Tag: Cimetière joyeux

  • Les croix peintes de Săpânţa

    Les croix peintes de Săpânţa

    Bien que dans la culture roumaine, la mort soit généralement accueillie
    avec chagrin, le département de Maramureş, dans le nord de la Roumanie, a pris
    le pas de voir les choses autrement. C’est ainsi qu’est née une nouvelle
    tradition en 1935, grâce au désormais célèbre « cimetière joyeux » de
    Săpânţa. A partir de 1960, les épitaphes colorées sculptées dans le bois se
    sont multipliées dans ce lieu de recueillement, qui est devenu, avec le temps,
    un véritable musée à ciel ouvert, unique en son genre, et qui fait le bonheur
    des touristes. Les visiteurs pourront observer que les croix sont peintes
    parfois des deux côtés : sur la première se trouve une description de la
    vie du défunt, et sur l’autre la cause de son décès. La plupart des textes sont
    écrits en vers et comportent des fautes d’orthographe ou expressions désuètes.


    Aujourd’hui nous en sommes à la troisième génération de sculpteurs de croix
    de bois traditionnelles. Ana-Maria Stan est fille de Dumitru Pop-Tincu qui fut
    apprenti de Stan Ioan Pătraș, le premier créateur de ces croix pas comme les
    autres elle est aussi l’épouse de celui qui perpétue aujourd’hui cette
    tradition : Stan Ioan Pătraș deuxième du nom. Elle nous raconte :


    « Mon père est devenu l’apprenti
    de Stan Pătraş à l’âge de 9 ans. Puis il est allé poursuivre sa formation à
    Timișoara, dont il est revenu en 1977, après le décès de Stan. Il a
    perpétué la tradition jusqu’à ce qu’il a passe à son tour l’arme à gauche, à
    l’âge de 67 ans. Il aimait beaucoup le village, puisqu’il était lui-même
    originaire de Sapanţa. C’est probablement ce qui lui a donné goût à cette tradition
    qu’il a voulu préserver. Avec ces croix en bois, Stan Pătraş nous a aidés nous,
    les habitants du village, à mieux vivre notre deuil, qui fait partie de la vie
    en fait. Pour nous c’est quelque chose de normal. Je suis jeune, j’ai grandi
    avec ces croix, je n’ai connu que ça, cela me semble tout à fait normal et aux
    habitants du village aussi.
    »


    La légende raconte que Stan Ioan Pătraș premier du nom se serait inspiré de
    la culture dace qui considérait la mort comme un évènement joyeux. Quoiqu’il en
    soit, les artisans ont eu à cœur de perpétuer la tradition, en formant les
    nouvelles générations. Ana-Maria Stan poursuit :


    « Mon père, comme Stan Pătraș avant
    lui, a eu deux filles. Ils ont chacun formé de nombreux apprentis. Je me suis
    mariée en 2011 et mon mari a travaillé aux côtés de mon père. Pas tout le
    temps, bien sûr. Mais après notre mariage il l’a aidé et c’est comme ça qu’il a
    appris le métier. Nous avons un fils, mais si d’autres ont envie de découvrir
    cet art de la sculpture de croix de bois, pourquoi ne pas leur
    apprendre ?
    »


    Nous avons demandé à Ana-Maria Stan si les visiteurs avaient une épitaphe
    préférée :


    « La plus recherchée par les touristes est
    une épitaphe faite par mon père qui dit : « Sous cette
    lourde croix/Gît ma pauvre belle-mère/Si elle avait vécu encore trois jours /C’est
    moi qui était allongé ici et elle lisait cette poésie
    ».




    Les croix
    du Cimetière Joyeux de Săpânţa peuvent être élevées au même rang que toutes les
    grandes créations et chefs-d’œuvre, témoignage d’une nation dotée de nombreux
    talents, d’une véritable créativité. Pour fabriquer ces croix, les artisans se
    sont inspirés de la vie quotidienne des gens, de leurs sentiments et de leurs
    expériences. Elles racontent la vie de tous ceux qui sont passés dans
    l’au-delà. La croix est un reflet du défunt. Les croix qui ont rendu célèbre le
    village de Săpânta sont uniques, à la fois pour la couleur bleue mais surtout
    pour leurs épitaphes, pour la plupart amusantes, qui décrivent la vie des
    défunts. Toutes sont écrites dans le dialecte propre à la région. Dumitru
    Pop Tincu raconte que bien qu’il n’utilise plus ce dialecte dans sa vie
    quotidienne, il continue de l’utiliser religieusement pour la sculpture des croix,
    comme le faisait le tout premier artisan.


