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  • Nouvelle chance pour les adolescents vulnérables

    Nouvelle chance pour les adolescents vulnérables

    En Roumanie, 1 enfant sur 10 naît d’une mère adolescente, âgée de 15 à 19 ans. Le pays occupe, ainsi, une des premières places sur l’ensemble de l’UE pour ce qui est des accouchements survenus dans cette tranche d’âge. Par ailleurs, l’obésité, l’abandon scolaire, la consommation d’alcool et le tabagisme précoce vont croissant. C’est pourquoi un deuxième Centre de ressources pour les adolescents vulnérables a récemment ouvert ses portes à Bucarest, où ces jeunes personnes bénéficient de conseil, d’appui et de soins de récupération. Ce centre accueillera aussi des activités de groupe, lors desquelles les jeunes auront la possibilité de discuter avec les experts sur des thèmes importants tels que les relations avec les autres ou la santé. Il servira donc de pont entre les ados vulnérables et la communauté, leurs familles respectives y comprises.



    Afin de venir en aide à ces jeunes, l’UNICEF, en partenariat avec le Ministère roumain de la jeunesse et du sport, la mairie du 4e arrondissement de la capitale, Bucarest, et l’Alliance pour la lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, ont lancé, dès l’ouverture du centre, le programme intitulé “Opportunités pour les adolescents”. Ce programme, qui devrait durer trois ans, sera mis en place dans cinq grandes villes à travers le pays, à savoir Bucarest, Cluj, Iaşi, Constanţa et Bacău.



    Présente à l’inauguration du Centre de ressources pour les adolescents, Sandie Blanchet, représentante de l’UNICEF en Roumanie, a souligné le fait que les environ 1,7 millions de jeunes roumains concernés doivent relever des défis similaires à ceux qui se posent devant les ados du monde entier.



    Sandie Blanchet : « Les recherches les plus récentes en matière de neurosciences montrent que l’adolescence est une étape cruciale dans le développement du cerveau humain. Si les adolescents sont plus enclins à prendre des risques c’est parce que leur cerveau n’est pas encore pleinement développé. Leurs choix ont une influence forte sur leur futur mode de vie. D’où l’importance des choix sains dans cette période de leur existence. L’an dernier, près de 17.000 adolescentes de moins de 19 ans étaient enceintes. En outre, nous assistons à une incidence accrue des cas d’obésité, de consommation d’alcool, de tabagisme et d’abus de drogues parmi les jeunes. En milieu urbain, la prise de substances hallucinogènes également appelées ethnobotaniques menace l’état de santé, voire même la vie de plusieurs centaines d’adolescents et de jeunes, qui encourent y compris le risque d’infection par le VIH. Enfin, selon une récente étude de l’UNICEF, 19% des ados âgés de 15 à 18 ans ne fréquentaient pas l’école l’an dernier, ce qui diminue drastiquement leur chance de trouver un emploi bien payé. »



    Ce type d’intervention destinée aux adolescents ayant des possibilités réduites de développement personnel et vivant dans les quartiers défavorisés du 4e arrondissement de la capitale arrive à un moment clé pour les politiques consacrées à la jeunesse de Roumanie, affirme Cosmin Cristian, secrétaire d’Etat au ministère de la Jeunesse et du Sport: « Nous nous réjouissons que la Stratégie Nationale de la Jeunesse 2015 — 2020 soit approuvée par le gouvernement. Cette stratégie vise entre autres les adolescents, cette catégorie si vulnérable, en proie à de nombreuses tentations. La Roumanie compte plus de 6 millions de jeunes âgés de 15 à 34 ans, dont 1,7 millions d’adolescents. Cette stratégie a été adoptée justement pour soutenir la participation des jeunes dans la vie active, économique, sociale et culturelle, en leur offrant des opportunités égales. Un aspect essentiel de la mise en oeuvre de la Stratégie Nationale de la Jeunesse est de la décliner en stratégies locales. Nous ne souhaitons pas que tout s’arrête là. Nous sommes en train de travailler sur les plans nationaux d’actions pour la jeunesse. Et évidemment, nous souhaitons que la stratégie devienne opérationnelle au plus vite. Il y a des villes, comme Timisoara (à l’ouest) par exemple, qui disposent déjà de leur propre stratégie destinée aux jeunes et j’aimerais bien qu’il en existe une à Bucarest aussi, même au niveau du 4e arrondissement, pour les jeunes de cette communauté. »



