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  • La reconversion professionnelle des enseignants

    La reconversion professionnelle des enseignants

    Ce n’est plus un secret, la situation financière des enseignants n’est pas du tout brillante. Pire encore. Les postes dans l’éducation ne sont pas recherchés, même ceux ayant exercé le métier de pédagogue choisissant de se réorienter, en raison du salaire trop bas et du stress toujours plus difficile à supporter.



    La situation s’est détériorée davantage en raison de la crise mondiale lorsqu’en Roumanie les salaires des enseignants se sont vu couper de 25% en raison de l’austérité budgétaire. Quels en ont été les effets? Eh bien, il paraît que ces 3 dernières années, 40 mille enseignants ont quitté le système d’enseignement. Et l’exode ne va pas s’arrêter là, relève le sondage intitulé « La vie du jeune enseignant », réalisé par la Fédération des Syndicats libres de l’Education — FSLI. Son président, Simion Hancescu, s’arrête sur les principaux résultats : « Une grande partie des sondés, soit plus de 41% envisagent de quitter le système d’enseignement dans les 5 prochaines années. Près de 30% ne sont pas décidés quand il s’agit de leur avenir professionnel. Les pourcentages sont inquiétants et les raisons sont multiples. Le revenu mensuel net d’un jeune enseignant se s’élève à environ 8 cent lei par mois, soir près de 180 euros. Avec un tel salaire, un enseignant peut à peine assurer sa subsistance. Dans pas mal de cas, ils continuent d’être soutenus financièrement par leurs familles. Il y a aussi ceux qui font la navette, c’est-à-dire qu’ils habitent en milieu urbain mais travaillent dans des localités rurales. Bien que selon la loi les dépenses pour faire la navette doivent être remboursées, peu de conseils locaux respectent cela. Par conséquent, il arrive qu’un enseignant dépense même la moitié de son salaire pour couvrir les frais de transport » .



    Dans l’enseignement secondaire, quitter son poste ne date pas d’hier. Et les raisons ne sont pas toujours financières. Ana a été institutrice 5 années durant ; elle avait embrassé ce métier juste après la fin de ses études au lycée pédagogique. Ce n’est pas l’argent qui l’a poussée à renoncer à son premier amour, car à l’époque elle était jeune et idéaliste. Elle n’a tout simplement pas agréé certains changements qui ont lieu au début des années 2000 : « On avait déjà commencé à nommer des directeurs et des adjoints aux directeurs selon des critères politiques. Les enseignants et le management ne se mettaient pas toujours d’accord. Quant aux changements, ils étaient formels, vu qu’en réalité, les salles de classe restaient les mêmes. C’était comme si on appliquait une nouvelle teinture à une clôture, sans tenir compte que la clôture en question était presque effondrée. En plus, je n’ai pas été d’accord avec cette décision d’alourdir, sans logique aucune, les cartables des élèves. Aujourd’hui, les élèves doivent porter des cartables très lourds, et ils perdent leur enfance quelque part entre 300 problèmes et 600 exercices, ce que je ne peux pas accepter » .



    De véritables conflits de mentalités ont opposé Ana d’un côté et les parents et enseignants de l’autre. Ecoutons à nouveau Ana : « Par exemple, moi je portais des pantalons et non pas de jupe et pour eux cela constituait un problème. Moi, pour ma classe, je faisais les cours d’éducation physique et je ne cédais pas en faveur de l’arithmétique et de la lecture. Aux cours d’éducation musicale, je faisais de l’éducation musicale et non pas de la géographie ni de l’histoire » .



    Après avoir jonglé entre deux emplois en même temps, Ana a choisi de quitter l’enseignement et de faire une carrière dans la télévision. Du point de vue financier, elle n’a plus de problèmes. Aucun regret non plus du point de vue professionnel : « Je regrette uniquement la magie qui se produit au moment où 26 paires d’yeux vous regardent comme la personne la plus importante au monde » .



