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  • Opinions et attitudes religieuses

    Opinions et attitudes religieuses

    Bien que 67% des Roumains estiment que « l’on doit décourager l’homosexualité », seuls 27% jugent nécessaire le référendum sur la définition du mariage comme l’union entre un homme et une femme. Ces sont les résultats d’un récent sondage sur les attitudes religieuses des Roumains, réalisé par la fondation Friedrich Ebert Roumanie, par l’intermédiaire du projet « La surveillance sociale », à une période où la coalition au pouvoir à Bucarest annonçait son intention d’organiser un référendum, afin de donner cours à la pétition par laquelle 3 millions de personnes exigeaient la modification de la Constitution roumaine. Les signataires de la pétition souhaitent qu’une précision y soit introduite, à savoir que la famille est fondée par le mariage librement consenti entre un homme et une femme, et pas entre les époux, tout court, comme stipulé actuellement dans la loi fondamentale.

    La demande a été formulée par un rassemblement associatif intitulé « La Coalition pour la Famille ». Celle-ci réunit plusieurs ONGs qui militent pour la famille traditionnelle hétérosexuelle, reposant selon eux, entre autres, sur des principes chrétiens. La plupart des Roumains s’estiment religieux, fait confirmé d’ailleurs par de nombreuses études sociologiques. Le sondage réalisé par « La surveillance sociale » met néanmoins en évidence certaines non-concordances ou failles dans cette option – apparemment ferme – des Roumains pour une vie religieuse.

    Victoria Stoiciu, représentante de la fondation Friedrich Ebert : « Lors du dernier recensement de la population, 99,6% des Roumains déclaraient leur appartenance à une religion. Pourtant, 44% seulement d’entre eux affirment prier quotidiennement et 21% vont à l’église chaque semaine. On constate tout de suite une non-concordance. La quasi-totalité des Roumains se déclarent religieux, mais ceux qui pratiquent leur religion semblent beaucoup moins nombreux. »

    L’anthropologue Vintilă Mihăilescu juge correctes les données publiées par « La surveillance sociale », qui fait d’ailleurs une synthèse de plusieurs recherches crédibles menées par des institutions sociologiques prestigieuses, y ajoutant des chiffres fournis par le recensement de la population de 2011. En matière de religion, donc, la quasi-totalité des Roumains se déclarent croyants, pourtant la moitié seulement prient quotidiennement et un quart d’entre eux vont à l’église une fois par semaine. Pourtant, si l’on veut analyser cette contradiction, on doit quand même nuancer son jugement.

    Vintilă Mihăilescu : « Cette contradiction n’est pas du genre : vous dites une chose et vous en faites une autre. Il faut comprendre que les pratiques orthodoxes sont éventuellement moins institutionnalisées par rapport à celles d’autres cultes. La relation directe avec Dieu, chez soi, par la prière, est, elle aussi, une façon de pratiquer la religion. Cette contradiction, mise en évidence par les chiffres, ne s’explique pas nécessairement par l’hypocrisie des gens, comme on l’a souvent affirmé. Cela ne veut pas dire : « Je me déclare croyant, mais je n’ai pas de temps pour ces bêtises-là ». Souvent, des communautés religieuses ont leurs propres coutumes, souvent préchrétiennes, voire magiques. Ces pratiques, pas du tout canoniques, sont acceptées par certains prêtres, car c’est pour eux une façon de prendre soin de leurs ouailles. »

    D’ailleurs, la statistique publiée par « La surveillance sociale » confirme le fait que les coutumes religieuses de certaines communautés sont un élément de cohésion plutôt qu’une expression de la foi de leurs membres.

    Victoria Stoiciu : « Ce qui peut sembler paradoxal aussi, c’est que 99,6% des personnes interrogées déclarent leur appartenance à une religion, pourtant 95% seulement affirment croire en Dieu. La différence de 5% n’est pas énorme, mais on ne saurait l’ignorer. Elle s’explique par l’appartenance à une tradition et à une communauté culturelle. Par exemple, le fait d’être né de parents chrétiens orthodoxes, d’avoir été baptisé, de s’être marié à l’église, marque l’appartenance à une religion, mais cela ne signifie pas nécessairement que la personne en question croit en Dieu. Appartenir à cette communauté plutôt culturelle ne veut pas dire que la personne se sent obligée de respecter les pratiques religieuses courantes de celle-ci : aller à l’église, prier etc. Les principaux rituels, soit les rites de passage – baptême, mariage, enterrement – sont respectés ».

