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  • Les forteresses d’Etienne le Grand

    Les forteresses d’Etienne le Grand

    Jusqu’au début du 20e siècle, les fortifications, les châteaux forts, les redoutes et les forteresses ont joué un rôle très important dans le déroulement des guerres. Lors des grandes conflagrations mondiales du siècle passé, la casemate et le bunker ont remplacé ce genre de fortifications. Les systèmes de fortifications ont aidé les chefs militaires à protéger les frontières, à assurer la sécurité de la population et à défendre les intérêts économiques de leur Etat.

    Un des premiers princes du Moyen-Âge roumain à avoir mis en place un système bien conçu de fortifications permanentes dans les pays roumains a été Etienne le Grand, prince régnant de Moldavie durant la seconde moitié du 15e siècle et les premières années du 16e. Comme tout dirigeant politique authentique, Etienne le Grand a commencé par renforcer la capitale de sa principauté, la cité de Suceava, située au nord du territoire de la Roumanie actuelle. Le premier château fort avait déjà été élevé par Petru Muşat, à la fin du 14e siècle. A ce château fort, Etienne le Grand a ajouté un mur d’enceinte qui l’entourait, le rendant beaucoup plus difficile à conquérir. Prévu de bastions et de créneaux, le mur d’enceinte était aussi entouré d’une douve. D’autres dépôts d’armes et de munitions, ainsi qu’une poudrière ont été construits à l’intérieur de la cité. La forteresse de Suceava a bien résisté aux attaques des Turcs ottomans, en 1476, et à celles des Polonais, en 1485, sans tomber entre les mains de l’ennemi.

    Une autre forteresse en pierre, renforcée par Etienne le Grand, a été celle de Neamţ, située à 70 km de Suceava. Le château fort le plus ancien de la cité avait été élevé par le même Petru Muşat. Etienne le Grand y fit construire la muraille de défense et élargir la douve qui l’entourait. La cité a résisté à l’attaque ottomane de 1476, menée par le sultan Mahomet II contre Etienne le Grand.

    La troisième forteresse du nord de la Moldavie agrandie par Etienne le Grand a été celle de Hotin – située à 115 km au nord de Suceava et qui se trouve actuellement sur le territoire de l’Ukraine. Là aussi, Etienne le Grand a surélevé et épaissi les murs de défense. Cette forteresse a, elle aussi, résisté aux assauts ennemis pendant la campagne turque de 1476. Roman a été la 4e forteresse d’Etienne le Grand située dans la zone de la capitale moldave. Elle fut élevée en 1466, à 95 km au sud de sa résidence. Bâtie dans une zone de campagne, à proximité de la rivière Siret, la forteresse était constituée de 7 tours liées entre elles par des murs et entourés de douves remplies de l’eau de la rivière. Cette forteresse jouait le rôle d’un avant-poste.

    Les forteresses d’Etienne le Grand étaient disposées de manière à défendre la Moldavie de tous les côtés. Ce prince régnant a également accordé beaucoup d’attention aux forteresses érigées au bord du Dniestr et du Danube, car c’étaient les invasions tatares arrivant de l’Est qui provoquaient à la Moldavie les plus grandes pertes. L’historien Gheorghe Postică, de l’Université Libre Internationale de Chişinău, en République de Moldova, a étudié les fortifications situées le long du Dniestr et du Danube : « Le système défensif créé le long du Dniestr, du nord au sud, entre les montagnes et la mer Noire, n’est pas fortuit. Il s’agit d’une délimitation nette entre deux espaces : l’espace roumain et les espaces se trouvant au-delà du Dniestr et même au-delà du Boug et du Dniepr. Ces forteresses tracent une sorte de frontière entre deux mondes, une séparation née au début du Moyen-Âge et qui allait se creuser jusqu’au Moyen-Âge tardif. »

    Les forteresses d’Etienne le Grand situées le long du Dniestr prouvent l’importance que ce prince régnant accordait à la défense de la frontière Est de la Moldavie et à l’expansion de la principauté vers le fleuve. A part la forteresse de Hotin, censée défendre également le nord de la Moldavie, Etienne le Grand comptait beaucoup sur les forteresses de Soroca, Orhei, Tighina et Cetatea Albă. Les deux dernières, ainsi que la forteresse de Chilia, avaient été construites pour défendre le sud de la principauté, jusqu’au Danube. Située à hauteur de la courbure des Carpates, dans la région de Vrancea, la forteresse de Crăciuna défendait la frontière terrestre avec la Valachie. Selon Gheorghe Postică, la forteresse de Soroca, avait été construite selon le modèle occidental, par des bâtisseurs roumains de Transylvanie : « Du point de vue de sa structure, la forteresse de Soroca ressemble à des constructions du même genre d’Italie. Bien que sa forme soit particulière, cela n’a rien d’extraordinaire. A l’époque médiévale, dans les pays européens, les forteresses en pierre étaient souvent construites par des bâtisseurs professionnels originaires d’autres régions et même d’autres pays. On en trouve des exemples en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. La forteresse de Soroca a été construite par des bâtisseurs de Bistriţa, dans le nord de la Transylvanie. »

