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  • Les citadelles daces des monts d’Orăştie

    Les citadelles daces des monts d’Orăştie

     

    Sarmizegetusa Regia, à la 8e place des destinations roumaines recommandées par le Club de Presse FIJET 

     

    Nous continuons la présentation des destinations classées dans le “Top 10 Destinations FIJET Roumanie 2024”, un projet du Club de Presse FIJET qui vise à mettre en lumière des endroits remarquables d’un point de vue touristique.

     

    Direction – Grădiştea de Munte, dans le département de Hunedoara, un village situé près de l’ancienne citadelle dace de Sarmizegetusa Regia, faisant partie du complexe de fortifications et d’établissements daces des Monts d’Orăştie. Cet endroit occupe la 8ème place du classement mentionné.

     

    Découvrez la capitale des Daces

     

    L’accès à Sarmizegetusa Regia, l’ancienne capitale des Daces, était contrôlé par les autres citadelles des Monts d’Orăştie : Costeşti – Cetăţuie, Blidaru, Piatra Roşie, Băniţa et Căpâlna, qui sont également de lieux qu’on vous conseille fortement de visiter. La construction des fortifications daces dans les Monts d’Orăştie a impliqué, à partir du IIe siècle av. J.-C. Et  jusqu’au Ier siècle de notre ère, l’aménagement de routes et de terrasses, ainsi que l’approvisionnement en matériaux de construction provenant des endroits situés à de plusieurs dizaines de kilomètres. Les fouilles archéologiques ont révélé des habitations, des ateliers, des aqueducs et des réservoirs d’eau, ainsi que des objets en métal ou céramique. Cette région riche en artefacts, avec une superficie d’environ 200 kilomètres carrés, a attiré l’attention non seulement des touristes, mais aussi des chasseurs de trésors.

     

     

    Radu Barb, le directeur général de l’Administration, des Monuments et de la Promotion Touristique du département de Hunedoara, nous a parlé de la protection de ces sites archéologiques:

     « La Direction Générale de l’Administration des Monuments et de la Promotion Touristique du Département de Hunedoara est une entité subordonnée au Conseil Départemental qui est chargée de l’administration des citadelles daciques. Il y a quatre ans, une loi concernant la  protection et la mise en valeur de ces citadelles a été promulguée. Cette loi a été donc à l’origine de la création de notre direction. Nous sommes donc en charge de la gestion des monuments, notamment des cinq citadelles daces du département de Hunedoara, dont quatre sont situées dans les Monts Orăștie. S’y ajoute la citadelle située près de Petroșani, qui est déjà administrée par une entreprise spécialisée. C’est ainsi qu’on a réussi à résoudre le problème des vols et des pillages, assez fréquents dans le passé. Voici les noms des cinq citadelles que je viens d’éoquer : la Citadelle de Bănița, la Citadelle de Costești, la Citadelle de Blidaru, Sarmisegetuza Regia et la Citadelle de Piatra Roșie ».

     

    Les citadelles daces des Monts Orăștie font partie du patrimoine culturel mondial de l’UNESCO depuis 1999

     

    Depuis 1999, les citadelles daces des Monts Orăștie font partie du patrimoine culturel mondial de l’UNESCO et se retrouvent également parmi les 375 sites touristiques répertoriés dans le département de Hunedoara. Certaines de ces attractions touristiques sont mises en valeur à travers des festivals, comme nous l’explique Radu Barb, directeur de la Direction Générale de l’Administration des Monuments et de la Promotion Touristique du Département de Hunedoara. Un de ces festivals vise à attirer l’attention sur les batailles entre les Daces et les Romains, notamment à travers des reconstitutions historiques.

     

    Un festival pas comme les autres

     

    Radu Barb  : « Le « Dac Fest » est un festival majeur de reconstitution historique que nous organisons en partenariat avec Terra Dacica Aeterna. C’est un événement international où plusieurs troupes recréent des batailles de l’Antiquité selon des scénarios spécifiques. Les visiteurs passionnés par ce type de spectacle peuvent ainsi profiter pleinement ces événements mis en scène. »

     

    Cette année, le Dac Fest est prévu pour la fin du mois d’août sur le plateau de Măgura Uroiului, près de la ville de Simeria. Lors des éditions précédentes du festival, des rituels des Daces et des Romains y ont été présentés, des ateliers des maîtres artisans y ont été organisés autour de la fabrication des objets utilisés il y a deux mille ans.

