansais pour un seul spectateur. Avec mes collègues féminines, nous ferons un performance pour des spectateurs, mais chez eux, un format adapté aux temps pandémiques que nous vivons. Mais plus que cela, je trouve intéressante cette proximité des artistes, de danser avec les spectateurs. Nous attendons avec intérêt cette première qui aura lieu à la mi-novembre, en même temps dans les trois villes, où nous parlerons un peu de cette aventure du corps et de la danse. »



    Un appel a également été lancé aux spectateurs, car c’est ainsi que seront sélectionnés les hôtes des premiers spectacles de ce type. J’ai demandé à Cristina Lilienfeld quels étaient les prérequis pour les soi-disant « candidats » :



    « Ce n’est pas vraiment une sélection proprement dite, plutôt un appel. Ce qui est important pour nous, c’est d’avoir un espace. Bien sûr, nous avons pensé à un appartement. Nous n’avons pas besoin d’une scène maintenant, mais nous avons besoin d’un minimum d’espace. En outre, chacun de nous a également besoin de certaines choses spécifiques – en fonction de ce que la chorégraphie a conçu. Par exemple, je vais avoir besoin d’un coin de la maison qui puisse être plongé dans les ténèbres. Certains d’entre nous ont besoin d’une fenêtre. Chacun a besoin de certains éléments spécifiques, qui ne tiennent pas tant au spectateur qu’à la maison. On pourrait dire que ce casting est plutôt de maisons que d’hôtes. Sinon, nous sommes ouverts à tout type de public qui souhaite nous accueillir. »



    Toutefois, la nécessité d’un espace permettant le mouvement ne devrait pas non plus vous retenir, si vous êtes tentés de postuler pour inviter les artistes, le spectacle, à la maison, précise Cristina Lilienfeld :



    « Nous avons même pensé à des studios, s’ils sont assez grands, nous n’avons pas besoin d’avoir un palais. N’importe quel type d’espace peut être performatif et nous sommes ouverts à toute offre. C’est pourquoi une courte vidéo de l’espace proposé est également nécessaire pour déterminer si nous pouvons vraiment danser dans cet espace ou pas. Oui, je pense que nous pouvons nous adapter à la plupart des espaces, et nous sommes prêts à nous adapter et à aller de l’avant, au-delà de ce paradigme de la scène classique. »



    Selon le succès qu’ils auront, les artistes réfléchiront à l’opportunité de poursuivre ce genre de spectacles.


    (Trad. : Ligia)

  • Danse contemporaine – Corps. Rêves. Défis.

    Danse contemporaine – Corps. Rêves. Défis.

    Nous sommes dans une salle de danse de Bucarest. Mais ce n’est pas une salle quelconque. Elle est devenue le 46e membre officiel du réseau européen de danse contemporaine appelé European Dancehouse Network. C’est un espace de création, ouvert à tous les amoureux de la danse. C’est un espace de liberté, qui invite les gens à se découvrir eux-mêmes par cet art. Cet espace appelle « Areal » et il appartient à 4 chorégraphes, dont notre invité, Cosmin Manolescu. Il nous fait une brève présentation du concept d’« Areal » : « Areal, c’est un espace de développement chorégraphique, un endroit de la rencontre, du dialogue et de la créativité, où tout tourne autour des rêves et de la danse contemporaine, bien évidemment. C’est un nouvel espace de danse à Bucarest, dirigé par quatre chorégraphes : Cristina Lilenfeld, Alexandra Bălăşoiu, Valentina De Pliante et moi-même. Nos ateliers sont plutôt atypiques. Par exemple, on aura bientôt une escapade de danse contemporaine dans les îles grecques de Gavdos et de Crète, puis, début août, on dansera au bord du lac de Techirghiol, au delta du Danube, et au bord de la mer Noire. »

    Début juin, Cosmin Manolescu a lancé un défi très intéressant aux Bucarestois : un atelier intitulé « Corps. Rêves. Défis. » : « Tout d’abord, les thèmes proposés par les participants sont un véritable défi. Je pense que nous avons besoin de bouger et d’expérimenter les émotions sous différentes formes, de sortir de cet état dans lequel la pandémie nous a fait plonger, un état d’immobilité, de solitude, d’écart par rapport aux gens et aux activités culturelles. Alors, cette rencontre avec les émotions, avec les traumas du corps, doublée par une méthode de travail personnalisée, qui tourne autour du corps émotionnel – tout cela crée des connexions entres les gens, cela ouvre l’âme et le corps. »

