Tag: critique

  • 02.02.2017 (mise à jour)

    02.02.2017 (mise à jour)

    Saisine — Le président roumain, Klaus Iohannis, a annoncé jeudi avoir saisi la Cour constitutionnelle de la Roumanie au sujet du décret d’urgence qui modifie la législation pénale. Le chef de l’Etat affirme qu’il s’agit d’un conflit juridique de nature constitutionnelle entre le gouvernement, le système de justice et le Parlement. En réplique, Liviu Dragnea, leader du PSD, au pouvoir, a affirmé que ce décret ne libère pas les corrompus ni n’arrête le procès dans lequel il est accusé de faux intellectuel. Il a encore dit que toute tentative de miner l’activité du gouvernement PSD-ALDE est une tentative de déstabiliser l’ordre de droit de Roumanie, par des moyens plus ou moins légaux. D’autre part, Florin Jianu, le ministre pour le Milieu des affaires, le Commerce et l’Entrepreneuriat, a démissionné du gouvernement, déclarant que c’était ce que la conscience lui dictait. Ce jeudi, la DNA avait demandé au ministère de la Justice des documents en original qui ont trait à l’élaboration et à l’émission du décret durgence de modification les Codes pénaux. L’information paraît dans un communiqué du ministère de la Justice dans lequel l’institution accuse la DNA d’immixtion grave dans l’activité de l’Exécutif.



    Critique – Le chef de l’Etat, Klaus Iohannis, a critiqué le ministère de l’Intérieur pour la manière dont il avait agi dans la nuit de mercredi à jeudi. Pendant le rassemblement pacifique de grande ampleur à Bucarest, des groupes isolés de manifestants se sont adonnés à des actes de violence. Les manifestations protestaient contre la décision du gouvernement Grindeanu de modifier les Codes pénaux par des décrets d’urgence. Le président soutient que les forces de police et de gendarmerie avaient été prévenues du risque de tels incidents, qui auraient visé à compromettre le mouvement de protestation. En réplique, la ministre de l’Intérieur, Carmen Dan, a déclaré ne pas en avoir été informée. Rappelons que c’étaient des protestations d’une ampleur sans précédent pendant ces 25 dernières années. A Bucarest et dans d’autres grandes villes de Roumanie, jeudi soir, les protestations ont continué contre la décision du gouvernement de modifier la législation pénale par décret d’urgence. Les Roumains de l’étranger ont eux aussi manifesté dans plusieurs capitales européennes, exprimant ainsi leur solidarité.



    Débat — La situation engendrée par les modifications de la législation pénale opérées par le cabinet de Bucarest et les amples manifestations qu’elles ont suscitées ont fait l’objet, jeudi, de débats au Parlement européen. Les députés européens de Roumanie membres du PPE ont demandé le retrait du décret d’urgence en question, alors que les représentants de l’Alliance des libéraux et des démocrates et du Parti social-démocrate, au pouvoir, affirment que les protestataires essaient de renverser un gouvernement légitime. La Commission européenne, a, quant à elle, sollicité au gouvernement roumain de réévaluer ledit décret. Enfin, les ambassades des Etats-Unis, du Canada, dAllemagne, de France, des Pays-Bas et de Belgique ont exprimé, mercredi, dans une déclaration commune, leur “profonde inquiétude” face à ce décret qui, selon elles, “sape” les progrès réalisés par le pays, ces dix dernières années, pour ce qui est de l’Etat de droit et de la lutte contre la corruption.



    Réactions — L’Association Pro Democraţia, une des ONGs les plus anciennes et les plus appréciées de Roumanie, constate avec inquiétude la détérioration rapide et grave du climat démocratique du pays, ainsi que l’attaque concertée de certaines forces politiques contre les fondements de l’Etat de droit et des droits de l’homme. La campagne systématique menée contre le système politique démocratique a culminé avec l’adoption, par décret d’urgence, de modifications controversées des Codes pénal et de procédure pénale, qui semblent exonérer de responsabilité pénale certains leaders politiques et leur clientèle électorale et économique, constate L’Association Pro Democraţia. Elle demande aux décideurs d’arrêter l’attaque contre les institutions, les organisations, les principes de l’Etat de droit et des droits humains et de retirer immédiatement et inconditionnellement le décret d’urgence décrié par l’opinion publique. ranger ont eux aussi manifesté dans plusieurs capitales européennes, exprimant ainsi leur solidarité.