     

    Voilà, l’invitation a été lancée ! En espérant vous avoir convaincu de remonter le temps en visitant la région de Hunedoara, à bientôt pour une nouvelle destination ! (trad. Rada Stanica)

     

     

  • Les pièces de monnaie des Daces

    Les pièces de monnaie des Daces

    Sur ce qu’était la population qui occupait
    le territoire de la Roumanie actuelle avant l’arrivée des légions romaines de
    Trajan en 105 de notre ère, les sources historiographiques demeurent assez
    pauvres. Appelés Thraces, Daces ou Gètes, en fonction des auteurs et des
    sources, ce peuple, ou cette multitude de populations apparentées, laisse
    toutefois une trace certaine, qui survit plus de deux millénaires et jusqu’à nos
    jours. Il s’agit d’une pièce de monnaie en or : le koson.

    Se
    trouvant encore à l’extérieur du monde gréco-romain, ce dernier déjà caractérisé
    par une économie monétarisée, où les biens et les services trouvaient leur
    équivalent en argent, le monde des barbares, tel que les Romans appelaient les
    populations qui ne faisaient pas partie de la civilisation gréco-romaine agencée
    autour de la Méditerranée, essaye de reprendre à son compte le fonctionnement monétaire
    des leurs voisins Gréco-Romains. La première pièce de monnaie ainsi reprise par
    les Gètes est la drachme ancienne du roi Philippe II, au 4e siècle
    avant l’ère chrétienne. Ils s’en suivent d’autres pièces de monnaie, battues au
    temps d’Alexandre le Grand et du roi Philippe III. Avec l’arrivée des Romans au
    sud du Danube au 2e siècle avant notre ère, les Gètes se trouvent en
    contact direct avec leur civilisation et..leurs monnaies. Aussi apparaissent
    les premiers kosons.


    L’historien et
    numismate Mihai Dima, auteur et spécialiste des kosons, détaille l’origine de l’appellation
    de cette pièce de monnaie, du nom du leader dac homonyme, qui avait participé en
    l’an 44 avant notre ère au complot contre le roi dac Burebista, auquel il
    succéda. Mihai Dima :


    « Koson
    est à l’origine un nom propre, le nom d’un souverain originaire de Dacie ou de
    Thrace, repris ensuite par une pièce de monnaie en or. Plus tard apparaît une pièce
    en argent frappé du même nom : Koson. La pièce en or, d’un diamètre compris
    entre 18 et 22 millimètres, pèse environ 8,5 grammes. Sur l’avers l’on remarque
    un aigle s’appuyant avec sa griffe gauche sur un sceptre, tenant dans l’autre la
    couronne. Sur le revers de la pièce, l’on peut apercevoir trois personnages, un
    consul et deux licteurs, un monogramme et le nom de la pièce de monnaie, koson,
    en alphabète grec
    . »


    Les pièces qui sont
    parvenues jusqu’à nous ont souvent eu une histoire mouvementée. Mihai Dima :


    « La
    première mention que l’on fait de ces pièces appartient à Erasme de Rotterdam,
    où il en parle dans une lettre datée de 1520 et adressée à l’évêque de Breslau.
    Vu la date du courrier, la pièce de monnaie décrite par Erasme ne pouvait pas
    être originaire du célèbre trésor découvert dans la rivière Streï en 1543, donc
    à une date postérieure. Toujours avant cette découverte, l’on fait mention de
    quelques pièces de koson d’or qui ornait un vase à usage liturgique qui se
    trouvait jusqu’en 1557 dans l’église d’Alba Iulia avant d’arriver en Slovaquie,
    à Nitra. Ces pièces auraient pu provenir d’un trésor découvert en 1491, qui soit
    probablement la plus ancienne découverte de ce type, ces pièces étant les
    seules qui aient survécu de cette découverte.
    »


    Tracer l’histoire des
    découvertes, souvent accidentelles, des trésors recelant des kosons d’or n’est
    pas chose aisée. Mihai Dima :


