Tag: communautés

  • Le rituel des Paparude …

    Le rituel des Paparude …

    La tradition des Paparude est spécifique des régions de la Roumanie où jadis lon pratiquait lagriculture intensive, à savoir dans les zones de plaine, comme celle du Danube, mais aussi dans les vallées des rivières de Transylvanie, du Banat ou de Crișana. Elle était rigoureusement respectée dans les communautés archaïques, afin que les terres agricoles reçoivent des quantités optimales deau apportées au printemps par la pluie. Les étapes et lorganisation de la fascinante procession des Paparude étaient très strictes, ce que nous raconte en détail lethnologue Florin Ionuț Filip-Neacșu.



    « Ce rite remonte à la nuit des temps et il existe tout un débat entre ethnologues et ethnographes roumains et étrangers sur la question de ses origines. On pense que cest une vieille tradition préchrétienne par laquelle on invoquait une divinité marine. Les Paparude représentaient ainsi une cérémonie consacrée à la pluie durant les périodes de sécheresse. Dans les écrits conservés de Descriptio Moldaviae, de Dimitrie Cantemir, on voit quil sagit dun groupe de jeunes filles dirigées par une femme plus âgée, elle aussi une paparudă dans sa jeunesse. Elles étaient sommairement habillées et recouvraient leur corps dun vêtement fait de feuilles darmoise et dautres plantes qui poussaient au bord de leau. Les chansons accompagnaient la constitution dun cortège funèbre qui allait noyer une poupée réalisée en pailles et en argile, incarnant la sècheresse et la fin de celle-ci grâce au retour des pluies. »



    La manifestation publique du rituel des Paparude est similaire à la pratique du colindat, qui consiste, notamment pour les enfants, à aller de porte en porte pour annoncer par des chants la Nativité ou encore larrivée du Nouvel An. Le nombre de personnes qui participent au convoi peut varier, mais il est obligatoire quau moins une ou deux dentre elles portent des costumes traditionnels de feuilles ou de guirlandes de hêtre, de chêne, de noisetier et des rubans rouges. Dans cette danse rudimentaire les femmes tapent des mains en prononçant une incantation. Le groupe arpente les rues du village et se laisse asperger deau par les habitants, notamment par des femmes, entrant par la suite chez ceux qui leur offrent symboliquement des œufs, de la farine de maïs, du lait ou des bretzels roumains. Parfois, dans certaines régions du pays, on donne aux Paparude en guise de récompense de vieux vêtements ayant appartenu aux défunts. Cet aspect rattache la tradition des Paparude à un ancien culte des morts. Florin Ionuț Filip-Neacșu nous en offre encore plus de détails:



    « Les villageois attendaient le cortège devant leur porte avec des seaux remplis deau et lui lançaient de largent, des fruits ou des fleurs. Daprès certains écrits conservés, le groupe des Paparude se serait constitué comme une fratrie initiatique qui déposait un serment, et le cortège avait une structure hiérarchique. Il nous reste beaucoup dimages de cette cérémonie. Aujourdhui encore, en temps de grande sècheresse, dans les villages de Roumanie, des vestiges de cette coutume refont surface, sous la forme dun jeu denfants. »



    Autrefois il était nécessaire que tous les membres de la communauté y participent et, le plus important, que personne ne soit vexé sil finissait par être trempé de la tête aux pieds. Les conflits étaient considérés néfastes et auraient eu le pouvoir dannuler les effets du rituel.


    (Trad. Ilinca Gângă)


  • « Insultés. Bélarus/Biélorussie » – un projet de théâtre engagé

    « Insultés. Bélarus/Biélorussie » – un projet de théâtre engagé

    Une
    quinzaine de théâtres de Roumanie et de République de Moldova se sont
    rassemblés dans une action de solidarité sans précédent, se joignant au
    mouvement international de lectures-spectacles Bélarus Worldwide Reading
    Project. Tout est parti d’une pièce de théâtre écrite l’année dernière par le
    dramaturge biélorusse Andrei Kureicik, lorsqu’il participait aux grands
    rassemblements organisés à travers le pays pour protester contre l’élection
    frauduleuse d’Alexandre Loukachenko. Le 12 septembre 2020, la pièce
    « Insultés. Bélarus/Biélorussie » a été lue sur scène à Kherson, en
    Ukraine. Ça a été le point de départ de ce projet mondial de lectures pensé par
    John Freedman, le traducteur du texte en anglais. En quatre mois, la pièce a
    été traduite en 21 langues et présentée dans plus de 80 théâtres de 28 pays, de
    New York à Hong Kong, de Londres à Stockholm, et d’Amsterdam à Prague, en
    passant par Tachkent ou Tbilissi.

