Tag: communiste

  • Le destin du responsable communiste Vasile Luca

    Le destin du responsable communiste Vasile Luca

    Occupés vers la fin de la Seconde Guerre mondiale par l’Armée rouge, les Etats d’Europe centrale et de l’Est se sont progressivement vus mis sous la férule soviétique. Les régimes communistes ont accaparé le pouvoir, avec à leurs têtes des personnages inféodés à Moscou. L’issue des luttes intestines au sein des nomenklaturas nationales était souvent tranchée au même endroit, et le sort des perdants était rarement enviables. Vasile Luca, figure de proue du parti communiste roumain avant la guerre, se verra propulser aux plus hauts sommets du pouvoir après 1945. Ce qui ne l’empêchera pas de se voir déchu à la suite d’une dispute avec le secrétaire-général du parti, Gheorghiu-Dej, et de finir sa vie dans les geôles du régime, dans la prison d’Aiud, en 1963.

    Né en 1898 dans une famille d’origine magyare, à Covasna, dans cette province de Transylvanie encore partie de l’empire d’Autriche-Hongrie, Vasile Luca rejoint le mouvement révolutionnaire communiste dirigé par Bela Kun en 1919. Devenu cheminot après la répression de la révolution magyare par les troupes roumaines, Vasile Luca poursuit son engagement communiste cette fois au sein du parti communiste roumain. Tête de file de la grève des mineurs de Lupeni de 1929, puis du mouvement gréviste de la vallée Jiului en 1933, Vasile Luca grimpe les échelons du parti, devenant secrétaire des organisations communistes à Brasov d’abord, puis à Iasi. Retenu à plusieurs reprises, arrêté et condamné à diverses peines de prison, on le retrouve incarcéré en 1940 en Bessarabie, après une tentative échouée de traversée de la frontière qui séparait la Roumanie de l’Union soviétique. Il sera libéré au mois de juin 40 par les troupes soviétiques qui viennent d’occuper la Bessarabie et la Bucovine du Nord à la suite du pacte germano-soviétique et de l’ultimatum adressé par Moscou à Bucarest. Devenu citoyen soviétique, député au Soviet suprême de l’Union soviétique pendant la guerre, élevé au grade de major dans l’Armée rouge, il sera chargé d’organiser la division « Tudor Vladimirescu », composée de prisonniers roumains tombés aux mains des Soviétiques et qui auront à jouer un rôle essentiel dans la soviétisation de l’armée roumaine d’après 1945.

     

    Vasile Luca, l’une des figures de proue de l’aile moscovite du parti communiste

    Après la fin de la guerre, occupée par l’Armée rouge, la Roumanie se verra imposer un gouvernement communiste à sa tête. Aussi, Vasile Luca devient, avec Ana Pauker, l’une des figures de proue de l’aile moscovite du parti communiste roumain. Le 5 novembre 1947 il devient ministre des Finances au gouvernement dirigé par Petru Groza, qui n’hésite pas à l’encenser à l’occasion. Ecoutons Petru Groza, ancien président de Conseil :

    « L’arrivée de madame Ana Pauker à la tête du ministère des Affaires étrangères et de monsieur Vasile Luca à la tête des Finances mais aussi, plus récemment, de monsieur Emil Bodnaras à la direction de la Défense nationale représentent des moments fastes pour le développement plus soutenu de notre démocratie populaire. Les changements survenus au sein de l’équipe gouvernementale ont grandement contribué à l’amélioration de notre politique économique et financière, indispensable dans la consolidation de notre régime démocratique et pour la stabilisation de notre monnaie nationale ».  

    Quelques années plus tard pourtant, l’aile du parti dirigée par son premier-secrétaire Gheorghe Gheorghiu-Dej allait démarrer une chasse sans pitié à l’encontre des membres de l’aile moscovite du parti. Au mois de mai 1952, Vasile Luca se voit accusé de déviationnisme droitier et sera exclu du parti. Au mois d’août de la même année, il sera arrêté, jugé, puis condamné à la peine capitale pour haute trahison. Une peine commuée plus tard en travaux forcés à perpétuité.

     

    La réunion du comité central du parti communiste roumain de 1952

    Vlăduț Nisipeanu, jeune communiste à cette époque, remémorait, en 1999, pour le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, la réunion du comité central du parti communiste roumain de 1952, où Vasile Luca sera excommunié du parti et ses instances dirigeantes. Ecoutons-le :

    « Je me souviens très bien cette réunion à la suite de laquelle Vasile Luca et Ana Pauker ont été déchus de leurs fonctions, puis arrêtés. Je n’avais que 19 ans à l’époque, je n’étais pas membre du comité central et n’ai donc pas participé personnellement à la réunion. Mais j’ai été interpellé par tout ce remue-ménage au sein du parti. On avait reçu l’ordre de décrocher leurs portraits. Je m’y suis exécuté, mais ne voulais pas détruire leurs tableaux. Je me disais que peut-être que le vent allait tourner, et qu’il va falloir les raccrocher à nouveau. Je les ai alors décrochés, les ai posés face au mur, puis je les ai entreposés au grenier. Ensuite, le secrétaire de notre organisation nous a convoqué à une réunion pour nous expliquer de quoi il retournait. C’est lui qui nous informa officiellement de l’issue de la guerre qui s’était déclenchée à la tête du parti, des accusations de déviationnisme qui pesaient sur le groupe Pauker-Luca. La vérité ? Nul ne la connaissait. Mais qui allait chercher la vérité ? Personne sans doute. Finalement, les tableaux furent jetés à la poubelle, bon débarras. Quant à Ana Pauker et Vasile Luca, ils furent emprisonnés, jugés et condamnés pour haute trahison ».    

    Ce n’est qu’en 1968 que Nicolae Ceaușescu, le nouvel homme fort du régime, réhabilitera la mémoire de Vasile Luca dans sa tentative de réhabiliter la mémoire de bien d’autres victimes communistes de son prédécesseur, Gheorghiu-Dej.

  • Luttes pour le pouvoir et assassinats politiques au sein du parti communiste roumain

    Luttes pour le pouvoir et assassinats politiques au sein du parti communiste roumain

    La soif de pouvoir attire autant qu’elle
    n’abime. Pour y accéder, certains sont prêts à tout. Et l’histoire des guerres,
    des assassinats politiques, les coups d’Etat, la manipulation du vote populaire
    sont là pour nous y renseigner. Fondé le 8 mai 1921, le parti communiste
    roumain fut interdit peu après son apparition et vivota en illégalité pendant
    la période de l’entre-deux-guerres, souvent grâce aux financements occultes en
    provenance de l’URSS, via la Troisième Internationale. Mais la vie interne de
    ce parti ne fut pas très pacifique, et des luttes intestines finir par décimer
    jusqu’au sens propre du terme ses dirigeants. En effet, sur les sept dirigeants
    que le parti communiste roumain compta pendant cette période, trois, Elek
    Köblőș, Vitali Holostenko et Alexander Ștefanski, tombèrent victimes durant la
    Grande Terreur, orchestrée par Staline dans les années 30.