    « La
    première découverte attestée officiellement d’un trésor comprenant des kosons d’or
    a été réalisée au début du 19e siècle, en 1803, dans les monts
    Godeanu, en Transylvanie par quelques habitants du village Vâlcelele Bune. Aussi,
    le trésor découvert à l’occasion comprenait 400 pièces de 3 types différents, un
    seul étant exempte de monogramme. Une année auparavant, en 1802, l’on avait
    fait la découverte d’un autre trésor dans la même région, ce trésor ne comprenant
    toutefois que de pièces d’or de typeLysimaque.
    Or, c’est bien cette première découverte qui a sans doute mené à la seconde, mettant
    la puce à l’oreille des habitants du coin, qui tentent leur chance en démarrant
    des fouilles à la sauvette. Il se puisse toutefois qu’il y ait eu d’autres
    découvertes qui n’aient pas été enregistrées, car les autorités autrichiennes
    avaient été interpellées par l’accroissement inexpliqué du commerce d’or dans
    la région, et elles avaient commencé à s’y intéresser de près
    ».



    Les
    découvertes ultérieures ont pris le chemin des musées, même s’il existe encore
    un certain nombre d’exemplaires de koson qui font la joie des maisons de ventes
    et des collections numismatiques privées. Quoi qu’il en soit, le koson demeure
    le témoin doré d’une société ancienne vivant en marge de la civilisation
    gréco-romaine mais qui tentait par mimétisme d’intégrer le fonctionnement de
    cette dernière. Il constitue aussi une parabole sur la complexité de la
    relation qui relie le centre à la périphérie.

  • Armes et vêtements daces et romaines de Dacie

    Armes et vêtements daces et romaines de Dacie

    À l’antiquité, le territoire délimité par le Danube, la mer
    Noire, les Carpates et le bassin intra-carpatique était habité par les tribus
    des Gètes et des Daces. Des traces de leur civilisation matérielle ont été
    découvertes lors de fouilles archéologiques, les objets datant aussi bien
    d’avant que d’après la conquête romaine de la Dacie et la fusion daco-romaine ultérieure.
    Les armes occupent une place importante parmi ces objets, qui aident les
    archéologues à comprendre le niveau de développement des Gètes et des Daces,
    comparé aux Romains.


    La
    présence des Romains au nord du Danube remonte au siècle I avant l’ère chrétienne. Une bonne
    partie des tribus des Gètes et des Daces avaient rejoint l’orbite de la
    civilisation romaine, mais d’autres refusaient le clientélisme romain. A la fin
    du premier siècle de l’ère chrétienne, le roi dace le plus rebelle était Decebal,
    qui régnait sur un territoire situé dans la zone de centre-sud-est de la
    Roumanie actuelle, dans les Monts Șureanu, des Carpates méridionales. Au bout
    de deux guerres menées par l’empereur Trajan en 101-102 et en 105-106, Decebal
    est vaincu et décapité et son royaume est conquis par Rome. C’était le point de
    départ de la synthèse daco-romaine, que les historiens considère comme la base/la
    fondation sur laquelle s’est formée le peuple roumain.


    L’association « Terra
    Dacica Aeterna », créée en 2007, rassemble un groupe de passionnés de
    reconstituions historiques, qui mettent en lumière la culture des Gètes et des
    Daces. Pour que les gens se fassent une idée des armes employées par les
    belligérants dans les guerres daco-romaines d’il y a 1900 ans, Andrei Duduman,
    de l’association mentionnée, habillé en costume de guerrier dace, a présenté
    les armes des Daces, lors du vernissage de l’exposition « Dacia, ultima
    frontieră a romanității/La Dacie, dernière frontière de la romanité ». « C’est un guerrier dace, une sorte de commandant d’infanterie
    lourde. Pour tout tel guerrier, l’élément visuel le plus important était son
    bouclier. Pour réaliser celui que vous voyez, on s’est inspiré des images
    sculptées sur la Colonne de Trajan et
    dont des copies peuvent être admirées au
    lapidarium du Musée national d’histoire de
    Roumanie. Un second élément très important est l’épée de type celtique, dont le
    fourreau est décoré de motifs à retrouver sur le célèbre moule
    dace découvert à
    Sarmizegetusa. C’est une épée très légère, facile à manœuvrer. La cotte de
    mailles est un autre élément important, de protection du guerrier. Dans ce cas
    précis, c’est une cotte de mailles rivetée
    , pour un guerrier plus riche. Les rivets apportaient une meilleure résistance
    à cette armure contre les coups destinés à trancher ou, moins, à percer. Sur la
    tête, c’est un casque de type Spangenhelm, d’inspiration Sarmate, réalisé à
    base de bandes de fer. Dans sa partie civile, pour ainsi dire, le costume
    inclut des bijoux en argent, les célèbres clous daces. Ce costume en a trois,
    mais je sais qu’il y en a eu avec 5, 7 et 9, selon les moyens de celui qui
    portait le costume. Il y a aussi quelques perles de verre et, bien-sûr, des
    bagues en argent, des répliques d’objets découverts par les archéologues. Un
    élément très important, appartenant à un noble dace, est la très connue
    « sica-la dague» dace. »