    Ana-Maria Stan, fille de Dumitru Pop Tincu, nous a raconté la fabrication
    des croix et nous a parlé de la durée nécessaire pour les sculpter. Elle nous a
    invités dans l’atelier de son mari :


    « Vous pouvez nous retrouver ici, à Săpânta, dans la maison commémorative
    Ioan Stan Pătraș, où vous pouvez visiter et voir ce que Stan Pătraș a fait au
    cours de sa vie. Vous y retrouverez aussi quelques tableaux de mon père ainsi
    que son atelier. Vous pouvez observer en direct le processus de fabrication
    d’une croix.
    Il comporte plusieurs
    étapes, de la coupe du bois à la sculpture. On reçoit le morceau de bois qui
    doit d’abord sécher 7 ans. Une commande dure environ 3-4 semaines.
    Nous ne disposons pas tout de suite la croix après le décès. Elle
    est posée environ un an plus tard. La famille vient passer la commande et la
    croix leur est ensuite livrée environ 3 à 4 semaines plus tard.
    »


    Le Cimetière joyeux de Săpânţa est connu dans le monde entier par tous les
    amoureux de la culture et tradition roumaines et continue d’attirer chaque
    année des milliers de visiteurs. (Trad : Charlotte Fromenteaud)

  • Au Maramureș

    Au Maramureș

    Le long des siècles, les forêts ont assuré aux habitants de la contrée la matière première nécessaire à la construction d’imposantes églises et de superbes portails en bois sculpté, véritables œuvres d’art traditionnel roumain. Nous découvrons cette véritable « civilisation du bois » en compagnie de Petru Daniel Maran, directeur du Centre national d’information et de promotion touristique de Sighetu Marmaţiei :



    « Le meilleur point de départ pour visiter la région est la ville de Sighetu Marmaţiei, qui est depuis l’année dernière station touristique d’intérêt local. Le premier document attestant l’existence de la ville date de 1326. Elle a été à la fois résidence des voïvodes, centre administratif du comté de Maramureş et chef-lieu du département. Les touristes de passage par Sighetu Marmaţiei ont à leur disposition un large éventail de sites touristiques et d’évènements culturels. L’offre de tourisme culturel tourne autour des musées de la ville, à savoir : le Mémorial des victimes du communisme et de la résistance, le Musée du village du Maramureş, le Musée d’ethnographie, le Musée de la culture juive — la Maison musée Elie Wiesel, le Musée d’histoire, d’archéologie et des sciences de la nature et enfin la Maison musée dr Ioan Mihalyi de Apșa. La ville de Sighetu Marmaţiei possède pas moins de 99 monuments historiques, dont la plupart des immeubles anciens ou des complexes architecturaux. Depuis 2017 Sighetu Marmaţiei est inclus sur la liste des destinations européennes d’excellence, suite à sa participation à cette compétition dans la section « Tourisme culturel tangible ». J’ai le plaisir de vous inviter au mois de décembre à Sighetu Marmaţiei, même si cette année, pour des raisons liées à la gestion de la pandémie de Covid-19, le Festival des traditions d’hiver ne se tiendra plus à Sighetu Marmaţiei dans le cadre du Festival « Marmaţia ». Mais nous avons en échange un marché de Noël, déroulé au centre-ville jusqu’au 26 décembre. Dans le cadre de ce marché, des récitals de cantiques se dérouleront autour du sapin de Noël toutes les soirées de fin de semaine pour enchanter les visiteurs. »



    Nous poursuivons notre voyage avec des visites aux principaux sites touristiques de villages du Maramureş. Petru Daniel Măran.