    Les données montrent un faible soutien (27% seulement des répondants) au référendum visant à redéfinir la famille comme étant fondée exclusivement sur l’union de deux personnes de sexe différent, alors que 67% des Roumains estiment que la société doit décourager l’homosexualité. L’on y a vu une autre non-concordance entre les principes et la pratique.

    De l’avis de Vintilă Mihăilescu, ces données indiquent pourtant aussi une certaine tolérance : « Pour un croyant, un chrétien ou un homme de l’église, estimer que l’on doit décourager l’homosexualité est tout à fait normal. Il ne s’agit pas de savoir si cette attitude est bonne ou mauvaise, j’affirme seulement que cette attitude correspond à ce que certains comprennent par « être un bon chrétien ». Un tout autre élément fait pourtant la surprise, à savoir que deux tiers des Roumains semblent dire : ce phénomène ne doit pas être encouragé, mais cela ne signifie pas persécution, cela ne signifie pas qu’il faut modifier la Constitution ou les lois. En d’autres termes, l’homosexualité ne doit pas être encouragée, mais elle ne doit pas non plus être sanctionnée. Et cela suppose une plus grande sagesse que je ne m’y attendais. »

    Pourtant, un autre aspect se fait jour également, qui est peut-être encore plus révélateur de l’état d’esprit de la société en ce moment : pour 79% des Roumains, la foi est liée à la moralité ; ils estiment qu’il faut croire en Dieu pour être moral et adopter des valeurs correctes.

    Vintilă Mihăilescu : « C’est symptomatique, car dans l’esprit des gens, ce lien devient de plus en plus fort, alors que la société devient de plus en plus imprévisible, étant perçue comme immorale et régie par des normes peu rigoureuses. L’église demeure, la seule chance et le seul fondement face à un risque majeur d’immoralité. On assiste donc à un retour à la religion, l’église étant la seule institution qui puisse garantir la moralité. Et cela ne veut pas dire seulement que la société est très liée à l’église. Cela prouve que les gens doutent du caractère moral de la société. Nous percevons notre société comme profondément immorale ou à fort risque d’immoralité, et dans ce cas, l’église demeure notre seul refuge. » (Trad. : Dominique)

  • Le Pasteur Richard Wurmbrand

    Le Pasteur Richard Wurmbrand

    Le Pasteur Luthérien Richard Wurmbrand a été un des grands noms du monde chrétien. Né en 1909, le 24 mars, dans une famille Juive de Bucarest, il s’est converti au christianisme et il a lutté pour que la vérité des Evangiles rayonne dans le monde. Il a détesté le communisme, mais finalement il a sincèrement aimé les communistes. Il a été un être humain avec une personnalité forte qui a marqué le monde chrétien contemporain par le biais de ses livres.

    Davantage sur Richard Wurmbrand avec le pasteur Ioan Panican, président du forum civique chrétien :« Doté d’une intelligence exceptionnelle et d’une très bonne mémoire, le pasteur Richard Wurmbrand a lu avant l’âge de 16 ans presque tous les 3 mille volumes qui se trouvaient dans la bibliothèque familiale. Dès son adolescence, il a adhéré au mouvement de justice sociale, selon l’exemple de nombre d’intellectuels de l’époque pour devenir un militant anarchiste jusqu’à l’âge de 27 ans, lorsqu’il s’est converti au christianisme. Dès lors il a dédié toute sa vie au service de Jésus Christ et des Hommes. Il est devenu pasteur à l’église luthérienne de Bucarest, puis il est entré en conflit avec le régime communiste. Arrêté et condamné à 25 ans de prison ferme pour des activités contre l’Etat roumain, il a purgé 14 ans de prison dans plusieurs centres de détention communistes de Roumanie. »

