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  • Constantin Argetoianu

    Constantin Argetoianu

    L’une des constantes de la vie politique roumaine, et dont cette dernière
    ne s’était jamais départie, ne fût-ce qu’à l’entre-deux-guerres, a été la
    présence de politiciens qui changent aussi souvent de couleur politique ou de
    parti que de chemise, au gré de leurs intérêts du moment. Le médecin et juriste
    Constantin Argetoianu en a sans doute fait partie, à cette époque.








    Né en 1871, à Craiova, dans une vieille famille de
    boyards, originaire de la région d’Olténie, dans le sud de la Roumanie, c’est à
    Paris qu’Argetoianu suivra ses études de droit et de médecine. Mais la vie
    politique lui semblait sans doute plus à même de lui ouvrir grande la porte de
    la réussite sociale. En 1913 déjà, il prenait la carte d’adhérent du parti
    conservateur, premier de la longue liste de partis politiques qui le compteront
    dans leurs rangs.








    L’historien Ioan Scurtu, auteur d’une biographie d’Argetoianu,
    retrace la longue carrière politique de notre héros, carrière qui ne débute
    véritablement qu’à la fin de la Première guerre mondiale.




    Ioan Scurtu : « Il avait compris alors que l’étoile du parti
    conservateur descendait déjà. Que son avenir était derrière lui. Et il a essayé
    de suivre les pas du général Averescu, héros de la Grande Guerre qui jouissait
    d’une énorme popularité à l’issue de la bataille remportée à Marasti. Averescu s’était
    lancé en politique, à travers la Ligue du peuple, qu’il fonda en 1919. Et il
    comptait déjà parmi ses proches Constantin Argentoianu, qui faisait de son
    mieux pour accroître la notoriété du général, lui vouant un véritable culte.
    Aussi, au mois de mai 1921, Argetoianu, devenu ministre d’Intérieur, se fera
    remarquer lorsqu’il fera embastiller les délégués au congrès du parti socialiste
    roumain. Il affirma ensuite, devant le Conseil des ministres, avoir une fois
    pour toutes mis un terme au communisme sur le sol roumain. Or, ironie de
    l’histoire, ce seront les communistes qui auront le dernier mot. ».







    Mais la popularité du général Averescu, héros de la
    Grande Guerre, s’avérera moins durable que Constantin Argetoianu ne pouvait le
    supposer. Ce dernier quitte donc le général, pour essayer de prendre le
    contrôle de son véhicule politique.






    Ioan Scurtu : « Argetoianu avait convoqué le
    congrès du Parti du peuple, et parvint à se faire élire président. Mais
    le parti perdit très vite des plumes, et il lui fallait s’allier à un autre
    mouvement politique, qui puisse assurer le succès de son entreprise. Argetoianu
    trouve alors Nicolae Iorga, grand historien mais homme politique plutôt
    fantasque, contre lequel il ne s’était pas gêné de proférer invectives et
    menaces lorsqu’il remplissait la charge de ministre de l’Intérieur. En 1924, Argetoianu
    rend visite à Nicolae Iorga, pour essayer de l’amadouer. Très adroit, il
    n’aborde aucuns sujets que ceux portant sur l’œuvre de l’historien, dont il
    parvient à réciter par cœur des passages entiers. Son cabotinage réussit à
    merveille, le savant se laissant berner par son hôte, ravi qu’il était de
    découvrir un admirateur aussi convaincu et subtile de son œuvre. »







    Mais Constantin Argetoianu ne va pas s’arrêter en si
    bon chemin. En effet, il poursuivra sa carrière politique, tour à tour, dans le
    Parti nationaliste du peuple, puis dans le Parti national paysan, et jusqu’au Parti
    national libéral, qu’il vilipendait par-dessus tout, le parti dirigé par Ion I.
    C. Brătianu.






    Ioan Scurtu : « Enfin, en 1930, Argetoianu
    quitte ce dernier parti, pour devenir un partisan farouche du roi Carol II,
    nouvellement monté sur le trône de la Roumanie, et adversaire notoire des
    partis politiques en général, et de la vie démocratique dans son ensemble. Argetoianu
    mène alors campagne en ce sens, accusant ces partis de tous les maux. Iorga,
    son ancien compère, libéré lui aussi à ce moment-là de tout engagement
    politique, abonde dans le même sens. Fatalement, au mois d’avril 1931, le roi
    nomme le cabinet Iorga, dans lequel Constantin Argetoianu s’arroge un rôle de
    premier plan. Nommé ministre de Finances, il assure de pouvoir sortir le pays
    de la crise qui sévissait alors partout dans le monde. Et il s’attelle à cela,
    en appliquant une drôle de panacée, plus précisément en renonçant au payement
    des émoluments des fonctionnaires publics. Forcément, cela ne tarde pas à soulever
    un tollé. Mais il persiste et signe, convaincu qu’il était de la génialité de
    sa trouvaille. Finalement, le roi se résout devant l’évidence et se voit obligé
    de renoncer aux bons et loyaux services de son gouvernement et, avec, de son ministre
    de Finances, au mois de mai de l’année 1932. »







    Argetoianu n’est pourtant pas l’homme à lâcher le
    morceau. Il fonde un nouveau véhicule politique, censé assurer la promotion de
    sa personne. Ce sera la Ligue agraire, un parti qui vivote sans éclat, jusqu’à
    la suppression de la vie politique démocratique, en 1938, lorsque le roi Carol
    II se décide d’instaurer pour de bon son régime personnel. La carrière
    politique d’Argetoianu retrouve alors un nouveau souffle, dans la camarilla du
    roi. Un choix peu judicieux sans doute, car, 2 années plus tard, en 1940,le
    maréchal Antonescu dépose le roi Carol II, pour instaurer son propre régime
    personnel, peu complaisant avec les proches du souverain déchu. Argetoianu se verra
    donc obligé de se retirer de la vie politique pendant la guerre. En 1944, il
    quitte même la Roumanie pour la Suisse. Très peu inspiré et à la surprise
    générale, il trouve néanmoins opportun de rentrer au pays en 1946. Mal lui a
    pris.