    Au cours de la première année de la mise en œuvre du programme «Opportunités pour les adolescents », plus de 1500 jeunes devraient être informés et 200 autres devraient bénéficier d’opportunités concrètes de développement personnel au Centre de ressources ouvert dans le 4e arrondissement de Bucarest. Ils seront 10.000 au total à profiter de ce projet pilote. L’essentiel, c’est de les mettre au courant des risques auxquels ils s’exposent, souligne Bogdan Glodeanu, directeur exécutif de l’Association ALIAT. Jusqu’ici, son association a informé et soutenu quelque 3000 jeunes, par l’intermédiaire des écoles, des lycées et des réseaux de socialisation. Désormais, c’est aux centres de ressources de mettre en valeur cette expérience.



    Bogdan Glodeanu : «En moyenne, c’est vers l’âge de 13 ans que les adolescents entrent en contact avec l’alcool, le tabac et la drogue. A 17 ans, 76% des filles et 75% des garçons ont déjà expérimenté au moins deux de ces produits. 60% des adolescents qui commencent à en consommer par curiosité, deviennent des consommateurs réguliers en une année et demie. De nombreux problèmes en découlent. Certains finissent par abandonner l’école pour intégrer des entourages douteux. Souvent la famille ne peut plus les aider. Selon les études internationales, 9% des jeunes de 15 à 29 ans meurent chaque année à cause de l’alcool. La Roumanie occupe la 8e place, sur 188 pays, en ce qui concerne la quantité d’alcool consommée par tête d’habitant. Et c’est toujours en Roumanie que plus de 40% des adolescents ont consommé de l’alcool au moins une fois, alors qu’en moyenne ils consomment près de 3 litres d’alcool par mois. »



    Dans ce contexte, les spécialistes du centre se rendront dans les écoles et les lycées pour identifier les jeunes confrontés à de tels problèmes. De même, il y aura des partenariats avec les institutions et les ONG déjà familiarisées avec la situation et peuvent diriger les jeunes vers le centre. S’y ajoute la plate-forme www.adolescenteen.ro où les jeunes pourront entrer en contact avec des spécialistes locaux, aborder les thèmes qui les intéressent le plus et se renseigner sur les opportunités de développement personnel disponibles à Bucarest. (Trad. Mariana Tudose, Valentina Beleavski)

  • Visites  « à domicile »

    Visites « à domicile »

    Costin Militaru n’aime pas tellement les interviews et lorsqu’il finit par accepter d’accorder un entretien, il laisse l’impression qu’il n’y a rien de plus naturel que son activité. Médecin généraliste, spécialiste de la réduction des risques associés à la consommation de drogues, il a choisi de coopérer avec les ONGs au lieu de travailler dans le système sanitaire qu’il juge corrompu. Cela fait dix ans qu’il collabore avec l’Association roumaine Anti-SIDA. Depuis trois autres années, il coopère avec le Samusocial, organisation qui s’est donné pour but de venir en aide aux sans-abris de la capitale. Dans la matinée, il rencontre les accros aux drogues, tandis que le soir il patrouille, avec les ambulances du Samusocial, dans les rues de Bucarest pour offrir de l’aide à quiconque en a besoin.