    Budget — Samedi et dimanche aura lieu à Bucarest la réunion des commissions parlementaires en charge du budget et des finances, qui dresseront leur rapport sur les projets des lois du budget de l’Etat et de la sécurité sociale pour 2017. Lundi, le Sénat et la Chambre des députés débattront de ces actes normatifs en séance commune, le vote final étant prévu pour mardi. Le projet de budget de l’Etat, approuvé par le gouvernement repose sur une croissance économique de 5,2% et un déficit maximum de 3% du PIB. Le gouvernement table sur un taux d’inflation inférieur à 1,4 % et sur un taux de chômage de 4,3%. Selon le ministre des Finances, Viorel Stefan, une attention accrue sera prêtée dans l’immédiat aux investissements, à la santé, à l’éducation et à l’infrastructure.



    Défense — Plus de cent fantassins de Craiova, ville du sud de la Roumanie, se préparent pour une mission en Pologne, à laquelle ils devraient participer, six mois durant, dans la seconde moitié de l’année en cours, précise un communiqué du ministère de la Défense. Cette mission aura lieu en conformité avec la décision assumée par Bucarest, après le sommet de l’OTAN de Varsovie, visant la consolidation de la présence avancée de l’Alliance du coté nord du flanc oriental. Selon la même source, la Roumanie y participera avec un détachement de la défense aérienne, tandis que la Pologne sera présente avec une compagnie. Les fantassins roumains ont pris part, ces vingt dernières années, à plusieurs missions en Afghanistan, en Irak et dans les Balkans occidentaux. Cette brigade d’infanterie roumaine dispose de technique de combat moderne, capable d’assurer la pleine compatibilité et l’interopérabilité avec les structures des alliés.



    Tennis — La meilleure joueuse roumaine de tennis du moment, Simona Halep, numéro 4 mondiale, s’est qualifiée pour les quarts de finale du tournoi de Saint — Pétersbourg, en Russie. Principale favorite de la compétition, Halep rencontrera vendredi la Russe Natalia Vikhlyantseva. Par ailleurs, la paire formée par les Roumaines Irina Begu/Monica Niculescu affrontera, dans les quarts de finale, le duo Daria Gavrilova (Australie)/Kristina Mladenovic (France).

  • Paroles à l’antenne

    Paroles à l’antenne

    Dans ce troisième volet de la critique des médias nous abordons la question du langage. Des termes comme le progrès, la réforme, ont-ils un sens clair ou sont-ils des pièges rhétoriques ? Cest à cette question que nous tenterons de répondre avec notre invité Julien Salingue qui est membre de lAssociation Critique médias (Acrimed)




  • Qu’est-ce que la critique des médias ?

    Qu’est-ce que la critique des médias ?

    Les médias sont-ils un acteur neutre de la diffusion de l’information ? C’est une question qui est d’autant plus importante que leur rôle dans les démocraties est de permettre aux citoyens de se faire un opinion sur des sujets décisifs pour le devenir de la société. Ce questionnement existe en France depuis plusieurs années grâce à des structures associatives. C’est dans cette perspective que nous recevons Julien Salingue qui est membre de l’Association Critique médias (Acrimed). www.acrimed.org

  • Ecrire au féminin dans l’espace public roumain

    Ecrire au féminin dans l’espace public roumain

    La librairie Humanitas Cişmigiu de Bucarest a récemment accueilli un débat intitulé « Femmes dans lespace public », dont lorganisateur a été le PEN Club Roumanie, avec comme invités : la poétesse Magda Cârneci, présidente du PEN Club Roumanie ; les écrivaines, journalistes et traductrices Svetlana Cârstean, Adina Diniţoiu, Ioana Bâldea Constantinescu et lécrivain, traducteur et chroniqueur Bogdan Ghiu.



