Tag: formation professionnelle

  • L’Entrepreneuriat social en Roumanie

    L’Entrepreneuriat social en Roumanie

    D’habitude, quand on entend parler d’entrepreneuriat
    ou d’une nouvelle affaire, on pense surtout à une activité à but lucratif. Ces
    dernières années pourtant, un autre type d’entrepreneuriat a fait son
    apparition, orienté, cette fois-ci, vers la société, vers les gens. Une
    nouvelle entreprise est créée pour offrir une formation professionnelle et des
    emplois à des personnes défavorisées.

    C’est ce que fait l’Atelier
    « Merci », un atelier social de tailleur qui vient en aide à de telles
    personnes, en leur offrant un emploi. Il utilise entièrement son profit pour
    soutenir des causes humanitaires, assurant aussi le recyclage de textiles
    provenant de dons. Daniela Staicu, est une des entrepreneuses qui ont ouvert ce
    « magasin de bonnes actions » – comme elles l’ont baptisé. En 2018 – 2019, elle a bénéficié d’une bourse
    Fulbright aux Etats-Unis, à l’Université d’Etat de Pennsylvanie. A cette
    occasion, Daniela Staicu a approfondi le sujet de sa thèse de doctorat,
    consacrée à l’entrepreneuriat social dans le domaine du textile. C’est la
    personne avisée qui nous parle aujourd’hui de ce type d’entrepreneuriat social
    et de son développement en Roumanie: « Petit à petit, de
    telles initiatives ont commencé à se développer en Roumanie aussi, plus
    nombreuses à Bucarest, mais aussi à Iași et à Cluj. Malheureusement, la
    législation dans ce domaine ne favorise nullement les entreprises sociales.
    Leur but est de créer des emplois pour certaines catégories de personnes – par
    exemple pour des femmes qui entretiennent toutes seules leur famille. Il s’agit
    de personnes sans qualification et qui n’ont jamais eu d’emploi. Ces personnes
    doivent être formées, elles doivent s’habituer à venir travailler quotidiennement.
    En même temps, une telle entreprise entre en compétition avec d’autres affaires,
    déployant une activité similaire sur le marché. Il est quasiment impossible de
    faire du bien aux autres et de mener, en même temps, une affaire profitable.
    L’Allemagne et l’Italie, par exemple, ont une législation spéciale pour
    permettre le fonctionnement des affaires sociales justement parce qu’au début,
    ces entreprises peuvent être confrontées à des problèmes de performance financière.
    C’est pourquoi, ce genre d’affaires ont besoin de certaines facilités, du point
    de vue fiscal aussi, pour qu’elles puissent continuer leur activité, se
    développer et avoir par la suite un impact social de plus en plus grand. »



    Quelle sorte d’entreprises sociales ont fait
    leur apparition en Roumanie ces dernières années ? Dans le domaine du
    recyclage, il y a un atelier social à Bucarest, où des personnes défavorisées
    sont embauchées pour recycler les bannières publicitaires et en faire des cabas,
    des sacs à main et des porte-monnaies. C’est toujours par l’entrepreneuriat
    social qu’a été créée une boulangerie où des mères seules, aux revenus
    précaires, font du pain artisanal. Pour ces entreprises, le gain est en fait la
    chance accordée à des personnes en difficulté de mener une vie décente ou de
    changer de cap et de suivre une meilleure voie dans la vie. C’est le cas de
    l’Atelier « Merci », où travaille aussi Daniela Staicu: :
    « En ce moment, notre
    atelier reçoit des dons des chemises dont nous faisons par la suite des sacs en
    toile pour femme que nous vendons en ligne. C’est le genre de recyclage que
    nous faisons : nous donnons une autre destination à un produit déjà
    existant. Le recyclage peut être fait de nombreuses façons, mais il est également
    nécessaire d’éduquer le consommateur, pour qu’il se tourne aussi vers ce genre
    de produits. »