    Lors de ces ateliers, les participants ont parlé des traumas et des signes du corps, mais aussi de leurs rêves. Ils ont bougé, les yeux fermés, et ont dansé guidés par leur cœur jusqu’à l’aube, dans les rues de la ville, sous les regards surpris ou indignés des passants. Qui participe à ces ateliers hors du commun ? Qui accepte de relever de tels défis ? Cosmin Manolescu répond : « Ce sont des gens très divers, des journalistes culturels, mes anciens élèves ou bien des gens qui font à peine connaissance avec la danse contemporaine. Cela me plaît beaucoup de voir les gens découvrir un nouvel univers de créativité et de liberté. Bref, ce sont de beaux gens libres qui cherchent à se découvrir eux-mêmes. »

    Mais au fait, c’est quoi la danse contemporaine ? Voici la réponse du chorégraphe Cosmin Manolescu : « On se pose nous aussi la même question. Pour moi, la danse contemporaine est une forme de liberté, de courage. Le courage d’assumer des choses, de se rencontrer soi-même et de découvrir son corps et ses émotions. Le courage d’aller vers les gens et la ville ou bien vers la nature. Ce sont les éléments avec lesquels je travaille en général. Je pense que la danse contemporaine change notre vie d’une manière positive, elle nous rapproche des gens et nous rend meilleurs. »

    Ce n’est pas pour la première fois que le chorégraphe Cosmin Manolescu répond aux questions des journalistes. Mais il existe en fait des questions qu’ils ont oublié de lui poser, mais qui sont très importantes, à son avis : « Par exemple, pourquoi la danse contemporaine ne se développe pas ? Pour des raisons objectives d’une part et subjectives, de l’autre. D’abord, partout, la danse est considérée comme une cendrillon de l’art, bien qu’à mon avis ce soit un art qui développe tant l’âme que l’esprit et le corps. C’est un art complexe, qui se sert du corps avant toute chose. Je crois que si les gens dansaient plus dès leur enfance ou bien s’ils faisaient de la danse au lieu du sport, si la danse était une discipline optionnelle à l’école, ce serait un grand avantage pour nous tous. »

    La plupart des participants à ces ateliers de danse sont des femmes. Quelle est la raison de l’absence de hommes ? Cosmin Manolescu : « C’est ce que je me demande moi aussi très souvent. Je pense que les hommes ne sont pas attirés par cette activité qui à trait à la fragilité, au côté émotionnel. En général, les hommes préfèrent le sport, car c’est le domaine qui leur permet de se perfectionner. C’est aussi une question d’éducation, je pense. Le système éducationnel roumain ne favorise pas l’accès des garçons et des jeunes hommes à cet art. La plupart y arrivent par hasard, poussés par leurs épouses ou leurs petites amies. Ils ne viennent pas à nos ateliers de leur propre initiative. S’il y avait davantage d’éducation en ce sens, si la danse était plus présente à la télé aussi, si l’on parlait davantage de la danse, alors, qui sait, à un moment donné, la danse contemporaine aurait du succès auprès des hommes aussi. J’avoue que je suis content que la danse de société commence à attirer plus de garçons, qu’il existe déjà une certaine ouverture vers certains styles. Ce n’est donc qu’une question de temps, d’investissement et de travail dans cette voie. Bientôt, nous aurons un nombre égal d’hommes et de femmes à nos ateliers de danse contemporaine, je l’espère bien ».

    Autant de pistes de réflexion lancées par notre invité au sujet de la danse contemporaine et de nos âmes. (Trad. Valentina Beleavski)

  • 2018 – une nouvelle étape dans l’activité du Centre national de la Danse

    2018 – une nouvelle étape dans l’activité du Centre national de la Danse

    Le Centre national de la Danse de Bucarest est la seule institution culturelle publique subordonnée au ministère de la Culture, ayant pour mission de soutenir, de développer et de promouvoir la danse contemporaine et les arts performatifs de Roumanie. Elle se prépare à emménager, l’année prochaine, dans un nouvel espace, plus adéquat pour son activité. Des préparatifs doublés par des projets sur mesure, dont nous parlons tout de suite.

