Tag: critique littéraire

  • Titu Maiorescu (1840-1917)

    Titu Maiorescu (1840-1917)

    Maiorescu, figure de proue de la culture roumaine

     

    La société littéraire « Junimea / La Jeunesse », créée à en 1863, a représenté une des tendances littéraires, philosophiques et politiques les plus importantes de Roumanie. L’avocat, critique littéraire, écrivain, journaliste, esthéticien et homme politique Titu Maiorescu en a fait partie de ses cinq membres fondateurs. Il a également eu une influence essentielle sur la carrière de Mihai Eminescu, le plus grand poète roumain selon de très nombreuses voix.

     

    Titus Liviu Maiorescu est né à Craiova en 1840 et il est décédé à l’âge de 77 ans, à Bucarest en 1917. Son père, Ioan Maiorescu, avait été professeur, diplomate et auteur de livres d’histoire ; il avait aussi participé activement à la révolution de 1848 en Valachie et en Transylvanie. Titu Maiorescu fait des études de droit, lettres et philosophie à Vienne, Berlin, Giessen et à la Sorbonne. Elève au lycée, il se fait remarquer pour son ambition et sa ténacité et finit les études à l’Académie Thérésienne en 1858;  en tant que meilleur de sa classe.

     

    Le début de sa carrière littéraire

     

    Sa carrière d’intellectuel débute à l’âge de dix-sept ans, quand il tente de faire publier des traductions littéraires dans les pages de la « Gazeta de Transilvania », le journal en langue roumaine le plus influent de l’espace habsbourgeois. Après la fin de ses études, il enseigne la psychologie et la langue française. En 1861, il publie un premier texte de philosophie en allemand, dans lequel l’on ressent l’influence du réalisme postkantien de Johann Friedrich Herbart et l’hégélianisme de Ludwig Feuerbach. Titu Maiorescu a eu une prodigieuse activité d’auteur, ayant écrit plusieurs dizaines de volumes de critique littéraire, philosophie, esthétique, logique, histoire et discours parlementaires ; son journal, long de plus de 10 volumes, est considéré comme le plus long de l’histoire de la littérature roumaine. Dans sa vie privée, l’année 1862 est marquée par son mariage avec son élève Klara Kremnitz, à laquelle il avait enseigné le français et qui lui donnera une fille.

     

    Toujours en 1862, il revient en Roumanie où il est nommé procureur au Tribunal d’Ilfov et il commence aussi à enseigner l’histoire des Roumains à l’Université d’Iași, ainsi que le roumain, la pédagogie et la psychologie au lycée. II donne des conférences publiques sur des thèmes et des sujets de droit, littérature, histoire et pédagogie. La présence et la compétence de Maiorescu dans tant de domaines peut sembler excessive à l’époque actuelle, mais il a vécu des temps qui demandaient de s’impliquer. C’était la période durant laquelle les intellectuels roumains étaient en train de réformer l’Etat et de récupérer la société selon le modèle occidental. Ils essayaient aussi d’intégrer de nouveaux modèles et idées, produits en Occident.

     

    L’historien de la littérature Ion Bogdan Lefter a remarqué l’implication de Titu Maiorescu dans cet effort considérable, déployé par une mince couche d’élites, un effort qui touchait plus d’un domaine d’expertise :

    « Il fallait tout créer, y compris le discours, ce qui amène Maiorescu à faire des efforts personnels. Il fait des exercices quotidiens dans les journaux de son temps, mais côté discours public, il écrit un texte à un moment donné, ensuite un autre après un certain temps. Dans le même temps, il assiste, avec une intuition exceptionnelle, à ce qui est en train de s’accumuler et au résultat de cette accumulation. Par exemple, la partie finale de sa préface à l’édition Eminescu, que Titulescu avait rédigée seul et contrairement à la volonté du poète, nous montre quelqu’un de visionnaire. Ainsi, il dit <dans la mesure où cela puisse être humainement prévu>, qu’est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que Maiorescu et ses acolytes saisissaient la valeur exceptionnelle de la poésie d’Eminescu. Ils ont lu et compris Creangă et Caragiale, ils comprenaient le phénomène et voyaient bien la direction, mais il était impossible de prévoir l’ensemble. Celui-ci allait se constituer de pièces encore disparates. »

     

    Plus proche de la critique littéraire

     

    Malgré des compétences évidentes dans plusieurs domaines, Maiorescu s’est senti plus proche de la critique littéraire. Ion Bogdan Lefter a remarqué les efforts de Maiorescu dans ce domaine, composante du monde des idées de son époque :

     « Maiorescu a une compréhension très large, civilisationnelle des choses, à un moment où les accumulations de matières premières littéraires étaient encore précaires. Il aide à l’apparition (et l’encourage même, d’une certaine façon) des premières œuvres littéraires de haut niveau à Junimea, avec toute l’histoire de ce groupement extraordinaire dont Maiorescu a fait partie. Ses contributions écrites sont essentielles. Il est lui-même un premier critique littéraire, considéré comme le fondateur de la critique littéraire chez nous, avec des contributions importantes aussi à la structuration, à la cristallisation d’autres disciplines socio-humaines en Roumanie. »