    Le thème de ce débat a inspiré RRI, qui a proposé à Svetlana Cârstean et Adina Diniţoiu de parler de la présence des auteurs femmes dans lespace public de Roumanie. Svetlana Cârstean a publié deux volumes de poèmes – « La fleur denclume » (paru en 2008, aux Editions Cartea româneasca, et récompensé des plus importants prix littéraires roumains) et « Gravitation » (paru aux Editions Trei en 2015 et nommé aux prix de Radio Roumanie Culture et de lhebdomadaire Observator Cultural). Critique littéraire, journaliste culturelle et traductrice de langue française, Adina Diniţoiu a publié chez « Tracus Arte » louvrage « La prose de Mircea Nedelciu. Les pouvoirs de la littérature face au politique et à la mort ».



    Les deux dames se sont exprimées sur leur condition décrivaine. Svetlana Cârstean : « Je garde en mémoire un article du ‘Scottish Pen, que jai lu récemment et qui mobsède parce que jy ai trouvé des chiffres. Bref, lauteure, une femme, met ensemble des statistiques et des citations et tire la conclusion que les actions dun homme sont représentatives de lhumanité, alors que les actions dune femme sont représentatives de cette femme-là. Autrement dit, tout ce quécrivent les hommes parle pour lhumanité entière, tandis que ce qui est écrit par nous, les femmes, na de poids que pour les femmes. Lauteur de cet article en donne un exemple : une écrivaine a envoyé, à différents éditeurs, 100 emails avec un texte qui lui appartenait. Elle a signé dun nom masculin la moitié des messages, et dun nom féminin lautre moitié. Elle a reçu 7 réponses aux courriels signés au féminin, mais 17 aux autres. A vous den tirer les conclusions. »



    Adina Diniţoiu : « En général, la critique littéraire est une zone de pouvoir à lintérieur de lespace de la littérature ; par leur discours, les critiques littéraires valident ou invalident un texte, et en même temps ils commettent un acte de pouvoir culturel, dessinant une hiérarchie littéraire. Moi, jai débuté avec linnocence de celui qui écrit sur la littérature, qui fait de la critique sans penser à lidentité de genre. Cela ma semblé naturel dignorer le genre, cest un premier pas vers un discours critique et littéraire normal. Je souhaite que, hommes et femmes, arrivent tous à se parler normalement, sans que nous, les femmes, luttions pour une cause, sans que nous nous sentions marginalisées dans un discours public, y compris parce quon nous fournit trop de politiquement correct quand on est dans la ligne de mire publique. »



    La perte de linnocence vient tout de suite après le début littéraire, considère Adina Diniţoiu : «Après avoir fait mon début littéraire, je me suis rendu compte que les choses nétaient pas simples. Jai été obligée de prendre acte de lidentité de genre, jai compris que je suis aussi femme, en plus dêtre critique littéraire, et que de ce fait je dois faire face à des difficultés plus grandes que celles que javais anticipées. Ce nétait pas vraiment un sentiment de marginalisation, mais plutôt la compréhension du fait que cette réalité complique la situation dans lespace public des idées, surtout dans le climat social plus traditionnel de Roumanie. Je lisais lautre jour que, dans un Indice européen dégalité de genre de 2015, la Roumanie occupait la dernière place. Dans les conclusions, il était dit que lUE entière navait parcouru que la moitié du chemin de laffirmation de genre, de la représentation publique équilibrée des hommes et des femmes. Aujourdhui, en tant que femme, je dois batailler plus pour que mon discours soit entendu. »



    Svetlana Cârstean: « Moi, je crois quil ne faut même pas quil y ait marginalisation. Il suffit de mettre une étiquette, qui est une façon très subtile – je ne dirais pas perverse – déviter une marginalisation ouverte, plus facile à combattre ou à pointer. Ce sont des étiquettes, des préjugés, des concepts que nous utilisons et qui ont leurs racines dans la zone de la critique littéraire, la zone de pouvoir. »



    Le débat reste ouvert. Gardons en mémoire les propos de Mihaela Ursa, qui écrivait dans son ouvrage « Le divan de lécrivaine » (Editions Limes, 2010): « Il est important de voir si, en matière de projection du soi, les écrivaines de Roumanie se perçoivent de manière harmonieuse ou antagoniste et surtout sil leur semble nécessaire de problématiser la relation entre leurs existences publique et privée, entre la création artistique et la vie domestique – des relations aux complications et nuances infinies ». (trad.: Ileana Ţăroi)