    Fin 2017, le Centre national de la Danse de Bucarest a organisé son habituel Gala, conçu pour célébrer, sans pourtant hiérarchiser, l’excellence. L’occasion aussi de rendre hommage à des personnalités qui ont construit le contexte chorégraphique roumain du 20e siècle. Et pour cause : « Les pionniers de la danse roumaine ont brisé les canons, ont émancipé la danse, ils ont vraiment eu du courage ! » a expliqué Vava Ştefănescu, manager du Centre. Ce gala consacré aux grands noms de la danse contemporaine roumaine annonçait en quelque sorte les activités de 2018 et 2019 du Centre national de la Danse de Bucarest, ajoute son manager, Vava Ştefănescu: Ce fut une option assez radicale, parce qu’une étape s’achève pour le Centre national de la Danse et une autre commence. En 2019 nous emménagerons dans un bâtiment spécialement consacré au Centre. Jusqu’ici nous avons fait un certain type de travail, un certain type de promotion et nous avons eu une certaine manière de rendre visible la danse contemporaine. Dorénavant il faudra avoir une nouvelle approche. A mon avis, un revirement institutionnel et un changement d’attitude institutionnelle s’imposent, à l’approche de ce grand moment qu’est le déménagement. Lorsqu’une étape s’achève, on a tendance à regarder en arrière, c’est involontaire. C’est grâce à ces gens que la danse contemporaine a un avenir. Nous avons tenu à rendre hommage à ces personnalités, car il ne faut pas les oublier. Bien au contraire, il faut prendre conscience de leurs réussites, de leur audace, de leur courage et de leur contribution, mais aussi et surtout du fait qu’ils ont outrepassé les limites et un certain état d’esprit qui était considéré comme traditionnel. Le pas suivant du Centre de la Danse est en quelque sorte dans l’esprit de ce que ces personnalités ont réussi à faire. Bref, on regarde en arrière pour voir en fait l’avenir.

    Création de spectacles, hôte pour différentes initiatives, formation de spécialistes, recherche, médiation – autant de missions pour le Centre national de la Danse de Bucarest. Vava Ştefănescu explique en quoi consiste sa future stratégie: « On déménagera au centre-ville et je pense que les mois à venir seront marqués par des préparatifs continus pour pouvoir ouvrir nos portes au public en 2019, avec un message clair et une attitude très précise. Pour nous, cela est essentiel. Par conséquent, un premier axe de notre stratégie sera d’intensifier les idées, les dialogues et les présentations publiques. Nous avons beaucoup de projets en déroulement qui seront multipliés, prolongés. Nous souhaitons également impliquer autant que possible le public, non seulement à Bucarest mais aussi à travers le pays. Pour l’instant, nous n’avons pas d’antennes du Centre de la Danse dans les autres villes, parce que selon le ministère de la Justice, il faut qu’une telle décision passe par le Parlement, ce qui est très intéressant à mon avis. Mais nous allons ouvrir les « têtes de pont » dont nous avons besoin et dont le public a besoin aussi. On le sait très bien : la culture chorégraphique ne peut pas se limiter à la capitale.»

    C’est dans l’esprit de cette nouvelle stratégie que des mini-saisons de danse seront organisées dans plusieurs villes de Roumanie, dont Craiova, Târgu-Mureş, Iaşi, Cluj et Timişoara.Avant de terminer, la chorégraphe Vava Ştefănescu nous a fait part de ses impressions sur la danse contemporaine roumaine: « Elle va beaucoup mieux qu’il y a 10 ans. Bien qu’elle ait réussi à s’aligner, elle n’arrive plus à avoir une voix distincte. Autrement dit, elle manque de discours propre, d’idées vraiment audacieuses. C’est bien que la danse contemporaine soit invitée partout, les productions sont bien plus nombreuses qu’il y a 4 ans. Des festivals ont vu le jour, les théâtres produisent de plus en plus de spectacles… C’est très bien ! Mais tout cela s’inscrit dans la même esthétique… traditionnelle, disons. Les idées audacieuses ou problématiques n’ont pas la même force et ont du mal à attirer l’attention du public. C’est pourquoi le Centre national de la danse fait des efforts pour représenter le mieux possible le public et les artistes. Par ailleurs, les artistes ont la mission d’être authentiques, de lutter pour affirmer leur voix personnelle. Je serais ravie de les voir assumer davantage le risque de ne pas être applaudis, de susciter des questions et des débats. Le Centre ne pourra jamais le faire à lui seul, alors que les artistes sont nombreux et le public est encore plus nombreux. Le slogan qui définit nos actions et nos efforts en 2018 est « Vous êtes le contexte » (You Are the Context). Vous êtes, vous faites, vous construisez le contexte. Il est très important que les gens – public et artistes – deviennent conscients de leur place et de leur rôle. Et ce n’est pas valable uniquement pour la danse. C’est valable aussi pour la politique, l’économie et la vie sociale. » (Trad. Valentina Dumitrescu)

  • La Biennale régionale de chorégraphie

    La Biennale régionale de chorégraphie

    Début
    novembre, le Centre National de la Danse de Bucarest, avec le soutien de la
    plateforme East European Performing Arts de Pologne, a organisé à Bucarest la
    première édition de la Biennale régionale de chorégraphie – Re//Dance – le
    premier événement consacré à la danse contemporaine créée en Europe Centrale et
    Orientale.