    Ioan Scurtu : « Tout Bucarest a été pris de court. Argetoianu, qui
    semblait, dans ses Mémoires, si sûr d’un instinct politique incapable de lui
    faire défaut, le voilà qu’il rentre au pays. Vous savez, dans les années 1945-46,
    après l’installation du gouvernement procommuniste dirigé par Petru Groza, les
    hommes politiques bourgeois faisaient des mains et des pieds pour quitter le
    bateau qui prenait de l’eau. Mais Argetoianu était bercé par l’illusion que les
    leaders des Trois Grands, soit l’URSS, la Grande Bretagne et les Etats-Unis,
    voudront d’un homme d’expérience à la tête des affaires, en Roumanie. Il rentre
    donc et fonde encore un nouveau parti, intitulé l’Union nationale Muncă și Refacere/Travail et
    Redressement. Qui plus est, il suggèreà ses adhérents,
    pour l’occurrence où il viendrait de tomber malade ou de se trouver dans
    l’impossibilité d’exercer pleinement son mandat de président de parti, de faire
    fusionner le parti avec le Front des agriculteurs, soit le parti du président
    procommuniste du Conseil, Petru Groza. Cela en dit long. »






    Constantin Argetoianu n’arrivera pourtant pas à convaincre les nouveaux
    maîtres du pays, les communistes, de l’utilité d’une entreprise telle qu’il l’avait
    conçue. Ces derniers ne tarderont donc pas à lui faire subir un procès
    politique, puis à le jeter en prison. Constantin Argetoianu finira ses jours, à
    l’âge 83 ans, dans le tristement célèbre pénitentiaire politique de
    Sighet, en 1955. (Trad. Ionuţ Jugureanu)

  • Le 10 mai dans l’histoire de la Roumanie

    Le 10 mai dans l’histoire de la Roumanie

    Jusqu’en 1948, le 10 mai était la Fête nationale roumaine. Une date symbole de l’indépendance et de l’unité de la Roumanie, indissolublement liée à la monarchie, une journée d’émotion et de participation populaires. L’histoire du 10 mai commence en 1866, avec l’arrivée, sur le sol des Principautés unies de Valachie et de Moldavie, de Carol de Hohenzollern-Sigmaringen, le nouveau prince régnant, installé après le coup d’Etat qui a éliminé la dictature personnelle d’Alexandru Ioan Cuza, son prédécesseur sur le trône. Le moment diplomatique est assez délicat, puisque l’union des Principautés bénéficie de reconnaissance européenne seulement pendant le règne de Cuza. Son évincement du pouvoir pousse l’Empire ottoman – en tant que puissance suzeraine – à exiger, en février 1866, de la part des autres puissances continentales une décision qui aille vers l’annulation de l’union. L’historien Alin Ciupală raconte l’enchaînement des événements ultérieurs: Alors, les hommes politiques du moment ont dû trouver rapidement une solution à la crise. Ion Brătianu et d’autres personnalités politiques de la génération révolutionnaire de 1848 sont allés à Paris, car la solution tant recherchée ne pouvait venir que de l’homme le plus puissant d’Europe, l’empereur de France. Ce fut donc Napoléon III qui a suggéré cette solution, très bonne d’ailleurs sur le long terme. En 1866, le 10 mai n’a pas eu de profil festif. Au-delà de la cérémonie officielle inévitable, la crise politique était si profonde qu’elle aspirait toutes les énergies. L’arrivée de Carol Ier à Bucarest ne suffisait pas, il avait encore besoin d’être reconnu par la puissance ottomane suzeraine. La joie de la population liée à ce 10 mai était secondaire.

    Quinze ans plus tard, lorsqu’une Roumanie devenue indépendante, suite à la guerre russo-turque de 1877-1878, se proclamait royaume, Carol Ier était couronné roi le 10 mai 1881. Alin Ciupală détaille: A partir de là, la date du 10 mai acquiert une tout autre amplitude. Il y aura même une formule de festivités pour marquer l’événement. La journée commençait avec une messe à la Cathédrale patriarcale de la capitale, à laquelle prenaient part des membres de la Maison royale, du gouvernement et du corps diplomatique en poste à Bucarest. Venait ensuite la manifestation très probablement la plus importante de la joie qui rassemblait la famille royale et les citoyens de Roumanie : le défilé militaire commandé par le roi Carol Ier lui-même. Après, la fête populaire continuait sur l’avenue Kiseleff, et la journée était clôturée par le bal offert par la famille royale et auquel participaient la haute société, les membres du gouvernement, le corps diplomatique et les élus parlementaires. C’était une journée bien remplie et impeccablement organisée. »

    Le rituel introduit par Carol Ier pour célébrer le 10 mai a été aussi adopté par son successeur, le roi Ferdinand, d’autant plus que la date avait gagné en importance, suite à la Première Guerre mondiale et à la Grande Union de 1918. L’historien Alin Ciupală raconte: Elle représentait le moment où tous les Roumains s’étaient retrouvés. Après 1918, Bucarest accueille aussi toutes les provinces unies avec la Roumanie à la fin de la Première Guerre mondiale. En plus, jusque dans les années 1930, la reine Marie joué un rôle très important dans la mise en page des manifestations pour le 10 mai. Sa présence publique, très appréciée par les Roumains, a mis en exergue le côté populaire de la fête. Celui qui a transformé le 10 mai en une occasion de parler plutôt de soi-même et de glorifier le souverain, ce fut le roi Carol II. Durant son règne, il a imposé une variante de culte de la personnalité, et le 10 mai en était l’occasion parfaite, qu’il n’a pas ratée. De nombreux documents d’archives, y compris cinématographiques, le prouvent. C’est le cas, par exemple, d’actualités d’époque filmées, qui montrent des extraits des festivités organisées pour célébrer le 10 mai sous Carol II. D’ailleurs, il est important de savoir que le premier journal d’actualités filmé a été réalisé à l’occasion du 10 mai 1914. Malheureusement, ce n’est pas la version intégrale.