    En 1964, Richard Wurmbrand a été libéré de sa prison suite à une amnistie générale proclamée par les autorités communistes. En 1965, il quitta la Roumanie, chose possible grâce à la contribution financière d’une mission chrétienne de Norvège. En effet, c’était une pratique assez commune pour les autorités communistes de permettre à certaines minorités, tels les Saxons et les Juifs d’émigrer uniquement en payant une sorte de taxe aux autorités communistes. Il est finalement arrivé aux Etats-Unis, où on a profité de toute occasion pour informer l’Occident de ce qui se passait en Roumanie et comment il a été torturé durant sa détention dans les prisons roumaines. Ioan Panican : « Sa déposition, pendant trois ans a été le document le mieux vendu de l’administration américaine. Il s’est vendu en plus de 3 millions d’exemplaires et c’est pourquoi les Etats-Unis et le monde entier ont découvert les horreurs du régime communiste.

    Le « Times » décrivait le pasteur Wurmbrand comme un Roumain gigantesque, alors que selon « The Guardian » Richard Wurmbrand avait réussi à changer pour toujours la perception de l’Occident sur le communisme. Une année plus tard, après avoir été invité à participer à des émissions à la radio et à la télévision et à raconter ses expériences dans des églises, des universités et même dans des bases militaires, il a fondé la Mission chrétienne « La voix des martyrs », qui est devenue une mission mondiale avec des filiales dans une cinquantaine de pays. La mission s’est occupée des chrétiens persécutés dans les pays communistes et plus tard des pays musulmans ». Richard Wurmbrand a écrit plusieurs livres sur la foi et sur les atrocités du communisme. Après 1989 il est rentré en Roumanie pour déposer des fleurs aux tombes de ses tortionnaires, raconte le pasteur Ioan Panican : « Il a écrit une vingtaine de livres très importants, qui ont été traduits en plus de 80 langues. Il est l’auteur roumain le plus traduit de tous les temps. Selon le fils du pasteur, qui habite en Californie, il y a encore 180 mille pages qui n’ont toujours pas été publiées. 7 personnes ont travaillé pendant plusieurs jours pour mettre en ordre ces 180 mille pages. En Angleterre, un très apprécié historien de l’église chrétienne, Geoffrey Hanks, a écrit le livre « 70 grands chrétiens qui ont changé le visage du monde ». Parmi ces 70 grands hommes, série qui commence par les Saints apôtres Pierre et Paul, en passant par Saint Augustin et d’autres grands enseignants, au 20e siècle on retrouve aussi le nom du pasteur Richard Wurmbrand.

    En 2006, au concours « Grands Roumains », organisé par la télévision publique, le pasteur Wurmbrand a été voté parmi les dix premières personnalités roumaines à avoir vécu en Roumanie. Surnommé l’apôtre Paul du 20e siècle ou le martyre vivant derrière le rideau de fer. Après 25 ans d’exile forcé, entre 1965 et 1990 il est revenu en Roumanie et après avoir baisé le sol roumain, il s’est rendu au cimetière et déposé une fleur sur la tombe du colonel qui a mené l’enquête contre lui et qui l’a finalement jeté en prison. Il a également déposé une fleur à la tombe du dictateur communiste roumain Nicolae Ceausescu. Des communistes et du communisme il disait : « J’aime les communistes, ils sont la création des mains de Dieu et ils ont besoin de salut. Mais je déteste le communisme qui est le souffle de la mort sur la religion. »

    Richard Wurmbrand est décédé le 17 février 2001 à l’âge de 91 ans des suites d’une maladie contractée durant ses années de détention.

  • 16.08.2015

    16.08.2015

    Sécheresse — Les fermiers roumains peuvent recevoir des aides pour compenser les pertes produites par la sécheresse de cet été du fonds de solidarité de l’Union européenne. A cet effet, le gouvernement de Bucarest doit présenter à la Commission européenne des données relatives aux conséquences de cette période prolongée sans précipitations — a déclaré la commissaire à la Politique régionale, Corina Creţu. Le chef de l’exécutif de Bucarest, Victor Ponta, a annoncé que le gouvernement s’apprêtait à accorder des dédommagements aux fermiers pour les cultures détruites par la sécheresse. Les agriculteurs soutiennent que des centaines de milliers d’ha de presque toutes les régions du pays ont été affectées par l’absence de précipitations et que le manque à gagner s’élèverait à plus de 2 milliards d’euros. Les températures vont jusqu’à 38° et l’inconfort thermique est sévère. Une vigilance jaune est en vigueur dans l’ouest, le sud et le centre du pays, y compris à Bucarest, où nous avons 33°. Des restrictions de tonnage sont en place dans certains comtés. A partir de demain, les températures commenceront à baisser légèrement, et des pluies sont attendues sur la majorité des régions.