    Et c’est la journaliste et traductrice Raluca
    Rădulescu qui a eu l’initiative du volet roumain du projet Bélarus/Biélorussie : « La pièce de théâtre
    écrite par Andrei Kureicik parle du besoin de liberté des gens et des artistes
    de Bélarus. C’est le metteur en scène Radu Ghilaș du Théâtre national de Iași, dont
    Andrei Kureicik est un ami, qui m’a proposé de traduire le texte. Après, tout
    s’est enchaîné rapidement, ils ont produit une lecture-spectacle et ensuite,
    très vite, deux théâtres de Chișinău, en République de Moldova, ont également
    présenté le texte, car c’était juste avant leurs élections et le sujet était
    d’une grande actualité. En fin de compte, le théâtre a ce rôle social ou
    devrait avoir ce rôle dans la vie de la cité. J’ai continué de mon côté à
    suivre ce qui se passait au Théâtre national de Minsk, qui est pratiquement à
    l’arrêt depuis six mois, malgré sa longue histoire de plus d’un siècle.
    Justement, Andrei Kureicik parlait de ça, en disant que, même quand Hitler
    avait envahi la Biélorussie, le théâtre national n’avait pas cesséson activité,
    comme c’est le cas à présent. En fait, l’institution a un nouveau directeur,
    mais n’a pas encore de nouvelle troupe. Les acteurs d’avant ont tous
    démissionné et maintenant ils pratiquent leur art dans un sous-sol. Leurs
    spectacles et leurs messages sont vues par le public, en plus tout est transmis
    en ligne, mais ça ne se fait plus sous le nom du Théâtre national. »




    Raluca
    Rădulescu a été elle même surprise par la vitesse à laquelle tout s’est
    déroulé, mais aussi par l’ampleur internationaleprise par le projet. Raluca Rădulescu
    : « J’ai été ravie de
    voir l’évolution de ce projet initié par John Freedman. Si, le 26 octobre
    dernier, date de la première lecture-spectacle au Théâtre national de Iași, il
    y avait environ 40 spectacles dans le monde, je crois que bientôt nous serons à
    150. En comptant aussi la quinzaine de spectacles de Roumanie ! J’ai lancé le
    marathon de lectures car il m’a semblé nécessaire de nous joindre d’une manière
    tangible à cette action de solidarité théâtrale, artistique et civique.
    Humaine, au bout du compte ! J’ai pris mon téléphone et j’ai commencé à appeler
    des directeurs de théâtres de Roumanie, surtout de théâtres proches de leur
    communauté, socialementengagés, par leur programmation. »



    Et ses
    appels ont payé ! 15 théâtres roumains se sont joints au projet avec leur
    propre lecture-spectacle du texte d’Andrei Kureicik. Raluca
    Rădulescu a imaginé un vrai marathon de lectures, durant le mois de février, où
    chaque théâtre roumain présente sa version de la pièce « Insultés. Bélarus/Biélorussie
    ». La journaliste et traductrice Raluca Rădulescu revient sur les
    retours qu’elle a eus sur le programme : « Cela a dépassé mes
    attentes, je l’avoue. Au départ, je pensais que seulement cinq ou six théâtres
    seront intéressés de prendre part au projet, je ne m’attendais pas à 15. Et la
    grande surprise c’est que bien d’autres m’ont demandé s’ils pouvaient se
    joindre à notre démarche. Les gens veulent montrer leur solidarité. Et c’est un
    des objectifs premiers de ce projet, apprendre nous aussi, en Roumanie, à être
    solidaires. Les premières lectures programmées en février ont eu le succès
    escompté, mais dont on ne pouvait pas être sûrs. Je voudrais préciser que si
    dans certaines villes les lectures ont lieu avec du public dans la salle, on
    peut de toute façon les regarder toutes en ligne. Nous avons justement créé une
    page Facebook pour réunir ces différentes versions d’Insultés. Bélarus/Biélorussie.
    Vous pourrez les regarder toutes là-bas. »