    A la fin de la Seconde
    Guerre mondiale pourtant, le vent tourne à nouveau à la faveur des communistes.
    Occupée par l’Armée rouge, la Roumanie se voit imposer un gouvernement d’extrême
    gauche dès le mois de mars 1945. Il n’empêche, les bonnes habitudes demeurent toujours
    d’usage. Ștefan Foriș, le président en exercice du parti, sera ainsi tué à
    coups de barre de fer par les hommes de main de son rival, le secrétaire-général Gheorghe Gheorghiu Dej, celui qui prendra d’autorité
    les rennes du parti, puis du pays tout entier, jusqu’à sa mort, survenue en
    1965. C’est alors qu’une lutte de succession acharnée sera à nouveau
    déclenchée. En lice, notamment Gheorghe Apostol, favori de Gheorghe
    Gheorghiu-Dej, tari déjà par la maladie, et Nicolae Ceausescu, celui qui
    remportera finalement la mise avec le fauteuil de premier-secrétaire, Janoș Fazekaș, un vieux routier du parti, remémorait dans
    une interview donnée en 1997 et conservée par le Centre d’histoire orale de la
    Radiodiffusion roumaine, la lutte de pouvoir déclenchée par l’ouverture de la
    succession à la tête du parti communiste roumain. Janoș Fazekaș :« La
    fin prochaine de Gheorghiu-Dej a été durement ressentie par le parti. Je l’appréciais
    beaucoup, alors même que je critiquais certaines de ses décisions. Lui aussi,
    il manifestait une certaine sympathie envers moi, envers les jeunes cadres du
    parti en général. Et c’est sa fille, Lica, avec laquelle j’étais ami, qui m’avait
    aidé à lui rendre visite lorsqu’il se trouvait sur son lit de mort. Il est mort
    chez lui, il n’est pas mort à l’hôpital. Et dans ces moments-là, il était pratiquement
    réuni là tout le bureau politique du comité central du parti. Ceauşescu ne
    voulait pas me laisser entrer, je ne faisais pas partie du premier cercle du
    pouvoir. Mais Lica était parvenue à imposer ma présence, et on me fit entrer.
    Et je pus alors assister aux derniers moments que Gheorghe Gheorghiu-Dej a
    passé sur cette terre. »


    Mais
    la guerre de succession s’est déclenchée au sein du parti aussitôt que la mort prochaine
    du leader déclinant avait été pressentie comme inévitable. Et Nicolae
    Ceausescu, son futur successeur à la tête du parti, n’a pas tardé à se placer dans
    block starts. Janoș Fazekaș à nouveau : « Ceausescu prend la parole au chevet de Dej,
    pour promettre fidélité envers le socialisme et militer pour l’unité du parti
    et pour la prospérité de la nation. En fait, en déclarant cela de la sorte, Ceausescu
    posait ses ambitions, il nous avertissait sur ce qu’il entendait faire dans la
    position qu’il convoitait, celle de leader suprême. Mais lui, il savait qu’il n’était
    pas désiré par certains. Le premier-ministre de l’époque, moi et d’autres
    encore, on privilégiait la solution Apostol. Par ailleurs, Gheorghiu-Dej avait
    proposé Maurer en tant que premier-secrétaire du parti. Mais ce dernier n’avait
    pas accepté. Français par sa mère, Allemand par son père, il prétendit qu’il
    fallait un ethnique roumain pour diriger le pays, un gars du pays. Alors Dej s’était
    tourné vers Apostol, et Maurer avait endossé la proposition.
    »


    Malgré
    les mauvaises auspices sous lesquelles s’annonçaient ses ambitions, Nicolae
    Ceausescu arrive à retourner la situation en sa faveur. Janoș Fazekaș :« A
    la fin des obsèques, Maurer et Bodnaras convoquent le Bureau politique, censé
    convoquer à son tour le Comité central du parti. Maurer arrive le premier, nous
    attendions déjà dans la salle des réunions, et demande la convocation du Comité
    central du parti pour faire élire Gheorghe Apostol comme successeur de
    Gheorghiu-Dej au poste de premier-secrétaire. A ce moment-là, Ceausescu s’énerve
    et commence à houspiller contre Apostol. Bien qu’il eût semblé être d’accord
    avec cette candidature avant les obsèques. Devant tant de mauvaise foi, Maurer
    s’énerve à son tour, et demande à Ceausescu de poser sa candidature si c’est ainsi.
    Et Ceausescu saute sur l’occasion, et attrape la perche tendue par Maurer. Ce
    dernier n’aurait pas dû se laisser emporter par la ruse de Ceausescu. Mais le
    parti communiste roumain n’était pas un parti démocratique. Ni notre parti
    communiste, ni d’autres partis communistes d’ailleurs, ce n’est pas la démocratie
    interne qui régissait leur fonctionnement ».


    Le
    programme de départ de Nicolae Ceausescu, jeune leader ambitieux d’apparence
    plutôt libérale, avait propulsé le personnage sur le devant de la scène
    politique à la mort de Gheorghiu-Dej et à la tête du parti communiste. Au fil
    du temps pourtant, les espoirs qu’il avait initialement suscité durant les
    premières années de son règne ont été noyés par sa soif démesurée d’un pouvoir exercé
    de manière discrétionnaire aux dépens de la grande majorité des Roumains. (Trad.
    Ionut Jugureanu)

  • Les affres de la surveillance politique dans le monde rural roumain

    Les affres de la surveillance politique dans le monde rural roumain

    La police politique, la Securitate, la Milice, qui était la police communiste, enfin les réseaux dindics ont constitué la triade de la terreur exercée par le régime. Elle sest souvent traduite par des vagues de persécutions et de condamnations à tout va, et dont sont le plus souvent tombaient victimes les innocents. Dautres étaient persécutés pour leurs opinions politiques et pour défendre leur patrimoine, grâce auquel ils gagnaient leur vie. La surveillance et la répression policière étaient en effet omniprésentes à lépoque, le régime ayant commis tous les types dinfractions à légard de la personne, homicides compris.



    La question de la surveillance et de la répression politique exercées dans les grandes agglomérations urbaines a été amplement abordée par les chercheurs, à bon escient dailleurs, car le risque dexplosion était plus important, et pouvait avoir des conséquences dramatiques pour le régime. Et, en effet, cest dans la ville, peuplée par une grande diversité en termes de catégories sociales et bénéficiant dune grande concentration de populations, que la surveillance était ressentie de manière prégnante. Pourtant, le monde rural na pas non plus été dispensé de la présence de lappareil de surveillance et de répression du régime. De fait, historiquement, le début de la répression communiste commence à se faire sentir surtout dans le monde rural, un élément qui se poursuit, sans discontinuer, jusquà la chute violente du régime, fin 1989.



    Le processus de collectivisation de lagriculture, entamé le 2 mars 1949 et impliquant la confiscation des terres agricoles, sétait heurté demblée à la résistance acharnée des petits propriétaires terriens quétaient les paysans de lépoque, organisés à certains endroits dans de véritables troupes paramilitaires anticommunistes, composées danciens militaires opposés au régime et de paysans révoltés. Devant cette résistance, lEtat communiste réplique, en instaurant la terreur, qui a vite fait de gagner les campagnes. Cest là quil développa dabord son réseau dindics, indispensable pour le renseigner sur lidentité des partisans, sur les ressources et les appuis dont ils disposaient, sur leurs moyens de communication. Pour lEtat communiste, la surveillance des campagnes représente ainsi, dès le départ, un enjeu énorme. Et lhistoire de la résistance anticommuniste note le rôle essentiel des informateurs pour la liquidation des groupes de partisans. Les fosses communes découvertes ces dernières années permettent dimaginer lampleur du carnage, laissant apparaître des dizaines de corps de paysans, souvent exécutés sommairement et ensevelis sur place, à proximité des bois, à lécart des villages.