    Selon
    la chorégraphe Vava Stefanescu, l’idée de mettre sur pied un tel projet est née
    à l’automne 2013, lorsqu’elle avait démarré son mandat de manager du Centre
    national de la Danse. Pourquoi ? Parce qu’il était nécessaire pour la
    danse roumaine de se reconnecter à la danse internationale. Cette biennale ne
    vise pas ce que l’on comprend traditionnellement par danse, insiste à son tour la
    critique d’arts performatifs Iulia Popovici. C’est pourquoi l’on a préféré de
    l’appeler « Biennale de chorégraphie » et non pas « Biennale de
    danse contemporaine ».




    Iulia
    Popovici : « Nous vivons dans un monde où la chorégraphie est
    partout. Il y a une chorégraphie sociale… tout le monde est en mouvement. La
    chorégraphie est présente dans la vie de tous les jours. L’idée que la danse ne
    peut exister qu’entre 3 murs noirs et un 4e mur représenté par le public,
    qu’elle ne peut être créée que par un ensemble artistique professionnel – tout
    cela est bien loin de ce que la chorégraphie contemporaine signifie à l’heure
    actuelle. Il y a toute une diversité de formes, de chorégraphies, qui s’adressent
    de plus en plus à l’homme ordinaire, justement parce que la danse contemporaine
    a toujours été un art de niche et n’a aucune chance de changer.»








    A
    l’affiche de la Biennale régionale de chorégraphie on a retrouvé des spectacles
    de Bulgarie, République tchèque, Croatie, Pologne, Hongrie et Roumanie.
    L’artiste mexicaine Cristina Maldonado y a présenté un spectacle – installation
    à vivre par un seul usager à la fois. Intitulé « The Stranger Gets a Gift
    Service – Interruptor » (l’étranger reçoit un service cadeau – interrupteur), ce
    projet invite les spectateurs, un par un, à utiliser l’installation, à
    expérimenter.




    Cristina
    Maldonado explique : « Cela fait plusieurs années que je m’intéresse à la
    création d’expériences qui offrent aux spectateurs l’opportunité d’entrer
    différemment en relation avec les objets qui les entourent. Ne plus rester tout
    simplement assis sur une chaise et regarder le spectacle. Et ne pas devoir non
    plus se lever debout devant tout le monde pour y participer. Je déteste ça. Ici,
    cela ressemble plutôt à une invitation au dîner, à goûter aux choses que l’on
    aime ou à créer un environnement où l’invité est surpris par un objet très
    simple, qu’il voit tous les jours, mais qui, tout d’un coup, devient
    intéressant, voire magique en quelque sorte ; un objet qui sera
    redécouvert. C’est en quelque sorte prendre du temps pour soi-même. Entrer en
    contact avec ses propres pensées ou sensations… »






    Un
    autre spectacle présenté dans le cadre de la Biennale régionale de chorégraphie
    s’intitule « Mothers of Steel » (mères d’acier). C’est une
    co-production roumano-polonaise, un projet créé et interprété par Mădălina
    Dan et Agata Siniarska, deux artistes qui ont commencé à travailler
    ensemble par hasard, dans le cadre d’un projet européen.




    Agata
    Siniarska raconte : «On ne savait pas très bien quoi faire. Le fait que
    nous provenions toutes les deux de pays ex-communistes a été le lien le plus
    évident. Nous avons commencé à parler de nos mères et des mères à l’époque du
    communisme en Roumanie et en Pologne. Ce fut le point de départ de cette
    recherche. Nous avons constaté combien nombreux sont les clichés liés aux
    Polonais en Roumanie et aux Roumains en Pologne. Nous avons constaté que nous
    croyions tous que le communisme était le même pour tous, alors qu’il s’est
    manifesté de manières tellement différentes dans les deux pays. Ce fut un
    échange culturel et historique très intéressant. »






