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  • Fêtes d’hiver dans les monts du Banat

    Fêtes d’hiver dans les monts du Banat

    Le Banat, dans le sud-ouest de la Roumanie

     

    Situé dans le sud-ouest de la Roumanie, le département de Caraș-Severin est fier de son pluriculturalisme, mais aussi de ses attractions touristiques uniques, alors que ses montagnes sont pour le moins fascinantes durant la saison froide et notamment pendant les fêtes de fin d’année. Ses petits villages sont plus que charmants, car ils ont gardé presqu’intacte leur authenticité, ses moulins à eau vieux de plus d’un siècle sont toujours fonctionnels et peuvent être visités, alors que ses pistes de ski regorgent de touristes.

     

    Une destination idéale pour les fêtes de fin d’année

     

    Pour découvrir plus en détail le département de Caraș-Severin en hiver, nous nous sommes adressés à Dan Mirea, manager du Centre de création et de promotion de la culture traditionnelle de la zone. Il nous assure que les monts du Banat sont la destination parfaite pour y passer les fêtes de fin d’année:

    « Il y a plusieurs grandes villes en Roumanie où la municipalité a compris que les marchés de Noël doivent être à la hauteur des ceux des grandes destinations européennes. C’est le cas, par exemple, de Craiova et de Sibiu qui témoignent du fait que les Roumains font de leur mieux pour respecter les exigences du tourisme culturel ou religieux à l’occasion des fêtes d’hiver qui rassemblent, partout dans le monde, amis et familles. Si l’on parle des monts du Banat, hé bien, ces montagnes sont entourées de stations touristiques. Parmi elles, la station de Semenic ou encore celle de Văliug, qui s’est carrément réinventée ces 10 dernières années. On y dénombre une trentaine de gîtes qui attirent de plus en plus de touristes. Déjà les hôtels et pensions de Văliug affichent complet pour la fin de cette année, notamment en raison de la petite distance qui les séparent des pistes de ski parmi lesquelles, on retrouve l’une des meilleures de l’ouest de la Roumanie. Si par le passé, la station était prise d’assaut notamment par les touristes roumains, depuis deux au trois ans, ce sont plutôt les étrangers qui s’y rendent, attirés par les possibilités de faire du ski. » 

     

    Une région qui ne cesse de se réinventer grâce aux fonds européens

     

    La région a pris de l’essor grâce aux investissements financés des fonds européens, si bien que, de nos jours, les offres pour les fêtes de fin d’année sont très variées. En fait, la zone de Văliug n’est pas la seule à avoir bénéficié de tous ces investissements. Il en va de même pour le plateau du massif Muntele Mic (La petite montagne).

     

    Dan Mirea précise : « La piste de ski de Muntele Mic est en train d’être modernisée. Une fois les travaux terminés, cette piste, tout comme celle du mont Semenic, suscitera l’intérêt des passionnés des sports d’hiver. Cela fait trois ans que moi aussi je fête le réveillon du Nouvel An en haut de la montagne, à Văliug, puisque là-haut, l’ambiance est magnifique, les mots ne me suffisent pas pour vous la décrire. Tous ces villages sont uniques. Prenons l’exemple du village de Garâna, fameux pour son festival de Jazz. Dans cet endroit aux influences allemandes, on trouve une trentaine de maisons qui font chambre d’hôte. On peut même, fêter le passage du Nouvel An sur la piste de ski! »  

     

    La promotion touristique, une priorité

     

    Notre invité le confirme, les autorités du Banat, cette région du sud-ouest de la Roumanie, ont pris très au sérieux leur mission de faire connaître la contrée dans le monde. En effet, le Conseil départemental de Caraș-Severin a mis en place une équipe chargée de la promotion touristique.

     

    Dan Mirea ajoute : « C’est à nous d’attirer l’attention non seulement des touristes, mais aussi de tous ceux qui se trouvent tout simplement de passage dans les monts du Banat. Nous les attendons tous, nous savons très bien les accueillir, surtout dans cette région riche en attractions. Le mont de Semenic en est un. S’y ajoute le défilé du Danube, dernièrement modernisé. Ce dernier temps, la région a attiré de nombreux touristes étrangers, non seulement d’Europe, mais aussi d’autres continents. Et on ne saurait oublier non plus les Roumains de la diaspora qui rentrent chez eux. Le Banat est la contrée qui recense le plus grand nombre d’ethniques allemands et hongrois, ayant quitté la Roumanie avant 1989 et dont certaines reviennent pour y investir. » 

     

    La sculpture monumentale de Décébale, le roi des Daces

     

    Que voir une fois arrivé dans le défilé creusé par le Danube ? D’abord, le portrait du roi dace Décébale, ennemi de l’empereur romain Trajan, ayant vécu de 87 à 106 après J-C. Il s’agit d’un monument colossal réalisé par des artistes roumains et taillé dans la roche. Avec ses 55 m de haut et 25 m de large, il domine le fleuve. Pour se faire une meilleure idée sur ses dimensions, disons qu’il est de 6 m plus petit que la Statue de la Liberté de New York, de 8 m plus grand que celle du Jésus de Rio de Janeiro et de 10 m plus haut que le colosse de Rhodes. Le visage de Décébale taillée dans le rocher est la sculpture en pierre la plus grande d’Europe.