    Vous trouverez ces 15 lectures-spectacles sur la page Facebook du projet. Et regardez près de chez vous aussi, peut-être un ou plusieurs théâtres de votre pays participent eux aussi à ce
    projet international, pour montrer leur soutien à l’opposition biélorusse. (Trad.
    Elena Diaconu)

  • Les esturgeons du Danube et de la mer Noire

    Les esturgeons du Danube et de la mer Noire

    Plus des 120 professionnels, originaires de 22 pays, et représentant 59 institutions diverses, ont participé dans la ville roumaine de Galati, située au bord du delta du Danube, à une conférence internationale, intitulée « La conservation des esturgeons du Danube : défi ou opportunité ». Ce fut un évènement d’exception dédié au sort des esturgeons et l’occasion rêvée pour décider de la mise en route d’une stratégie commune visant la conservation et l’avenir de la population de l’esturgeon sauvage. C’est que pendant longtemps, l’esturgeon a représenté une ressource naturelle importante pour les économies roumaine et bulgare, la pêche à l’esturgeon favorisant tout particulièrement le développement des communautés locales.

    De nombreux documents témoignent de l’importance de la pêche à l’esturgeon pour les communautés danubiennes, rappelle Tudor Ionescu, directeur au Centre de recherches et de développement de l’esturgeon, des habitats aquatiques et de la biodiversité de la ville de Galati. Ecoutons-le :« Un historien turc, Evliya Celebi, qui voyageait à Silistra, ville située de nos jours en Bulgarie, informait que la prise quotidienne moyenne était de 80 grands exemplaires d’esturgeon européen, qui prenaient la route de Constantinople le jour même. Le moine italien Nicol Barsi, qui se rendait à Galati entre 1630 et 1640, mentionne la beauté de la ville à l’époque, mais surtout la richesse des captures d’esturgeons réalisées. Des bateaux originaires de Constantinople débarquaient leur cargaison de soie, pour reprendre ensuite la route, chargés de caviar. Les témoignages abondent en ce sens. A la fin du 19e siècle, le roi Carol Ier nomma le célèbre explorateur et scientifique Grigore Antipa à la tête des pêcheries d’Etat. C’est lui qui fera passer, en 1896, la première loi de la pêche, une loi qui prévoyait d’interdire la pêche à l’esturgeon durant la période de reproduction de l’espèce. Grigore Antipa s’inquiétait même dans l’un de ses écrits de la baisse significative de la population d’esturgeon, dont il avait déjà été témoin à l’époque. C’était il y a 120 ans déjà. Pourtant, en 1903/1904, dans la zone du village de Sfântu Gheorghe, l’on faisait état d’une capture de 10.570 exemplaires d’esturgeons du Danube. Cent ans plus tard, en 2003/2004, seuls 28 exemplaires ont été capturés dans toute la Roumanie. C’est dire. Et l’on peut constater la même évolution de la population de bélouga. L’on comptait ainsi la capture de 4.250 exemplaires en 1903/1904, contre 153 exemplaires un siècle plus tard. Y’a pas photo ».