    A son tour, Lucian Vulpe a joué le rôle d’un
    légionnaire romain. : « Si les Daces n’avaient pas
    d’équipement standardisé, les éléments d’une même catégorie ne se ressemblant
    pas, chez les Romains tout était standardisé. L’armée romaine était une armée
    professionnelle, où tous les militaires s’habillaient et combattaient de la
    même façon. Le légionnaire romain typique avait une seule arme de base – l’épée
    Gladius ou le glaive, une arme de type ibérique, dont les origines se seraient
    trouvées en Espagne, utilisée le plus souvent non pas pour des duels, mais pour
    transpercer l’adversaire. Car les légionnaires étaient nombreux et ne pouvaient
    pas bouger beaucoup. Chaque légionnaire se protégeait en enfilant une « lorica
    segmentata », une cuirasse articulée très flexible, très mobile, composée
    de bandes de fer, très facile à réparer durant le combat. Il avait aussi un
    casque qui le protégeait très bien contre les armes recourbées ou droites des
    Daces. Après la première guerre daco-romaine, le casque romain a été renforcé,
    deux bandes de fer étant ajoutées au milieu pour assurer une meilleure protection
    contre les falx (épées) des Daces. A tout cela s’ajoutait le bouclier romain,
    décorés d’ailes et du nom de la légion, dans ce cas précis il s’agit de la Vème
    Légion Macedonica, dont la garnison se trouvait à Turda. Le légionnaire romain
    chaussait des caligae, les sandales romaines classiques. Celles d’un centurion
    avaient une décoration plus riche et leur qualité était meilleure que celle des
    simples légionnaires. Il portait aussi une tunique et une cape appelée pennula,
    qui le protégeait de la pluie et du froid. »



    Les Daces et les Romains, avec leurs armes et leurs
    habits, sont revenus à la vie au Musée national d’histoire de Roumanie, à
    Bucarest. Un monde disparu que des passionnés du passé font revivre devant nos
    yeux. (Trad. Ileana Taroi)



  • Les Roumains et leurs ancêtres

    Les Roumains et leurs ancêtres

    Comme tous les autres peuples, les Roumains ont eux aussi, des mythes sur leurs ancêtres, qui en exaltent la grandeur, la force civilisatrice, la vitalité créatrice dans tous les domaines de la vie matérielle et spirituelle, augmentant la confiance de leurs descendants.

    Les ancêtres des Roumains sont les Daces et les Romains. Les Géto-Daces étaient la population ancienne qui occupait grosso modo le territoire actuel de la Roumanie. Pourtant, d’autres populations – celtiques, germaniques et scythiques – y vivaient aussi. Les Géto-Daces sont mentionnés au 5e siècle av. J-Chr. par Hérodote, l’historien grec de l’Antiquité, et on les retrouve également dans les écrits des historiens des siècles suivants. Les références sont peu nombreuses, ce qui atteste le fait que les Géto-Daces représentaient une population située à la périphérie du grand espace de la civilisation et de la culture méditerranéennes. Les découvertes archéologiques ne sont pas plus riches que les sources écrites. Les Romains, qui représentent l’autre branche d’ancêtres des Roumains, n’ont plus besoin de présentation. En l’an 106 après deux guerres successives, l’empereur romain Trajan a vaincu le roi dace Décébale et la Dacie fut entièrement occupée par l’Empire romain jusque vers l’an 270, lorsque les Romains se sont retirés au sud du Danube.

    Au 19e siècle, la création des Etats nationaux fut précédée par une quête des ancêtres. Les Roumains ont découvert les Daces et les Romains et des mythes se sont tissés autour d’eux. Le plus grand mythe a été celui de l’ancienneté de la langue et de la continuité spirituelle de ces ancêtres et les intellectuels se sont hâtés de « produire de la science » sur eux.