    Avant la crise, Aura enseignait le français dans deux lycées bucarestois. Elle a quitté le système en raison notamment du salaire très bas. Et pourtant elle n’a pas changé de métier, puisqu’à commencer par l’année 2009, elle enseigne le français aux hommes d’affaires. Ecoutons-là : « Je fais toujours mon métier. J’aime énormément enseigner. Je n’ai pas quitté l’éducation nationale parce que je n’aimais pas enseigner, mais parce que je n’avais pas un revenu décent. Maintenant je travaille avec les adultes. C’est un peu plus facile qu’avec des adolescents. Je ne peux pas dire que je regrette d’avoir quitté l’enseignement parce que ma vie s’est considérablement améliorée. Il est vrai, je pense parfois aux satisfactions que j’ai eues en travaillant avec des enfants, qui s’attachent beaucoup aux enseignants. Si on les traite bien, si on s’occupe d’eux, les enfants sont également capables d’exprimer leur affection » .



    Malheureusement, le départ massif des enseignants aura des conséquences aussi sur la formation des nouvelles générations de professeurs, affirme Aura : « Un enseignant ne peut pas être performant en l’absence d’un salaire décent. D’après moi, ce n’est pas correct d’affirmer qu’il faut tout d’abord faire preuve de performance et puis exiger de l’argent. Il faut qu’il y ait un équilibre entre la rémunération et la prestation. L’absence d’un tel équilibre a des effets négatifs sur la qualité de l’enseignement. Je connais des élèves de lycée et je peux dire que la manière d’enseigner est désastreuse. Dans la compagnie où je travaille je m’occupe aussi du recrutement, ce qui m’a permis d’entrer en contact avec des jeunes diplômés d’universités. Il m’arrive de constater assez souvent que le niveau de connaissance d’une langue étrangère – anglais, français ou allemand – est bas pour quelqu’un qui vient de sortir d’une faculté spécialisée » .



    De même, beaucoup de ceux qui embrassent à présent le métier de pédagogue ne le font pas par vocation et n’y voient qu’une solution jusqu’à l’apparition de nouvelles opportunités plus attractives. (trad.: Alexandra Pop, Alex Diaconescu)

  • INCUBATEUR 107

    INCUBATEUR 107


    Dans le comble d’une maison bucarestoise, tout un chacun peut devenir à la fois enseignant et apprenti. Lors d’une réunion nocturne, il ou elle doit tout simplement convaincre le public consommateur de cours et d’ateliers que ses propositions sont intéressantes et valent la peine d’être partagées.






    Ce comble s’appelle « Incubator 107 » (Incubateur 107) et le mois dernier, ceux qui souhaitaient profiter de leur temps, esprits et cerveaux pouvaient choisir entre différents ateliers. Au programme : lundi – cafédomancie, ou lire l’avenir dans le marc du café, mardi — introduction dans la méditation bouddhiste, mercredi — recréation d’une idée, jeudi — théorie de l’amour, vendredi — atelier sur la manière de se présenter dans le milieu virtuel et de soigner son image, samedi — atelier sur le déclin du consumérisme et la nouvelle abondance, c’est à dire comment les ressources limitées nous influencent la vie. A tout cela viennent s’ajouter un atelier de produits de beauté faits maison, un atelier de cuisine, consacré aux plats de fêtes et un autre au langage des signes… bref il y en a pour tout le monde.



    Lavinia Cârcu est chargée de l’organisation des ateliers et coordonne les formateurs qui y participent. « L’incubateur a été ouvert en avril 2011, dans le comble d’une maison de Bucarest près des Halles Traian. Tout a commencé avec un groupe de six amis à la recherche de personnes à même d’organiser des ateliers. En une année et demie, presque deux, nous avons imaginé chaque mois une nouvelle série d’ateliers. Toute personne qui a une passion peut venir et montrer aux autres ce qu’elle sait faire. La définition de cet incubateur est l’espace ou tout le monde peut enseigner à tout le monde toute sorte de choses. »



    L’incubateur 107, dont le nom est inspiré du fait qu’il est situé au 107 rue Calea Calarasilor, a réussi à réunir une véritable communauté d’enthousiastes. Ses fondateurs sont allés chercher ensuite aussi dans d’autres villes roumaines des équipes prêtes à continuer l’idée.



