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  • Céramique monumentale à Medgidia. Un projet innovateur des années 1970

    Céramique monumentale à Medgidia. Un projet innovateur des années 1970

    Il était une fois une association roumaine qui se donnait pour but de promouvoir la céramique roumaine. Et il était une fois, à Medgidia, dans le sud-est de la Roumanie, une colonie de création de céramique monumentale.







    Plusieurs décennies séparent ces deux projets. Les colonies artistiques de Medgidia ont eu lieu dans les années 1970, alors que lassociation mentionnée tente, de nos jours, à faire revivre ce patrimoine culturel national oublié. Et pour cause. Ces colonies restent quasi inconnues, aujourdhui, même des spécialistes, alors que cest justement là que furent jetées les bases de la céramique roumaine moderne.







    Les débuts de ce phénomène remontent aux années 1970. Cest entre 1971 et 1977 quenviron 80 ouvrages en céramique monumentale ont vu le jour à Medgidia. Leurs créateurs en ont fait don à la ville pour décorer différents espaces publics – parcs, places publiques ou encore la falaise du Canal de Carasu. Malheureusement, il ny en reste plus grand-chose, de nos jours, car la plupart de ces créations ont été détruites lors des travaux de construction du canal reliant le Danube à la mer Noire, à la fin des années 70 et au début des années 80. A lépoque, ces colonies de création étaient quelque chose dinédit. Cétait pour la première fois que la céramique prenait une forme monumentale, étant censée décorer les espaces publics de cette petite ville de Dobroudja.





    Cest justement pour remettre en valeur ce patrimoine culturel oublié, quune nouvelle initiative est née. Une équipe de céramistes a démarré un projet de recherche, intitulé « Patrimoine culturel revisité. Les Colonies de Medgidia – phénomène fondateur de la céramique roumaine contemporaine». Ils ont interviewé des artistes ayant participé à ces colonies de création, ils ont épluché les archives.




    Oana Rill fait partie de cette équipe et nous parle des débuts de ce projet : « Ce fut une initiative commune, lancée par Gheorghe Fărcășiu, un céramiste avec lequel nous avons beaucoup collaboré ces dernières années. En fait, Gheorghe Fărcășiu comptait parmi les invités au premier projet du domaine de la céramique, déroulé par notre association. Il nous a montré un catalogue douvrages de cette époque-là. Bien que je sois diplômée de la section de céramique de la faculté darts plastiques, jignorais complètement lexistence de ces colonies et je ne connaissais pas non plus les céramistes qui y avaient participé. Et je me suis rendu compte que si jen avais été au courant, jaurai évolué, peut – être, différemment. »





    Pour savoir davantage sur ces colonies, léquipe de Oana Rill a voyagé aux 4 coins de la Roumanie : à Bucarest (sud), Medgidia, Constanţa (sud-est), Sibiu, Alba-Iulia et Sighişoara (centre). Ses membres sont aussi entrés en contact avec les artistes établis à létranger, dont certains aux Etats-Unis. Ils ont étudié des documents darchives – articles de la presse de lépoque ou des magazines spécialisés, photographies des années 70 se trouvant dans des collections privées. Eduard Andrei fait lui aussi partie de léquipe qui a mis sur pied ce projet ambitieux intitulé « Patrimoine culturel revisité. Les Colonies de Medgidia – phénomène fondateur de la céramique roumaine contemporaine ».



    Eduard Andrei explique pourquoi ce phénomène méconnu est tellement important pour ce domaine de lart : « Notre intérêt pour les colonies de céramique monumentale de Medgidia part du constat évident que ce sujet est quasi inconnu. Cest valable aussi pour les spécialistes. Et là je pense aux étudiants des facultés des Beaux-Arts, de la section de Céramique. Pratiquement, ils nont pas eu accès jusquici à une base de données bibliographiques, ni aux documents darchive qui les aident à comprendre limportance de ce phénomène. A notre avis, ces colonies de création de Medgidia ont jeté les fondements de la céramique roumaine contemporaine. Avant, la céramique était considérée comme un art mineur, qui produisait des objets de petites dimensions, dutilité générale. Et elle était traitée comme telle. Or, une fois lancées les Colonies de Medgidia, la céramique a conquis lespace public. Du coup, on ny pensait plus uniquement en termes de petits objets. Ce fut aussi une expérimentation technique très intéressante pour les artistes participants, qui navaient pas travaillé de pareils ouvrages auparavant, en fait, ils navaient jamais créé de la céramique sculpturale, censée décorer les espaces publics de Medgidia. »




    Dans les années 70, à Medgidia, un art qui restait normalement à lintérieur des ateliers sortait pour la première fois à lextérieur. Les parcs de la ville étaient parsemés de sculptures géantes en céramique, aux formes plus ou moins abstraites. De nos jours, il nen reste plus que des photos, réunies sur le site du Musée national dart contemporain de Roumanie, dans la section docu.magazin, consacrée à la Documentation et à la Mémoire numérique. Et grâce à léquipe de céramistes passionnés dont nous venons de parler, les Colonies de céramique de Medgidia sont à découvrir aussi dans un volume bilingue, en roumain et en anglais. Lalbum a été lancé en novembre 2019 à Medgidia et à Bucarest, en présence dartistes participants. (Trad. Valentina Beleavski)


    Découvrez des photos ici:


    http://www.documagazin2.mnac.ro/galeriemedgidia.html


  • Les Grecs de Bucarest

    Les Grecs de Bucarest

    Les Grecs figurent parmi les premiers à s’être installés dans le sud de la Roumanie où ils ont fondé les colonies de Histria, Tomis et Callatis au bord de la mer Noire. La province roumaine de Dobroudja a été considérée longtemps comme un véritable berceau de la communauté grecque dans la région dont les traces restent toujours visibles. Notons à titre d’exemple la localité dite des Grecs dans le nord de la Dobroudja ou encore le sommet homonyme situé à 467 mètres d’altitude dans les monts de Dobroudja. Et n’oublions pas les vestiges de la célèbre cité d’Enisala, ancienne forteresse des colons grecs byzantins et génois datant de la fin du 13è siècle.