    Le projet « Mothers of Steel
    » est une analyse de la manière dont on peut travailler sur l’affectivité et
    notamment sur le fait de pleurer, de verser des larmes, affirme la chorégraphe
    Madalina Dan : « Nous nous sommes intéressées moins au côté
    personnel, et plutôt aux connexions politiques, à l’identité nationale et à ses
    symboles : pourquoi il faut avoir une identité émotionnelle, pourquoi il
    existe tant de souffrance pour des souvenirs et de la nostalgie, pour des
    histoires personnelles, pour les endroits où nous avons vécu, pour notre
    langue… Voilà ce qui nous a intéressées. Ma collègue a visé plutôt le côté
    pathétique, monumental ou propagandiste, elle a voulu savoir ce que cela veut dire
    avoir des sentiments réels pour sa patrie, comme le communisme le demandait.
    Moi, je me suis penchée plutôt sur le côté affectif, sur les voies par
    lesquelles nous arrivons à nous identifier avec l’émotion du patriotisme.»




    C’est par ce type de spectacle et
    bien d’autres que la Biennale régionale de chorégraphie a permis au milieu
    artistique aussi bien qu’au public roumain d’entrer en contact avec la danse
    contemporaine d’autres pays de la région.




    Vava Stefanescu, manager du
    Centre national de la Danse de Bucarest : « Tout voyage nous apprend
    quelque chose sur nous-mêmes, nous apprend à repenser notre position envers le
    monde, à nous développer, à nous reconstruire. Il en va de même pour le
    déplacement des artistes et des idées qu’ils génèrent par leurs spectacles.
    Si on se rapporte tout le temps à un seul espace très limité et fermé, on n’a
    pas trop de chances d’évoluer et de développer notre pensée. Le fait de mettre
    l’accent sur la mobilité en tout genre n’est pas qu’une mode. Je trouve que ce
    qui se passe en Europe Orientale est très important, pas forcément dans une
    logique de séparation Est-Ouest, mais plutôt du point de vue de l’existence
    d’un espace de réflexion très authentique, qui réagit différemment par rapport
    à l’Occident face à ce qu’un marché veut dire. J’ai constaté que dans les pays
    de l’Est, la situation de la danse contemporaine est en quelque sorte similaire
    – nous avons tous besoin des mêmes choses, dont surtout un meilleur contact
    avec le public. »






    Notons pour terminer que la
    Roumanie est le seul pays de la région où existe un Centre National de la
    Danse, une institution publique au service de la danse contemporaine. (Trad.
    Valentina Beleavski)

  • Artistes invités à « danse //pl – Hier. Demain.Aujourd’hui.”

    Artistes invités à « danse //pl – Hier. Demain.Aujourd’hui.”

    Les journées de la danse polonaise ont été ouvertes par le Théâtre Dada von Bzdülöw de Danzig, fondé en 1992 par Leszek Bzdyl et Kataryna Chmielewska. Les deux ont présenté le spectacle « Duos inexistants », dont le sujet a été la rencontre entre l’homme et la femme, sous toutes ses formes. Nombre de leurs spectacles sont inspirés de la littérature, comme c’est le cas des « Duos inexistants ». Leszek Bzdyl : « Ce spectacle est basé sur le livre d’Italo Calvino, « villes invisibles ». Nous l’avons lu et il nous semble être une histoire intéressante. Marco Polo essaye de dire à Kublai Khan les histoires de certaines villes, qui n’existent pas. Chaque ville est pleine d’odeurs, de couleurs, d’idées, de philosophies. J’ai continué cette idée des villes invisibles dans notre spectacle et nous avons pensé qu’il serait intéressant de parler de la femme et de l’homme, tout comme Marco Polo parlait de ces villes à Kublai Khan. »



    Alors que les deux danseurs racontent des histories avec leurs corps, des textes racontant eux aussi des histoires sont projetés derrière eux. Ecoutons le chorégraphe Leszek Bzdyl : « De nombreux mots se trouvent autour de nous. Lorsqu’il s’agit d’une situation de vie, nous essayons de la décrire à travers les mots. Mais nous utilisons des copies des mots dans d’autres situations. C’est pourquoi nous avons décidé de présenter cette histoire entre un homme et une femme sans utiliser des paroles, mais uniquement par le biais de notre présence sur la scène, entourés par les paroles, le poème, le texte. Il s’agit-là du niveau de compréhension, de ce que nous voulons voir. Par exemple, le texte que nous projetons sur les écrans c’est la poésie d’un ami, mais il ne nous vise pas directement. C’est son histoire à lui sur un homme et une femme. Un autre texte appartient à un compositeur polonais et c’est en fait un autre genre de poésie. Il essaie de dire des choses sur une femme et un homme, mais finalement il arrive à parler de lui-même. C’est là le défi que nous lançons au public : qu’est – ce que vous voulez voir? Vous préférerez voir votre propre histoire ou bien être de nos côtés? Vous vous rapprochez des mots ou des gestes, de la sensibilité des artistes qui se trouvent sur la scène ? »