    Déjà à l’époque des Daces, avant l’arrivée des Romains sur le territoire actuel de la Roumanie, l’on érigeait des sortes de clôtures immergées, confectionnées en bois, pour attraper l’esturgeon. Les pêcheurs emploient depuis toujours des techniques spécifiques pour la pêche à l’esturgeon, prétendant même que cette espèce ne se laisse attraper que lors des tempêtes. Et, en effet, l’esturgeon nage sur le fond du Danube, atteignant jusqu’à 70 km/h. Pour l’attraper, les pêcheurs installaient des hameçons raccordés à des troncs d’arbres, immergés à plusieurs mètres de profondeur. L’exemplaire d’esturgeon champion toutes catégories confondues a été attrapé en 1890, sur le bras du Danube qui s’appelle Sfântu Gheorghe. Il pesait 886 kilos et l’on avait récolté 127 kilos de caviar. Dans la période de l’entre-deux-guerres, la Roumanie et la Bulgarie détenaient la palme de l’export du caviar en provenance de l’esturgeon sauvage dans tout le bassin de la mer Noire. Tudor Ionescu :« A l’époque qui a suivi l’apparition de la première loi de la pêche en Roumanie, la principale méthode utilisée pour attraper l’esturgeon employait les clôtures immergées. Ils se faisaient attraper lorsqu’ils remontaient le cours du Danube pour se reproduire, quelque part aux environs de la zone des Portes de Fer. Dans l’entre-deux-guerres déjà, les méthodes de pêche avaient évolué, de même que l’organisation de l’activité. La ville de Galaţi accueille le premier réfrigérateur du pays et le premier marché aux poissons. Les prises faites dans les zones de Sulina, de Chilia et au long du Danube étaient commercialisées à Galaţi, là où Antipa avait fondé la première bourse du poisson. Les captures totalisaient 40 tonnes d’esturgeon et environ 17 tonnes de caviar. Une étude rapporte l’équivalence entre le prix de l’or et celui du caviar. Au début du 20e siècle, 1 kilo de caviar valait 2 à 3 grammes d’or. Cent ans plus tard, 1 kilo de caviar valait 97 grammes d’or. Tout est dit ».

    Et même si les espèces d’esturgeon sont protégées par la Convention relative au commerce international des espèces sauvages en voie de disparition, la survie de l’esturgeon est toujours menacée. En effet, le déclin accentué de l’espèce a commencé surtout après 1972, lorsque, selon les spécialistes, la construction du barrage hydroélectrique des Portes de Fer a empêché la poursuite de la migration des poissons sur le Danube. Tudor Ionescu estime que les efforts concédés dernièrement pour repeupler l’espèce se heurtent à l’impossibilité de reconstruire son habitat initial. « Dans les années 1700, le bélouga remontait le Danube depuis la mer Noire, pour se reproduire en Bavière. Il s’agit d’un parcours long de 2.300 km. Ils parcouraient cette distance. Or, entre 1965 et 1972, nous avons érigé le barrage des Portes de Fer, qui a mis un coup d’arrêt net à la migration de l’esturgeon le long du Danube. Leur migration s’est dès lors réduite à 856 km du cours du Danube. Ils ont donc été privés de 60% de leur habitat, ce qui a gravement affecté leur capacité de reproduction. Qui plus est, ce barrage a été érigé dans la zone qu’ils favorisaient par-dessus tout pour se reproduire. »

    Suite à la baisse dramatique de la population d’esturgeon, les spécialistes issus des pays riverains de la mer Noire, et même d’ailleurs, ont arrêté une stratégie commune visant la conservation et le redressement de la population d’esturgeon sauvage du Danube. Les participants à la conférence de Galati ont adopté la Déclaration de Galati, censée mettre en route un mécanisme qui vise la sauvegarde de la population d’esturgeon en Europe du Sud-Est, seul endroit au monde où six espèces d’esturgeon vivent encore à l’état sauvage. Le document prévoit la création de fermes d’esturgeon, le suivi de l’évolution de la population, mais également la poursuite du moratoire sur la pêche à l’esturgeon au-delà de 2020.
    (Trad. Ionut Jugureanu)

  • Les réglementations concernant les groupes informels

    Les réglementations concernant les groupes informels

    Depuis 3 ans, l’esprit civique des Roumains – que le souvenir de la répression communiste avait longtemps inhibé – se manifeste de plus en plus, notamment par l’apparition de nombreux groupes d’initiative. Ce sont de petites organisations informelles, créées autour d’un problème ponctuel, dans l’espoir d’y trouver une solution. Par exemple, le groupe « Iasi aime les tilleuls » s’est formé spontanément, en signe de protestation contre la décision de la mairie de la ville d’abattre les fameux tilleuls de cette ville historique du nord – est de la Roumanie. Ce groupe a même réussi à mettre sur pied un projet pour planter de nouveaux tilleuls à Iasi. A Bucarest, plusieurs quartiers sont représentés par un, voire plusieurs groupes informels : «L’initiative Favorit», «Sauvez le Parc Drumul Taberei», «Sauvez le Parc IOR» et la liste se poursuit.

