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  • L’art et la révolution –  le peintre Constantin Daniel Rosenthal

    L’art et la révolution – le peintre Constantin Daniel Rosenthal

    Le peintre et révolutionnaire Constantin Daniel Rosenthal est l’artiste symbole
    de la révolution roumaine de 1848 en Valachie. Ses œuvres figurent dans les
    manuels d’histoire et de nombreuses générations les ont admirées et se sont
    imprégnées des idéaux qu’elles expriment. Deux sont ses toiles les plus connues
    : « La Roumanie brisant ses chaînes sur le Champ de la Liberté », réalisée
    en 1848, et « La Roumanie révolutionnaire », réalisée en 1850. Elles
    ont eu une influence considérable sur l’idée – moderne à l’époque – de création
    de l’Etat unitaire et de la nation roumaine.






    Constantin Daniel Rosenthal a vu le jour en 1820 à Pest, en
    Autriche-Hongrie. Bien que né dans une famille de marchands juifs qui parlaient
    le hongrois et l’allemand, il a consacré sa vie aux aspirations nationales
    roumaines. Il est mort à l’âge de 31 ans, dans une prison de Pest, après avoir
    été arrêté par les autorités autrichiennes pour espionnage et incitation à des
    activités révolutionnaires.






    Il a fait des études d’art à Vienne et il a adhéré aux idées
    révolutionnaires radicales. Selon les historiens de l’art, Rosenthal serait
    arrivé à Bucarest vers l’année 1842, pour des raisons demeurées obscures. A
    Vienne, il semble s’être lié d’amitié avec le peintre roumain Ion Negulici, qui
    allait participer activement à la révolution de 1848 à Bucarest. Dans la
    capitale de la principauté de Valachie de l’époque, Rosenthal fréquente les
    cercles révolutionnaires radicaux, représentés par les libéraux francophiles menés
    par le journaliste et homme politique C.A. Rosetti. Les deux toiles mentionnées
    furent la plus importante contribution de Rosenthal à la révolution roumaine. La
    femme qui lui a servi de modèle a été la célèbre Mary Grant, d’origine
    écossaise, devenue Maria Rosetti par son mariage avec C.A. Rosetti. Personnalité
    remarquable, douée d’une énergie débordante, Maria Rosetti incarnait, dans les
    deux toiles, la beauté de la Roumanie et sa détermination à se forger un
    nouveau destin. Dans « La Roumanie révolutionnaire », elle porte une
    blouse roumaine et un collier de pièces d’or brille sur sa poitrine blanche. Un
    ample voile de gaze spécifique du costume traditionnel roumain couvre ses cheveux
    noirs luisants et elle tient entre ses mains le drapeau tricolore. Maria
    Rosetti comme symbole la Roumanie révolutionnaire faisait partie de
    l’iconographie de l’époque, où souvent une jeune femme incarnait les idéaux
    politiques et sociaux.






    L’historien de l’art Adrian-Silvan Ionescu résume la contribution de Rosenthal
    à l’imaginaire politique et révolutionnaire roumain de 1848 : « Inspiré par ses sentiments patriotiques, dans
    sa toile « La Roumanie brisant ses chaînes sur le Champ de la
    Liberté », Rosenthal a illustré impeccablement le mouvement révolutionnaire
    roumain. Cette peinture de petites dimensions a été lithographiée et distribuée
    aux masses populaires, contribuant à perpétuer les nouvelles idées de l’époque.
    Il faut également noter que Rosenthal a pris pour modèle Maria Rosetti, qui
    était écossaise. Il est très amusant de constater que la Roumanie a été
    représentée par une Ecossaise – mais cette Ecossaise était mariée à C.A.
    Rosetti et elle avait le cœur roumain ».








    Comme toute ville en train de se moderniser, Bucarest était en pleine
    effervescence durant la première moitié du 19e siècle. Eminemment
    orientale jusqu’en 1800 et sans monuments publics, la ville de Bucarest était
    qualifiée de marginale par les voyageurs étrangers du point de vue des
    conditions qu’elle offrait et de la qualité de la vie de ses habitants.








    Le 23 juin 1848, dans l’ancienne cour de la mairie, sur l’emplacement
    actuel du Musée des collections d’art, avenue de la Victoire, fut placée la statue
    « La Roumanie libérée », réalisée par Constantin Daniel Rosenthal. Le
    journal révolutionnaire « Pruncul român » (« L’enfant roumain »)
    en donnait la description suivante : « Le monument
    représente une femme enveloppée dans une toge, une couronne de lauriers dans
    ses cheveux longs, qui lui tombent sur les épaules. A ses poignets, on voit les
    restes des chaînes qui l’avaient tenue prisonnière. Dans sa main droite, elle
    tient un long bâton qui se termine par une croix, dans sa main gauche, elle tient
    une balance, symboles de la foi et de la justice. Un de ses pieds écrase les
    ennemis, représentés par un serpent ». Dans le même
    journal, C.A. Rosetti décrivait la démolition de la statue :
    « La statue représentant la Roumanie libérée, portant la balance et la
    croix, symboles de la justice et du christianisme, qui se trouvaient dans la
    cour de la mairie, fut démolie sur l’ordre de M. Emanoil Băleanu. Cet acte de
    vandalisme, il l’accompagna de mots si méchants et ignobles que notre plume
    refuse d’en noircir le papier. Le socle fut également démoli, sans respecter le
    droit de propriété ».






    Adrian-Silvan Ionescu explique : « Peu nombreux sont ceux qui savent que Rosenthal a été le premier
    sculpteur de monuments publics de Roumanie. Il a réalisé cette statue de la
    Liberté, installée Place de la mairie, sur l’actuelle Avenue Victoria. La
    statue était pourtant faite d’un matériel périssable : le plâtre. Au
    moment où le gouvernement provisoire s’est réfugié en Transylvanie, fuyant les
    Turcs, la statue a été démolie par les réactionnaires. Elle resta debout
    quelques semaines et ce fut tout. En 1849, une année après la révolution, cette
    sculpture a été reproduite dans les pages de la revue « Illustrirte
    Zeitung » de Leipzig, très probablement d’après un dessin de Rosenthal.
    Celui-ci parlait très bien l’allemand, son oncle était le rédacteur d’une revue
    de langue allemande de Buda. Il était donc en contact avec le monde de la culture
    et avec la presse européenne. Rosenthal a été à la fois un révolutionnaire et
    un artiste. Il a été dévoué à son art, fin connaisseur des physionomies, de la
    psychologie humaine et un excellent observateur du caractère roumain. Il a même
    souhaité être roumain, il s’est toujours considéré Roumain, en dépit du fait
    qu’il ne parlait pas le roumain. Et il est devenu roumain non seulement pour
    avoir reçu la nationalité, mais aussi et surtout par son œuvre ».







    Constantin Daniel Rosenthal a été le Juif, le Magyar et le Roumain qui a fait
    siennes les idées de son temps, leur a consacré sa vie et les a représentées à
    travers son art. La révolution fut, sans doute, une d’entre elles. (Trad. :
    Dominique)