    Par l’éducation, le consommateur accepte l’idée
    de créer de nouveaux produits à partir de produits déjà utilisés et comprend
    que l’on économise ainsi des ressources matérielles, ce qui est bénéfique pour
    l’environnement. Il comprend aussi, qu’en achetant un tel produit, il aide
    quelqu’un dans le besoin, explique Daniela Staicu: « Pour l’instant nous
    avons embauché une seule personne et nous en embaucherons une deuxième bientôt.
    Notre atelier est social non seulement parce que nous faisons du recyclage,
    mais aussi parce que nous embauchons des personnes appartenant aux catégories
    défavorisées, qui ont eu une situation difficile: soit elles ont eu un problème
    de santé et n’ont pas pu travailler, soit elles n’ont pas de qualification.
    Nous faisons des efforts pour créer plus d’emplois nécessaires au développement
    de l’atelier, mais aussi pour offrir une opportunité à ceux qui souhaitent y
    travailler. La composante sociale se reflète aussi bien dans l’activité de
    recyclage, dans la création d’emplois destinés aux personnes défavorisées, que
    dans le fait que le profit obtenu est destiné au cabinet dentaire mobile et aux
    autres actions que nous déroulons sur le terrain. »
    Le cabinet dentaire mobile est en fait une
    camionnette équipée de tous les instruments nécessaires, qui se rend dans les
    zones rurales défavorisées pour faire de la prévention et pour offrir des
    traitements dentaires aux enfants qui n’ont pas d’accès à ce genre de services
    de santé.

    En tant que boursière Fulbright et en raison de son implication dans
    la promotion de l’entrepreneuriat social, Daniela Staicu a été invitée au
    lancement d’un programme global de soutien aux entrepreneuses des pays
    émergents. L’initiative W-GDP est un
    programme géré par Ivanka Trump, la fille du président des Etats-Unis, raconte Daniela Staicu: « Cela m’a fait beaucoup de plaisir de voir
    s’asseoir autour de la même table des compagnies américaines qui promettaient de
    soutenir ce programme destinés aux femmes des pays émergents par différents
    services et produits. On peut donc parler, au niveau public et privé, d’une
    entente visant à encourager l’entrepreneuriat social et à le soutenir par
    différents mécanismes. C’est un partenariat public-privé qui a prouvé son efficacité.
    Si ce modèle est viable, nous devons l’analyser et voir dans quelle mesure il
    peut être appliqué en Roumanie. Aux Etats-Unis, le gouvernement a convaincu des
    compagnies privées à offrir des promotions et des services aux futures entreprises
    sociales parce qu’il a compris qu’elles sont plus difficiles à lancer et à
    développer que les entreprises exclusivement commerciales. Pour produire le
    bien, il faut faire des sacrifices, du moins au début. »
    – a conclu
    notre interlocutrice. ( Trad. : Dominique)

  • « 100 cœurs pour 100 enfants »

    « 100 cœurs pour 100 enfants »

    Intitulé « 100 cœurs pour 100 enfants », le projet contribue activement à sauver des vies.Dans les minutes suivantes, Cristian Grasu du ministère roumain de la Santé parle de la collaboration entre les institutions publiques et européennes afin de faciliter la mise en œuvre des projets dans le domaine sanitaire : « On déploie des efforts considérables, on cherche partout du soutien et du financement et la Commission européenne nous aide à chaque fois, je dirais même plus qu’elle ne le faisait lors du précédent exercice budgétaire. Le projet « 100 cœurs pour 100 enfants » prouve que la Roumanie peut elle aussi mettre à profit l’argent européen. D’ailleurs, ce projet n’est pas l’unique exemple en ce sens. Je pourrais vous parler d’autres initiatives aussi – certaines ayant reçu des fonds européens, d’autres fondées sur le bénévolat, mais toutes censées déboucher sur le même résultat final : sauver des vies et guérir des malades. A l’heure où l’on parle, le faible niveau d’investissements dans les infrastructures rend les Roumains mécontents du niveau qualitatif et quantitatif des services de soins qu’ils se voient offrir. Nous avons un manque sérieux d’infrastructure et il suffit de penser au fait que le dernier hôpital public construit par la Roumanie date de 1981. Depuis, un seul bâtiment médical a vu la lumière du jour, à Iasi. Tous les autres établissements sanitaires datent des années 1970 ou même d’avant. Certains sont classés monuments historiques ».