    Au total, quelque 513 tels groupes sont actifs en Roumanie, dont 48 sont apparus spontanément, à l’initiative de leurs membres. Les 465 autres ont vu le jour grâce à des programmes publics ou à l’aide de fonds privés de différentes organisations. Toutes ces données figurent dans un rapport rédigé dans le cadre du projet « Le développement de la capacité des ONGs et des groupes informels », lancé par la Fondation pour une Société Ouverte.

    Récemment ravivé, donc, l’esprit civique des Roumains nécessite toujours d’être stimulé, estime la coordinatrice du projet, Marinela Andrei : « Le rapport entre les groupes informels qui bénéficient de soutien et ceux rassemblés spontanément est de 10 à 1. Notre principale conclusion est que l’activation spontanée des citoyens ou de l’esprit civique est assez limitée, bien qu’elle ait déjà commencé à se manifester et que ce soit déjà un phénomène visible dans l’espace public. La plupart des initiatives soutenues visent un problème particulier d’une certaine communauté, concernant son infrastructure, qu’il s’agisse de routes, de ponts ou de bâtiments (comme les établissements scolaires, par exemple).»

    Ils s’organisent, signent de pétitions, demandent des audiences. C’est ainsi que ces groupes deviennent visibles et réussissent même à négocier avec les responsables locaux. Mais le statut de partenaire de dialogue de l’administration locale est difficile à obtenir, en partie à cause du fait que ces groupes informels n’ont pas de personnalité juridique clairement définie.

    Toutefois, cet aspect n’est pas une priorité pour eux. Explication avec Valentin Burada, sociologue, un des auteurs du rapport sur «L’activité des groupes civiques informels de Roumanie » : «Le problème principal n’est pas l’enregistrement formel ou juridique de ces groupes. C’est leur besoin d’être reconnus, y compris par les autorités publiques. De l’avis de ces groupes informels, il faut mettre l’accent sur le travail avec les pouvoirs publics, alors que la procédure pour rendre officiel leur statut est fastidieuse et peut engendrer plus d’ennuis que de solutions. En plus, à l’heure actuelle, leur reconnaissance par les responsables se fait en fonction de leur activité, de leur participation aux séances des conseils locaux, de leur capacité à mettre sur pied des actions publiques, même dans la rue. C’est par ces actions que ces groupes obtiennent leur reconnaissance. »

    Le Centre de ressources pour la participation publique compte parmi les associations qui ont soutenu la création de nombreux groupes d’initiative civique. Du point de vue du Centre, on n’a pas besoin de réglementations supplémentaires, comme par exemple d’inscription sur une liste ouverte auprès des mairies ou des conseils locaux.

    Pourquoi? Voici la réponse de Sânziana Dobre, coordinatrice de programmes au Centre mentionné: « Une des conclusions de l’étude, que nous ne partageons pas d’ailleurs, va dans le sens de la mise en page d’une procédure pour enregistrer les groupes informels auprès des institutions publiques. Cette procédure serait similaire à celle d’une accréditation auprès d’une institution. Avant de demander une audience ou différentes rencontres, les gens devraient se faire enregistrer. Nous ne pensons pas que ce soit nécessaire. Cela découragerait les actions des groupes civiques parce que leur expérience commence avec ces premières audiences. Leur imposer de faire un autre pas avant celui-ci ne les aiderait pas. En plus, cela rendrait bureaucratique la négociation avec les autorités, un processus qui démarre à peine et qui devrait être laissé se développer d’une manière aussi naturelle et aussi simple que possible.»

    En revanche, toute proposition censée accroître l’efficacité des groupes informels est bienvenue. Sânziana Dobre explique: «Nous agréons toutes les autres conclusions du rapport ; parmi elles : donner la possibilité aux groupes de demander des débats publics dans le cadre de la loi de la transparence décisionnelle. Selon cet acte normatif, les autorités locales doivent consulter les ONGs avant de prendre certaines décisions. Voici une autre suggestion : créer des espaces de rencontre. «Où peut-on se donner rendez-vous?» c’est un grand problème pour les membres d’un groupe. Ils ne peuvent pas se réunir tout le temps dans des cafés. Pour certains, cela peut être coûteux. En plus, les cafés sont bruyants et il est difficile d’y organiser des débats ou de rédiger des plans d’action. Par conséquent, la création de tels espaces de rencontre serait une bonne idée.»