    A l’invitation du collectif komuna//warszawa, le danseur et chorégraphe Mikołaj Mikołajczyk a fait revivre, dans le cadre du projet RE//MIX, une des légendes du théâtre polonais. Il s’agit de Henryk Tomaszewski, celui-même qui se trouve à la base de sa carrière de danseur. Le spectacle “RE//MIX Henryk Tomaszewski”a été présenté à Bucarest aussi, lors des Journées de la danse polonaise.



    Mikołaj Mikołajczyk explique qu’à la différence de son mentor, qui mettait un accent particulier sur l’esthétique, sur la technique de la danse, lui, il mise sur le contact avec le spectateur et l’impact émotionnel du spectacle. “Dans ce spectacle, je me sens moi-même, mais sans Tomaszewski, mon père artistique, ce spectacle n’aurait pas existé. Ma vie artistique a commencé au moment où Tomaszewski m’a donné ce souffle. Je tente d’exprimer ce que cela a signifié pour moi. D’ailleurs c’est dans le même registre que je clos le spectacle: le souffle dont Tomaszewski m’a fait don et moi-même nous ne faisons qu’un. L’artiste que je suis actuellement doit tout à ce souffle. J’ai toutefois tenté de couper le cordon ombilical qui me liait à Tomaszewski. Il y a une vingtaine d’années, il m’avait invité dans son théâtre. Il m’avait pris la main, puis il l’avait lâchée. C’est ce que je fais moi aussi avec mes spectateurs. Je souhaite qu’il ressentent exactement la même émotion que j’ai éprouvée il y a vingt ans, quand Tomaszewski m’a invité dans le théâtre”.



    Considéré comme un précurseur de la danse contemporaine, comme quelqu’un qui occupe une place unique et sans égal dans l’histoire de la danse, Vaslav Nijinsky notait dans son « Journal »: “ Je suis Dieu au plus profond de mon être. Tout le monde a le même sentiment, mais personne ne le met à profit”.



    Ce « Journal » est à l’origine du spectacle “Nijinsky. La fête des rêves”, créé par une équipe de trois artistes. Il part de l’idée du metteur en scène Sławek Krawczyński, qui puise son inspiration dans la psychologie centrée sur le processus et développée par le Suisse Arnold Mindell. Voici ce qu’affirmait le danseur Tomasz Wzgoda à propos de la naissance de ce spectacle : “Cette méthode de la psychologie centrée sur le processus s’est avérée être très intéressante, car elle travaille davantage avec le psychisme. Quand il a cessé de danser, Nijinski, a commencé à être atteint de troubles psychiques, diagnostiqués comme étant de la schizophrénie. Moi j’ai travaillé surtout avec l’inspiration, avec les impulsions fortes, avec ses pensées. Il montait sur la scène pour transmettre aux gens de l’énergie vitale. Tant qu’il a dansé, il a été en bonne santé, mais dès qu’il a arrêté de le faire, il n’a plus utilisé cette énergie, ne l’a plus transformée et s’est éloignée de la vie. Il a été intéressant de suivre cette histoire et de trouver les mouvements capables de la rendre. En ce sens, la méthode que j’ai utilisée pour créer la chorégraphie, celle de la psychologie orientée vers le processus, cette méthode donc a été très intéressante. C’est moins de la chorégraphie et plus du processus psychique de Nijinski”.



    Les journées de la danse polonaise à Bucarest se sont achevées par deux solos créé et interprétés par Agata Maszkiewicz et Agata Siniarska, deux jeunes chorégraphes représentatives de ce qui se passe actuellement dans la danse contemporaine de Pologne.



    Il s’agit du fait qu’en raison des maigres financements, la plupart des chorégraphes choisissent de danser des solos créés par eux-mêmes. “dans//pl — Hier.Demain.Aujourd’hui” est un événement organisé par le Centre national de la danse de Bucarest en partenariat avec l’Institut culturel polonais, afin de mettre en relation la danse roumaine avec les cultures chorégraphiques de la région…(trad. : Mariana Tudose, Alex Diaconescu)