    « Pour commencer je vous propose de visiter la commune de Săpânța sur la vallée de la Tisa. Le premier site touristique à visiter est le Cimetière Joyeux. C’est un véritable musée de l’art traditionnel, tout à fait original. Ce fut en 1935 que Stan Ioan Pătraș a commencé à tailler dans le bois les premières croix qui ont fait la renommée de la localité de Săpânța. Les croix sculptées et vivement colorées refont d’une manière caricaturale des aspects de la vie des personnes décédées, le cimetière devenant ainsi une véritable chronique de la communauté locale. Lorsque vous êtres déjà à Săpânța, il ne faut pas rater non plus la maison musée de l’artisan Stan Pătraș. Un autre site important qui attire les touristes intéressés par l’art de la sculpture en bois est le monastère de Săpânța-Peri, situé dans une superbe forêt de chênes appelée Dumbrava. Les touristes ne devraient pas rater non plus la visite des églises en bois qui rendent la région du Maramureş célèbre. Le plus grand nombre d’églises anciennes en bois est à retrouver sur les vallées des rivière Iza, Mara et Cozău. Je vous recommande de visiter celles de Desești, Budești, Bârsana, Poienile Izei et Ieud, particulièrement belles et protégées par l’UNESCO. Je vous invite à faire une halte au monastère de Bârsana, célèbre pour son architecture traditionnelle en bois. Je vous recommande les villages de Breb, Botiza, Ieud et Oncești, qui gardent vivantes l’architecture, les vêtements et les traditions de la contrée. Une fois arrivés au Maramureş, vous pouvez visiter la station touristique et ville d’eaux Ocna Șugatag, dont les eaux ont des propriétés curatives. »



    Petru Daniel Măran, directeur du Centre national d’information et de promotion touristique de Sighetu Marmației, nous recommande aussi de faire une randonnée avec la Mocăniţa, ce train decauville de Vişeul de Sus. La locomotive à vapeur tire le train en amont le long de la Valée de la rivière Vaser sur un chemin de fer à écartement étroit. Ce voyage ne fera qu’illustrer le riche patrimoine technique et culturel, mais aussi le paysage spectaculaire de la Valée du Vaser. Par ailleurs, en hiver, les touristes disposent d’innombrables autres variantes de loisirs.



    « La contrée du Maramureş a des hivers avec beaucoup de neige et des montagnes hautes, soit le cadre naturel idéal pour pratiquer les sports d’hiver. Les pistes de ski sont à retrouver à Borşa, au col de Prislop, dans la station d’Izvoarele et à Cavnic. Côté randonnées sauvages, vous pouvez suivre les itinéraires faciles de la région des dépressions, qui permettent de passer d’un village à l’autre via des sentiers pittoresques et des itinéraires alpins. Les trajets les plus spectaculaires sont ceux du massif de Rodna, dont les sommets dépassent les 2 000 mètres. Ce qui plus est, les pensions touristiques des villages du Maramureş proposent souvent des randonnées en chariot ou en traineau, en fonction de la saison. Les fêtes d’hiver constituent une excellente occasion de montrer le côté authentique de la contrée. Normalement, au mois de décembre, toute une série d’événements culturels s’y déroulent, mais à cause du contexte pandémique, cette année, ils ont été adaptés pour offrir un niveau élevé de protection tant aux visiteurs qu’aux habitants des parages. A l’occasion des fêtes de fin d’année, les gîtes ruraux du Maramureş sont archipleins et cela en dit long sur l’hospitalité des habitants des lieux. Les touristes qui choisissent de passer les fêtes en compagnie des gens du Maramureş seront tout simplement enchantés. Je vous le garantis ! »



    Sachez aussi que plusieurs projets visent à développer davantage le tourisme au Maramureş, nous dit notre guide d’aujourd’hui, Petru Daniel Măran.


    « Certains prévoient d’aménager le domaine skiable, d’autres de marquer les itinéraires touristiques et de réhabiliter le patrimoine culturel des villages. A Sighetu Marmaţiei, nous souhaitons réhabiliter les immeubles qui accueillent les sections du musée du Maramureş et des autres bâtiments classés monuments historiques. A présent, nous sommes en train de mettre en œuvre un projet transfrontalier visant à restaurer la Maison musée d’Elie Wiesel. Nous déroulons un projet visant à installer des panneaux de promotion touristique et nous comptons refaire au printemps la signalétique des itinéraires touristiques dans la ville. En conclusion, je voudrais vous souhaiter Joyeuses fêtes et vous inviter au Maramureş pour voir par vos propres yeux tout ce que je vous ai raconté. »



    Voici donc autant d’arguments de visiter le Maramureş, une destination phare en Roumanie, notamment durant les fêtes de fin d’année.