    La conclusion unanime c’est que le développement des initiatives dépend surtout du niveau d’éducation civique: les gens auront le courage de discuter avec les autorités au moment où ils connaîtront leurs droits.

    Le sociologue Valentin Burada: « Les problèmes naissent plutôt à cause du faible niveau d’éducation civique et de participation en Roumanie, et moins à cause de l’absence d’une législation ou d’instruments légaux pour soutenir l’implication civique. Il y a des carences en ce qui concerne la mise en œuvre de la loi visant l’accès des gens à l’information publique et la participation des citoyens à la prise de décisions à fort impact public. C’est là le rôle des groupes civiques. Ils doivent devenir des mécanismes capables non seulement de stimuler l’implication civique et de renforcer le niveau d’éducation civique, mais aussi d’exercer une pression sur les autorités pour que celles-ci respectent la loi en vigueur. Il faut créer des mécanismes qui permettent aux citoyens de s’impliquer réellement dans le processus décisionnel. »

    Malgré toutes ces lacunes, les initiatives civiques de multiplient en Roumanie. (Trad. Valentina Beleavski)

  • Projets pour l’insertion des communautés rom de Roumanie

    Projets pour l’insertion des communautés rom de Roumanie

    Les principales difficultés auxquelles ils sont confrontés concernent leurs maigres revenus, l’absence de toute formation professionnelle et le bas niveau d’instruction, le chômage, l’accès limité aux services publics et la discrimination. La plupart des Roms habitent des logements dépourvus des éléments élémentaires de confort: cuisine, toilettes, salle de bains ou électricité. La communauté ethnique rom enregistre aussi le taux le plus élevé d’illettrés. Enfin, malgré les initiatives mises en place à l’échelle nationale et internationale visant à améliorer leurs conditions de vie et à leur insertion sociale, les Roms restent toujours la communauté la plus discriminée par rapport à d’autres minorités nationales.



    En vue d’un état des lieux plus précis, un projet a récemment été lancé à Bucarest, sous le titre « La Cartographie sociographique des communautés rom de Roumanie pour le suivi communautaire des changements relatifs à leur intégration (SocioRoMap) ». Le projet devrait fournir des informations et des données aux institutions publiques habilitées à élaborer des politiques publiques et à prendre les mesures d’inclusion de ces communautés. En outre, les résultats du projet mentionné sont censés aider les autorités à concevoir des programmes et des schémas de financement des projets visant à l’éradication de la pauvreté, au développement local et à la promotion des chances de réussite de certains groupes marginaux. Le projet SocioRoMap est déroulé par l’Institut pour l’étude des problèmes des minorités nationales, basé à Cluj Napoca, en partenariat avec la Fondation pour une société ouverte et le Centre de recherche sur les relations interethniques.



    Plus de 3000 unités administratives rurales et urbaines seront cartographiées pour avoir une idée plus nette des besoins et priorités des communautés rom. Istvan Horvath, président de l’Institut pour l’étude des problèmes des minorités nationale détaille ce projet.« Notre visée va plus loin qu’un simple inventaire. Nous souhaitons que la description de ces communautés soit facilement intelligible, que leurs problèmes soient présentés sous la forme d’une carte. Par ailleurs, nous ambitionnons de mettre sur pied un réseau opérationnel de personnes capables de fournir des informations pertinentes sur la condition de ces communautés. Il y aura le réseau des travailleurs sociaux, celui des ONGs actives auprès des communautés locales, le réseau des institutions et des personnes dédiées à la protection des Roms, tels les médiateurs scolaires ou sanitaires… notre objectif est donc celui d’inventorier ces communautés, d’apprendre ce qui a été fait ou pas en matière d’intervention…, car si dans certains cas on a fait pas mal de choses, dans d’autres on n’a pas fait assez pour différentes raisons, dont l’état de pauvreté ou d’isolement du groupe respectif. »