    Lhistorien Gheorghe Miu a longuement étudié les dispositifs de surveillance et de répression mis en place par le régime dans la région de Buzău. Des dispositifs quil croit répliqués à lidentique dans tout le pays. Gheorghe Miu :



    « Ces structures militarisées du régime communiste ont été implantées dans les campagnes roumaines, dans ces villages qui devenaient socialistes, au travers des antennes de la Securitate, et aussi des postes de milice. Ces antennes disposaient dun réseau dindics souvent bien étoffé, de logements conspiratifs, dagents, dune structure informative complexe, et dont faisaient état beaucoup de documents auxquels jai eu accès. Lantenne de la Securitate, établie dans un village, avait pour rôle de renseigner. Elle surveillait et supervisait les réseaux dindics. Le responsable de lantenne pouvait être le chef du poste de milice communale par exemple. Il remontait les informations glanées sur le terrain vers lofficier de la Securitate. »



    Cet appareil complexe ne pouvait évidemment pas fonctionner en labsence dindicateurs. Pour les recruter, la Securitate ratissait large. Certains étaient appâtés par des avantages matériels, dautres cédaient devant les contraintes et le chantage. Ainsi, ceux de la première catégorie pouvaient espérer accéder à un meilleur poste, se voir répartir une belle maison, bénéficier dun meilleur salaire et dautres formes de récompense financière, voire avoir accès au passeport et pouvoir voyager à létranger. Mais souvent en milieu rural, le recrutement des indics se faisait par la peur et la terreur seules. Gheorghe Miu explique :



    « Très souvent, les informateurs étaient affublés dun nom de code, dun sobriquet. Ils étaient issus de toutes les classes sociales, de tous les milieux. La Securitate cherchait à recruter surtout dans le milieu de ceux quelle visait : des voisins, des proches, dautres agriculteurs. Mais lon a découvert aussi des enseignants, voire un employé de banque, de la banque dEtat, envoyé dans les campagnes pour vanter les bienfaits du système dépargne géré par lEtat. Il était pourtant chargé par la Securitate dun certain nombre de missions précises. Ces gens ne bénéficiaient pas davantages matériels à proprement parler en échange de leur félonie. Ils étaient racolés par la peur, par la terreur. On les appelait au poste de milice et ils se mettaient à écrire parce quils avaient peur. »



    Lhistorien Gheorghe Miu a rencontré pourtant des paysans qui ont préféré longuement souffrir plutôt que de trahir. Lun de ces cas fut son propre grand-père :



    « Prenez le cas de mon grand-père, Vasile Miu, un agriculteur qui sétait opposé à la collectivisation des terres. Le régime na pas pu le faire changer davis, il est resté en dehors de la coopérative agricole de production jusquen 1989, mais il en a subi les conséquences. Javais retrouvé un dossier denquête à son nom, il a été poursuivi au pénal. Pourtant, ce nétait pas un propriétaire denvergure. Cétait un paysan, il possédait en tout et pour tout 9 hectares de terre. Malgré cela, il a été accusé dêtre réactionnaire, ennemi du régime. Lenquête a démarré à la suite de la lettre quil avait envoyée au président du Conseil populaire de la commune de Padina, Gigel Stoicescu, lun des artisans locaux de la collectivisation au département de Buzău. La Securitate dresse alors un dossier de vérification et un autre denquête pénale à son nom, et cest là que le calvaire commence. Il sera condamné à trois mois de prison ferme pour avoir vendu au marché un cheval qui avait été placé sous séquestre par le Fisc communiste, suite au non-paiement des quotas auxquels étaient astreints les agriculteurs à lépoque. »



    Lappareil de surveillance et de répression du régime communiste a sévi avec la même brutalité à la campagne comme à la ville. De nombreux paysans ont encore des souvenirs du calvaire que la Securitate, la milice et les indics leur ont fait subir dans les campagnes pendant les longues années noires du régime communiste.


    (Trad. Ionut Jugureanu)

  • La semaine du 14 au 19 novembre 2016

    La semaine du 14 au 19 novembre 2016

    Croissance économique record en Roumanie

    Les 9 premiers mois de l’année en cours, l’économie roumaine a connu une progression de 4,9% par rapport à la même période de 2015, et qui a été perçue même dans l’amélioration du niveau de vie de la population, a affirmé jeudi la ministre des Finances, Anca Dragu. Elle a ajouté que cette croissance était la plus grande de l’UE et a souligné que les principaux indicateurs économiques avaient connu des hausses consistantes par rapport à la période similaire de l’année dernière. D’autre part, l’année prochaine, la Roumanie aura le niveau de recettes fiscales le plus faible de son histoire, suite aux suppressions de taxes et d’impôts figurant dans le nouveau Code fiscal. L’annonce a été faite par le président du Conseil fiscal, Ionuţ Dumitru, qui a mis en garde que poursuivre ces réductions à l’infini peut entraîner même la dissolution de l’Etat. Il a également averti contre le risque de voir le déficit budgétaire dépasser le seuil de 3% du PIB.

    La loi disposant de la suppression de 102 taxes, contestée auprès de la Cour constitutionnelle

    Le président de la Roumanie, Klaus Iohannis, a contesté, à la Cour constitutionnelle, la loi qui prévoit la suppression d’une centaine de taxes, votée le mois dernier par le Parlement. Elle stipule entre autres l’élimination, à partir du 1er janvier 2017, du Timbre d’environnement, de la taxe pour la délivrance du passeport temporaire et du casier fiscal, ainsi que de la redevance audiovisuelle. Dans la saisine des magistrats de la Cour, Klaus Iohannis soutient que la loi en question enfreint les normes constitutionnelles relatives aux principes de séparation des pouvoirs de l’Etat et de légalité, ainsi que ceux des rapports entre Parlement et gouvernement et le rôle de l’Exécutif. Liviu Dragnea, initiateur du projet législatif mentionné et chef de file des sociaux-démocrates, considère que la décision du chef de l’Etat est un geste politique. En ce qui les concerne, les libéraux sont d’accord avec la majeure partie des dispositions du texte, tout en estimant nécessaire de maintenir le Timbre d’environnement et la contribution à l’audiovisuel public. La suppression de cette dernière a suscité de vifs débats dans les milieux politiques. Les défenseurs de la redevance audiovisuelle – organisations médiatiques et experts du domaine – estiment que la suppression de cette taxe, ce qui se traduirait par le financement exclusif par le budget de l’Etat des chaînes publiques de radio et de télévision, est de nature à créer les prémisses d’une subordination politique. La Cour constitutionnelle devrait examiner la saisine du président de l’Etat avant le 14 décembre.

    Le gouvernement dirigé par le technocrate Dacian Cioloş, une année de gouvernance

    Une année après l’installation de son cabinet, le premier ministre roumain, le technocrate Dacian Cioloş, a déclaré que le principal objectif de sa gouvernance avait été d’assurer la stabilité politique, économique et sociale du pays en une année électorale. Le gouvernement a fait de la Santé et de l’Education ses priorités, a-t-il déclaré. L’on a réussi à débloquer les projets liés à l’infrastructure, et le gouvernement s’est concentré aussi sur les politiques sociales par des mesures d’embauche et par la stimulation de la création de nouveaux emplois. D’autre part, le premier ministre a indiqué que le gouvernement roumain déplorait, en revanche, le fait que la réforme de l’administration publique n’ait pas abouti, faute de soutien politique.