    L’entrée de la Roumanie dans la Deuxième Guerre mondiale a balayé les célébrations festives du 10 mai, et l’abdication forcée du roi Michel en 1947, suivie par l’installation complète du régime communiste, ont eu pour résultat le choix d’une nouvelle Fête nationale. En plus, les communistes ont entièrement effacé de l’histoire officielle la date du 10 mai, si étroitement liée à la monarchie. Ils ont même falsifié la date de la proclamation de l’indépendance de l’Etat roumain – le 10 mai 1877 – l’événement historique étant marqué le 9 mai durant les années du communisme en Roumanie. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Le Ploiesti d’autrefois

    Le Ploiesti d’autrefois

    À 60 km de Bucarest, sur la route vers la Vallée de Prahova, la région montagneuse la plus populaire de Roumanie, se trouve la ville de Ploieşti, la capitale de l’or noir, la ville de Moş Ploaie, le Vieux-Père Pluie, le siège de la première république roumaine, mais aussi… « la plus belle ville moche de Roumanie ». Cette dernière caractérisation se retrouve dans le titre d’un livre qui réunit les mémoires de plusieurs habitants de Ploieşti, ressuscitant le charme d’une ville qui a connu beaucoup de vicissitudes à travers le temps.

    À présent, « Ploieşti peut sembler une ville sans histoire. En fait, elle a eu la malchance d’être en même temps redevable au pétrole et condamnée par l’industrie du pétrole. L’or noir lui a apporté le développement fascinant du début du XXème siècle, mais c’est toujours à cause du pétrole qu’elle a trouvé son anéantissement », affirme l’historien Lucian Vasile, un des initiateurs du volume « Combien une ville moche peut être belle». En fait, l’histoire de Ploieşti n’a pas nécessairement commencé avec les riches gisements de pétrole brut qui se trouvaient à proximité. Comment était la ville de Ploieşti avant l’expansion de l’industrie pétrolière?

    Lucian Vasile répond: « Elle se trouvait au croisement de plusieurs routes commerciales et, par la suite, au XIXème siècle, le commerce a été la principale occupation des habitants de la ville. Et après, avec le développement des voies de communication entre Bucarest et la Transylvanie, Ploiesti est devenu un important nœud ferroviaire et de poste. La Gare du Sud était importante ; tous les chemins de fer qui partaient de Bucarest bifurquaient là et changeaient de route soit vers la Transylvanie, à l’ouest, soit vers la Moldavie, à l’est. Ploiesti, c’était plusieurs villes en une seule. Chacun de ses quartiers périphériques – les « mahalale » – avait sa propre identité.

    De nos jours, ce terme a une connotation péjorative, mais je ne suis pas d’accord avec cela. Les « mahalale » avaient une église dans leur centre et le nom de chacune provenait de cette église-là: la « mahala » de Sainte Vendredi, de Saint Démètre, celle de Saint Elie etc. »Dès la moitié du XIXème siècle, plus précisément après 1857 quand la première distillerie pétrolière y a été créée, une époque de prospérité a commencé pour Ploieşti. À peu près à la même époque, un mouvement antimonarchique a proclamé, en août 1870, la première république roumaine qui a eu la durée de vie de juste… une journée.

    Cela n’a pas empêché la ville de Ploieşti de connaître, au début du XXème siècle, la période la plus florissante de son histoire, visible aussi dans son architecture, selon Lucian Vasile: « Il y a cette compétition assez paisible entre le style néo-roumain et l’architecture moderniste, avec des accents Art déco. Toutefois, les deux tendances ont coexisté et Ploieşti, tout comme Bucarest, s’est fait remarquer par le contraste et la diversité de l’architecture. À coté d’un bâtiment avec des forts accents néo-roumains se trouvait un immeuble plus petit, moderniste, puis il y avait une villa datant du XIXème siècle et près d’elle, un autre bâtiment du style néo-roumain. Ce n’était pas une ville unitaire, mais c’était justement à cause de cela qu’elle avait un charme particulier. C’était une ville avec des ruelles tortueuses, étroites, ce qui était désagréable pour les habitants de cette époque-là. Mais pour nous, aujourd’hui, cela est plutôt pittoresque, fascinant et provoque beaucoup de nostalgie… »

    Tout naturellement, la prospérité a engendré la croissance et la diversification démographique de la ville. Lucian Vasile précise que : « Cette compétition architecturale était aussi un fruit de l’éclectisme démographique. La communauté ethnique la plus grande de la ville était représenté par les Juifs, une communauté dont le nombre a beaucoup diminué aujourd’hui, par comparaison avec la période de l’entre-deux-guerres. À l’époque, les Juifs représentaient environ 5% des habitants de la ville. De même, il y avait des communautés consolidées d’Allemands, d’Italiens, de Hollandais, de Britanniques ou de Français. Au XIXème siècle, surtout, il n’y avait pas beaucoup de spécialistes en Roumanie, dans des domaines tels que les produits pharmaceutiques, l’architecture ou le bâtiment. C’est pour cette raison que beaucoup de Magyars de Transylvanie et beaucoup de Saxons et d’Italiens sont venus ici et ont construit toute une série d’immeubles dans le département de Prahova et dans la ville de Ploieşti. »

    Fortement avariés pendant les bombardements de 1944, beaucoup de bâtiments historiques de Ploieşti n’ont pas été restaurés et les communistes ont préféré les démolir pour moderniser la ville. Cela a fait que Ploieşti soit la première localité systématisée de la Roumanie communiste, son aspect diversifié d’avant ayant été remplacé par l’uniformité stylistique des bâtiments et des immeubles avec des nouvelles habitations. La ville a été ainsi enlaidie, d’après certains. Pourtant, l’esprit d’autrefois des « mahalale » a perduré: les quartiers-dortoirs ont cohabité avec les maisons anciennes, qui ont survécu en même temps que certaines traditions typiques à la périphérie, où le rural rencontrait l’urbain. (trad. Nadine Vladescu)

  • « Les Américains arrivent! »

    « Les Américains arrivent! »

    A la fin de la Seconde guerre mondiale, les Roumains pensaient que la présence des Soviétiques dans leur pays et les abus en tous genres cesseraient et que les Américains viendraient en Roumanie pour remettre les choses sur la bonne voie. C’était une manifestation d’espoir en un avenir meilleur et en même temps, une des impulsions de ceux qui ont agi dans le mouvement de résistance anticommuniste.