    Selon le linguiste Dan Alexe, Mircea Eliade a compté parmi les créateurs de mythes sur les Daces : « Le livre de Mircea Eliade « De Zamolxis à Genghis Khan » est un exemple précis de méthode erronée et d’approche exaltée dans ce domaine. Ce volume est une compilation d’articles que Mircea Eliade avait publiés dans différentes revues. Ce que l’on y découvre est un magma occultiste d’idées mystiques, selon lesquelles un culte du loup aurait traversé l’histoire des Roumains. C’est là un des fils conducteurs du livre. Et tout est erroné, rien ne tient debout. Eliade prend pour point de départ l’idée que les Daces vénéraient le loup. Pourtant, dans les textes antiques, dans les relations antiques sur les Daces, rien ne soutient cette affirmation. Eliade tente de prouver, sans pour autant apporter des arguments solides, car il n’était pas linguiste, que le nom « Dace » lui-même, aurait signifié « loup ». Or, dans l’anthropologie, c’est absurde. Il n’y a pas de population sur la planète qui se soit désignée, de manière totémique, par un nom d’animal. Il n’y a jamais eu de population qui s’appelle, elle-même, « les loups ». Les populations se désignent par le terme générique d’« homme », comme par exemple cette tribu germanique qui s’est désignée elle-même par le terme d’« Aléman » – c’est-à-dire « tous les hommes ». En général, du point de vue historique, une population n’a pas d’identité ethnique, elle se considère elle-même comme représentant les vrais « hommes » au sens générique du terme, les autres étant pour elle « les étrangers » et « les barbares ». »

    Les mythes sur les ancêtres se caractérisent par leur continuité et leur permanence. Dan Alexe estime que, dans l’œuvre de Mircea Eliade, le loup a été soumis à ce cliché mental : « Le même Mircea Eliade affirme qu’en s’installant en Dacie, les Romains apportaient leur propre loup comme identité totémique – Lupa Capitolina (la Louve Capitoline) – et que Mars lui-même, le dieu de la guerre chez les Romains, aurait été un dieu-loup. Or, dans la typologie de Mars, rien ne justifie cette identification avec le loup. Eliade suggère que le loup dacique et le loup latin auraient fusionné, après quoi, ce loup aurait continué d’exister jusqu’aux invasions mongoles de Genghis Khan, les Mongols ayant eux aussi comme totem le loup. (Selon la légende, Genghis Khan serait né de l’union mystérieuse avec une louve.) Le loup dacique aurait donc subsisté pendant un millier d’années, jusqu’à ce que les Mongols de Genghis Khan y apportent un autre loup. C’est ainsi que le totem et le loup ont fini par nous définir au fil des millénaires. »

    Dan Alexe estime qu’il faut faire très attention à la véracité des informations que les sources antiques nous fournissent sur les populations éloignées : « On trouve quelques remarques chez Strabon et, en parlant des Daces, Hérodote dit, lui, qu’ils étaient « les plus justes des Thraces ». N’oublions pas que les Grecs ne nous ont laissé aucun guide de conversation, aucun dictionnaire, aussi minuscule soit-il, des langues environnantes. Les Grecs avoisinaient les Thraces, les Phrygiens, les Lydiens et d’autres peuples dont on ne sait absolument rien, parce que les Grecs ne s’intéressaient pas du tout aux idiomes qu’ils parlaient, pour eux c’étaient des « barbares ». Si l’on ne dispose pas d’un dictionnaire grâce auquel on puisse découvrir quelle langue parlait Alexandre le Grand, qui n’était pas Grec à 100% – la langue macédonienne était quand même différente, ce n’était pas une langue grecque – pouvons-nous imaginer qu’ils savaient des choses précises sur les barbares du Danube, qui se trouvaient à 2.000 km vers le nord, dans des territoires inaccessibles ? « Dace » et « Gète » sont des appellations génériques. Dans ma jeunesse, quand quelqu’un quittait la Roumanie, passant illégalement la frontière en Yougoslavie, on disait de lui qu’il s’était enfui « chez les Serbes ». Les Macédoniens, les Albanais, les Croates, les Slovènes étaient tous « des Serbes ». Pour nous, c’était «chez les Serbes ». Si, avec toutes les possibilités d’information dont on dispose actuellement, les choses sont ainsi à notre époque, comment pouvons-nous croire qu’Hérodote savait exactement qui étaient les Daces ? »

    Les ancêtres des Roumains ont leur place dans l’histoire ; ils ont été les gens de leur époque, avec leurs aspirations et leurs échecs, en rien supérieurs ou inférieurs aux autres. Tout comme nous, aujourd’hui. (Trad. : Dominique)