    (Trad.: Alex Diaconescu)




  • Le cimetière joyeux de Sapânta

    Le cimetière joyeux de Sapânta

    On l’a décrite comme un monde ancien qui a conservé des traditions oubliées ailleurs. En 2015 par exemple, le Maramureș était une des destinations recommandées par le National Geographic Traveler. En 2012, la publication française L’Express avait réalisé le classement des 10 plus beaux cimetières du monde, y incluant le Cimetière joyeux de Săpânţa, un petit village du Maramureș. Il est connu pour ses croix en bois peintes en couleurs vives et contenant des épitaphes en vers, racontant d’une manière amusante la vie de chaque défunt.

    A 45 km du Cimetière joyeux de Săpânţa, se trouve le village de Breb. On dit que c’est là que l’on peut voir, la nuit, « la plus belle Voie Lactée». Mais revenons à Săpânţa pour un tour guidé en compagnie du prêtre Grigore Luţai: « A Săpânţa il faut avant toute chose visiter le Cimetière joyeux. Puis, à moins d’un kilomètre de distance, il y a le monastère de Săpânţa Peri, au bord de la rivière Tisa, une construction impressionnante en bois de chêne. L’église à 75 mètres de hauteur et comporte trois niveaux. Elle se trouve à l’intérieur d’un parc dendrologique qui s’étale sur 21 hectares et réunit de plus de 30 espèces différentes d’arbres et arbustes. Săpânţa est d’ailleurs une des plus belles localités du Maramureș, s’étalant sur une quarantaine d’hectares et entourée de forêts. Je suis toujours impressionné de voir les nombreux touristes étrangers qui visitent ce monastère quelle que soit la saison. Même le New York Times nous a consacré deux articles à sa Une, en 1998 et en 2003. Souvent j’entre dans le cimetière de Săpânţa en vêtements laïcs et je me mêle aux touristes. Je les vois passer des heures devant les croix, amusés, à copier les épitaphes. Ici, à Săpânţa, on rit beaucoup. »

    On y rit beaucoup, mais on y mange bien aussi. Grigore Luţai, le prêtre du Cimetière joyeux de Săpânţa, nous parle de la gastronomie locale : « Je suis originaire du Maramureș et je connais bien la cuisine de la contrée. Tous nos plats sont très sucrés. On utilise beaucoup de crème aigre. Souvent, on évite le piment, par conséquent, les plats ne sont pas trop piquants. Les soupes aigres sont très bonnes aussi et nous nous enorgueillissons également de la polenta préparée avec des couches de fromage et de saucisses. Ce sont des plats qui n’existent pas dans d’autres régions du pays. »

    Au Maramureș on trouve aussi des fermes traditionnelles toujours habitées et prêtes à accueillir des touristes. L’intérieur est spécifique aux maisons paysannes traditionnelles dont les murs sont bleus et les fenêtres sont petites et faites en bois. Les objets se trouvant à l’intérieur des pièces ont été réalisés par les maîtres artisans locaux. Ce sont de véritables «musées vivants», affirment les habitants de la zone. Père Grigore Luţai ajoute: « Chaque maison a gardé ses vêtements paysans. Et il y a aussi une autre chose spécifique, extraordinaire, à Săpânţa. Chaque maison a une pièce appelée « la chambre d’honneur » où sont organisés les événements les plus chers aux hôtes. On ne l’utilise jamais pour dormir. Ses lits sont très hauts et très étroits. C’est dans cette pièce que l’on met les plus beaux tapis et des icônes très anciennes. C’est l’autel de la famille. C’est ici que l’on organise le repas d’honneur lors du baptême de l’enfant. Les chambres, la véranda, les maisons traditionnelles sont peintes de bleu, le symbole du ciel sur la terre. Les costumes traditionnels des habitants de Săpânţa sont eux aussi d’un bleu intense. »

    Ici s’achève notre voyage dans ce village unique en Roumanie et en Europe. (Trad. Valentina Beleavski)