    Jusqu’au moment de l’adhésion de la Roumanie à la coalition dirigée par l’Allemagne, les relations roumano-allemandes avaient été très bonnes. La déclaration de guerre par la Roumanie du général Antonescu aux Etats Unis, le 11 décembre 1941, a été un acte contraire à l’esprit qui avait animé les relations bilatérales. Aussi le bombardement de la Roumanie par l’aviation américaine en 1944 relevait-il de la logique de la guerre, une logique injuste/tordue pour des temps normaux, de paix et de bonne entente. Même s’ils se trouvaient dans des camps opposés, les Roumains ont traité raisonnablement les pilotes américains capturés. Selon les témoignages, certains officiers roumains ont ramassé les cadavres des pilotes américains abattus et les ont enterrés avec un service divin. Le passage de la Roumanie du côté des Nations unies, le 23 août 1944, a été un geste de réparation d’une anormalité historique.

    Pourtant, les suites de la guerre n’allaient pas apporter ce que la société roumaine attendait. La présence des troupes soviétiques dans le pays et le pouvoir accaparé par le parti communiste ont fait que les espoirs des Roumains soient liés, avec désespérance, à un débarquement des troupes américaines à Constanta ou dans les Balkans. L’expression « les Américains arrivent » était déjà un lieu commun et la plupart des Roumains pensaient, à la fin des années 1940, que ce n’était qu’une question de mois jusqu’à ce que les troupes américaines allaient faire leur apparition.

    Nicolae Dascălu a été membre du Parti national paysan et a activé dans une organisation anticommuniste d’élèves entre 1947 et 1949. Interrogé en 2000 par le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, M Dascălu a affirmé que l’arrivée des Américains avait motivé des dizaines de jeunes à adopter une attitude ferme pour défendre la démocratie et la liberté.

    Nicolae Dascălu: « Tout le monde espérait que les Américains viendraient et nous avons tous attendu leur aide! Bien sûr, c’était d’abord l’espoir que nous insufflait la jeunesse et le courage avec lequel nous nous sommes lancés dans le combat pensant qu’en tout cas, les valeurs démocratiques allaient triompher, s’imposer. Personne ne s’attendait à cette période si longue et si terrible ! Longue, mais dans le même temps terrible! Et si stricte dans ses manifestations, avec une interdiction totale des aspirations humaines. »

    En 2000, Elena Florea Ioan, la sœur de Toma Arnăuţoiu, chef d’un des groupes armés anticommunistes les mieux organisés, a confirmé que son frère était parti dans les montagnes avec l’espoir de l’arrivée des Américains.

    Elena Florea Ioan: « C’est alors que je me suis rendu compte que mon frère était bel et bien parti, et je n’ai pas pu l’arrêter, non plus. J’ai tellement insisté auprès de ma mère et je lui ai dit de ne pas le laisser partir ! Mais comme j’ai vu que ma mère était d’accord qu’il parte, je n’avais plus quoi faire. Ma mère était très inquiète, et en tant que mère, voir que mon frère dormait uniquement dans des cachettes et qu’il n’était pas tranquille, vous vous rendez compte. Et elle croyait que s’il partait dans les montagnes, il trouverait sa tranquillité, c’est ce qu’ils présumaient. Ils avaient des promesses que les Américains viendraient un mois après, et qu’ils nous délivreraient des Russes. C’est avec cette pensée qu’ils sont partis, que cette période de calvaire allait durer peu de temps. Ils ne s’étaient pas figuré qu’ils allaient passer autant de temps dans les montagnes. Cette organisation, celle de Nucşoara, a été l’unique d’Europe qui a duré 9 ans. Les autres n’ont pas résisté, ils ont été arrêtés, sont morts, se sont rendus. C’était la seule organisation qui a duré 9 ans. »

    La déception de certains que l’aide américaine n’arrivait plus a été si grande qu’ils n’ont pas hésité à quitter leurs frères d’armes. Tel fut le cas du colonel Gheorghe Arsenescu, selon le témoignage d’Elena Florea Ioan : « Le colonel Arsenescu est parti plutôt pour défendre sa vie et ses jours. Ce n’est pas pour le critiquer, mais son départ n’a pas été un geste patriotique. Il a cru que c’était quelque chose de courte durée. Et là, dans les montagnes, lui et d’autres, voyant qu’ils n’avaient plus de vivres, et qu’il n’y avait plus de rôti et d’autres choses, ils ont commencé à se disputer. Il disait qu’il n’y resterait plus. D’autres ont dit qu’ils mangeraient des racines d’arbres tous ensemble, des feuilles, car c’était ce qu’ils mangeaient lorsqu’ils n’avaient pas autre chose, mais qu’ils resteraient unis, dans les montagnes, le temps nécessaire. Cette situation ne convenait pas à Arsenescu ; il ne s’est pas accommodé à cette vie de calvaire. Et alors il a donné à mon frère Toma la direction de cette organisation, et il s’est retiré parce qu’il ne pouvait plus endurer la faim et le froid. Il a vu que les Américains n’arrivaient plus et s’est rendu compte que la situation était incertaine. Et il est parti. »

    Pourtant, même s’ils n’ont pas pu venir directement pour libérer la Roumanie, les Américains ont essayé d’organiser des actions pour entretenir l’espoir. Ils ont par exemple parachuté des Roumains vivant en exil en Roumanie, comme le cas de juillet 1953 du groupe commandé par le capitaine Sabin Mare. L’évolution des relations entre les deux blocs politiques et militaires, celui de la démocratie et le bloc communiste, vers une cohabitation a pourtant mené à l’abandon de tout projet de sauver les pays occupés par les Soviétiques. Les Américains sont vraiment venus en Roumanie et en Europe Centrale et de l’Est après 1989. Cela a été possible suite au fait qu’ils ont gagné la compétition s’étendant sur plusieurs dizaines d’années contre l’URSS. (Trad. Ligia Mihaiescu)

  • L’exécution des membres du groupe Antonescu

    L’exécution des membres du groupe Antonescu

    A part le maréchal Ion Antonescu, dirigeant du pays, le groupe réunissait aussi le professeur en droit Mihai Antonescu, vice- premier ministre, le gouverneur de la Transnistrie, Gheorghe Alexianu et le général Constantin Vasiliu, commandant de la Gendarmerie. Destitué le 23 août 1944 et mis en examen par le Tribunal du peuple, le groupe Antonescu est condamné à mort le 17 mai 1946 et fusillé par le peloton d’exécution quelques semaines plus tard. Le général de brigade, Mircea Herescu, a assisté à l’exécution du groupe Antonescu, un événement qu’il remémore au micro de Radio Roumanie. La nuit du 31 mai au 1 juin, pendant que sa compagnie assurait la garde de la prison de Jilava, le commandant de la prison lui a passé un coup de fil pour lui ordonner de se présenter d’urgence, le lendemain matin, dans la cour où se trouvait le groupe Antonescu.