  • Ferhat Bezazel ben Rabah (Algérie) – L’argent roumain

    Ferhat Bezazel ben Rabah (Algérie) – L’argent roumain

    Avant d’arriver aux billets de banque, il convient de préciser que l’argent a d’abord été sous forme de pièces de monnaie. Ainsi, la pièce de monnaie la plus ancienne attestée sur le territoire roumain est la drachme d’argent frappée par la ville grecque de Histria en 480 av. J.-C. Les villes grecques de Dobroudja, dans le sud-est de la Roumanie actuelle, ont eu d’autres émissions de monnaie par la suite.

    Les Géto-Daces, nos ancêtres, ont d’abord utilisé des pièces de monnaie macédoniennes, puis ils ont commencé à frapper leur propre monnaie en argent, et ensuite les kosons en or devenus célèbres. Les monnaies romaines ont également pénétré dans le territoire dacique, même avant l’occupation romaine, et ont continué de circuler aussi après le retrait de l’empereur Aurélien de Dacie en l’an 271.

    Par la suite, elles ont été remplacées par des pièces de monnaie byzantines. Dans les formations étatiques roumaines, le premier voïvode à avoir frappé monnaie a été Vladislav Ier, en Valachie, suivi par Petru Muşat, en Moldavie, les deux au XIVe siècle. Il s’agissait de pièces en argent.

    La Transylvanie a eu des émissions monétaires de type occidental à compter de 1538 : oboles, deniers, thalers et ducats, entre autres. Beaucoup de monnaies circulent sur le territoire de la Roumanie actuelle à travers temps : thalers turcs, ducats hongrois et autrichiens, zlotys, pièces russes, sequins vénitiens, soit plus d’une centaine de types de monnaies.

    Et il faut dire qu’une émission monétaire a même coûté la vie à un prince régnant. Il s’agit de Constantin Brancovan, qui avait émis une pièce-médaille à son effigie, ce qui a été considéré un affront à la religion musulmane, et les Turcs ottomans ont demandé sa tête.

    Le 22 avril 1867, le leu est établi comme monnaie nationale, avec 100 subdivisions appelées bani. Les premières pièces ont été les subdivisions de 1 ban, 2 bani, 5 bani et 10 bani, frappées en Angleterre en 1867. En 1868, la première pièce en or de 20 lei a été émise, en seulement 200 exemplaires. Des pièces de monnaie en argent et en or ont été frappées en 1880 et respectivement en 1893 et 1890. Le 3 mars 1870 est fondé en Roumanie le Centre d’Etat de fabrication de la monnaie.

    Comme il n’y avait pas de monnaie nationale avant 1870, toutes les taxes étaient payées en or, notamment en monnaies françaises (par exemple 20 Francs étaient l’équivalent de 20 lei), turques, russes et anglaises. Les premières pièces monétaires en papier sont les billets hypothécaires émis par le ministère des Finances suite à une loi de 1877, pour lever les fonds nécessaires à la Guerre d’indépendance. Ils étaient fabriqués dans les mêmes conditions que les billets de banque, et émis en coupures de 5, 10, 20, 50, 100 et 500 lei. Ces billets imprimés à Paris, dans les ateliers de la Banque de France, sont considérés les premiers billets de banque roumains.

    Le 1er avril 1880 est créée la Banque nationale de Roumanie, la seule habilitée à frapper monnaie en métal et en papier. C’est alors que le retrait de ces billets est décidé, et ils sont échangés contre des billets de banque, jusqu’en 1892, précise adevarul.ro. Les premiers billets de banque, d’inspiration française, ont été imprimés en 1881. Voilà, M Bezazel. Merci de votre intérêt, à bientôt.