  • Un nouveau livre audio lancé par la maison d’édition Casa Radio – Poémes de Lucian Blaga

    Un nouveau livre audio lancé par la maison d’édition Casa Radio – Poémes de Lucian Blaga

    Puisque le 9 mai dernier on a marqué les 120 ans écoulés depuis la naissance du poète Lucian Blaga, cette récente édition du livre audio bénéficie dune nouvelle conception graphique, dun nouvel appareil critique et dune préface portant la signature du poète et traducteur Dinu Flămând. “Quelle que soit lépoque à laquelle remonte lécriture de ces poésies, car notre sélection puise dans une matière fort diverse, depuis le premier recueil paru en 1919 jusquaux créations inédites, et dans quelque ordre quils soient présentés, on a limpression découter un volume indépendant, parfaitement unitaire et non pas une anthologie élaborée à tout hasard. Le liant des poèmes appartenant aux différentes périodes de création, assez variés dun point de vue thématique, cest justement cette voix oraculaire témoignant dune attitude dominatrice. Il y a dans ce récital un véritable éloge de la force du langage, lequel, par le biais de la poésie, parvient à saisir toute la complexité et la beauté du monde ” écrit Dinu Flămând.



    Voici les propos du critique Luigi Bambulea :“Je suis heureux dappuyer les initiatives de la maison dédition Casa Radio, visant à restituer un patrimoine culturel tout à fait extraordinaire. Cest étonnant de constater combien grand est le nombre des témoignages sonores sur les auteurs importants, conservés dans les archives de la Société Roumaine de Radiodiffusion et de voir que ces écrivains commencent à être mis en valeur. Nous vivons donc un moment privilégié, en participant à un spectacle sonore de la poésie, longtemps impossible à réaliser, pour des raisons relevant aussi bien de la technique que de lhistoire. Ma vraie rencontre avec la poésie de Lucian Blaga sest passée au cours de mes premières années de lycée, lorsque jai lu « La chronique et le chant des âges ». Jai tellement jalousé, pour la mythologie quil avait créée, ce poète qui, jusquà ses cinq ans, navait prononcé pas un mot! Ce poète qui, loin de tomber sous lemprise des mots, sétait approprié la langue comme sil navait pas à la partager avec les autres. Jai donc éprouvé une grande envie devant le profit quil avait tiré de ce détail biographique. Et là je cite Sénèque, qui écrivait dans sa lettre à Lucilius, “quand je pense à tout ce que jai pu dire dans la vie, je commence à envier les muets”. Moi aussi jai été jaloux de Blaga en lisant ce quil avait écrit sur le silence, en pensant que moi aussi jaurais dû me taire. Il est vraiment extraordinaire quun poète comme Lucian Blaga, qui na pas parlé si longtemps, ait par la suite puisé dans ce silence la force, la tension et lénergie de toute une œuvre”.



    “Ma vie a commencé sous le signe de labsence de la parole et jai beau chercher dans la mémoire les traces de ce silence initial. Je nai jamais réussi à mexpliquer cet étrange éloignement de la parole, durant les quatre premières années de mon enfance. Et encore moins la honte qui ma saisi lorsque, contraint par les circonstances et linsistance de ma mère, je me suis couvert les yeux de la main pour faire usage de la parole. Les mots, je les connaissais tous, mais lorsquils mentouraient jétais mal à laise, comme si je refusais dendosser le péché originel”, écrit Lucian Blaga dans « La chronique et le chant des âges ».



    Voici ce que déclarait le critique littéraire Luigi Bambulea à propos du récent livre audio sorti chez la maison dédition Casa Radio – « Poèmes de Lucian Blaga lus par lauteur lui-même ». : “Il a bien raison Dinu Flămând en affirmant que Lucian Blaga a choisi de lire ses poèmes dune manière très personnelle. Elle nous fait découvrir un Blaga paradoxal, spectaculaire, qui fait rehausser ses vers par la musicalité. Sa voix nest pas monotone, mais égale à elle-même, ce qui lui permet de rester fidèle à sa propre poésie. Un des grands débats philosophiques a justement porté sur la prééminence de la poésie sur la musique ou vice versa. Pour en revenir à notre livre audio, je dirais que la musique ou la musicalité et la poésie sy entremêlent, guérissant ainsi la blessure causée par la rupture entre lart du mot et celui du son”.