    Des incubateurs sont apparus à Iasi, Cluj, Timisoara et Brasov. Lavinia explique comment sont choisies les animateurs des ateliers: « A l’heure actuelle, il y a des gens qui nous disent vouloir ouvrir des incubateurs dans d’autres villes. Nous encourageons tous ceux qui ont l’énergie et l’enthousiasme de continuer l’idée chez eux. Nous souhaitons aussi que les auditeurs de votre radio à l’extérieur du pays qui s’intéressent à ce que nous faisons, nous appellent pour parler un peu de ce projet, afin de le peaufiner. Nous avons beaucoup d’ateliers dans différents domaines. Il s’agit en fait de six « guildes créatives » si vous voulez : nous avons les moniteurs de danse et de différents autres sports, puis il y a les créateurs qui fabriquent toute sorte d’accessoires et nous expliquent comment transformer les espaces, comment les rénover, et puis, il y a les hédonistes, c’est à dire ceux qui enseignent le massage et l’art culinaire… Les ateliers que nous abritons portent sur de nombreux domaines, à commencer par les techniques de développement personnel et d’improvisation… Ce sont eux qui frappent à notre porte ou nous écrivent des mails disant : voilà, je voudrais organiser un atelier sur la masculinité dans la danse, j’aimerais proposer un atelier sur la cafédomancie ou sur la théorie de l’amour. C’est à nous de les programmer. Chaque mois il y a une toute nouvelle série d’ateliers et chaque mois commence avec une présentation nocturne. »



    Alina Ciotârnel compte parmi les personnes venues à l’Incubateur pour apprendre des choses nouvelles. Après avoir participé à plusieurs ateliers, Alina a rejoint l’équipe et à l’heure actuelle elle fait partie des « porteurs » – c’est à dire qu’elle explique ce qu’est l’incubateur dans le cadre d’événements importants tels des festivals et des foires, et dans le monde des entreprises.



    Alina Ciotârnel explique aussi comment se déroulent les présentations nocturnes. « Il s’agit d’un événement culturel alternatif auquel participent environ 200 invités. Ces événements s’étendent sur 10 et même 13 heures, c’est à dire une nuit entière pendant laquelle nous avons un véritable marathon d’ateliers. Nous présentons le programme du mois suivant, les formateurs et les apprentis parlent de leurs ateliers. S’y ajoutent deux concerts par soirée ainsi que d’autres démarches consacrées à cette communauté. Rien qu’un exemple : un matin nous avons lancé des pigeons voyageurs, nous avons fait des bulles de savons géantes et nous avons pris le petit déjeuner dans la cour de l’incubateur. C’est l’événement où la communauté qui se trouve derrière ce projet est la plus visible. Même dans le cas d’un débutant, il est impossible de ne pas se sentir comme chez soi et d’y revenir. »



    Lavinia Cârcu explique quel est le but de cet incubateur ou tout le monde peut enseigner différentes choses à tout un chacun. « Nous souhaitons que les gens expérimentent, qu’ils soient généreux. Nous fonctionnons grâce à des dons et nous encourageons les participants à estimer eux mêmes la valeur de ce qu’ils reçoivent dans l’atelier. »



    Créer un monde meilleur, c’est ce que souhaitent faire les participants à ce projet, affirme aussi Alina Ciotârnel. Ecoutons-là : « Nous souhaitons que les parents, les adolescents et tous les autres se découvrent une passion et un nouveau mode de vie. Si, après avoir participé à une dizaine d’ateliers, une personne n’a pas encore trouvé sa passion, mais elle s’est bien amusée, notre objectif est déjà atteint. Découvrir que cette personne voulait danser depuis plusieurs années, mais qu’elle ne l’avait pas fait jusqu’ici et qu’elle prendra des cours de danse suite à notre atelier est aussi un gain immense. Nous souhaitons voir des gens sérieux et préoccupés par leurs problèmes quotidiens s’amuser, et je pense notamment à ceux qui travaillent dans des multinationales et qui sont arrivés à oublier une partie de leurs esprits. »



    L’incubateur est en train d’occuper des espaces dans d’autres capitales européennes. Pour plus de détails sur l’organisation d’un tel espace interactif, n’hésitez pas à consulter le site www.incubator107.ro.

    (trad. : Alex Diaconescu)