    Un événement important devrait y avoir lieu, c’est tout ce que l’on m’a dit, se rappelle Herescu, qui poursuit: « Le lendemain matin, je me suis réveillé et je me suis précipité vers la cour que l’on m’avait indiquée et où se trouvaient le maréchal Antonescu et ses compagnons. Je les ai salués et ils m’ont tous répondu poliment. Je suis passé juste à côté du professeur Mihai Antonescu et je l’ai vu préoccupé par un tas de papiers. Qu’est – ce que vous faites, Monsieur le Professeur?. Il m’a répondu qu’il préparait une nouvelle réforme de l’Education. Le général Piki Vasiliu qui me connaissait aussi, a gentiment répondu à mon salut. Puis, accompagné par le lieutenant Petrescu, j’ai salué aussi le maréchal Antonescu avant de me présenter devant le commandant de la prison, le colonel Pristavu. C’est à ce moment – là que j’ai appris que le groupe Antonescu condamné à mort serait emmené devant le peloton d’exécution le jour même. En attendant, ce fut le secrétaire général au Ministère des Affaires Intérieures, Avram Bunaciu qui fit son apparition, aux côtés de l’inspecteur Gavrilovici, pour discuter avec le chef de la prison et arranger que les prisonniers téléphonent à leurs familles et leur demandent de se rendre sur place pour faire leurs adieux ».

    Mircea Herescu se souvient des dernières heures de vie que les condamnés ont passées en compagnie de leurs proches: « Je me souviens de l’arrivée de l’épouse du maréchal. Elle était vêtue en noir, les cheveux blancs et elle a été conduite dans une sorte de guérite transformée en parloir. Le maréchal se trouvait dans sa cellule. Le gendarme venu l’escorter près de son épouse, lui a offert aussi un petit bouquet de fleurs, qu’Antonescu a par la suite offert à sa femme. Entre temps, d’autres personnes ont commencé à venir à Jilava. L’épouse du professeur Alexianu et ses deux enfants, le frère du professeur Mihai Antonescu qui était officier de marine et qui est arrivé vêtu en uniforme, l’épouse et le fils du général Vasiliu. Madame la maréchale et son époux ont choisi d’avoir leur dernière conversation en français, surtout qu’elle s’est déroulée devant un inspecteur de police, Gavrilovici de son nom. Au bout d’une heure, tous les membres de famille sont partis et les prisonniers ont été reconduits dans leurs cellules ».

    Impossible d’oublier les détails d’une exécution à laquelle on a assisté, se confesse Mircea Herescu qui se rappelle que les 4 membres du Groupe Antonescu ont gardé leur sang froid jusqu’à la fin, en choisissant de mourir dignement: « Les condamnés ont été conduits devant les quatre poteaux d’exécution. On leur a demandé s’ils souhaitaient qu’on attache leurs mains. Le maréchal a refusé, tout comme Ica Antonescu et Alexianu. Seul Piki Vasiliu y a consenti. Un procureur est arrivé sur place pour lire la sentence aux termes de laquelle, suite à la décision du Tribunal du Peuple, les quatre condamnés seront fusillés. On leur a demandé s’ils souhaitaient avoir les yeux bandés. Le maréchal a refusé, tout comme le professeur Antonescu et Alexianu. Seul le général Vasiliu a voulu qu’on lui mette un bandeau sur les yeux et c’est pourquoi on lui a bandé les yeux d’un foulard gris. Une fois la sentence lue, le procureur a ordonné sa mise en pratique. Le chef du peloton a ordonné aux 28 tireurs de faire feu. A la première fusillade, le maréchal Antonescu tombe à genoux, le professeur Antonescu s’écroule, tout comme Alexianu, tandis que Vasiliu, touché par balle, se retrouve à son tour à genoux. Antonescu se redresse et d’une voix éteinte dit « tirez encore, je suis toujours en vie ». Le commandant du peloton approche alors et lui tire une ou deux balle dans la tête. Il a fait de même avec Vasiliu. Ensuite, ce fut le tour du médecin légiste d’approcher pour constater le décès de chacun des condamnés ».

    L’exécution du groupe Antonescu reste dans l’histoire roumaine comme un des épisodes importants du XXème siècle, un des plus violents, peut-être, de l’histoire de l’humanité. (trad. Ioana Stancescu)

  • Il y a six ans, la révolte à Chişinău

    Il y a six ans, la révolte à Chişinău

    Il y a six ans, des dizaines de milliers de personnes, majoritairement des jeunes, mécontentes de la manière dont avaient été organisées les élections parlementaires du 5 avril 2009 et de leur niveau de vie, le plus bas d’Europe, protestaient en République de Moldova. Les élections avaient été remportées par le Parti des communistes, au pouvoir à l’époque, mais les protestataires avaient accusé une fraude massive lors du dépouillement des urnes. Les 6 et 7 avril 2009, la capitale Chişinau était secouée par des manifestations suivies par le saccage et l’incendie des bâtiments de la présidence de la République et du Parlement. Au moins un protestataire a perdu la vie et plusieurs centaines ont été interpellés par les forces de l’ordre.



    Le chef de l’Etat de l’époque, Vladimir Voronin, a accusé la Roumanie d’être à l’origine des manifestations, a décidé d’expulser l’ambassadeur roumain en République de Moldova et de réintroduire le régime des visas pour les ressortissants roumains. Le ministère des Affaires étrangères de Bucarest a rejeté sans équivoque les accusations de Vladimir Voronin.



    La suite de des manifs — l’opposition parlementaire a bloqué l’élection du président du pays, ce qui a provoqué des élections anticipées et l’arrivée au pouvoir des partis pro-européens, rassemblés dans une coalition appelée l’Alliance pour l’intégration européenne, forte d’une majorité de 53 élus sur le total de 101.