    Diaspora — Les représentants des communautés roumaines vivant autour des frontières de la Roumanie, dans les comtés du centre du pays – Harghita, Covasna et Mureş — habitées majoritairement par des ethniques magyars, ainsi que les représentants de la diaspora demandent fermement le soutien de Bucarest pour préserver leur identité nationale. Cette requête figure dans une résolution adoptée samedi, à la fin de l’Université d’été dIzvorul Mureşului (centre du pays). Ce document sera remis à la Présidence, au Parlement et au Gouvernement de la Roumanie. Parmi les demandes les plus importantes figurent la création dun ministère à part entière ciblé sur la diaspora roumaine ; le lancement du Conseil consultatif des Roumains du monde, formé des représentants actifs des associations roumaines des régions autour des frontières, des Balkans et d’Occident ; enfin, ils ont également appelé les autorités de Bucarest à simplifier le recouvrement de la nationalité roumaine. LUniversité dété dIzvorul Mureşului a eu lieu du 10 au 15 août.



    Sondage — La plupart des Roumains (96%) croient en Dieu, 86% considèrent que l’Eglise offre des réponses pour les besoins spirituels des gens, 69% prient tous les jours et plus de la moitié vont se confesser — indique une étude de l’Institut roumain pour l’évaluation et la stratégie. La participation à des événements religieux est également importante: 45% des sujets questionnés prennent part, au moins une fois par mois, à des services divins ou autres événements religieux. Plus d’un quart des personnes interrogées (26%) affirment avoir été en pèlerinage au moins une fois dans leur vie. Le changement de religion est un phénomène isolé en Roumanie; seules 4 personnes sur 100 déclarent avoir changé de religion. L’étude a été réalisée les 13-14 août sur un échantillon de 1.001 individus de 18 ans et plus, représentatif au niveau national. La marge d’erreur est de 3,1%.



    Fête — Les orthodoxes roumains, majoritaires, célèbrent ce dimanche les Saints Brancovan, martyrs au XVIIIe pour leur foi. Constantin Brancovan, prince régnant de Valachie entre 1688 et 1714, est mort à Istanbul, parce qu’il n’a pas voulu abjurer sa foi et se convertir à l’islam. Il a été tué avec ses quatre fils. Intéressé par l’art et la culture, Constantin Brancovan a fondé plusieurs églises et monastères, dans un style architectural qui porte son nom. Le prince, sanctifié en 1992, gît dans une église du centre de Bucarest.



    Boxe — Le pugiliste roumain Lucian Bute a vaincu, la nuit dernière, par KO technique, l’Italien Andrea Di Luisa, champion d’Europe des super-moyens, dans un gala qui a eu lieu eu Centre Bell de Montréal. Ancien champion du monde, Lucian Bute est entré dans le ring après une pause de 19 mois. Cette victoire lui donne la chance de lutter de nouveau, dans le prochain match, pour conquérir le titre mondial. Le Roumain a perdu la ceinture de champion du monde des super-moyens (version IBF) en mai 2012, devant l’Anglais Carl Froch (qui s’est retiré entre temps). A Montréal, Lucian Bute, 35 ans, a connu la 32e victoire de sa carrière et la 25e avant la limite, contre seulement deux défaites.



    Tennis — La Roumaine Simona Halep, n° 3 mondiale et deuxième favorite du tournoi WTA de Toronto, rencontre aujourd’hui, en finale du tournoi canadien doté de prix de 2,5 millions de dollars, la Suissesse Belinda Bencic. Halep a dépassé hier, dans les demi-finales, l’Italienne Sara Errani, tête de série n° 15, par 6-4, 6-4. La qualification dans la finale a assuré à la Roumaine un chèque de presque 230.000 $ et 585 points WTA. Simona Halep disputera, ainsi, sa 4e finale dans le circuit WTA depuis le début de l’année, après celles qu’elle a gagnées à Shenzhen (Chine), Dubaï et à Indian Wells, tous sur surfaces dures, comme celui de Toronto. Son adversaire du jour, Belinda Bencic, 18 ans, 20e au classement WTA, a réussi, hier, dans les demi-finales, une victoire qui a fait sensation devant la championne des Etats Unis, Serena Williams.