     

    Herculane les Bains, une ville thermale à tradition millénaire

     

    Ensuite,  nous vous proposons de faire halte dans la station thermale de Herculane les Bains, connue pour son histoire millénaire.

    Dan Mirea nous y invite :  « De nombreux édifices historiques ont été rénovés à Herculane les Bains. Des projets et des investissements européens sont en cours dans cette ville d’eau considérée jadis comme le Karlovy Vary de Roumanie. Son théâtre d’été a été complètement restauré et il peut accueillir plus de 3000 personnes. Dans un proche avenir, on s’attend à une renaissance complète de la station, grâce notamment aux démarches entreprises par le maire. L’édile local a compris que c’est un pari qu’il devrait gagner de redonner à cette station son charme de jadis, lorsque la princesse Sissi et les élites de l’empire de l’Autriche-Hongrie s’y rendaient pour des cures. De nos jours, vous avez tous les ingrédients d’un séjour parfait : des eaux de cures, des hôtels dont certains datent de l’époque de l’Empire d’Autriche-Hongrie et même le manoir, meublé avec les meubles d’origine, où séjournait jadis, l’impératrice Marie Thérèse. »

     

    Des vestiges de la vie d’autrefois

     

    Sachez aussi que les monts du Banat recèlent des vestiges de la vie d’autrefois. Par exemple, des moulins à eau, uniques en Europe, vieux de plus d’un siècle et toujours fonctionnels. Il s’agit en fait d’un parc situé dans le village d’Eftimie Murgu et inclus au patrimoine de l’UNESCO, où les moulins ont été restaurés à l’aide de fonds européens par des spécialistes du musée de la civilisation traditionnelle ASTRA de Sibiu. Et pas en dernier lieu, mentionnons aussi le village d’Ineleț, situé en haut de la montagne  et où l’accès se fait uniquement en grimpant un escalier vertical en bois. Complètement isolé, ce petit hameau est resté presque intact et la vie s’y déroule comme il y a une centaine d’années. (trad. Valentina Beleavski)

     

  • Bains publics, bains privés et stations balnéaires en Roumanie

    Bains publics, bains privés et stations balnéaires en Roumanie

    Depuis les temps les plus reculés de l’histoire, les bains publics ont constitué des lieux complexes, où se mélangeaient l’hygiène, le divertissement et la socialisation, des lieux aussi où de nombreux tabous sociaux étaient ignorés, voire même acceptés. Ce fut également le cas dans l’espace roumain, où les bains publics et privés avaient comme source d’inspiration le modèle oriental, notamment turc vu l’influence ottomane qui s’était développée dans les principautés de Moldavie et de Valachie à partir du XVIIIème siècle.

     

    Les origines des premiers bains publics

     

    L’historien Tudor Dinu s’est intéressé à la présence des bains d’inspiration turque et des villes ou stations d’eaux dans cet espace roumain pendant la seconde moitié du XIXème siècle. Il a ainsi pu apprendre le fait que le « hammam » turc n’avait pas été la première source d’inspiration pour ces établissements.

    « Les premiers bains publics nous les devons, comme pas mal d’autres choses aussi, à l’antiquité grecque. Le concept a été ensuite développé par les Romains, qui avaient créé une véritable culture du bien-être du corps. Leurs thermes étaient en fait des ensembles complexes qui offraient non seulement une parfaite propreté physique, mais aussi plusieurs niveaux de divertissement et de détente, d’entertainment, comme on dit aujourd’hui. Plus tard, la filière byzantine a transféré les bains au monde musulman, qui leur a assigné une dimension de valeur quasi religieuse. C’est pourquoi il fallait que j’étudie l’Orient, car nos bains ont été largement détruits à partir de l’année 1821, quand a commencé la bénéfique occidentalisation des principautés roumaines. »

     

    Leur appropriation par les Roumains

     

    Certes, les « hammams », tombés dans l’oubli à cause de la modernisation de la Moldavie et de la Valachie, n’étaient pas à la hauteur de ceux d’Istanbul ; ils ont néanmoins été importants pour la civilisation locale et les Roumains y ont apposé leur empreinte, considère l’historien Tudor Dinu.