    Constructions de défense spécifiques de la Renaissance, les forteresses d’Etienne le Grand ont également contribué à la consolidation de l’économie et au progrès de la culture et de la science en Moldavie. Au fil des siècles, la plupart d’entre elles ont été détruites ou sont tombées en ruine. Considérées comme des monuments historiques, de nos jours elles font l’objet de projets de restauration.(Trad. : Dominique)

  • Forteresses sur le Danube

    Forteresses sur le Danube

    Le Danube, voie fluviale commerciale et lieu de confluences culturelles, a donné la possibilité d’élever des localités florissantes. Dans la zone roumaine du fleuve, par exemple, des forteresses ont fait leur apparition depuis les temps les plus reculés, tant au delta du Danube et dans la zone littorale que sur le cours du fleuve vers son embouchure dans la mer. Leur rôle a été militaire, de défense, mais beaucoup d’entre elles étaient aussi de véritables villes. Au delta du Danube, Enisala et Halmyris sont célèbres, mais avant d’arriver au delta, le visiteur rencontre les ruines d’autres citadelles antiques.



    L’archéologue Raluca Iosipescu les énumère pour nous en partant de l’embouchure du Danube vers l’amont : «Une autre citadelle importante, c’est celle d’Isaccea, Noviodunum, un habitat avec une histoire de longue date, très importante du temps de la colonisation romaine. Elle a eu aussi le statut de municipe. Elle préexistait, en fait, avant l’arrivée des Romains. D’ailleurs, son nom n’est pas d’origine latine. Son existence va continuer aussi à l’époque byzantine lorsqu’elle devient un important centre religieux. Plus tard, grâce aussi à sa très bonne position pour traverser le Danube, Noviodunum continue son existence qui s’achève par l’emplacement, dans sa zone, d’une citadelle turque en terre. »



    En continuant dans le même sens, nous arrivons à la citadelle de Brăila où les fouilles archéologiques ont mis au jour des fortifications ottomanes. Et c’est toujours dans la zone, mais cette fois-ci sur la route reliant les villes de Tulcea et de Galaţi, que l’on arrive au village de Garvăn, où s’élevait jadis la cité de Dinogetia.



    Raluca Iosipescu : « C’est, à son tour, une cité impressionnante par ses dimensions, avec des murailles très épaisses, avec des tours très grandes, et des constructions importantes découvertes à l’intérieur. Les archéologues y font des fouilles depuis beaucoup de temps. En remontant le Danube, nous arrivons à une autre citadelle très importante, à Hârşova, sur une route importante, et habitée elle aussi depuis le néolithique. Elle est habitée jusqu’au XIXe lorsqu’elle est détruite suite aux guerres russo-ottomanes. Hârşova occupe une superficie immense, mais malheureusement, seule l’enceinte de la période romano-byzantine a été conservée, ainsi que des fragments de tours. Dans les images d’époque, on peut voir une muraille impressionnante, appelée la muraille génoise, qui fermait l’entrée dans le port et avait de superbes arcades gothiques. Malheureusement, ce mur n’a pas résisté entièrement, seuls quelques fragments persistent. Toutes ces cités sont habitées depuis les temps les plus reculés, ce qui prouve leur très bon emplacement, au carrefour de plusieurs routes commerciales, dans les lieux de passage entre la Dobroudja et la Munténie, et prouvent la viabilité des lieux en question. »



    Continuons notre cheminement vers l’amont. Après avoir dépassé Hârşova, non loin de la localité bulgare de Silistra, se trouve la cité de Păcuiul lui Soare, que nous décrit maintenant l’archéologue Sergiu Iosipescu : « Păcuiul lui Soare est remarquable parce que c’est l’unique cité byzantine de Roumanie, création du Xe s de l’empereur Ioan Tzimiskes, où stationnait aussi une partie de la flotte byzantine. Malheureusement, de toute la cité il ne reste qu’environ un septième aujourd’hui. Ce qui est important à Păcuiul lui Soare, c’est une chose que l’on peut voir aujourd’hui encore et qui est unique : un port aménagé avec des terrasses en pierre, flanqué par des tours, un débarcadère avec la porte d’entrée vers la ville qui était au milieu de la citadelle. C’est quelque chose d’extraordinaire si l’on pense que cela provient des Xe-XIe s byzantin. De tels vestiges n’ont plus été retrouvés. Malheureusement, encore moins a été préservé de la partie byzantine d’une autre cité, celle de Giurgiu. Celle-ci, comme la suivante, celle de Turnu Măgurele, est strictement liée à l’histoire de la Valachie au Moyen Age, comme l’autre cité, très en amont, celle de Turnu Severin. Plus loin, nous dépassons la zone roumaine du fleuve. Malheureusement, tant Giurgiu que Turnu Măgurele ou Turnu Severin ont eu des problèmes à compter du moment où les cités ottomanes sur le territoire des Principautés roumaines occupées et administrées par les autorités militaires turques ont été supprimées et lorsque la pierre dont elles étaient construites a été utilisée pour l’urbanisation des villes. »



    De nos jours, beaucoup de cités danubiennes sont dans un stade de restauration primaire et sont, de ce fait, trop peu mises en valeur. Pourtant, leur histoire vaut d’être connue, et leurs ruines — visitées. (Trad. Ligia Mihaiescu)