  • Le portrait du pèlerin 2013

    Le portrait du pèlerin 2013

    Chaque année, à la mi-octobre, des centaines de milliers de personnes se dirigent vers la ville de Iaşi, pour le fête de Sainte Parascève, ensuite, le 26 octobre, vers Bucarest, pour la Saint Démètre. D’autres lieux s’ouvrent aux pèlerins tout au long de l’année : Nicula, dans le comté de Cluj, pour la Sainte Marie, Prislop, dans le département de Hunedoara, fin novembre et les monastères de Bucovine, tous les jours de l’année.



    Les télévisions ne ratent pas le sujet et d’un endroit à l’autre et d’une année à l’autre, les nouvelles se ressemblent : foules, plats traditionnels, espoirs, un peu d’hypocrisie, petits miracles et thé chaud, gendarmes et personnes venues de tous les coins du pays.


    Qu’est-ce qui pousse tous ces gens-là à se diriger vers les églises et les monastères ? Pourquoi s’empressent-ils autour des châsses contenant les reliques des saints ? Pourquoi les Roumains font-ils des pèlerinages ?



    Voilà quelques questions auxquelles le chercheur Mirel Bănică tâche de réponde depuis plusieurs années : « D’habitude, le pèlerin est une femme de plus de 60 ans, le plus souvent elle est retraitée, et sa situation financière est modeste. Ses enfants sont partis, souvent le mari est décédé. Elle vit seule et de temps en temps, elle part en pèlerinage avec un groupe de voisines ou d’amies. Le plus souvent, elle prend l’autobus ou le minibus, c’est pourquoi, je les appelle, non sans une certaine malice, « pèlerins d’autocar ». Le pèlerin traditionnel, rural est bien mort. C’est que les villages sont vieillis, dépeuplés, touchés par la migration. La belle pèlerine qui se rendait en charrette dans un lieu saint, avec ses enfants, avec ses frères et ses sœurs, pour la fête patronale d’un monastère, par exemple, est en voie de disparition. Une nouvelle couche de pèlerins est en train de se former, provenant notamment des villes mono-industrielles».



    De longues filles d’attentes se forment devant les églises ou les monastères et pour arriver devant une châsse abritant les reliques d’un saint, les pèlerins doivent y passer entre 3 et 28 heures. Cette attente — affirme le chercheur — est une composante importante du pèlerinage orthodoxe, qui, à la différence du pèlerinage catholique, s’étend plutôt dans le temps que dans l’espace. Dans les files d’attente, les gens se serrent les uns contre les autres, plaisantent, rient, prient, partagent leur nourriture. Ils s’ouvrent aux autres, ouvrent leurs cœurs, racontent leurs petits drames et ce qui les amène en pèlerinage.



    Vu de l’extérieur, ce serpent fait de corps humains et qui se plie pour suivre le couloir délimité par les clôtures environnantes peut sembler comique — estime Mirel Bănică : « A la regarder de loin, une file d’attente devant une église ou un monastère semble comique, on pleure de rire. Quand on se rapproche et on l’intègre, devant tous ces drames intérieurs, toutes ces destinées, toutes les histoires de la vie de ces gens, on pleure, tout court. Et ces drames, ce sont les drames de la Roumanie d’aujourd’hui : des gens qui cherchent le sens de leur existence, des gens ayant dépassé la soixantaine et qui ont vécu les années du communisme et qui ne savent plus où le classer sur le plan des idées et des valeurs. Nous y décelons une Roumanie déchirée par la migration, pauvre, malade… Pourtant, surprise ! Dans ses enfilades on retrouve aussi des jeunes travaillant dans de grandes compagnies ou qui gagnent très bien leur vie. Pour eux, le pèlerinage est soit un exercice de développement personnel, soit une occasion de vaincre leur peur de la fatigue ou du froid…



