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  • L’explorateur Iuliu Popper

    L’explorateur Iuliu Popper

    Il s’éteindra à Buenos Aires en 1893, à seulement 35 ans, dans des circonstances pour le moins suspectes. Après avoir suivi des études universitaires en France, à l’Ecole polytechnique et à l’École nationale des ponts et chaussées de Paris, polyglotte avéré, maîtrisant 7 langues, Popper se laisse happer par l’appel du large. Son premier arrêt aura lieu en Egypte, où il obtient un poste de maintenance sur le chantier du canal de Suez, puis il visite tour à tour l’Inde, la Chine et le Japon, avant de rentrer pour une brève période en Roumanie, en 1881. Il n’y restera pas longtemps. Il partira par la suite en Asie, aux Etats-Unis, au Canada et jusqu’en Alaska, avant de descendre à Cuba et au Mexique, où il travaillera en tant qu’ingénieur, géographe, cartographe, et journaliste. En 1885, alors qu’il se trouve au Brésil, il apprend la découverte de la Terre de Feu. Il ne sera pas long à se rendre en Argentine, pour se lancer dans l’aventure de sa vie, l’exploration d’abord, l’exploitation minière ensuite, de la Terre de Feu. C’est en tant qu’employé d’une compagnie de prospections que Popper s’établit en Terre de Feu. Le rapport qu’il rédige à la suite de cette première mission de prospection s’avèrera suffisamment convaincant pour qu’il y soit à nouveau envoyé en 1886 pour approfondir ses recherches, accompagné cette fois d’un autre ingénieur et d’une équipe de spécialistes. Popper ne s’y était pas trompé : la Terre de Feu regorgeait de gisements d’or. Son équipe s’attelle dès lors à documenter la trouvaille, photos et preuves à l’appui. C’est en 1887, dans la baie de San Sébastien, qu’il érige les premières installations de traitement du minerai et les premières habitations pour les ouvriers censés y travailler. La colonie fondée par l’explorateur roumain connaîtra un essor rapide. Popper se dote d’une armée privée, pour le protéger des convoitises. Malheureusement pour lui, la compagnie qui l’embauchait fera faillite peu de temps après, et il se voit obligé de rentrer en Argentine en 1889.

    Le Centre d’études de l’histoire des Juifs de Roumanie avait récemment rendu hommage à la personnalité de Iuliu Popper, à travers une exposition que sa conservatrice, Anca Tudorancea, nous présente : « Voyez-vous, devant vos yeux s’étalent les images agrandies de l’album réalisé par Popper en 1886, lorsqu’il s’évertuait à mettre en évidence le potentiel d’exploitation que recelait la Terre de Feu. Il s’agit en fait du premier album photos jamais réalisé de la Terre de Feu, un véritable exploit scientifique, cartographique et géographique, que nous devons entièrement au travail de Popper. A côté de cela, vous trouverez le texte de la conférence qu’il avait tenue à l’Institut géographique d’Argentine. Aussi, avant sa mort prématurée, à seulement 35 ans, sachez qu’il était déjà parti à la conquête de l’Antarctique. À vrai dire, Iuliu Popper est le premier Roumain à avoir exploré les cinq continents. Et vous trouverez des noms aux sonorités roumaines dans l’Argentine d’aujourd’hui. Prenez Rio Carmen Sylva, Sierra Carmen Sylva, Urechea, Lahovary, Rosetti, tout cela c’est de lui. »