     

    Titu Maiorescu a également eu une carrière politique. Proche des valeurs du Parti Conservateur, il a cependant représenté le groupement dit « junimiste », libéral-conservateur, au sein des gouvernements du parti. A partir de l’année 1871, il a rempli deux mandats de député et il a occupé le fauteuil de ministre de l’Education. Entre 1912 et 1913, il a été premier-ministre, ce qui l’amené à signer la Paix de Bucarest, à l’issue de la seconde guerre balkanique, lorsque la Roumanie avait obtenu la Dobroudja du Sud. En 1914, à la veille du déclenchement de la Grande Guerre et trois années avant sa mort, Titu Maiorescu quitte la scène politique. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Nicolae Iorga, un siècle et demi depuis sa naissance

    Nicolae Iorga, un siècle et demi depuis sa naissance

    Le nom de Nicolae Iorga est très présent dans l’espace public, attaché à des rues, des places publiques, des institutions d’enseignement et de recherche. Il est un des plus importants historiens roumains du XXe siècle, voire le plus important, selon certaines opinions. Nicolae Iorga s’est attiré les éloges de ses contemporains grâce à une œuvre impressionnante, d’environ 20 000 livres, conférences et articles, mais aussi par son ambition d’être une autorité incontestable dans le domaine de l’histoire. Spécialiste du Moyen Âge et de l’Empire byzantin, il a aussi été romaniste, slaviste, historien de l’art et philosophe de l’histoire, professeur des universités et membre de l’Académie roumaine. Outre son domaine de prédilection, Iorga s’est également essayé à la critique littéraire, à la dramaturgie, à la poésie, il s’est voulu encyclopédiste et mémorialiste. Ses mandats parlementaires et ministériels l’on placé au centre de la vie politique. D’autre part, son immense popularité est liée à sa mort tragique, qui est arrivée dans la nuit du 27 novembre 1940, lorsqu’il fut assassiné par des membres de la Garde de fer, le parti fasciste de la Roumanie de l’entre-deux-guerres.



    Nicolae Iorga est né dans la ville de Botoșani (nord-est de la Roumanie), en 1871. Très doué, il impressionnait par sa mémoire prodigieuse. Polyglotte, il a choisi de faire des études d’histoire à la Faculté de Lettres de l’Université de Iași (est de la Roumanie). En 1890, il part continuer ses études en Italie et puis en France. En 1892, Iorga se rend en Angleterre, pour retourner ensuite en Italie. En 1893, il s’arrête en Allemagne et s’inscrit au doctorat à l’Université de Berlin, mais il finit par soutenir sa thèse à l’Université de Leipzig, où le célèbre historien allemand Karl Lamprecht fait partie de la commission doctorale. Nicolae Iorga rentre en Roumanie en 1894, réussissant à faire son entrée dans le milieu universitaire à l’âge de 23 ans. En parallèle, cette même année, il entame l’activité journalistique et politique et se noue d’amitié avec l’avocat et professeur de droit A. C. Cuza, homme politique nationaliste et antisémite qui partage avec Iorga une carrière politique agitée. Nicolae Iorga a été une figure de proue du conservatisme, du nationalisme et de l’agrarisme, ainsi que le fondateur de la revue populiste « Sămănătorul ». En même temps, Iorga a été le modèle de l’intellectuel qui s’est frotté à l’extrémisme, en en étant aussi bien l’inspirateur que la victime. Il a cultivé le nationalisme dont il est tombé victime en 1940.



    Pour marquer le cent-cinquantième anniversaire de la naissance de Nicolae Iorga, le Musée national d’histoire de la Roumanie a organisé une exposition, la deuxième dédiée à l’historien au cours de la dernière année, après celle de l’Académie roumaine. Selon le directeur du musée, Ernest Oberlander-Târnoveanu, l’exposition est une occasion, pour le grand public, de prendre la mesure du personnage.



    « Cette exposition est consacrée à « une vie d’homme telle qu’elle fut », pour citer Iorga lui-même. C’est une sélection, parce que nous n’avons pas souhaité exposer davantage d’objets. D’une part, l’espace est limité, d’autre part, l’activité de Iorga et les traces qu’il a laissées dans l’histoire contemporaine sont immenses. Nous ne pouvons qu’espérer de pouvoir créer un jour, dans l’espace virtuel, des archives documentaires Nicolae Iorga. Le Musée national d’histoire de la Roumanie est en mesure de présenter au public, pour la première fois, des documents essentiels ayant appartenu à Iorga, depuis son extrait de naissance jusqu’à sa fiche de fonction à l’Université de Bucarest, ainsi que de nombreux diplômes remis par des académies et sociétés scientifiques. Nous avons aussi exposé de la correspondance, des documents de famille, des photos, des objets et une impressionnante série de distinctions. Nicolae Iorga a été la personne civile la plus décorée de tous les temps en Roumanie. »



    L’historien, professeur et académicien Andrei Pippidi, petit-fils de Nicolae Iorga, est le propriétaire de la plupart des objets présentés dans l’exposition accueillie par le Musée national d’histoire de la Roumanie. Andrei Pippidi, tout comme d’autres personnes, a fait don de plusieurs objets ayant appartenu à Nicolae Iorga, qui seront présentés dans le cadre de l’exposition permanente ainsi que dans des expositions thématiques futures.