    Les raisons pour lesquelles les gens font un pèlerinage sont très diverses. La plus importante est de nature taumaturgique, ils cherchent la guérison. Ils sont malades et ne vous imaginez pas qu’ils n’ont pas suivi un traitement médical, la plupart ont eu recours à la médecine classique. Il y a ensuite des personnes qui viennent prier pour leurs proches ou pour eux-mêmes. Pour les personnes âgées, c’est une forme de socialisation : ils chantent, ils se détendent, ils s’amusent — nous ne devons pas avoir honte de ce mot. L’Eglise a une tendance à spiritualiser au maximum le pèlerinage. Eh non ! Les pèlerins sont des gens normaux, ils ne sont pas des fondamentalistes à longue barbe, ni des saints qui battent de leurs ailes. Non, ce sont des gens comme vous et moi, qui font ce voyage ensemble, ils prient, ils lisent, ils mangent. Et ce sont là des formes de socialisation qui augmentent la qualité de leur vie.



    Imaginez à quoi peut ressembler l’existence d’une personne seule, retraitée, vivant seule au 8e étage d’un immeuble dans un quartier pas du tout huppé de Bucarest. Ce sont des gens qui viennent par curiosité, ils viennent une fois, ça leur plaît et ils viennent une deuxième fois. C’est que les pèlerinages, ça crée une dépendance.



    Qu’est-ce qui crée, en fait, cette dépendance ? Si vous êtes jamais allé à un concert sur un stade, vous saurez avec précision quel est le principal ingrédient : l’émotion. Une émotion sacrée, cette fois-ci — explique Mirel Bănică : « C’est l’état de bien-être — à valeur thérapeutique — du sacré. On ne peut pas le décrire par des mots, il faut le vivre. Les gens se sentent libres, affranchis de toute barrière, de toute entrave et expriment sans contrainte leurs sentiments. L’émotion remplit l’espace et cette charge émotionnelle intense lie les gens. Vous ne pouvez pas imaginer ce que l’on peut ressentir quand on entend 80 mille personnes chanter « A Nicula en haut de la colline » à minuit, des cierges allumés dans leurs mains. C’est une émotion sacrée que l’on ne ressent dans aucune autre assemblée de ce genre. »



    Il n’est pas facile de rester debout des heures entières, très proche de « son prochain ». C’est peut-être justement la fatigue physique ou peut-être l’adrénaline qui s’accumule dans l’organisme qui font que les pèlerins ne ressentent pas le poids du temps. Et lorsqu’ils se trouvent, enfin, près de la châsse, l’émotion balaie, tout simplement, la réalité environnante : « On ne peut jamais rien obtenir sans donner quelque chose en échange. Et ceux qui font la queue savent que cette brève souffrance physique est une sorte d’offrande symbolique faite à une divinité qu’ils ne peuvent pas voir, ne peuvent pas sentir, mais à laquelle ils croient. S’ils vous arrive de parler à ces personnes, vous constatez qu’elles ne se rappellent pas très bien ce qui se passe durant ces secondes devant la châsse… soit ils sont très fatigués, soit le passage devant la châsse entraîne une décharge émotionnelle : ils pleurent, certains de tristesse, d’autres de joie ou de fatigue. Ils mettent du temps à retrouver leurs esprits, en sortant de là. »



    Et pourtant, chaque année, ils recommencent. Nous avons demandé à notre interlocuteur, Mirel Bănică, de résumer en quelques mots le phénomène du pèlerinage, qu’il considère comme essentiel pour comprendre la société dans son ensemble : « C’est la réponse d’une partie significative de la société roumaine aux changements si rapides qui ont eu lieu après 1989. Le pèlerinage prouve que grand nombre de nos concitoyens tentent de donner un sens à leur vie. Il crée un sens au cœur d’un monde qu’ils ne comprennent plus, où il ne réussissent plus à s’intégrer et dont ils sont mécontents. Nous ne savons pas comment cette forme de spiritualité va évoluer, elle connaîtra peut-être ses périodes de grandeur et de décadence. »



    Le week-end dernier, le parfum du pèlerinage a flotté de nouveau sur la colline de l’Eglise métropolitaine à Bucarest: basilic, fatigue, sueur, parfum bon marché, chants, nuit, obscurité, gendarmes, barrières, plats traditionnels succulents, médias, réflecteurs, avenir, communisme, nostalgie et, de nouveau, avenir… (trad. : Dominique)