    Ultérieurement, cette Alliance s’est rompue, des sujets tels l’abandon par la Moldova de sa neutralité militaire, l’union avec la Roumanie ou le partage des fonctions dirigeantes constituant autant de points en divergence. La présidence de l’Etat a connu trois périodes d’intérim, avant l’élection par consensus, en mars 2012, d’une personnalité apolitique, le magistrat Nicolae Timofti. Le dernier gouvernement moldave en date, résultat des élections du 30 novembre 2014, a été installé en janvier dernier, à l’aide des voix communistes.



    Les protestations du 7 avril 2009 ont reçu le nom « révolution Twitter », car, après la première révolution télévisée — celle de décembre 1989, en Roumanie — ces manifs de Chişinău ont eu une couverture en ligne, en temps réel. Selon les observateurs politiques, c’était la première fois que les réseaux sociaux montraient leur capacité à mobiliser les masses.



    Après cette date, la situation s’est répétée sur un autre continent, en Afrique: en Tunisie et en Egypte, les protestations ont été organisées à l’aide de Facebook et Twitter, par des gens qui ont ainsi réussi à dire au monde entier ce qui était en train de se passer dans leurs pays. Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, des groupes appellent à la révolution, en Syrie ou au Yémen, tandis que dans d’autres pays, les réseaux sociaux ont été carrément interdits. (Trad. : Ileana Taroi)

  • La république de Moldova – combien proche de l’Europe ?

    La république de Moldova – combien proche de l’Europe ?

    Le cabinet minoritaire, dirigé par le jeune homme d’affaires Chiril Gaburici, dépend également de l’appui des communistes pro-russes, ce qui ne fait qu’amplifier la précarité de l’avenir européen de Chisinau. Le gouvernement n’a été investi qu’à la fin février, soit près de trois mois après le scrutin législatif du 30 novembre, durant lequel l’électorat moldave avait privilégié la voie occidentale.



    Après le scrutin, le scénario de la continuité semblait être déjà écrit. Les trois composantes de la coalition gouvernementale, les partis Libéral, Démocrate et Libéral-démocrate, s’étaient adjugé 55 mandats de député sur les 101 qui composent le Législatif de Chisinau. Revenue au pouvoir en 2009, après une pause de huit ans durant laquelle le pays a été dirigé par un gouvernement communiste pro-russe caractérisé par la corruption, les abus et les dérapages antidémocratiques, l’Alliance pour l’Intégration européenne semblait être obligée à diriger le pays dans la même formule.



    Ce qui plus est, le premier ministre et ex-ministre des Affaires Etrangères le libéral-démocrate Iurie Leanca dont le mandat est lié à la signature l’année dernière des accords d’association et de libre échange avec Bruxelles et qui promettait de faire entrer la République de Moldova dans l’UE en 2020, semblait être la première option pour le fauteuil de premier ministre. Et pourtant, les libéraux, farouches promoteurs de l’orientation vers l’Ouest, n’ont pas réussi à passer outre leurs divergences avec les partenaires politiques et ont décidé de rester en opposition.



    Créé par une coalition minoritaire formée par les partis libéral démocrate et démocrate, le nouveau cabinet Leanca a été rejeté par le Parlement. Tel ne fut pas le cas de l’équipe exécutive de M Gaburici qui a été investie grâce notamment aux voix des communistes. En Roumanie, pays qui est traditionnellement le partisan le plus énergique des aspirations européennes de Chisinau, le nouveau président Klaus Iohannis n’a pas caché sa déception face à cette situation.



    Le Chef de l’Etat espère pourtant que le gouvernement Gaburici n’abandonne pas l’option pro-européenne : « J’espère que ce nouveau gouvernement, avec son jeune premier ministre, entrepreneur de profession, puisse diriger la République de Moldova dans la même direction vers l’Ouest. A mon sens, tout gouvernement responsable comprend que si une majorité a voté pour l’Europe, c’est ça la direction à suivre. »



    Les premières réactions du gouvernement et du ministère des Affaires Etrangères de Bucarest ont été plutôt contradictoires. Le premier ministre Victor Ponta a salué la nomination d’un nouvel homologue à Chisinau. Avec une prudence évidente, la diplomatie de Bucarest, dirigée par Bogdan Aurescu s’est contentée d’annoncer qu’elle avait « pris acte » de son installation. L’analyste Robert Schwartz, chef de la rédaction roumaine de Radio Deutsche Welle, n’a censuré ni son mécontentement ni les épithètes employés.



    Dans une interview pour la radio publique roumaine il a affirmé : « Ce qui se passe actuellement à Chisinau est une nouvelle farce typique pour la scène politique de la République de Moldova. Je me permets de l’affirmer clairement parce que les électeurs qui ont voté le 30 novembre au scrutin législatif s’étaient imaginé quelque chose de différent. Ceux-ci avaient voté pour des partis pro-européens et maintenant le Parlement vient d’être investi avec l’appui des communistes. C’est un gouvernement contesté par la société civile et la réaction très retenue de l’UE me semble symptomatique. Les Etats-Unis non plus ne se sont pas empressés de saluer ce qui s’est passé à Chisinau. Ce qui est également intéressant c’est le fait que le premier ministre roumain, Victor Ponta a salué l’investiture du gouvernement et du nouveau premier ministre Gaburici. Beaucoup plus retenu a été le ministère roumain des Affaires Etrangères. Le ministre Aurescu sait de quoi il s’agit beaucoup mieux probablement que le premier ministre Ponta, lorsqu’il « prend note » de ce que s’y passe et choisit de ne pas saluer rapidement les évolutions locales, parce que nous pouvons nous attendre à une attitude visiblement tournée vers la politique de Moscou. Autrement dit, Chisinau reste dans une zone grise, avec un conflit gelé en Transnistrie et une solution pour rapprocher la Moldova de l’Europe devient du coup, à mon avis, plus improbable après l’investiture de ce gouvernement. »



    Par la suite, le premier ministre roumain Victor Ponta a précisé qu’il n’était pas ravi de la situation à Chisinau où le gouvernement minoritaire dépend des communistes et a rappelé qu’en 2014 il avait collaboré d’une manière exceptionnelle avec le cabinet Leanca, soutenu par les trois partis pro-européens. Loin de partager l’optimisme de son prédécesseur, le premier ministre Gaburici a averti que la République de Moldova, un pays pauvre, mal géré, miné par la corruption et la politique politicienne, a encore beaucoup à faire pour répondre aux normes communautaires. Chiril Gaburici: « Ca n’a pas de sens d’évoquer l’intégration européenne dans un pays ébranlée depuis des années par des scandales et des privatisations opaques, dans un pays qui n’a pas connu l’Etat de droit. Tout ce verbiage sur la perspective européenne n’est que de la démagogie stérile. »



    Ce qui est sûr c’est que Chiril Gaburici s’est rendu à Bruxelles pour sa première visite officielle à l’étranger. Après l’avoir rencontré, Federica Mogherini, haute représentante de l’UE pour les Affaires Etrangères et la politique de sécurité, déclarait que l’investiture du nouveau gouvernement de Chisinau prouvait le nouvel engagement européen de la République de Moldova.