    Le fait d’avoir aidé bien des gens de la rue a valu à Costin Militaru le surnom de « docteur des aurolaci ». (Entendez par aurolaci, les personnes livrées à elles-mêmes, ayant élu domicile dans les canalisations d’eau chaude ou dans les égouts et qui, en guise de drogue, inhalent quotidiennement un solvant de peinture connu sous le nom de « aurolac » – n.d.t.). A l’arrivée de Costin Militaru, ces gens s’extraient des égouts, sachant qu’ils vont recevoir du secours médial et de la nourriture chaude. Aux dires de Costin Militaru, cette activité présente une multitude d’avantages: « On a la liberté de voir la ville et de parler aux gens, ce qu’on ne peut pas faire quand on travaille dans un cabinet. Moi, je vais chez les gens et je les aborde. J’ai eu la chance d’une très bonne formation et celle de travailler avec une excellente équipe. Nous travaillons avec grand plaisir et dans une atmosphère très détendue, car nous aimons plaisanter avec les gens de la rue. En plus, quelqu’un qui est transi de froid et qui se voit offrir une soupe chaude, une tente et des bottes ne refusera jamais de vous parler ».



    Sa collaboration, d’une vingtaine d’années, avec l’Association roumaine Anti-SIDA, a permis à Costin de rencontrer plus de 20 mille consommateurs de drogues. Il a également élaboré, aux côtés des responsables du ministère de la Santé, des programmes censés diminuer les risques liés à la consommation de drogues. Il pense que cela a été une vraie chance pour lui, car le fait de travailler avec les accros aux drogues l’a beaucoup aidé dans sa formation comme individu et comme médecin. Il avoue aussi avoir été confronté à des difficultés: « Quand j’ai commencé cette activité, en 2004, elle n’était pas légiférée. Ce genre d’intervention consistant à réduire les risques liés à la consommation de drogues est en quelque sorte opposé au concept d’anti-drogue. Nous tentons donc de réduire ces risques, mais pas sans problèmes. Il a fallu par exemple expliquer aux policiers que ce que nous faisons n’est pas illégal et nous tentons d’introduire dans la législation le concept de harm reduction (limitation des dégâts, en français). La grosse difficulté a été le manque de fonds. Ces programmes ont débuté en 2004 avec de l’argent du Fonds global de lutte contre le VIH, la tuberculose et la malaria. Ces sommes nous sont parvenues avant l’entrée de la Roumanie dans l’UE. Après l’adhésion, nous n’avons plus reçu cet argent, l’Etat roumain s’engageant à poursuivre à ses propres frais ces programmes démarrés conjointement avec le Fonds global et la Banque Mondiale. Pourtant, à l’heure actuelle, c’est toujours grâce à des fonds internationaux que nous déployons notre activité. »



    Si, au début, les consommateurs de drogues étaient plutôt réticents à l’égard du docteur, au bout de deux ans d’activité, Costin Militaru et sa petite équipe offraient déjà de l’aide et du conseil à plus de sept mille personnes, âgées de 6 à 75 ans. Costin Militaru ne s’est pas limité à travailler auprès des sans-abris et des défoncés. Il a déposé son CV au Programme des Nations Unies pour le Développement et il vient d’être sélectionné pour dispenser un cours de formation en milieu carcéral: « Cela couronnait mes dix ans de travail auprès des groupes vulnérables. Je me suis rendu dans 16 prisons de Roumanie et ces cinq derniers mois j’ai travaillé avec plus de 200 détenus. Je peux vous dire que nous avons eu une discussion amicale autour des règles à respecter dans la société. Mes interlocuteurs ont été très surpris, car ils ignoraient des choses basiques, comme le fait que les relations des époux sont régies par des règles différentes de celles qui s’appliquent entre amis. On a également parlé responsabilités et risques et on s’est interrogés sur ce qui nous pousse à faire certaines choses. Une discussion m’a semblé plus intéressante que toutes les autres. Il y était question de comment adapter à la réalité l’image qu’ils ont de la société qu’ils vont intégrer après avoir purgé leur peine ».



    Au bout des dix ans d’activité à l’écoute et à l’aide des gens de la rue, Costin Militaru connaît comme sa poche les quartiers les plus pauvres de la capitale. Il n’est pas rare qu’un ancien patient, un laissé pour compte ou un ancien détenu qui le croise dans la rue le reconnaisse et vienne le saluer. Costin espère pouvoir continuer à exercer ce métier de la même manière, car il déteste l’idée d’intégrer les institutions du système sanitaire. (trad.: Mariana Tudose)