    Selon le poète et traducteur Bogdan Ghiu, les livres audio sortis chez la maison dédition Casa Radio proposent une nouvelle approche dun auteur et de son œuvre. Se référant au livre audio contenant la lecture que Lucian Blaga donne à ses propres poésies, Dinu Flămând nous livre toute une théorie de la voix enregistrée, affirme Bogdan Ghiu. :“La sortie de ce livre audio a été une grande surprise. A lintérieur de son appareil critique, on retrouve une interview sur lactivité de Lucian Blaga en tant que traducteur. Nous sommes habitués aux récitations théâtrales, mais les poètes ne récitent pas. Dans sa préface, Dinu Flămând fait aussi la théorie de lévolution de la lecture des poèmes, en précisant quà partir de la modernité la poésie devient lyrique, intériorisée. Le premier à être surpris est le poète lui-même, qui navait peut-être jamais lu à haute voix ses poèmes. Dinu Flămând remarque cette voix égale, presque détachée, sans emphase, pareille à un bruit de fond. La qualité de lenregistrement fait à la radio en 1954 est sans doute meilleure. Celui de 1960 est clandestin, car, à cette époque-là, tout enregistrement privé était considéré comme illégal. Enfin, noublions pas que durant les dernières années de sa vie Blaga a été forcé de se confiner au seul travail de traducteur, tout comme Gellu Naum.”



    La collection de livres audio intitulée « La bibliothèque de poésie roumaine » est un projet initié et réalisé par le Service « Patrimoine Culturel et Archives » de la radio publique roumaine. ( trad. Mariana Tudose)




  • Victor Ieronim Stoichiţă

    Victor Ieronim Stoichiţă

    Considéré comme l’un des critiques d’art les plus prestigieux de la culture roumaine et universelle, Victor Ieronim Stoichiţă a fait ses études à Bucarest où il a atteint sa maturité professionnelle avant de connaître la célébrité en France et en Allemagne. Après un parcours professionnel qui l’a mené à Paris, à Munich et à Harvard, Victor Ieronim Stoichiţă se voit installer à la tête de la Chaire d’Histoire de l’Art de l’Université de Freiburg, en Suisse. Ses qualités d’herméneute et son talent d’interpréter les oeuvres d’art et de la cinématographie le consacrent dans le paysage culturel et universitaire. Il devient assistant à la Chaire d’Histoire et de théorie de l’art de l’Université des beaux-arts de Bucarest avant d’intégrer en tant qu’assistant l’Institut de l’Histoire de l’Art de l’Université de Munich. Il a été professeur invité à la Sorbonne, à l’Université de Göttingen, de Francfort, de Harvard et au Collège de France.



    En 2012, Victor Ieronim Stoichiţă devient membre de l’Académie nationale italienne et en 2014, de celle européenne. L’année dernière, il a assumé la présidence tournante de la chaire du Musée du Louvre et s’est vu conférer le titre de Chevalier des Arts et des Lettres de la République française. Les maisons d’édition Humanitas lui ont consacré une série d’auteur comportant jusqu’à présent plusieurs titres parmi lesquels L’effet Sherlock Holmes, L’instauration du tableau, Une courte histoire du parapluie, Leffet Pygmalion. Depuis Ovide jusqu’à Hitchcock.



    Intitulé Comment savourer un tableau et autres études de l’art, le livre le plus récent signé par Victor Ieronim Stoichiţă paru toujours chez Humanitas propose au lecteur un recueil de douze études portant chacune sur un thème différent qui renvoie à l’histoire des arts allant du XIV au XXè siècle. Une première version de cette chronologie est déjà parue en espagnol. La version roumaine on la doit aux professeurs Anca Oroveanu et Ruxandra Demetrescu de l’Université des beaux-arts de Bucarest.