    Le médecin Vlad Mixich, journaliste santé, a tiré la sonnette d’alarme quant à l’un des paradoxes qui caractérise notre système médical : « Parmi les principales causes de mortalité infantile en Roumanie, il convient de mentionner les malformations cardiaques congénitales. D’ailleurs, je vous invite à remarquer que chez nous, on parle très peu de la mortalité infantile – une fois par an tout au plus, à l’occasion d’une statistique ou d’un sujet qui fait débat dans la presse et qui déplore la situation. Or, on assiste à un véritable paradoxe : même si la Roumanie reste le pays de l’UE à afficher le taux le plus important de mortalité infantile, ses efforts de réduire cette mortalité depuis 1990 et jusqu’à présent sont – et les statistiques le confirment – parmi les plus à succès jamais déployés par la médecine roumaine. Car, même si elle est toujours en queue du peloton européen, la Roumanie s’enorgueillit d’afficher aussi une des baisses les plus significatives du taux de mortalité parmi ses enfants. C’est une chute importante intervenue dans un bref délai. Finalement, on assiste à une amélioration de la situation, beaucoup plus évidente que dans d’autres pays qui se confrontent au même problème ».

    Sur l’ensemble des causes qui ont contribué à diminuer le taux de mortalité infantile figure aussi le projet « 100 cœurs pour 100 enfants ». Pour plus de détails, nous avons invité au micro le professeur des universités Grigore Tinica, qui dirige l’Institut des maladies cardiovasculaires Professeur George I. Georgescu de Iasi. Quand il a décidé de s’impliquer dans ce projet européen supposant des stages de perfectionnement à l’étranger, il a conditionné sa participation d’un nombre d’interventions chirurgicales réalisées une fois rentré en Roumanie. Dans un premier temps, le projet devait mener à une centaine d’opérations, mais le chiffre a été largement dépassé. Le docteur Grigore Tinica : « En Roumanie, entre 1500 et 2000 nouveau-nés par an ont une malformation cardiaque. Sur ce total, huit à neuf cents devraient se faire opérer durant leur première année de vie. Or pour l’instant, on n’arrive à faire opérer que 250 à 300. Nous avons beaucoup d’enfants non opérés âgés actuellement de 10, 11, 12 voire même 15 ans, certains même adultes. Du coup, à l’heure où l’on parle, la Roumanie recense presque un millier de cas d’anomalies congénitales que l’on devrait opérer. Nous avons plusieurs centres où de telles interventions sont possibles. Mais il convient de préciser que la chirurgie cardiovasculaire est beaucoup plus difficile dans le cas des bébés car un nouveau-né constitue un univers totalement différent ».

    Le ministère peut mener des politiques, accéder à des fonds, même changer des mentalités. Pourtant, c’est au personnel sanitaire de mettre en place de tels projets, épaulé souvent par la société civile. Un tel exemple est représenté par l’Association Le cœur des enfants dont le principal but est de se battre pour aider les enfants malades, notamment ceux souffrant de cardiopathies congénitales. Son président, Alexandru Popa, affirme : « Nous avons décidé de soutenir la chirurgie cardiaque car en 2006, année de notre naissance, les anomalies congénitales du cœur figuraient en première position dans le classement des principales causes non accidentelles de mortalité infantile en Roumanie. Depuis, les choses ont légèrement changé. Je dis légèrement car on recense toujours un nombre important d’enfants qui meurent d’anomalies cardiaques soit parce qu’on a du mal à les diagnostiquer correctement, soit parce que l’on n’intervient pas à temps ou parce que les parents ne savent pas comment s’y prendre. On espère voir cette situation changer. En tant qu’association, on a essayé de soutenir activement tous ces centres plutôt que de nous concentrer sur des cas individuels, même si on a du mal à refuser les gens. Grâce à différentes sponsorisations ou donations individuelles, on est arrivé à financer à hauteur de 4 millions d’euros différents projets d’infrastructure dans le système de santé publique. Et on ne s’arrête pas là ».

    Bien que couronné de succès, comme le prouvent les nombreuses interventions chirurgicales réalisées sur des bébés âgés, parfois, de deux semaines à peine, le projet se heurte malheureusement à des tas de difficultés.

  • Jean Marie Monplot (France) – l’apprentissage des métiers manuels en Roumanie

    Jean Marie Monplot (France) – l’apprentissage des métiers manuels en Roumanie

    Que faire après les années d’école obligatoires? Voilà une question que des milliers de jeunes se posent partout dans le monde. Une bonne partie d’entre eux choisissent le lycée ou l’école supérieure. D’autres, plus intéressés par une expérience pratique, choisissent la voie de la formation professionnelle. Celle-ci propose un enseignement en relation avec le monde professionnel et ses métiers. Une alternative à la formation classique qui malheureusement a perdu de plus en plus de terrain ces vingt dernières années. A qui la faute ? Eh bien, à nous tous, pourrait-on dire. Même si la voie professionnelle permet aux élèves d’acquérir des compétences et d’obtenir à la fin de leurs études un brevet de qualification reconnu sur l’ensemble de l’UE, les jeunes préfèrent tenter leurs chances ailleurs au lieu d’apprendre un métier.