    Réactions roumaines après les élections en République de Moldova

    La République de Moldova doit poursuivre son parcours européen, alors que son nouveau président doit faire preuve de sagesse et d’équilibre au cours de son mandat. Cette déclaration a été faite par le président roumain Klaus Iohannis, suite aux élections présidentielles au pays voisin, remportées par le socialiste pro-russe Igor Dodon. La Roumanie doit redéfinir son modèle de relation avec la République de Moldova, a encore ajouté le chef de l’Etat roumain, estimant que Bucarest devra garder et défendre le caractère spécial de cette relation, dont l’objectif est d’aider les institutions moldaves et non pas des individuels. Pour sa part, le gouvernement de Bucarest espère que les institutions moldaves collaboreront pour soutenir le parcours européen de leur pays. A son tour, le ministre roumain des AE, Lazar Comanescu, a plaidé pour la poursuite de la mise en œuvre des réformes assumées par la République de Moldova.

    Arrestations dans des affaires de corruption

    Plusieurs jugements ont été rendus dans des dossiers de corruption cette semaine. L’ancien eurodéputé roumain Adrian Severin a été condamné mercredi à 4 années de prison ferme par une décision définitive de la Haute Cour de cassation et de justice de Bucarest. Les procureurs anticorruption avaient demandé des peines de 6 années et 6 mois pour pots-de-vin et de 5 années pour trafic d’influence. Adrian Severin a été accusé d’avoir accepté, entre décembre 2010 et mars 2011, la promesse de deux journalistes du Sunday Times, qui faisaient une enquête sous couverture, de lui payer 100.000 euros par an et qu’il déposerait en échange des amendements aux commissions de spécialité du Parlement européen. Mercredi encore, l’ancienne présidente de l’Autorité électorale permanente de Roumanie, Ana Maria Pătru, a été placée en détention provisoire, dans un dossier de blanchiment d’argent et de trafic d’influence. Elle est accusée d’avoir prétendu et reçu plus de 200.000 euros de pots-de-vin en échange du déroulement de contrats informatiques avec une société favorisée. Et c’est toujours cette semaine que l’ancien chef du Secrétariat d’Etat pour la reconnaissance des mérites de ceux qui ont lutté contre le régime communiste entre 1945 et 1989, Adrian Sanda, a été placé en détention provisoire pour 29 jours dans une affaire visant l’octroi illégal de titres de combattant à rôle déterminant dans la révolution anticommuniste roumaine de décembre 1989.

  • La faculté ouvrière

    La faculté ouvrière

    Le 6 mars 1945, le Parti communiste semparait du pouvoir en Roumanie avec laide de lURSS. Peu de temps après démarrait la transformation de la société selon le modèle soviétique. En 1948, la réforme de lenseignement rendait possible lapparition dun établissement scolaire bizarre, baptisé « faculté ouvrière », car lidéologie communiste considérait lUniversité comme une forme de manifestation de lexploitation capitaliste. Louvrier étant devenu lemblème du régime communiste, cette institution avait pour mission de former les gens de sorte à en faire des « hommes nouveaux ». Son second rôle consistait à servir au régime dinstrument de contrôle de la jeunesse étudiante.



    Le journaliste de radio et de télévision Andrei Banc était étudiant vers le milieu des années 1950, lorsque cette faculté avait atteint son apogée. Dans une interview accordée en 2002 au Centre dhistoire orale de la Radiodiffusion roumaine, Banc décrivait succinctement comment se déroulait ladmission des jeunes à la faculté ouvrière : « En 55, quand jai été admis à la faculté, le régime communiste comptait à peine une dizaine dannées, 9 plus exactement, si lon prend pour point de départ les élections de 1946. Dans ce laps de temps, on avait mis en place tout un appareil dEtat. Bien des ouvriers, donc des gens très peu instruits, mais issus dune couche sociale jugée saine, ont accédé à des postes de direction. Ils ont suivi à la va-vite les cours de lycée et puis deux années dans cette faculté créée à leur intention. En fait, cette faculté dune durée de deux ans équivalait à des études secondaires car ces jeunes navaient fréquenté que lécole primaire. Moi aussi javais achevé le lycée en 2 ans, selon le modèle soviétique. Plus dun tiers de mes collègues, beaucoup plus âgés que moi, étaient diplômés de cette faculté ouvrière. Comme ils étaient tous membres du parti communiste, ils exerçaient lencadrement dun point de vue politique de jeunes étudiants, qui navaient pas plus de 16 à 17 ans. »



    Les étudiants de la faculté ouvrière étaient donc des gens mûrs, adeptes de lidéologie prônée par le régime et résolus à la défendre. Ils avaient également pour tâche dorienter la jeunesse, de veiller à sa formation éducationnelle et intellectuelle. Andrei Banc : « Si de nos jours, les frais émoulus des lycées ont 19 à 20 ans, à cette époque-là, la plupart de mes collègues ayant ce même âge étaient mariées et certaines dentre elles avaient déjà un enfant. Elles épousaient des hommes domiciliés à Bucarest pour trouver un emploi dans la capitale, après la faculté. Une bonne partie de mes collègues de faculté avaient presque le double de mon âge. Cela faisait une drôle dimpression. Cétait comme si un quadragénaire considérait un octogénaire. Ces gens dont je vous parle étaient mariés, avec enfants. Dans la majeure partie des cas, ils travaillaient parallèlement à leurs études. Ils avaient donc certaines responsabilités et ne pouvaient donc pas se permettre les folies auxquelles nous autres, les jeunes, nous adonnions en ces temps-là. Ils vivaient sous la pression, sous la contrainte de leur qualité de membres du parti communiste, de leur origine ouvrière. En plus, ils étaient conscients du fait que la moindre erreur leur aurait coûté lemploi, le carnet de membre du parti, la qualité détudiant. Or, comme ils avaient tous des familles à entretenir, les choses nétaient pas du tout simples. »



    Par ailleurs, les leaders des organisations étudiantes provenaient sans exception de la faculté ouvrière. Andrei Banc : « Ils formaient, pour ainsi dire, le détachement appelé à encadrer les jeunes étudiants en philosophie et en droit. Chaque année détudes avait son secrétaire de parti. Le nôtre était quelquun de bien. Cest dire que tous ces individus nétaient pas abrutis. Cette personne-là, qui avait exactement le double de mon âge, était journaliste au quotidien « Munca » (Le Travail). Le bureau de lUnion de la jeunesse ouvrière était formé de jeunes élus sur des critères parfaitement démocratiques, alors que le secrétaire de parti, plus âgé et issu de la faculté ouvrière, était nommé à ces fonctions. Il y avait aussi une troisième catégorie, regroupant ceux qui avaient été admis à la faculté ouvrière, mais qui ne fréquentaient pas les cours car occupant des postes beaucoup trop importants. Ils se présentaient directement aux examens. Ce fut le cas de Dumitru Aninoiu aussi. Nous autres, jeunes étudiants appliqués, dont moi-même, nous aidions ces étudiants de la faculté ouvrière, qui peinaient à apprendre. Le nommé Aninoiu était directeur dans le domaine de la presse, même si sa formation ne le qualifiait pas pour un tel poste. De nos jours, les choses semblent être plus compliquées. Bref, il y avait deux groupes distincts: celui des jeunes folâtres et un autre, le détachement de la classe ouvrière formé de gens très sérieux. »



    La faculté ouvrière a fait figure à part dans lenseignement supérieur de Roumanie. A commencer par 1960, cette véritable pépinière de cadres allait servir de base à lenseignement supérieur consacré à lidéologie du parti. (trad.: Mariana Tudose)

  • La semaine du 28 mars au 02 avril 2016

    La semaine du 28 mars au 02 avril 2016

    Les renseignements roumains au rapport



    Selon le chef de l’Etat roumain, Klaus Iohannis, le Service roumain de renseignement intérieur (SRI) est un partenaire respecté et crédible au sein de la communauté des renseignements euro-atlantiques, et grâce auquel la Roumanie s’avère un fournisseur de sécurité dans la région. Lors de la présentation du bilan 2015 du Service, le président roumain s’est félicité entre autres de la contribution de cette institution dans la lutte contre la corruption et contre les réseaux d’évasion fiscale et de crime organisé. Le Service roumain de renseignement intérieur a pleinement rempli sa mission, se montrant efficace et sérieux, a conclu Klaus Iohannis.