    Pourquoi ce livre est-il si important? Mme Anca Oroveanu explique: Quant je parle de ce recueil, il convient de mentionner deux aspects principaux. Le premier porte sur la nature des études incluses dans le volume. L’auteur fait preuve d’une grande exigence, attention et rigueur dans la sélection des oeuvres d’art dont il s’occupe. A tout cela s’ajoute la grande richesse iconographique, la diversité des images que l’auteur invoque pour soutenir ses arguments. Bien qu’invité à une lecture plutôt académique, le lecteur sera surpris de constater la cordialité avec laquelle Victor Ieronim Stoichita l’inscrit sur la voie vers l’investigation des problèmes exposés.



    Les images disséqués par le critique d’art Victor Ieronim Stoichiţă dans l’ouvrage Comment savourer un tableau portent aussi bien la signature de plusieurs grands maîtres peintres tels que Titien et Caravage que celle de quelques artistes pop comme Andy Warhol. Les commentaires du critique d’art renvoient tous au même thème, cher à Victor Ieronim Stoichiţă, celui de la plurisensorialité. Anca Oroveanu: Il s’agit de situations dans lesquelles la pierre évoque et suscite des impressions sensorielles dans d’autres espaces que celui de la vue, mais il le fait avec ses propres moyens et sans quitter le territoire. Comment se passe tout cela, c’est le pari des textes de ce volume. Dans le premier texte, les sens visés sont le goût et l’odorat surtout. Dans d’autres, il s’agit d’un autre sens, qui fait en quelque sorte concurrence à la vue. C’est l’ouïe le sens qui est à la base des œuvres artistiques et notamment de celles musicales. Dans l’étude consacrée à Caravage il existe une référence à ce sens. Cette problématique se retrouve à travers le volume.



    Enfin qui pourrait être intéressé par cette problématique ? Réponse avec Ruxandra Demetrescu : On pourrait se poser la question de savoir quel est le public du livre que nous lançons aujourd’hui. Evidemment la première réponse serait le monde restreint des historiens de l’art de chez nous. Et pourtant, le livre s’adresse à beaucoup d’autres personnes. Victor Stoichita a la voix d’un historien de l’art qui n’est pas traditionnel. Mais pourquoi ne l’est-il pas ? Eh bien parce qu’il fait partie du monde de l’avant-garde de cette discipline, du monde des grands. Il s’agit de critiques qui se posent le problème du sens plus profond d’une image, qui fait plus qu’illustrer un thème, mais qui dit bien des choses sur le monde où nous vivons ou sur les mondes où ces images ont été créées. C’est pourquoi l’auteur lance une invitation à la lecture et à la contemplation, à la relecture de textes fondamentaux, tels les romans d’Emile Zola. C’est surtout une invitation à regarder en détail à l’aide d’une loupe. Cette amplification du détail est assumée par l’auteur dès la préface. Bref, à mon sens, tout lecteur de bons textes peut trouver quelque chose d’intéressant dans ce volume.



    Présent au lancement de son livre « Comment savourer un tableau », Victor Ieronim Stoichita a parlé des réactions à son livre : Je ne dis aucune nouveauté lorsque je rappelle que le chemin de chaque créateur a des hauts et des bas, des enthousiasmes et des chutes. Les hauts et les bas sont inévitables même à l’age des cheveux blancs. Le fait que l’on me suggère que mon chemin a bien mérité d’être fait et mérite d’être suivi à l’avenir aussi, est bénéfique. Il est vrai que tout livre est non seulement le résultat de l’effort d’un auteur et d’une équipe, mais le résultat du lecteur, de la manière dont le livre a été lu. Dans notre cas, les choses sont d’autant plus intéressantes, puisque Ruxandra et Anca ont collaboré pour réaliser ce livre. Elles l’ont non seulement traduit, mais ont eu la possibilité de s’y détacher et de le juger d’une manière objective. J’ai été impressionné par la manière très fine dont elles ont lu ce livre, lui donnant en fait de la vie. J’espère que les autres lecteurs seront tout aussi réceptifs au contenu de cet ouvrage.