    En 1887, dans une lettre adressée à Vasile Alexandrescu Urechia, secrétaire de la Société géographique roumaine de l’époque, Popper se livre et nous fait découvrir par ces mots la joie profonde qui l’animait en explorant ces contrées vierges, situées à l’autre bout du monde: « Je ne vous raconterai pas les émotions que me font ressentir les péripéties et les incidents qui émaillent mes voyages, guidés par les seules aiguille magnétique de ma boussole et l’étoile du Nord ; les paysages grandioses qui s’ouvrent à l’improviste devant mes yeux ; les merveilles de l’orographie, les merveilles hydrologiques et géologiques ; la flore et la faune sauvages et tellement variées, que nul humain n’avait jamais rencontrées ; enfin, tous ces phénomènes naturels inattendus qui apparaissent au beau milieu d’un territoire jamais foulé jusqu’alors par un pied d’homme. » C’est bien d’ailleurs la personnalité d’exception de l’explorateur que la conservatrice de l’exposition, Anca Tudorancea, a voulu mettre en exergue : « Popper avait un caractère bien trempé, il était un homme de chair et d’os, une personnalité particulière, avec ses lumières et ses ombres. L’on se demande à quoi il pouvait ressembler physiquement. On le représente souvent avec des cheveux roux, mais je crois qu’il s’agit plutôt d’un stéréotype, lié à ses origines juives. Au fait, le mot espagnol « Rubio » se traduit par « blond ». Il nous a laissé des lettres merveilleuses en une langue espagnole très fouillée. Mais, chose plus remarquable encore, de ces lettres, qu’il avait adressées à la Société géographique roumaine et dont nous avons hérité, ressort son patriotisme profond. Il clame sans répit : « je suis roumain, je suis né et mourrai roumain ». L’ironie de l’histoire fait qu’il n’a jamais eu la nationalité roumaine. Il est né en Roumanie, mais au sein de la communauté juive, qui ne jouissait pas à l’époque de l’ensemble des droits civils. Mais c’est à Iuliu Popper que l’on doit ces noms roumains que l’on rencontre en Terre de Feu. Il l’avait fait comme marque d’estime à l’égard de la maison royale de Roumanie notamment, qui patronnait la Société nationale de géographie ».

    Quoi qu’il en soit, Iuliu Popper occupe à coup sûr une place particulière dans l’histoire de l’Argentine, et dans l’histoire des grandes découvertes géographiques. Sa vie inspira bon nombre de créateurs de littérature, de bandes dessinées et de film, alors que son nom fut adopté par une troupe rock chilienne contemporaine. C’est dire l’envergure de l’empreinte laissée par l’aventurier roumain d’origine juive sur le continent sud-américain. (Trad. Ionut Jugureanu)

  • Explorateurs roumains au bout du monde: Iulius Popper

    Explorateurs roumains au bout du monde: Iulius Popper

    L’explorateur-aventurier, le chercheur d’or et du paradis terrestre, auteur typique de récits de voyage, a été plutôt une rareté dans l’espace roumain. Des peu nombreux voyageurs roumains des 17e et 18e siècles, il nous reste à peine quelques notes. Envoyé par le tsar de Moscou, Alexeï Mikhaïlovitch, en Chine, entre 1675 et 1678, le connétable Nicolae Milescu a écrit une « Description de la Chine ».

    Au 19e siècle, des noms d’explorateurs roumains commencent à figurer dans les encyclopédies fournissant des informations sur les endroits moins connus du monde. Parmi eux se retrouve celui de Iulius Popper. Ingénieur, explorateur, cartographe, Iulius Popper est né à Bucarest en 1857. Il était le fils d’un antiquaire, libraire, journaliste qui a enseigné à la première école de la communauté juive de Bucarest. Le futur explorateur allait faire ses études primaires et secondaires à Bucarest et des études supérieures à Paris. En 1879 il obtient son diplôme d’ingénieur de l’Ecole Polytechnique. Il commence sa carrière comme employé de la Compagnie du Canal de Suez. Jusqu’en 1883 il entreprend des voyages en Orient et en Alaska. C’est ainsi que commençait l’histoire d’un homme téméraire qui allait faire parler de la Roumanie dans le monde.

    C’est Evelin Fonea, journaliste de la revue « Réalités juives » de Bucarest, qui nous conduit aujourd’hui sur les traces de l’explorateur et aventurier Iulius Popper : « En 1967, lors du 150e anniversaire de l’indépendance de l’Argentine, Iulius Popper figurait parmi les personnalités honorées pour avoir contribué à la fondation de l’Etat argentin. Il a été un des pionniers ayant colonisé la Terre de Feu. Téméraire et toujours poussé par le démon de l’aventure, Iulius Popper allait parcourir Constantinople, l’Inde, la Chine et le Japon. Il se dirigea ensuite vers de nouveaux horizons : Suez, la Sibérie, l’Amérique du Nord, pour arriver, après quelques petits arrêts, au Mexique, où il a réalisé la meilleure carte du pays et rédigé le Journal des forestiers. Du Mexique, il porta ses pas vers le Brésil. En 1885, on le retrouve en Argentine, devenue sa seconde patrie. Il allait explorer ensuite le sud de la Patagonie, en quête de gisements aurifères, convainquant le gouvernement argentin de lui accorder son appui. Les résultats de la première expédition dirigée par Popper ont été insatisfaisants. Une deuxième expédition, beaucoup mieux préparée, lui suivit, qui apporta les résultats souhaités ».