    A son tour, le chef du SRI, Eduard Hellvig, a déclaré que l’année dernière environ 350 personnes à risque terroriste avaient été expulsées ou s’étaient vu refuser l’entrée en Roumanie. Parmi les défis de son institution, Eduard Hellvig a mentionné la vague de migrants, l’agressivité de la Russie, l’instabilité de l’Ukraine et le manque de prédictibilité de la situation en République de Moldova voisine. Le manque de transparence du service est un des aspects qu’il faut toujours remédier, a encore avoué Eduard Hellvig.



    Par ailleurs, le Service roumain de renseignement intérieur est en train d’examiner, aux côtés de ses partenaires occidentaux, la manière dont les cartes prépayées de téléphonie mobile achetées en Roumanie sont utilisées dans des zones où sont actives des organisations terroristes. Le SRI soutient ouvertement l’idée que les titulaires des cartes prépayées achetées en Roumanie dévoilent leur identité au moment de l’achat. Et pour cause : des informations récentes indiqueraient le fait que des menaces auraient été lancées depuis de telles cartes contre des infrastructures de transport dun pays communautaire. Après les récents attentats de Bruxelles, le premier ministre roumain Dacian Ciolos avait affirmé que des cartes prépayées de Roumanie avaient été utilisées pour préparer certains attentats dans l’UE.


    Notons que la Roumanie est un des rares pays communautaires où lon peut toujours acheter des cartes téléphoniques prépayées sans fournir ses données personnelles.




    Cinq mois depuis la tragédie de la discothèque Colectiv



    Familles, amis et survivants ont commémoré les 64 victimes de l’incendie de la discothèque Colectiv de Bucarest, 5 mois après la tragédie. En même temps, le Corps de contrôle du premier ministre a rédigé un rapport sur la manière dont a été menée l’intervention d’urgence la nuit de l’incendie, constatant plusieurs irrégularités. Néanmoins, le Département pour les situations d’urgence a estimé que plusieurs données du rapport gouvernemental n’étaient pas conformes aux informations existantes et qu’elles contrevenaient même aux différents actes normatifs réglementant des procédures nationales ou internationales du domaine. A l’issue de son entretien avec les représentants du Corps de contrôle du premier ministre, le chef du Département pour les situations d’urgence, Raed Arafat, a déclaré qu’il pourrait éventuellement déposer son mandat si le premier ministre l’exigeait. Entre temps, le Tribunal de Bucarest a décidé que les 3 patrons de la discothèque Colectiv soient placés sous contrôle judiciaire durant l’enquête dont ils font l’objet. Antérieurement, ils avaient été assignés à domicile.




    Condamnation d’un nouveau tortionnaire communiste



    Commandant du camp de travail de Periprava (dans le sud-est de la Roumanie) entre 1958 et 1963, Ion Ficior a été condamné à 20 ans de prison ferme pour crimes contre l’humanité. Cette décision de la Cour d’Appel Bucarest n’est pourtant pas définitive. Ion Ficior a été traduit en justice en 2014, sous l’accusation d’avoir introduit et coordonné un régime de détention répressif, abusif et inhumain contre les détenus politiques à l’époque où il était chef du camp de travail.



    Ceux-ci n’ont pas bénéficié d’assistance médicale, ni de médicaments, ni de nourriture, ni de chauffage, ils avaient été soumis à de nombreuses punitions, à la torture physique et mentale. Selon les procureurs, le régime imposé par Ion Ficior ne garantissait même pas les conditions minimales de survie à long terme, même si les peines de prison dépassaient les 10 ans. Plus d’une centaine de détenus auraient perdu la vie dans ces conditions.



    La Cour d’Appel a décidé aussi qu’Ion Ficior soit dégradé et obligé à payer, aux côtés de l’Etat roumain, 300.000 euros de dédommagements. Rappelons-le, dans un cas similaire, l’ancien commandant du pénitentiaire de Râmnicu Sarat, (sud-est), Alexandru Visinescu, a reçu une peine définitive de 20 ans de prison ferme, ayant été trouvé coupable d’infractions similaires.






    Rapport sur la compétitivité



    La chambre américaine de commerce de Roumanie a présenté à Bucarest son 2e Rapport sur la Compétitivité. Parmi les domaines nécessitant une intervention immédiate figurent le vieillissement de la population, la santé, l’infrastructure, la fuite des cerveaux, la recherche, l’agriculture, l’éducation et la cohérence des politiques publiques, lit-on dans le rapport. Selon le document, la lutte anti-corruption, l’inflation et la législation réglementant le travail sont les secteurs ayant connu une évolution positive depuis le premier rapport sur la compétitivité du pays, publié en 2011. S’y ajoute un bon taux de connexion de la population au réseau Internet.



    Le rapport reconnaît donc la croissance de l’économie roumaine dans les classements mondiaux de la compétitivité, tout en signalant l’existence d’un grand décalage par rapport à la moyenne de l’UE. Présent au lancement du rapport, le vice premier ministre roumain Costin Borc a affirmé que les documents de ce genre aidaient le gouvernement de Bucarest à améliorer son activité.




    Gala 2016 des prix Gopo



    Récompensé en 2015 du prix de la mise en scène au festival de Berlin, le film « Aferim ! », du réalisateur roumain Radu Jude, a décroché pas moins de 12 distinctions au Gala des Prix Gopo de Bucarest, qui récompensent l’excellence dans le cinéma roumain. «Aferim !» a remporté donc toutes les catégories où il a été nommé, dont le prix du meilleur film, celui du meilleur réalisateur et du meilleur rôle principal. Ce dernier a été attribué à l’acteur Teodor Corban. Ioana Flora a été désignée meilleure actrice dans un rôle principal pour son jeu dans le film « Chez papa ». Enfin le prix du meilleur début a été remporté par Nicolae Constantin, pour sa prestation dans le film «Le monde m’appartient » (“Lumea e a mea”), du réalisateur Nicolae Constantin Tănase. (Trad. Valentina Beleavski)

  • La politique culturelle de la Roumanie dans la période 1965 – 1974

    La politique culturelle de la Roumanie dans la période 1965 – 1974

    Vers les années ’60, voyait le jour dans la société occidentale une contre-culture dominée par le mouvement hippie. Les créations artistiques s’affranchissent des vieilles règles et le non conformisme émerge dans tous les domaines de la culture. La Roumanie communiste de cette décennie-là délaisse peu à peu le proletcultisme. Surtout après 1965, date à laquelle Nicolae Ceauşescu prend les rênes du Parti Communiste Roumain, le régime politique favorise la récupération de certaines formes culturelles de l’entre-deux-guerres, tout en maintenant dans un cône d’ombre les créations des artistes qui s’intéressent à la nouvelle esthétique. Le réalisme socialiste imposé à la littérature après 1948 est remplacé par le soi-disant humanisme socialiste.