  • Les petites plaques de plomb de Câmpina-Sinaia

    Les petites plaques de plomb de Câmpina-Sinaia

    60 petites plaques de plomb découvertes à Câmpina, à une centaine de kilomètres au nord de la capitale, et stockées dans le sous-sol de l’Institut archéologique de Bucarest ont déclenché une vague d’hystérie parmi les passionnés des cultures anciennes et des mystères. Sur ces plaquettes mesurant 15 centimètres de long et 10 de large figurent, pêle-mêle, des lettres, des symboles et des images, que les mordus d’histoire considèrent remonter à l’époque des Daces, nos ancêtres. Les histoires — l’une plus fantasmagorique que l’autre — tissées autour d’elles, ont eu un certain écho dans l’espace public roumain. Les spécialistes ont précisé, à maintes reprises, que ces petites plaques avaient été créées vers le milieu du 19e siècle ; pourtant, le public, séduit par les fantaisies des passionnés, ne leur a pas accordé trop Un de ces amateurs d’histoire affirmait que c’était l’écriture des Daces qui se retrouve sur ces plaques.Radu Băjenaru, chercheur à l’Institut archéologique « Vasile Pârvan » de Bucarest, nous présente les arguments des spécialistes, qui contestent l’authenticité des plaques. « Il y a deux hypothèses concernant ces plaques. La première est celle des archéologues et des spécialistes en histoire ancienne, des professionnels, qui nient leur valeur historique et le fait qu’elles auraient été créées il y a 2000 ans, à l’époque des Daces. La deuxième hypothèse est celles des enthousiastes, des passionnés d’histoire ancienne et de mythes, qui, à partir de ces plaques, essaient de reconstruire la société dace d’il y a deux millénaires. Dans les deux cas il y a des arguments pour et contre. Pourtant, à mon avis, les arguments favorisant l’idée qu’elles datent du 19e siècle sont beaucoup plus consistants. Premièrement, l’analyse du métal dont elles sont fabriquées prouve qu’il s’agit d’un type de plomb couramment utilisé dans les imprimeries du 19e siècle. Deuxièmement, tout ce qui est gravé sur ces plaques, toute l’iconographie et les signes qui y figurent parlent de choses connues au 19e siècle. Elles ne nous apprennent rien sur l’histoire des Daces par rapport à ce que l’on savait déjà il y a 150 ans. On n’apprend rien, au moins, de ce que l’on a découvert par la suite à ce sujet. Troisièmement, les grands historiens spécialistes de l’antiquité roumaine connaissaient l’existence de ces plaques — et je parle notamment de Vasile Pârvan, dont personne ne peut contester l’autorité scientifique, ni l’acribie. Or, au moment où Pârvan a écrit son œuvre, il n’a accordé aucune attention à ces plaques, car il connaissait leur histoire et leur provenance. »



    Quelle est alors l’origine de ces plaques et qu’est-ce qu’elles représentent, en fait ? Radu Băjenaru. « Ceux qui contestent leur valeur historique les désignent par le terme impropre de « faux ». Un faux est la copie d’un document authentique. Or, là, il n’y a pas de document authentique. Ces plaques ont été créées au 19e siècle, dans la zone de Câmpina-Sinaia, très probablement par Bogdan Petriceicu Haşdeu, encyclopédiste et écrivain qui possédait une vaste culture. Or, il avait, lui, la capacité intellectuelle et financière de créer une chose pareille. Pour moi, il est évident que Haşdeu y présente sa propre vision de l’histoire des Daces. C’est pourquoi il est difficile de considérer ces plaques lorsqu’on parle histoire. Et même si on les prenait en compte, on n’apprendrait rien de plus, elles ne nous sont d’aucune utilité. La seule chose qui aurait pu nous aider est cette écriture, dite « dace », qui est un amalgame de lettres grecques, cyrilliques, latines et orientales. Certes, pour un linguiste aussi érudit que Haşdeu, il était très facile de combiner ces caractères pour en tirer un texte. On a essayé de les déchiffrer — et, à ce que j’ai compris, on a même réussi, ce qui me paraît absurde. Ces caractères-là ne peuvent pas constituer une langue dans le vrai sens du mot. Ce serait là la seule nouveauté que ces plaquettes pourraient nous offrir : l’information dont elles sont porteuses, si l’on déchiffrait ces textes. Et même si l’on déchiffrait cette « écriture » — avec les guillemets qui s’imposent — ou même si l’on comprenait ce que Haşdeu a voulu exprimer à l’aide de ces plaques, cela ne nous aiderait pas beaucoup, vu que ces connaissances s’arrêtent au 19e siècle. »