    ” Ce sont des manuscrits, éparpillés partout, des livres d’histoire, des articles de presse quasi quotidiens ou des pièces de théâtre, des poèmes qui ont exprimé sa sensibilité, des lettres gribouillées sur un petit morceau de papier. Ils témoignent, tous, de sa dimension intellectuelle. Ses admirateurs ont du mal à prendre la mesure de ce qui a été imprimé, il existe même des monologues enregistrés. Ses conférences, nous les devons à des sténographes diligents. De son vivant, il avait pu écouter ses mots dits sur scène par les personnages historiques dans lesquels il s’était retrouvé. »



    La personnalité de l’historien Nicolae Iorga est un repère important de la culture roumaine des XIXe et XXe siècles. Les expositions thématiques ont pour but de montrer aussi le côté familier, humain, de ceux que nous considérons comme importants à un moment donné. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • La littérature roumaine primée à Bruxelles

    La littérature roumaine primée à Bruxelles

    Pour ceux épris de la ville de Bucarest et de la prose dont l’atmosphère invite à des voyages à rebours dans le temps vers 1897 — selon le critique littéraire Dan C. Mihàilescu — Ioana Pârvulescu publiait en 2009 son roman « La vie commence vendredi ». Un homme est retrouvé sans connaissance en plein champ, près de la capitale. Personne ne sait exactement qui il est et chacun s’imagine quelque chose de différent. Est-ce un escroc international qui veut perdre sa trace ? Un criminel ? Un malade ?



    Petit à petit, toute une série de personnes s’agglutinent à ses côtés, un médecin et sa fille, un policier, un commissionnaire âgé de 8 ans qui sillonne toute la ville de Bucarest avec ses lettres et ses colis et, non pas en dernier lieu, des journalistes d’un journal de l’époque — UNIVERSUL.



    Le roman, palpitant ayant un fil d’action comme dans un roman policier, avec des personnages particulièrement vivants, cette catégorie qui se transforme en amis, se déroule pendant seulement treize jours, depuis le vendredi 19 décembre jusqu’à la fin de l’année. L’atmosphère du monde bucarestois du début du XX-ème siècle est recrée comme dans un film. Il suffit d’ouvrir le livre pour s’y trouver, déjà. Pour « La vie commence vendredi », Ioana Pârvulescu s’est trouvée parmi les 12 gagnants des prix de l’Union Européenne de Littérature qui ont été décernés à Bruxelles. Une question classique : comment êtres vous après avoir reçu ce prix ?



    Voici la réponse, à chaud, de Ioana Pârvulescu : “C’est formidable ! Certes, ce n’est pas facile de représenter un pays, c’est pour la première fois qu’il m’arrive de représenter officiellement la Roumanie et j’ai été assez consciente de cette mission. »



    Ioana Pârvulescu enseigne la littérature roumaine moderne à la Faculté de Lettres de l’Université de Bucarest, elle était 18 années durant rédacteur de ROMANIA LITERARA, publication pour laquelle elle écrivait chaque semaine. Chez HUMANITAS, prestigieuse maison d’édition, elle a initié et coordonné la collection « Le livre de la table de nuit ». Avec son roman « La vie commence vendredi » elle a fait son début dans le roman de fiction après avoir écrit des essais: « Je n’ai pas été un critique proprement dit. On m’a classifié ainsi, mais j’ai écrit surtout des essais, de l’histoire littéraire mais maintenant j’écris avec plaisir de la fiction, des romans. Ce mot-écrivain- couvre tout. »



    Dans une interview accordée en 2009, année de parution du roman « La vie commence vendredi », Ioana Pârvulescu racontait : «les personnages du roman m’ont prié de les laisser entrer dans le monde du XXI-ème siècle car ils étaient préoccupés par l’avenir plus que tout au monde. Je les ai averti: bon, soit, mais c’est à votre entière responsabilité, c’est un tout autre monde que celle que vous connaissiez, ne venez pas ensuite chez moi pour vous plaindre si vous n’aimez pas. Et ils m’ont dit qu’ils étaient bien curieux de savoir ce qui nous arrive et rencontrer les gens d’aujourd’hui. »



    Nous sommes hideux par rapport aux gens beaux d’antan et Ioana Pàrvulescu nous offre un repère de notre chute – disait Gabriel Liiceanu, directeur des éditions HUMANITAS. Mais, hormis tout cela, dans « La vie commencer vendredi », un roman retro et chaleureux, la ville de Bucarest de jadis est ressuscitée…(trad.: Costin Grigore)