    L’historien Cristian Vasile explique les étapes de ce processus : « Le réalisme socialiste ou la méthode de création unique, qui représente le pendant de l’idéologie marxiste-léniniste sur le plan esthétique et politique, était étroitement lié à l’Union Soviétique et à la première période du communisme en Roumanie. Il supposait une vision internationaliste et fortement pro-soviétique. On entend de moins en moins souvent le syntagme réalisme socialiste”, surtout après 1960-1962. Les organes du parti, les hauts responsables du ministère de la Culture et de l’Art n’insistent plus tellement sur ce que les hommes de lettres et les autres catégories d’artistes respectent le socialisme réaliste et le terme tombe en désuétude. Cette tendance va s’accentuer pendant les premières années du régime Ceauşescu. Pourtant, encombré par le fardeau soviétique, Ceauşescu entend se débarrasser du réalisme socialiste et propose son remplacement par l’humanisme socialiste. Dans un premier temps, de 1965 jusqu’en 1971-1972, il laisse une certaine marge de manœuvre aux écrivains et aux artistes. Voilà pourquoi on a parlé d’une libéralisation, d’une vraie détente. »



    Les idéologues proletcultistes recommandaient une littérature accessible à tous, par l’utilisation d’un langage poétique élémentaire et la schématisation de la construction épique. Quant à la critique, elle remplissait plutôt une fonction de censure, puisqu’elle veillait à ce que les créations littéraires et artistiques respectent les exigences du dogmatisme communiste et qu’elle sanctionnait tout dérapage par rapport à « la ligne du parti ». Les excès politiques de l’époque et le style propagandiste se reflétaient dans tous les domaines de la création.



    Les années ’60 amènent un certain esprit d’ouverture dans les belles lettres roumaines. Cristian Vasile : « La thématique se diversifie, chose très importante, car avant 1953, les thèmes des romans et la documentation afférente étaient imposés. Auparavant, les créateurs étaient obligés de se rendre dans les usines, les champs ou les coopératives agricoles de production pour y puiser leurs sources d’inspiration. Or, après 1965, l’écrivain se voit offrir plus de liberté dans le choix de ses thèmes. Si au début des années ’50 on pouvait compter sur les doigt d’une main les traductions de romans américains étaient très rares, l’après 1965 change totalement la donne, de sorte que l’on assiste à une véritable explosion. En plus, après cette date, on peut trouver dans les kiosques de Bucarest de la presse littéraire et même politique occidentale. Pour comparaison, avant 1965, quiconque était pris en possession de publications occidentales risquait d’être renvoyé devant la justice et soumis à un simulacre de procès. »



    La soi-disant libéralisation n’a pas été uniforme dans tous les domaines de la culture. La philosophie servait entièrement à l’idéologie marxiste — léniniste. De même, la sociologie, interdite après 1948, a été difficilement redécouverte et réinventée au milieu des années 60. Dans l’historiographie, la direction antisoviétique adoptée par Ceausescu amenait une certaine tendance nationaliste, visible dans le domaine de la muséographie. Cristian Vasile: « La dimension nationaliste se fait remarquer toute de suite après 1960 — 1962, à l’époque de Gheorghe Gheorghiu-Dej, comme une légère réaction antisoviétique. Il faut dire que les textes de Marx sont interprétés dans un esprit anti-soviétique, car on redécouvre certains de ses écrits à fort message antirusse, contre l’Empire russe du 19e siècle et contre sa politique expansionniste. Provenant de Marx, le fondateur de l’utopie communiste, ces textes avaient de l’autorité et le régime pouvait se légitimer par son fondateur même, lui conférant aussi des nuances antisoviétiques à mesure qu’il s’éloignait du Kremlin dans sa politique étrangère. Ceauşescu adopte cette direction qu’il souhaite retrouver non seulement dans les ouvrages d’histoire, mais aussi dans les musées. Seulement voilà, la création d’un Musée national d’histoire de la Roumanie s’est avérée difficile. Même son nom a été changé à plusieurs reprises.


    Et pour cause: après 1948, à l’exception du Théâtre National, aucune appellation d’institution ne comportait le terme de « national ». Même le championnat de foot n’était plus « national », mais « républicain ». La Banque Nationale était devenue la Banque d’Etat. Dire d’un musée qu’il était « national » c’était déjà un pas suggérant un certain écart par rapport à Moscou. Ce musée n’a pas été créé, comme prévu, à l’époque de Gheorghiu–Dej. C’est pendant le régime de Ceauşescu que sont jetés ses fondements ».



    A compter de 1970, le Musée national d’histoire de Roumanie devient le Musée d’Histoire de la République Socialiste de Roumanie. C’était un retour à l’orientation soviétique des années 50, le Parti Communiste Roumain ayant eu une relation fluctuante avec Moscou. Le 6 juillet 1971, les 17 « Propositions de mesures pour améliorer l’activité politique et idéologique, d’éducation marxiste — léniniste des membres du parti, de tous les travailleurs », figurant dans le discours de Nicolae Ceauşescu marquaient le début d’une révolution en miniature contre l’autonomie culturelle, qui visait à la conformation idéologique des sciences humaines et sociales. La culture redevenait le principal instrument de la propagande communiste. (Trad.: Mariana Tudose, Valentina Beleavski)

  • Victoire des partis pro-européens en Ukraine

    Victoire des partis pro-européens en Ukraine

    Les pro-occidentaux ukrainiens ont remporté lors des élections législatives une victoire très importante pour l’avenir de leur pays se trouvant encore sous la menace de la guerre et du démembrement. Leur président Petro Poroshenko, celui qui a convoqué ces élections anticipées, déclarait à la fin du scrutin que plus de deux quarts des électeurs présents aux urnes ont fortement et irréversiblement appuyé l’orientation de l’Ukraine vers l’Europe. Le gouvernement de Kiev a gagné un vote de confiance convaincant accordé par le peuple — soulignait encore Poroshenko.



    Selon les estimations, quelque 70% des voix ont été gagnés par cinq partis pro-occidentaux : le bloc Poroshenko, où on retrouve le parti UDAR de l’ancien boxeur Vitali Kiciko, qui a reporté plus de 20% des voix, tandis que sur la deuxième position s’est placé le Front Populaire du premier ministre Arseni Yatzeniuk suivi par Samopomitch – le parti des représentants de la société civile et des combattants venus de l’est. Les deux dernières formations sont favorables à une offensive plus dure contre les séparatistes pro-russes de l’est du pays.



    Le Bloc de l’opposition réunissant les alliées de lancien président Viktor Yanukovici a remporté 8% des voix surmontant le seuil minimum nécessaire pour accéder au parlement, par différence du Parti Communiste qui n’a été choisi que par 3% des électeurs. Dans la Rade de Kiev (le parlement) seront également présents le Parti Radical et la formation nationaliste Svoboda ainsi que le Parti Batkivschina de l’ancienne premier ministre Iulia Timosenko.



    Le taux de la présence aux urnes a été de presque 40%. Quelques cinq millions d’électeurs sur les 36 millions du pays n’ont pas pu voter dans la Crimée annexée par la Russie au mois de mars et dans les zones contrôlées par les séparatistes de l’est. L’AFP remarque, néanmoins, que le résultat des élections représente une victoire d’une envergure sans précédent depuis l’indépendance de l’Ukraine en 1991 et à la suite des 6 mois de conflit entre armée ukrainienne et les rebelles pro-russes qui a fait plus de 3700 morts.