    Nous sommes confiants que l’exécutif de Chisinau redoublerait d’efforts pour réaliser les réformes cruciales, notamment dans les secteurs de la justice et des finances, ainsi que dans celui de la lutte contre la corruption, dans l’intérêt de tous les citoyens de la République de Moldova, a également ajouté Federica Mogherini.


  • Littérature et politique entre 1965 et 1974

    Littérature et politique entre 1965 et 1974

    La littérature a été un des arts favoris des communistes. Grâce à la force persuasive du texte littéraire, aux portraits simplistes des personnages et à l’exaltation des sentiments les plus instinctuels de l’homme, le régime communiste a remporté des succès plus importants que ne l’admettent les historiens littéraires. Dans les années 1950, le courant dominant a été de celui du réalisme socialiste, d’inspiration soviétique. A compter de 1965, le régime du jeune leader communiste Nicolae Ceauşescu allait proposer le renouveau de la Roumanie en délaissant apparemment l’idéologie. Cela revient à dire que les belles lettres étaient, en théorie, affranchies de l’emprise du réalisme socialiste. Le régime s’est ainsi attiré la collaboration de certains intellectuels convaincus que l’heure du changement avait bel et bien sonné. Malheureusement, dans les années 1980, ils allaient se détromper en constatant que le régime de Nicolae Ceauşescu n’avait été en fait qu’un autre visage du stalinisme.



    L’historien Cristian Vasile de l’Institut Nicolae Iorga de Bucarest détaille la situation de deux intellectuels qui se sont pliés au nouveau canon littéraire entre 1965 et 1974. Il s’agit du traducteur et historien littéraire Alexandru Balaci (1916 – 2002) et de l’écrivain Alexandru Ivasiuc (1933 – 1977). Lors d’une visite en Bulgarie en 1967, en tant qu’adjoint au ministre de la Culture, Alexandru Balaci a essayé de défendre la nouvelle méthode de création littéraire, celle de l’humanisme socialiste.



    Cristian Vasile: « Balaci a également eu des rencontres avec les activistes politiques de plusieurs villes, avec des personnalités culturelles. Par la même occasion, il a visité différentes institutions culturelles et artistiques et donné une conférence à l’Ecole politique supérieure de Sofia. Des sources roumaines mentionnent au total 4 conférences tenues par Alexandru Balaci lors desquelles on lui aurait posé pas moins de 80 questions. Pour certaines d’entre elles, il lui a fallu faire attention aux nuances et faire preuve de tact et de diplomatie. On lui a entre autres demandé des détails sur la littérature des minorités ethniques de Roumanie et sur le stade des relations culturelles avec l’URSS. Pourtant, la plus intéressante de toutes ces questions a été celle de savoir la position de l’intellectualité roumaine à l’égard du réalisme socialiste. Une question apparemment anachronique et quelque peu provocatrice. Il y avait deux raisons à cela. Premièrement, le réalisme socialiste était l’unique méthode de création acceptée, associée au stalinisme et imposée par les Soviétiques. Les communistes bulgares étaient, eux, plus proches du Kremlin que ne l’étaient les Roumains. Deuxièmement, Nicolae Ceauşescu et la bureaucratie culturelle et politique avaient renoncé, au moins au niveau déclaratif, de prétendre aux intellectuels d’obéir aux normes du réalisme socialiste. En quelque sorte, la méthode unique de création des années 1950 avait été remplacée par l’humanisme socialiste, mentionné dans les documents du parti et les discours de Ceauşescu. Alexandru Balaci se serait dit étonné et aurait prié ses interlocuteurs de définir le réalisme socialiste dans le nouveau contexte ».



    L’autre cas de figure, celui de l’écrivain Alexandru Ivasiuc, est bien plus triste, affirme l’historien Cristian Vasile : « Plus tard, en 1956, lorsquil est écrivain et étudiant en philosophie, dans le contexte du déclenchement de la révolution de Budapest, Alexandru Ivasiuc conteste la raison même denseigner ce cours, considéré comme fondamental jusque là: “Les bases du marxisme – léninisme”. Ivasiuc refuse de promouvoir la discipline marxiste – léniniste, payant ce défi par 7 années de prison et de domicile obligatoire. A part cette contestation, il avait lintention de rallier les étudiants roumains à la révolution hongroise. Adulte, Alexandru Ivasiuc subit une transformation. Il opte pour une forme étrange de marxisme qui lapproche du même régime politique qui, une décennie auparavant, le considérait comme ennemi, instigateur et contre-révolutionnaire et qui lavait même jeté en prison. Bien quil ait connu de 1956 à 1963 toutes les humiliations de lunivers prisonnier et du domicile obligatoire, les rapports entre lindividu et le pouvoir lobsèdent à tel point quil tente, dans la seconde moitié des années 1960, une réinsertion sociale qui le rapproche des maîtres de l’idéologie. Juste après 1963, il devient fonctionnaire à lambassade des Etats-Unis à Bucarest. En même temps, il se consacre à lécriture et occupe différentes fonctions de direction. Durant cette période on remarque le changement qui se produit en lui, visible également dans ses romans (“Intervalle”, “Les oiseaux” et autres.). Dans la prose politique contemporaine avec Ivasiuc, à savoir le roman de lobsédante décennie (comme les intellectuels vivant sous la terreur avaient appelé les années 1950), sont réhabilitées en fiction les personnes agressées par le régime. Par contre, les critiques et historiens de la littérature constatent que dans les oeuvres dAlexandru Ivasiuc, les personnages réhabilités sont les tortionnaires, alors que les victimes sont condamnées encore une fois. Peu importe si Ivasiuc a été un marxiste sincère ou tout simplement cynique, son cas en dit long sur le succès des mécanismes pervers de la pédagogie communiste. Son comportement dans la sphère politique donnait limpression que cétait une personne qui avait subi de fortes transformations intérieures ».