    L’ambassadrice de Norvège en Roumanie et en République de Moldova, Son Excellence Tove Bruvik Westberg, a été présente au lancement du projet « SocioRoMap ». Voici ce qu’elle a déclaré à ce propos: « C’est l’accès plus facile de ces groupes, les Roms compris, à l’éducation et à la santé qui est au cœur de ce projet. Ce programme repose sur ma conviction qu’une société meilleure et juste est celle qui inclut l’intégralité de la population, qui accepte et tolère tout le monde, assure des services pour tous. Tout le monde n’est pas égal en Norvège, mais l’égalité est une norme. Les gens diffèrent par leur origine, leurs revenus, mais ils sont égaux en droits, ce qui est très important. Nous devons saisir la réalité au sein des communautés rom de Roumanie et c’est ce que nous allons faire au travers de ce projet. Il est nécessaire de fournir aux décideurs les informations utiles et révélatrices dont ils ont besoin pour concevoir les politiques publiques. Pour différentes raisons, peu d’informations relatives aux Roms sont disponibles au niveau du gouvernement. Voilà pourquoi il faut créer le lien manquant entre la réalité de ces communautés et ceux qui légifèrent, recueillir des informations sur les conditions de vie, le niveau d’éducation et l’accès des membres de ces groupes ethniques aux services sociaux et médicaux. »


    Un autre projet a trait à la promotion de la culture et les arts dans les milieux défavorisés des Roms. Lancé par les Associations T.E.T.A., ADO, REPER 21 et Urbanium, le projet intitulé « Maskar », qui met le théâtre au service de l’éducation, sera accueilli par Alexandria et Turnu Măgurele, villes du comté de Teleorman, dans le sud de la Roumanie où vivent d’importantes communautés de Roms. 10 mois durant, 40 jeunes et 60 adultes participeront à toute sorte d’activités: programmes artistiques, ateliers, expositions et spectacles sur la culture et les traditions rom. Partager des expériences positives, apprendre aux jeunes à mieux communiquer avec des personnes issues de leur communauté ou de milieux différents, à cultiver la confiance en eux-mêmes et leur potentiel créatif, à jouir des mêmes droits, voilà les visées de ce projet.



    Nous écoutons Ana Maria Pălăduş, qui travaille à l’Association « L’art au service des droits humains (ADO) ». « Nous touchons à une problématique sensible, celle de la discrimination des Roms vivant dans ces deux communautés. Notre approche est pourtant très inédite, parce qu’elle repose sur des moyens artistiques. Elle propose de faire du théâtre un moyen de jeter des ponts entre les cultures roumaine et rom. Nous allons constituer deux groupes de jeunes, des deux villes, qui participeront, plusieurs mois durant, à des ateliers de développement personnel et de théâtre communautaire. Les histoires racontées permettront de déceler leur perception de la discrimination et des problèmes de leurs communautés respectives. Nous envisageons aussi de les faire dialoguer avec des jeunes qui n’appartiennent pas à leur ethnie. Ces ateliers devraient déboucher sur deux pièces de théâtre, l’une à Turnu Măgurele, l’autre à Alexandria, qui seront par la suite présentées aussi à Bucarest et à Cluj Napoca. »



    Le projet « Maskar » comporte aussi deux expositions. Elles proposeront la découverte de l’histoire et de la culture rom des deux villes du sud de la Roumanie, par le biais des objets vestimentaires et d’artisanat, des photos et décorations, des mélodies, des légendes ou des symboles. Les organisateurs ont été agréablement surpris de constater combien grand a été l’enthousiasme des enfants roms participants à ce projet. Ana Maria Pălăduş: « Notre projet a joui d’une incroyable ouverture dans les écoles et les lycées considérés comme les plus faibles. Quand on a présenté aux jeunes nos intentions, ils voulaient tous s’inscrire aux ateliers. Par contre, dans les lycées de renom l’attitude a été plus réservée, voire même raciste à l’égard de la communauté rom. »



    Les deux projets destinés aux ethniques rom sont financés par le Mécanisme financier norvégien. (trad. Mariana Tudose)