    Ce fut vers la deuxième moitié du 15e siècle, après la chute de Constantinople le 29 mai 1453, lors de la prise de la ville par les troupes ottomanes conduites par Mehmed II que les Grecs commencèrent à fixer du regard les territoires au nord du Danube. Aux dires de l’historien Georgeta Penelea-Filiti, ce fut là une véritable tentative des colons grecs de faire renaître leur monde en terre roumaine: « A la disparition de l’Empire byzantin, les Grecs se tournent vers les Principautés roumaines pour essayer d’en faire un refuge. Je crois qu’on pourrait parler d’une heureuse coïncidence car Byzance disparaît en 1453 et six ans plus tard, en 1459, les documents attestent pour la première fois l’existence d’un petit bourg en terre roumaine qui 200 ans plus tard allait devenir sa capitale. Qu’est ce qui s’est donc passé en 1453? A l’époque, l’humanité assiste à la disparition de tout un univers plein de vie, marqué par le développement urbain, politique, juridique et institutionnel phénoménal réalisé par les Grecs. Or, au moment de la prise de la ville par les Ottomans, beaucoup de Grecs se sont vu forcer de quitter Byzance. Parmi eux, les Cantacuzène, l’une des familles les plus importantes de la ville conquise par les Turcs. De souche impériale, aisée et entreprenante, elle a fini par s’installer en terre roumaine et s’impliquer activement dans la vie politique du pays en devenant vers le 17e siècle le fer de lance du patriotisme. C’est là un exemple qui prouve que la roumanisation des Grecs était devenue une réalité ».



    Un autre chapitre de l’histoire des Grecs de Bucarest commence à compter de 1453, au nord du Danube. Les Grecs s’établissent en Valachie, notamment à Bucarest, mais l’évolution de leur communauté est inégale, guidée selon des raisons économiques et politiques et des options personnelles. Georgeta Penelea-Filiti: « Les Grecs n’arrivent pas dans l’espace bucarestois uniquement en tant que princes. Un d’entre eux fut même appelé «fabriquant de princes», car il s’était subordonné tous les compétiteurs au trône de Valachie. Les Grecs qui s’établissent dans cette région sont attirés par ses nombreuses opportunités, notamment financières, par la possibilité de valoriser leurs biens, par la qualité de la vie. Ce sont des gens appartenant à différentes classes sociales. Sans avoir fait de statistique, mais après avoir parcouru les documents, je dirais que la plupart des Grecs de Valachie travaillent dans le commerce, dans la finance ou dans la culture. C’est ici qu’intervient un élément qui va marquer l’histoire de la Roumanie pendant des centaines d’années, après 1453. Les Roumains étaient bienveillants, tolérants, gentils, mais plutôt passifs. Par conséquent la société avait besoin d’un élément dynamique, actif, de quelqu’un capable de mener à bonne fin une activité. Les Grecs arrivent avec leurs bons et leurs mauvais côtés. Sans doute que la plupart des Grecs qui se dirigent en force vers la Valachie font partie de l’entourage des princes. Et c’est sûr qu’une personne qui collecte les impôts n’est pas quelqu’un de très agréable. Mais ils sont aussi enseignants, docteurs, juristes et ils contribuent tous à la formation de la société urbaine roumaine, ils la rendent plus dynamique et développent sa culture ».



    Le 18e siècle est, sans conteste, lapogée de la présence grecque dans les territoires roumains, une période appelée des “phanariotes”. Cest alors que sinstallent dans les principautés les princes issus de familles grecques, habitant le Phanar, un quartier huppé du Constantinople de lépoque. Ces nobles allaient non seulement parfaitement sintégrer dans la société roumaine mais avoir également une contribution décisive à lessor culturel de ces territoires. Georgeta Penelea-Filiti: «On ne saurait ignorer ces Grecs qui arrivent ici en très grand nombre, qui travaillent, senrichissent et qui assument une activité dont ils sont des maîtres jusquà nos jours – la stratégie matrimoniale. Pour mieux sintégrer, se fondre dans la population, ils étaient autorisés à prendre des Roumaines pour épouses… Cest ainsi que la plupart des Grecs ne quittent plus la Valachie, ce qui amène lun dentre eux à affirmer en 1719: ” Constantinople? Cest une ville qui ne mintéresse plus – ici jai tout ce quil me faut”. Un autre Grec sémeut et senthousiasme à la fois – “si le paradis existe, il devrait être à limage de la Valachie”. Lafflux de Grecs dans la capitale roumaine pousse même les historiens et les voyageurs à appeler Bucarest une ville grecque ».



    Nombre de personnalités roumaines marquantes ont des origines grecques – cest le cas des écrivains Panaït Istrati ou Ion Luca Caragiale, de la soprano Hariclea Darclée, de lindustriel Nicolae Malaxa ou encore du banquier Zanni Chrissoveloni. Une communauté très spéciale qui a changé le visage de Bucarest depuis la vie économique et culturelle à larchitecture…(trad.: Ioana Stancescu, Valentina Beleavski, Andrei Popov)