    Selon l’ancien secrétaire d’Etat au Ministère de l’Education, Stelian Fedorca, la formation professionnelle est confrontée à une image négative, puisqu’elle s’ouvre principalement aux élèves qui ont raté leur admission au lycée. Or, il serait normal que l’admission en classe professionnelle se fasse suite à un entretien avec les agents économiques qui se verront offrir la possibilité de choisir les meilleurs élèves.



    A l’heure où l’on parle, les écoles professionnelles, victimes de la mentalité collective, doivent lutter contre les préjugés selon lesquels elles ne seraient jamais une alternative, mais seulement un endroit s’ouvrant aux mauvais élèves. Par conséquent, même ceux qui voudraient bien acquérir des compétences professionnelles au bout de trois ans de formation évitent de le faire, en préférant décrocher un diplôme délivré par une université privée.



    En Roumanie, notamment dans le milieu urbain, on dit qu’en l’absence d’un diplôme universitaire, on n’a aucune chance de réussir dans la vie » déclarait Radu Merica, président de la Chambre de commercer roumano-allemande cité par la presse. Or, il suffit de regarder vers l’Allemagne où l’on peut avoir un statut social et économique confortable grâce à un métier que l’on a bien appris, poursuit M. Merica en prenant l’exemple de son chef chez Mercedes. Ce dernier n’avait que dix ans d’études et un certificat d’école technique, ce qui ne l’empêchait pas de toucher un très gros salaire et de diriger une équipe de 400 personnes. Un patron ne s’intéresse pas aux diplômes, mais aux compétences » affirme Radu Merica. Et d’ajouter qu’ « en Roumanie, on a trop de diplômes et pas de qualification ».



    Un exemple en ce sens serait celui des fonctionnaires bancaires. En l’absence d’un lycée professionnel qui leur soit consacré, ceux-ci se voient obliger d’obtenir un diplôme universitaire d’études économiques avant d’intégrer une agence bancaire qui leur offre des stages de formation d’une année ou deux avant de les laisser travailler au guichet. Or, il suffirait d’une formation professionnelle de deux ou trois ans pour pouvoir remplir des formulaires ! Il en est de même pour le métier de secrétaire ou d’assistant manager.



    A défaut d’une formation professionnelle adéquate, ce sont surtout des jeunes diplômés au chômage qui occupent ces postes. Imaginez la frustration de se voir occuper un poste de secrétaire au bout de toutes ces années d’études ou encore le mécontentement des patrons devant ces employés qui ne savent pas à quoi rime le secrétariat.



    Avant 1990, les écoles professionnelles étaient bien nombreuses. En plus, la plupart d’entre elles étaient financées par tel ou tel ministère. Celui du commerce dans le cas des lycées de la filière économique et commerciale, celui des Transports pour les écoles de transports, etc. Or, aux termes de la loi de l’Education de 1995, les écoles professionnelles ont été placées sous l’égide des municipalités locales. Dépourvues des fonds nécessaires, celles-ci ont tourné le dos à tous ces établissements scolaires dont la plupart sont de nos jours tombées en ruine. C’est le cas de l’école professionnelle de hôtellerie de Calimanesti, fameuse jadis pour le niveau des compétences professionnelles offert aux élèves.



    Vers le début des années 2012, l’ancien ministre de l’Education, Daniel Funeriu, a lancé un nouveau modèle pour les écoles professionnelles d’inspiration allemande, à savoir le système dual. Concrètement, cette option consiste en l’apprentissage sur le tas, accompagné d’une formation dans une école professionnelle. Ce choix permet de travailler en parallèle « avec les mains et avec la tête ». En outre, il permet à l’élève de se voir embaucher, s’il le souhaite, par l’entreprise dans laquelle il a fait son stage.



    Si avant 2014, la formation professionnelle proposée aux élèves roumains s’étalait sur deux ans seulement, à partir de cette année, elle est de trois ans. A la fin, les élèves passent un examen en présence du chef de l’entreprise qui l’avait accueilli en stage et ils se voient délivrer un certificat de compétences reconnu partout dans l’UE.