    Pourquoi Haşdeu aurait-il voulu créer de telles plaques et comment devrions-nous nous y rapporter ? Radu Băjenaru. « Haşdeu n’a sans doute pas voulu induire en erreur qui que ce soit. En fait, il est l’homme de son temps ; il n’a voulu ni falsifier, ni faire une mauvaise chose, peut-être a-t-il eu l’intention de faire une bonne chose. On doit le considérer comme un esprit éclairé, qui connaissait beaucoup de choses et qui souhaitait apprendre davantage et transmettre davantage. Or, ces plaques ont été pour lui une manière de s’exprimer. Ce genre de choses était en vogue à l’époque. Il n’y a rien de mal à cela. Le mal, c’est de mal les interpréter ou utiliser, en les déplaçant 2000 ans en arrière. Si on les prenait pour ce qu’elles sont — soit les créations d’un lettré — ce serait extraordinaire. Ce qui est grave, c’est de les utiliser comme arguments pour justifier une histoire que nous ne connaissons pas et qui, de toute façon est la même — c’est-à-dire celle que nous racontent les plaques et celle que nous racontent les sources antiques, car ce que disent les plaques est fondé sur les sources antiques. Il n’y a pas de divergence à cet effet. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi souhaiter que ces plaquettes soient authentiques. Dans l’Antiquité, il n’y avait pas de genre d’inscriptions ; dans toute l’Antiquité on ne retrouve nulle part rien de pareil. Alors pourquoi en existerait-il chez nous ? »



    En plein 19e siècle — période dite de « faux nationaux » l’esprit romantique dominait la culture roumaine. A part ces plaques, on attribue également à Haşdeu la paternité de deux autres créations similaires : « Le diplôme de Bârlad de 1134» et « Le document de Iurg Koriatovitch de 1347 ». Pourtant, de nos jours, on écrit l’histoire autrement qu’on ne le faisait il y a un siècle et demi. (Trad.: Dominique)

  • Michel Beine (Belgique) – Sarmizegetusa Regia

    Michel Beine (Belgique) – Sarmizegetusa Regia

    Les Daces sont les ancêtres des Roumains. Peu de choses sont connues sur l’histoire des Daces, qui faisaient partie des peuples thraces, aussi appelés Gètes selon les différentes sources historiques. Il nous reste aujourd’hui six cités daciques dans les Monts Orăştiei, dans les comtés d’Alba et de Hunedoara, inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.



    Sarmizegetusa Regia, la plus intéressante, est autrement célèbre, par les scandales liés aux artefacts volés dans ce site : les fameux bracelets daciques en or et les kosons, ces pièces de monnaie qui ont connu le même sort. Au fil des années, la Roumanie a réussi à récupérer une bonne partie de ces artefacts.



    Mais venons-en à Sarmizegetusa Regia, cette forteresse mystérieuse construite à 1200 m d’altitude. On peut y accéder à partir d’Orăştie, maintenant la route est indiquée. Une partie est goudronnée et une autre, c’est un joli chemin de terre tout à fait praticable en voiture, longeant une rivière, à travers la forêt. Les historiens s’accordent pour dire que toute cette montagne était habitée, mais l’argent pour des fouilles plus approfondies a fait défaut.



    Sur la signification du nom, il n’y a pas d’opinion unitaire. Elle a été la capitale mythique du roi dace Decebal. Les Romains ont combattu les Daces pour faire main basse sur leur or et leurs gisements de sel. En 101-102, l’empereur Trajan arrive à s’emparer de Sarmizegetusa Regia. Les Romains détruisent une partie de la cité, et emportent des pierres des monuments pour construire la capitale de la Dacie romaine à Ulpia Traiana Sarmizegetusa, à une quarantaine de km de là. Pendant ce temps, vous poursuivez votre route.



    Une fois arrivés en haut, vous accédez au site sur un sentier à travers la forêt verdoyante, par ce qui était une des portes de la cité. On voit encore une partie des remparts qui l’entouraient, et qui avaient 3 m d’épaisseur. Vous verrez d’abord la route pavée, dont une partie est originale et une autre — reconstruite à l’identique. La partie visitable du site s’étend sur 1 ha environ.



    Sarmizegetusa Regia ne ressemble à aucun autre site, elle est unique. Cette cité avait une fonction militaire, spirituelle et politique. On y décèle plusieurs zones sacrées, avec sept temples, dont deux de forme ronde. Seules les fondations sont encore visibles, ainsi qu’un autel monumental en andésite. La forteresse bénéficiait d’une adduction d’eau et aussi d’une forme de distribution. Sur la montagne, des habitations avec un riche inventaire ont été décelées, avec des objets en fer et en céramique peinte. C’est un lieu fascinant et qui garde tous ses mystères. Merci, M Beine, pour cette question et cette incursion dans le monde des Daces.