    « Comment savourer un tableau» est le 10e titre de la série d’auteur Ieronim Stoichita publiée chez les éditions Humanitas. (trad.: Ioana Stancescu, Alex Diaconescu)

  • Volumes à succès en 2014

    Volumes à succès en 2014

    Construit sur un squelette narratif qui se compose de situations, personnages et idées décrivant tout un univers, le volume « Les paroles sont bien une province » est un poème aussi bien sur la solitude, l’isolement et la féminité que sur le langage avec ses limites et ses faiblesses ». C’est par ces mots figurant sur la couverture de son volume qu’Adela Greceanu entend expliquer sa poésie. Lancé en présence de la romancière Nora Iuga et du journaliste Ovidiu Shimonca, le recueil « Les paroles sont bien une province » a suscité des réactions contradictoires.



    Si de l’avis de Nora Iuga, le volume parle de la solitude, Ovidiu Shimonca dit le contraire: « Je ne dirais pas qu’il s’agit d’un livre sur la solitude. Il est évident que la solitude y occupe une place importante puisqu’il existe une protagoniste qui incarne l’idée de solitude. Elle est tout le temps seule, elle passe le plus clair de son temps à regarder par la fenêtre ou à prendre chaque soir un bus bourré de voyageurs. Pourtant, ce n’est pas de la solitude que l’auteur veut nous parler. Il faut bien regarder la couverture du volume avec la photo de la protagoniste prise de dos et lire ce que le personnage affirme dès la première page: « la provinciale qui se trouve en moi voit tout ce qui l’entoure/ bien qu’il n’y ait personne à la regarder de dos/ à voir son dos immobile de femme ou de petite fille. » C’est exactement l’image présentée en photo, sur la couverture du livre. Mais, par le simple fait de choisir cette image, l’auteur fait part de son intention de contredire sa protagoniste solitaire, Adila. Car il suffit de prendre le livre entre ses mains pour remarquer cette fille seule, assise à sa fenêtre, son épaisse crinière brune sur le dos. Cela veut dire que c’est par la poésie que l’on peut chasser la solitude. »



    Plus que cela, affirme Adela Greceanu « c’est la poésie qui m’aide à gérer mes rapports avec le monde et avec moi-même. C’est grâce à la poésie que j’arrive à repartir chaque fois à zéro». « Je pense que grâce à la littérature et notamment à la poésie que nous avons la chance de vaincre la solitude, tout en pouvant participer à la solitude des autres. La solitude s’avère l’une des rares modalités de se trouver aux côtés de quelqu’un. J’ai reçu un nombre surprenant de messages de la part des gens que je connaissais et dont j’attendais les réactions, mais aussi de la part d’inconnus et qui m’ont vraiment impressionnée. Il me semble que ma poésie a touché pas mal de personnes et en quelque sorte, il m’a semblé que l’on attendait ce livre. Peut-être parce que j’en ai lu des extraits à plusieurs reprises, lors des festivals de littérature et j’ai découvert que le public l’a bien reçu ».



    Un des arguments pour lesquels Bogdan-Alexandru Stanescu s’est vu décerner le prix du « Jeune écrivain de l’année 2014 » dans le cadre de la 5e édition du Gala des jeunes écrivains, c’est le fait d’avoir publié dans plusieurs genres « et d’avoir écrit d’une manière extraordinaire dans chacun d’entre eux », selon le jury. Au sujet de « anaBASis », un volume accompagné de 12 illustrations par Laurentiu Midvichi, l’auteur affirme que : « J’ai écrit ce nouveau volume avec cette zone sensible entre les omoplates, là où Nabokov situait le plaisir de la lecture. AnaBAsis est vraiment une descente, mais une descente thérapeutique, au bout de laquelle j’espérais voir, enfin, la mer ». Bogdan Alexandru Stanescu : « anaBASis a de nombreux liens avec un de mes précédents volumes : « Puis, après la bataille, nous avons repris notre souffle ». C’est peut-être une continuation, peut-être que je me suis dépêché un peu trop de publier à 33 ans. anaBASis conclut ce cycle, c’est-à-dire la série de moments « joyaux », même si c’est un peu trop de les appeler ainsi. Je pense notamment aux nœuds dont parlait Nabokov, des images qui peuvent donner naissance à quelque chose, un roman, une prose courte surtout, mais aussi un volume de poèmes. Mais pour séparer « anaBASis » de « Puis, après la bataille nous avons repris notre souffle» je dois préciser que le point de départ de ce volume a été l’image des 10 mille mercenaires qui sont passés par l’Empire persan, par le désert, par les montagnes. Il me semblait que ce moment, raconté aussi dans les récits de Xénophon, quand ces mercenaires sont finalement arrivés à la mer, fut un des plus joyeux de l’histoire de l’Humanité. J’ai eu l’impression que ce moment historique fut également lié à mes petits moments de joie, qu’il existait une correspondance, et je ne le dis pas par orgueil — entre l’histoire privée personnelle et l’histoire du monde. Je suis sincèrement surpris de voir les gens me demander « mais qu’est ce que t’as à faire avec les Grecs et les Perses ? » Je n’ai rien à faire, je ne suis ni le premier, ni le dernier poète à commencer par un tremplin historique pour arriver à sa propre vie et à ses propres souvenirs».