     « Les bains de type turc sont apparus très tôt dans les principautés roumaines. A Bucarest, par exemple, un bain public de type « hammam » est déjà attesté au XVIème siècle, grâce au prince Alexandru II Mircea, dit Mouton avorté (Oaie seacă), qui avait vécu plusieurs années d’exil en Orient, notamment dans la Syrie d’aujourd’hui. Les Canctacuzène ont eux-aussi construit des bains, mais avec des éléments nouveaux. Par exemple, pour les musulmans, l’eau stagnante est immonde et donc ils ne prenaient pas de bains, ils ne restaient pas longtemps dans un bassin rempli d’eau chaude ; l’eau, chauffée dans un four, était mise dans des bols et versée sur le corps de la personne. Mais, au début du XIXème siècle, à Bucarest, il y avait aussi des bassins d’eau chaude dans lesquels les gens aimaient passer du temps. Comme on le sait, une véritable culture de la délectation s’est créée autour des bains, où les baigneurs bénéficiaient aussi de massage à l’eau de rose, d’une tasse de café fraîchement torréfié, moulu et préparé, du goût et de l’odeur de tabac des chichas et des pipes…  Les Roumains y ont ajouté les verres de vin et de raki. A Bucarest, des fois, des lăutari (ménétriers) se joignaient aux clients, qui faisaient la fête jusqu’au petit matin. D’ailleurs, les princes phanariotes ont dû imposer la fermeture de ces établissements au-delà de 22 heures. »

     

    Les Roumains, grands amateurs de cures thermales

     

    A Bucarest et à Iasi, la seconde moitié du XIXème siècle a également vu se multiplier les bains privés, à l’intérieur des habitations des boyards. Un tel exemple est celui de la salle de bains de la célèbre famille des boyards intellectuels Golescu, que l’on peut voir dans le cadre du Musée de la viticulture et  de la pomoculture de la commune de Golesti, pas loin de la ville de Pitesti (sud). Et puis, les propriétaires terriens de jadis aimaient aussi les villes d’eaux, telle que Baile Herculane (ouest), raconte Tudor Dinu :

     

     « C’était une destination de prédilection, mais pas parce qu’on y accédait facilement ; il était vraiment difficile d’y aller à l’époque. Du temps des princes phanariotes, par exemple, le voyageur avait besoin de demander directement au prince régnant la délivrance d’une autorisation de voyage. Plus tard, entre 1830 et 1840, la personne qui envisageait de faire ce voyage devait faire publier une petite annonce dans un journal et attendre neuf ou dix jours, pour que les éventuels contestataires de sa décision puissent s’exprimer. Les routes étaient dans un état désastreux. Pour aller de Bucarest à Herculane, ou Mehadia comme on l’appelait à l’époque, on ne pouvait passer pas par la Vallée de l’Olt à cause de la route défoncée, mais en passant par Brasov et au nord des Carpates méridionales. L’on franchissait la frontière entre l’Empire ottoman, auquel nous appartenions en tant que provinces chrétiennes, et un autre pays étranger avec lequel les relations n’étaient pas des meilleures. Mais, au-delà de ces obstacles, de nombreux boyards roumains allaient à Herculane, ou en Transylvanie à Vâlcele, Borsec, et encore plus loin, en Tchéquie, à Karlsbad, à Marienbad, à Baden-Baden et même en Flandre. »

     

    L’essor du tourisme balnéaire

     

    Au XIXème siècle, Baile Herculane ou Mehadia se trouvait dans la Transylvanie composante de l’empire des Habsbourg. De l’autre côté, en Moldavie et en Valachie, le tourisme balnéaire s’est heurté à des difficultés supplémentaires, explique Tudor Dinu :

    « Si l’expression « les pays roumains » se réfère au territoire actuel de la Roumanie, la première station ou ville balnéaire est celle de Herculane Bad, Herculane-les-Bains. Si nous nous résumons à la Moldavie et à la Valachie, alors la première station d’eaux est celle de Boboci, un village obscure de la commune de Jugureni, pas loin de la ville de Mizil, où de merveilleuses sources ont été découvertes dans les années 1820, très attractives pour une bonne partie de l’élite de la capitale, mais aussi des gens quelconques. Il y a eu aussi en Valachie les stations de Pucioasa, fréquentée y compris par des nobles russes, et de Balta Alba et sa boue à effet magique. Cette dernière station, devenue une destination chic, avait elle-aussi un pont de Mogosoaia, le long duquel s’étalaient des commerces où l’on pouvait acheter y compris des vêtements de voyage créés par des couturiers occidentaux. »

     

    L’accélération de la modernisation et de l’occidentalisation des Principautés roumaines au cours de la seconde moitié du XIXème siècle a entraîné la disparition des « hammams », leur place étant occupée par des habitudes d’hygiène différentes, et la multiplication des villes – stations balnéaires.   (Trad. Ileana Ţăroi)