    Lhumanisme socialiste a disparu en 1989, comme dailleurs lensemble de la politique culturelle du régime de Ceausescu. Ce nest quun autre exemple de la manière dont limposture dans lart, bien quelle bénéficie temporairement du soutien du pouvoir politique, ne peut pas simposer en tant que valeur authentique. (Trad. Valentina Beleavski)

  • 50 ans depuis la déclaration d’indépendance du Parti communiste roumain

    50 ans depuis la déclaration d’indépendance du Parti communiste roumain



    La disparition du stalinisme n’a pas fait disparaître les mauvais habitudes du régime du type soviétique. L’intervention brutale contre la révolution hongroise de 1956, la construction du mur de Berlin en 1961, la crise des missiles de Cuba en 1962, ainsi que la répression de la révolution tchécoslovaque de 1968 ont montré clairement aux partis communistes des pays–satellites de l’URSS que celle-ci n’avait aucune intention d’abandonner sa position de leader tutélaire du mouvement communiste international.



    Essayant de s’affranchir de la tutelle soviétique, le Parti ouvrier roumain a convoqué, du 15 au 22 avril 1964, une réunion plénière élargie de sa direction, qui a élaboré et voté « La déclaration de positionnement du POR par rapport au mouvement communiste et ouvrier international ». Ce document affirmait les principes d’action suivants: le respect de la souveraineté et de l’indépendance nationales, la non-ingérence dans les affaires intérieures, l’avantage et le respect mutuels, la reconnaissance de la spécificité nationale et historique, ainsi que le droit de chaque parti d’avancer dans sa propre voie vers le communisme.



    Une nouvelle direction de politique étrangère de la Roumanie était ainsi inaugurée; certains historiens l’ont même considérée comme indépendante de l’Union Soviétique. C’est pour cette déclaration courageuse que le chef communiste de l’époque, Gheorghe Gheorghiu-Dej, a été qualifié d’« enfant rebelle de l’Europe de l’Est », syntagme que son successeur, Nicolae Ceauşescu, s’approprie en 1965. De l’avis de l’historien Larry Watts, l’attitude indépendante de la Roumanie d’il y a 50 ans avait en fait commencé juste au lendemain de la mort de Staline. « Moi, je crois que ça n’annonçait pas le début d’une nouvelle politique et que c’était une mise en lumière internationale d’une politique consacrée. Nombreux étaient les Occidentaux intéressés par cette région qui ont prêté attention presque exclusivement aux questions économiques liées à cette déclaration. Les disputes sur des thèmes économiques opposant la Roumanie à d’autres membres du COMECON (le Traité économique des Etats communistes européens) avaient débuté quelques heures seulement après la mort de Staline ; ces disputes sont notoires. La position de la Roumanie a été suivie de près, notamment à commencer par 1961. C’était l’élément principal de la quasi-totalité des évaluations effectuées par les agences de renseignement, telles celles des Etats-Unis. »



    De l’avis de Larry Watts, les communistes roumains ont accordé une attention particulière à la politique de sécurité et à la politique étrangère. L’historien a décrit la succession d’événements qui ont fini par dessiner la tentative roumaine de se libérer de la tutelle soviétique. «Un des éléments à avoir déclenché une crise grave a été la déclaration faite par le leader roumain Ion Gheorghe Maurer en 1964 sur la crise du mur de Berlin de 1961 et sur la crise de Cuba. Dans les deux cas, Moscou avait placé en état d’alerte toutes les armées nationales du Pacte de Varsovie. En agissant de la sorte, les Soviétiques avaient complètement ignoré les directions des partis-satellites, sauf en Roumanie. C’est ce qui a poussé la Roumanie à adopter une déclaration de politique indépendante claire et nationale. La crise des missiles de Cuba a été la plus grave. Jusqu’en 1956 et même 1962, la Roumanie marchait aux côtés des autres pays membres du Pacte de Varsovie, où les partis communistes ont voulu contrôler les institutions et la politique de l’Etat. Pour la première fois depuis la mort de Staline, il est devenu possible de renégocier ces relations de subordination, pour les asseoir sur une base d’égalité plus forte. La Roumanie voulait acquérir aussi de l’autorité en plus de la responsabilité. »



    L’historien américain Larry Watts a évoqué les arguments du leader communiste roumain Gheorghe Gheorghiu-Dej, qui avaient attiré à celui-ci l’attention du monde. « La crise des missiles a été une révélation, elle a fait comprendre que l’URSS était capable de déclencher une guerre de grandes dimensions, même une guerre nucléaire, sans même en informer ses alliés. Dans les pourparlers avec Zou Enlai, de 1964, Gheorghiu-Dej l’a souligné : il a reconnu pour la première fois que Moscou avait été capable d’agir sans aucune consultation préalable. Or, le Pacte de Varsovie reposait justement sur ce principe, que la Roumanie avait accepté. La question qui se posait était de voir comment limiter la possibilité que l’URSS recoure à l’arme nucléaire? Ensuite, comment bloquer le comportement soviétique unilatéral au plan international d’une manière à ne pas impliquer la Roumanie dans une guerre, même non nucléaire? Dans une première intervention après l’adoption de la Déclaration de 1964, Gheorghiu-Dej a dit: la réponse du Pacte de Varsovie à toute menace nucléaire lancée par l’OTAN et les USA ne devrait pas être une escalade des armes nucléaires ni des tensions ; la réponse ne devrait pas être une menace de guerre nucléaire. Ce devrait être une réduction de ces actions. Le problème essentiel posé par la partie roumaine a été celui du fait que le Pacte de Varsovie et l’OTAN partagent la même réalité. Toute action unilatérale peut faire changer la réalité. »



    La politique de distanciation de la Roumanie par rapport à l’URSS sera continuée par le successeur de Gheorghiu-Dej, Nicolae Ceauşescu. A la fin des années 1970, il était clair pour tout le monde que la sortie de sous la tutelle de l’Union Soviétique – mais en gardant les principes du régime soviétique – ne pouvait pas perdurer. (trad.: Ileana Taroi)