    « Les livres de Bogdan-Alexandru Stănescu ont la qualité d’infirmer quelques-uns des préjugés les plus durables de notre monde littéraire. Le premier, c’est qu’il est impossible d’écrire de la littérature d’envergure après avoir fait de la critique littéraire. A mon avis Bogdan Alexandru Stanescu fait de la chronique littéraire et de la poésie, beaucoup mieux que d’autres auteurs, dont le nom apparaît dans tous les magazines. Puis c’est merveilleux que les poèmes d’anaBASis soient écrits par un poète qui assume la littérature et l’histoire de la littérature jusqu’à sa dernière cellule », affirmait le critique littéraire Cezar Gheorghe. Ecoutons Bogdan-Alexandru Stănescu. « Par ses mots, Cezar met le doigt sur la plaie. Il existe ce préjugé que si on se manifeste dans un domaine littéraire, on ne peut pas passer dans un autre, parce que le monde vous accusera de ne pas être sérieux. Mais nous sommes un groupe de quelques auteurs qui voient la littérature d’un œil différent. La littérature est un tout. On fait des commentaires de poésie et de prose dans les journaux parce qu’on aime lire. Et on lit et on pense que l’on a quelque chose à dire, on le dit, et pour cela il ne faut pas être critique littéraire. A mon avis, je ne suis pas critique littéraire. Je ne suis pas un universitaire, je ne remplis pas mes articles de théories, mais j’essaie de faire des commentaires honnêtes, parce qu’à mon avis l’honnêteté joue un rôle très important dans ce métier. Mais comment tout cela m’empêche-t-il d’écrire de la poésie, si je vois la poésie comme un élément essentiel de mon existence et pourquoi doit-on me percevoir d’une seule et unique manière ? »

  • IN Avignon

    IN Avignon

    Adulé, conspué, admiré, méprisé, envié — quelque soit leur état d’esprit déclaratif, la quasi-totalité des gens de théâtre souhaite ouvertement ou secrètement mettre un jour les pieds à Avignon. Si l’autre Mecque des arts de la scène européenne, qu’est le festival d’Edimbourg, semble être un peu plus ouverte aux Roumains, ces derniers n’ont réussi à entrer dans la section officielle d’Avignon qu’à deux reprises — en 1996, avec « Les Danaïdes » par Silviu Purcarete et cette année avec « Solitaritate – Solitarité » par Gianina Carbunariu, un spectacle du Théâtre national “Radu Stanca” de Sibiu. Le succès de cette dernière dans la cité des papes a été fracassant, c’est la critique qui le dit — l’occasion pour nous de faire le point sur la présence roumaine à ce festival d’Avignon 2014, mais aussi sur la place des Roumains sur la scène théâtrale européenne du moment.


    Quelques pistes de réflexion explorées par la metteure en scène Gianina Carbunariu, Sebastian Vlad Popa, critique, écrivain, professeur des universités, rédacteur en chef de la publication « Inifinitezimal », et Christophe Pomez, attaché culturel de l’ambassade de France à Bucarest et directeur adjoint de l’Institut français de Roumanie.