    Les Ukrainiens ont voté pour la solution pacifique et politique du conflit armé avec les rebelles pro-russes de l’est du pays — disait, ce dimanche, le président Poroshenko en s’adressant à la nation ukrainienne. Il a salué également le déclin du parti communiste pour la première fois depuis l’indépendance de cette ancienne république soviétique, parti qui n’est plus représenté au parlement. En termes techniques, Poroshenko s’attend, après validation des résultats, à la formation rapide d’une nouvelle coalition au parlement et, ensuite, à la formation d’un nouveau gouvernement où, selon les experts, l’actuel premier ministre devrait conserver sa position. (trad. Costin Grigore)

  • A la une de la presse roumaine – 16.10.2014

    A la une de la presse roumaine – 16.10.2014

    Une nouvelle affaire de corruption fait la une de la presse nationale. Parmi les personnes impliquées dans cette histoire digne du scénario d’une série télévisée, on retrouve politiciens, juges, avocats, responsables publics et même princes et princesses. Détails dans la revue de presse de RRI.*



  • Sighet, une île à la frontière

    Sighet, une île à la frontière

    Sighet est la ville la plus au nord de Roumanie, située sur la frontière avec l’Ukraine. Une bourgade paisible, comme tant d’autres en Transylvanie, centre commercial et culturel régional du temps de l’empire d’Autriche-Hongrie, avec une dimension multiculturelle et multiconfessionnelle qui est à envier.



    Assez peu connue au-delà des limites de sa province, Maramures, rien – ou presque – ne faisait entrevoir la destinée de Sighet, à la moitié du 20e siècle. Dans les années 1950, la ville fut le théâtre d’une des expérimentations les plus macabres et les plus réussies du régime communiste. La vieille prison impériale, située littéralement au cœur de la ville, fut transformée en un pénitencier de haute sécurité où fut incarcérée la quasi-totalité des ministres et des hommes politiques importants d’avant l’installation du communisme, chassés de la vie publique par les acolytes locaux de Staline.



    L’existence de cette prison changea radicalement la vie des habitants de Sighet, qui devaient composer non seulement avec les transformations sociales imposées par le régime, mais aussi avec le poids symbolique de l’établissement carcéral, gardé comme une forteresse.



    Des tomes entiers et des centaines d’heures de témoignages sur l’extermination lente des personnalités emprisonnées ici ont été publiés après la chute du régime communiste, sans que le sort des gens autour de cette prison intéresse les chercheurs. Comment la vie des « Sigheteni » se déroulait-elle à l’époque ? Comment la prison imposait-elle son existence à la ville, quels interdits devait-on observer ? Si des victimes étaient à l’intérieur, n’y en avait-il pas aussi à l’extérieur ?



    A l’occasion des 20 ans écoulés depuis la création du Mémorial des victimes du communisme — ce que l’ancien pénitencier de Sighet est de nos jours — RRI donne, pour la première fois, la parole aux habitants de la ville afin de reconstituer une tranche d’histoire des anonymes, peut-être moins mouvementée à l’échelle historique, mais tout aussi dramatique et spectaculaire pour un destin humain.



    Un grand reportage par Ileana Taroi et Andrei Popov. Réalisation, Mihnea Chelariu du Théâtre National Radiophonique


  • Lettres des années 1980

    Lettres des années 1980


    Dans les archives des Services de renseignements, on trouve généralement des informations portant sur les missions secrètes, le travail des agents, les coulisses diplomatiques ou les intérêts politiques. A l’instar des autres Services secrets des régimes communistes, l’ancienne police politique roumaine, la Securitate, contrôlait la société dans son ensemble. Or, parmi ses principales sources d’informations, la correspondance a contribué de manière importante à l’obtention des renseignements et au chantage des citoyens.






    Liviu Taranu, chercheur au Conseil National pour l’Etude des Archives de l’ancienne Securitate est également l’éditeur de l’ouvrage « Les Roumains à l’Epoque d’or. La correspondance dans les années ’80 », qui regroupe une partie des lettres adressées par les citoyens roumains aux institutions de l’Etat. Création de la propagande, le syntagme « l’Epoque d’or » servait au culte de la personnalité de Nicolae Ceausescu, en se proposant de mettre en lumière les performances enregistrées par la Roumanie sous les communistes. Pourtant, la réalité était tout autre: le régime du dictateur Ceausescu avait poussé le pays au bord du précipice, en pleine crise matérielle et spirituelle sur fond d’une profonde dégradation psychologique.






    Nous passons le micro à M. Liviu Taranu pour une brève caractérisation de la Roumanie des années 1980, telle qu’elle apparaît dans la correspondance de l’époque: « Elle était pessimiste, tragique. Dramatique, c’est ça le mot juste. Il y a des lettres, des documents pleins d’humour, puisque les Roumains savent faire bonne mine contre mauvaise fortune. Pourtant, le contenu est dramatique, en raison de la pénurie quotidienne. Ce sont notamment les familles nombreuses qui se plaignent de toute sorte de difficultés: manque d’aliments, d’électricité, majoration des prix, insécurité de l’emploi. C’est incroyable de parler de l’insécurité de l’emploi dans les années ’80, mais on en parle fréquemment! »






    La Securitate passait au peigne fin toute la correspondance de l’époque, avec une attention particulière accordée à celle adressée aux institutions publiques. Liviu Taranu: « Toutes les lettres adressées aux journaux, au Comité Central, aux personnes morales, notamment à celles de la capitale , passaient à travers le filtre de la Securitate. Sur leur ensemble, plusieurs arrivaient à destination, mais d’autres, comportant des messages durs à l’adresse du régime, étaient confisquées et attachées par la suite au dossier ouvert par la police politique. Comme vous voyez, la liberté d’expression était généralement entravée. Mais, il y avait aussi des cas heureux quand les Roumains arrivaient à s’adresser par écrit aux responsables politiques ».





    Les mécontentements liés au niveau de vie étaient dominants. Et pourtant, l’insécurité de emploi est également évoquée, ce qui était inimaginable dans un régime qui prétendait être un régime des ouvriers. Cette peur contredit en effet le cliché qui affirme que dans les années du socialisme les emplois étaient garantis. Liviu Taranu : « Cette peur était très justifiée par la désorganisation des entreprises au plus haut niveau, en raison des changements opérés du jour au lendemain dans les structures d’Etat qui géraient différents secteurs de l’économie. Puis, il y avait aussi le problème de la commercialisation des produits roumains qui s’avérait de plus en plus difficile. Alors, les entreprises accumulaient des stocks. Le plan de production n’était plus respecté parce qu’à leur tour, les entreprises ne possédaient plus la matière première nécessaire pour produire. Les gens ne touchaient plus leurs salaires, la direction essayait de réduire le personnel afin de pouvoir payer les autres salariés. Toutes les réorganisations et les difficultés endémiques au niveau macroéconomique ne faisaient que produire l’insécurité de l’emploi et le chômage. Certains salariés étaient simplement virés et c’était à eux de trouver un nouvel emploi. »






    La violence de la révolution anti-communiste roumaine s’explique notamment par le fait que la voix des gens était étouffée. C’est une des choses que l’on peut observer dans la correspondance éditée dans ce volume. Tous les pays communistes se confrontaient à cette crise, mais nulle part la liberté d’exprimer son mécontentement n’était punie avec une telle sévérité qu’en Roumanie à l’époque de Nicolae Ceausescu.