    Popper allait s’établir à la Terre de Feu, où il commence une mission de colonisation. En Terre de Feu, Popper a jeté les bases de plusieurs exploitations aurifères, il a fondé des habitats et construit une ligne de navigation maritime entre El Paramo et Buenos Aires. Il a également construit une voie ferrée à écartement réduit. Son timbre de circulation locale datant de 1891 est devenu une des raretés philatéliques actuelles. Durant sa quête de l’or à El Paramo, Popper a inventé un engin pour décanter l’or de l’eau de mer. Son invention a été brevetée et utilisée dans plusieurs pays d’Amérique du Sud et d’Afrique du Sud. Les résultats de ses recherches se sont matérialisés en articles, études, cartes, brochures, livres… « La Grande encyclopédie » parue à la fin du 19e siècle le mentionne parmi les explorateurs les plus importants de l’époque.

    Evelin Fonea ajoute des détails sur les expéditions de Popper : « En septembre 1886, Popper part enfin, avec deux petits navires – « Madona del Carmine » et « Maria Luiza » dans l’expédition dont il avait si longtemps rêvé, affrontant de nombreux dangers. En 1888 a lieu une deuxième expédition, cette fois-ci couronnée de succès. Il transforma la colonie d’El Paramo en une petite ville dont il devint le gouverneur. Il s’est occupé de l’organisation la ville, il a construit des ponts et des chaussées, il a créé une instance judiciaire, une milice, il a frappé de la monnaie en or et imprimé un timbre à son effigie. La nostalgie de son pays natal a valu à sa seconde patrie des noms de rivières et de plaines telles : Punta Sinaia, Monte Lahovary, Rio Rosetti, Rio Ureche, des toponymes comme Valea Iaşilor, Parcul Broşteni. Il est intéressant de noter que des paysans roumains ont figuré parmi les colonisateurs et que leurs descendants se désignaient eux-mêmes comme « hijos de rumanos ».

    Malgré les distances énormes qui se séparaient de son pays et de la très grande période de temps qu’il a passée au Nouveau Monde, Iulius Popper est resté sans cesse en contact avec la Roumanie. Il a entretenu des relations étroites notamment avec l’historien, écrivain et membre de l’Académie roumaine V.A. Urechia, qui soutenait la science roumaine.

    Evelin Fonea explique : « En 1887, Iulius Popper est nommé membre correspondant de la Société roumaine de géographie. C’est là que, grâce à V.A. Urechia, à l’époque ministre de l’Instruction publique, les communications scientifiques réalisées par Popper dans ces terres lointaines furent réunies. Popper offrit à Urechia un album relié en peau de phoque et en velours rouge et une plaque portant l’inscription « Tierra del Fuego » faite de l’or trouvé sur la plage de Punta Sinaia. »

    Le 7 juin 1893, Iulius Popper, âgé de 36 ans seulement, a été trouvé mort dans sa chambre de Buenos Aires, la cause du décès étant apparemment une attaque cardiaque. Il a été enterré dans une fosse commune appartenant à la municipalité de la capitale argentine. Sa personnalité et ses voyages ont inspiré les écrivains, dont Radu Tudoran. Son roman «Toate pânzele sus », porté à l’écran en 1970, compte parmi les plus populaires. En 2001, à l’occasion du 125e anniversaire de la Société géographique roumaine, les conférences de Popper ont été publiées dans le volume « Voyages extraordinaires », qui réunit de nombreux autres noms de la recherche géographique roumaine. (Trad. : Dominique)