    Est-ce qu’il existe un lien entre la fermeté du régime dans les années ’80 et la violence de la révolution anticommuniste de décembre 1989 ? Liviu Taranu : « Oui, j’en suis convaincu. Les tensions ne se sont pas dissipées de manière progressive. Elles couvaient avant de se manifester sous différentes formes, tant au niveau des minorités qu’à la périphérie de la société. La majorité n’aboutissait pas à esquisser des points de riposte. Au moment où ces points sont apparus, ils se sont multipliés dans tous les pays. Ces tensions étouffées pendant plus d’une décennie, même si les choses avaient commencé à ne plus aller bon train avant 1980, n’ont fait que produire ce mouvement violent. Les mécontentements étaient trop importants pour que les choses puissent se dérouler calmement, sans violence, comme en Tchécoslovaquie ou dans d’autres pays de la région. »





    Un des effets traumatisants de l’époque communiste a été d’inoculer à la population un état d’esprit névrosé. Cet état d’esprit s’est fait sentir dans les années 1990, dans le nouvel espace public démocratique roumain….(trad. : Ioana Stancescu, Alex Diaconescu)

  • Les opérations de la Securitate avec des devises

    Les opérations de la Securitate avec des devises


    En dépit de sa rhétorique emphatique, de supériorité par rapport au régime capitaliste, le régime communiste a été, pendant toute son histoire, dépendant du premier. Les économies communistes ont cherché à tirer un profit maximal des relations avec le monde capitaliste, alors qu’elles n’obtenaient même pas la moitié des performances économiques de celui-ci. La faim de devises a été une constante de tous les pays communistes, la Roumanie n’étant pas une exception. Vu que l’économie socialiste ne pouvait pas satisfaire le besoin en ressources, le régime communiste de Bucarest a mis au point un appareil de répression, à savoir la Securitate, avec la mission de produire de l’argent.


    La plupart des opérations de la Securitate avec des devises restent un mystère pour la majorité des Roumains d’aujourd’hui. C’est pourquoi les recherches de l’historien Florin Banu dans les archives du Conseil national pour l’étude des archives de la Securitate (CNSAS) est un début dans cette page d’histoire des services secrets roumains des années du communisme : « Le problème de certaines opérations en devises a commencé à se poser pour la Securitate dans les années 1950. Dans les premières années après sa création, elle a dû faire face aux difficultés inhérentes à tout service de renseignements, et d’autant plus à une police politique comme c’était son cas. Le besoin de devises n’était pas si important, étant donné la rupture des relations commerciales avec l’Occident. A partir de la moitié des années ’50, avec l’ouverture vers l’Occident, suite à la reprise des rapports avec la France et par la suite avec l’Allemagne, avec le Royaume Uni, le problème des devises s’est posé aussi. Au début, les devises étaient obtenues par la récupération des héritages des citoyens roumains établis en Occident. Tous ces héritages devaient être ramenés au pays et des démarches étaient faites en ce sens. Ce n’étaient pas des opérations de grande ampleur, mais des opérations occasionnelles. Vers la fin des années ’50, la possibilité est apparue d’obtenir des devises par l’intermédiaire des canaux confidentiels de la Securitate, en échange de la délivrance de certains visas d’émigration. Une partie de la communauté juive et une partie de la minorité allemande ont estimé que leur avenir en Roumanie était plutôt incertain et sombre et ont fait le choix d’émigrer ».


    Les devises comptaient parmi les plus précieux objectifs du régime, c’est pourquoi les autorités le traitaient avec beaucoup d’attention. Florian Banu : « L’Etat roumain possédait le monopole de toutes les sommes en devises qui étaient considérées comme propriété de l’Etat et que celui-ci devait encaisser. Les autorités ont élaboré une législation très stricte à ce sujet, et l’argent que la Securitate obtenait était déposé à la banque d’Etat de la République populaire roumaine, dans un compte spécial, dont l’évidence était très stricte. Le 31 juillet 1965, celui-ci contenait 6.857.000 dollars. La collecte de ces sommes d’argent se faisait sous une surveillance stricte. Les officiers qui collectaient effectivement l’argent, puisque pendant un certain temps, les paiements se faisaient en liquide, portaient des microphones, les conversations étaient enregistrées et la possibilité qu’ils s’approprient une partie de cet argent était beaucoup diminuée. La Securitate pouvait utiliser 20% de cet argent dans les opérations qu’elle déroulait, par pour payer ses informateurs à l’extérieur et pour acheter des équipements occidentaux. Une petite partie de cet argent a été utilisé pour l’achat de fusils de chasse pour certains apparatchiks, plus importants. »


    Pendant le régime de Nicolae Ceausescu, entre 1965 et 1989, la Securitate a constamment cherché de nouvelles modalités d’obtenir des devises : « La nouveauté c’est qu’à partir des années 1970, les transferts bancaires sont de plus en plus utilisés au détriment du liquide, même si cette pratique a continué aussi dans les années ’80. La tâche de dérouler ce genre d’opérations avait été confiée aux officiers de la 1ère de Direction de renseignements étrangers. Après 1978, lorsque l’entier système d’espionnage de la Roumanie a été reconfiguré suite à la défection du général Ion Pacepa, l’adjoint du contre-espionnage roumain, les choses changent. La Securitate constitue une unité chargée exclusivement de la mission d’obtenir des devises. Une intensification de ces opérations a eu lieu à la fin des années 1970 en raison du besoin accru ressenti par le régime communiste en raison de son endettement extérieur. C’est dans les années 70 qu’ont eu lieu les chocs pétroliers, dont le premier en 1973 et le deuxième en 1979 — 1980. Le développement excessif de l’industrie chimique et la perte de certains marchés extérieurs, ainsi que l’augmentation sensible des taux d’intérêts aux dettes souveraines ont mis une pression immense sur l’Etat roumain. »


    L’historien Florian Banu donne un exemple révélateur sur la manière dont la Securitate a réussi a récupérer une partie de cet argent : « Les officiers ont reçu des indications claires sur les types d’opérations de change agrées. Par exemple, la récupération de sommes d’argent en devises à partir des commissions confidentielles approuvées et versées par les autorités roumaines aux étrangers qui avaient favorisé la conclusion de contrats avantageux pour la partie roumaine. Quelle était le mécanisme ? L’Etat roumain contractait l’exportation de tracteurs vers l’Iran. Afin de gagner l’appel d’offres de l’Etat iranien, l’Etat roumain offrait une commission à un haut dignitaire iranien. Après la signature du contrat et le début de sa mise en application, les officiers de la Securitate contactaient le dignitaire en question. Ils invoquaient des dépenses supplémentaires comme l’embarquement et la préparation pour l’exportation. Bref, on lui disait qu’une partie de cet argent devait être remboursé. Et les dignitaires cédaient. Si le haut dignitaire avait reçu un pot-de-vin de, mettons, 10 % du contrat, les officiers de la Securitate lui disaient qu’il devait restituer 5%. Et eux, ils récupéraient cet argent pour le transférer ensuite en Roumanie. »


    Les opérations de change de la Securitate n’ont pas réussi à arrêter la dégringolade du système communiste. Elles ont contribué à la formation de personnes qui après 1989 se sont transformés en hommes d’affaires. (trad. : Ligia Mihaiescu, Alex Diaconescu)