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  • Ada Kaleh, l’île submergée …

    Ada Kaleh, l’île submergée …

    Ada Kaleh, dont le nom signifie en turc « île fortifiée » était une petite île située sur le Danube, au niveau des Portes de Fer, entre la Roumanie et la Serbie (soit la Yougoslavie au temps de sa disparition).



    Décrite par Hérodote sous le nom de Cyraunis, lîle était « longue de 20 stades, étroite, et recouverte d’oliviers et de vignes ». Les Ottomans vont y établir une garnison, censée contrôler le trafic fluvial. Cétait lépoque où lîle, disputée par lempire des Habsbourg et lempire ottoman, constituait un point stratégique dimportance.



    En 1970 pourtant, Ada Kaleh, devenu territoire roumain depuis un bon bout de temps déjà, sera sacrifiée sur lautel de la modernité. En effet, l’île sera entièrement submergée par le lac de retenue roumano-yougoslave de Kladovo-Turnu Severin, mieux connu en Roumanie sous le nom de barrage des Portes de Fer. Avec cela, elle entre dans la légende. Beaucoup de ses habitants avaient déjà émigré vers la Turquie pour échapper à la dictature communiste, dautres les suivront. Lun des rares survivants encore en Roumanie, Turhan Semși, président de la filiale de Bucarest de lUnion démocrate des Turcs de Roumanie, plonge avec nostalgie dans ce quétait le quotidien des habitants de cette île située au milieu du Danube avant sa disparition :



    « Jaimerais débuter mon récit comme débutent les histoires : Il était une fois… Et, en effet, il était une fois une île magnifique, située en aval de la ville dOrşova et en amont de Turnu Severin, baignée par les eaux du Danube, en amont du barrage qui va signer son arrêt de mort. Nous formions une petite communauté, très métissée, mais très unie, et au milieu de laquelle il faisait bon vivre. La majorité, cétaient les Turcs. Jétais encore enfant à lépoque, mais je me souviens comme si cétait hier des coutumes que lon observait, du quotidien pas toujours facile de cette vie quétait la nôtre sur ce lopin de terre, au milieu du fleuve. Mais la meilleure période de lannée était lété, lorsque des visiteurs débarquaient sur notre île. »



    Après avoir passé le plus clair de sa jeunesse sur lîle dAda Kaleh, Pervin Halimoglu vit aujourdhui à Istanbul. Ses souvenirs denfance font ressortir la nostalgie dun paradis perdu à jamais :



    « Raconter Ada Kaleh nest pas une entreprise aisée. Parce quil nest pas facile de faire comprendre à quelquun qui ny avait jamais mis les pieds ce quétait la vie dans ce coin de paradis. Nous, on est nés et on a grandi là-bas. Javais 18 ans lorsque jai quitté lîle. Toutefois, mes rêves y sont restés, prisonniers à jamais. Nul endroit au monde noccupe mes rêves, dans mes rêves je ne puis me projeter nulle part ailleurs. Lenfance que jai eue a été sans pareil. »



    Turhan Semși se souvient de ces endroits interdits et mystérieux dont lîle était truffée :



    « Je devais avoir une dizaine dannées. Et puis, un beau jour, avec deux de mes camarades, on avait décidé de franchir linterdit, et dentrer dans ces zones que nos parents nous défendaient, qui étaient tabou. Mais, vous savez, plus on défend à un enfant de faire une action, et plus on peut être sûr quil sy mettra, tôt ou tard. Et voyez-vous, il y avait sur notre île, au beau milieu des douves, une sorte de forteresse en forme de croix et qui, en son milieu, recelait une sorte de trou qui nous donnait accès à son antre. Nous nous étions alors munis de torches et de bougies avant den franchir le seuil. Et là, nous avions découvert laccès vers 4 tunnels. Lun traversait lîle vers laval, et à son bout il y avait une sortie, située à lextrémité sud de lîle. Lautre devait avoir une sortie à lautre extrémité, mais elle avait été colmatée par un dépôt dalluvions. Et les deux autres tunnels menaient, lun vers le côté roumain, lautre vers le côté yougoslave du Danube. Lorsque nous nous sommes rendu compte de la direction que prenaient ces deux tunnels, vous imaginez notre excitation. Nous voulions vérifier si lon pouvait se rendre sur la rive yougoslave, et avions donc pris cette direction. Mais nous avons rencontré leau et avons dû rebrousser chemin. Le tunnel était inondé. Plus tard, lorsque nous avions eu le courage de raconter notre exploit à nos parents, ils nous ont dit que ce tunnel avait été détruit lors du passage dun bateau, alors que le niveau du Danube était au plus bas. La coque du bateau avait touché les parois du tunnel et elles sétaient effritées. Depuis lors, il nétait plus utilisable. »



    Cette île isolée au milieu dun Danube mythique, avec ses remparts, sa forteresse et ses tunnels berce encore le souvenir de ses derniers habitants, et hante leurs nuits. Depuis 52 ans, lîle gît dans les profondeurs des eaux de son fleuve, impuissante dorénavant de bercer les rêves dautres enfants, forcés de naître, de grandir et de vivre loin du paradis que leurs aïeux ont connu.


    (Trad. Ionut Jugureanu)

  • Le parc naturel de la Petite île de Braila.

    Le parc naturel de la Petite île de Braila.

    Plus de 200 espèces d’oiseaux y trouvent refuge pour nidifier et se nourrir. En effet, la région est située sur le plus important corridor de migration des oiseaux du bassin inférieur du Bas-Danube, à mi-distance entre les endroits de nidification du nord de l’Europe et les refuges d’hiver d’Afrique. Plus de 170 espèces, soit la moitié des espèces d’oiseaux migrateurs spécifiques à la Roumanie, sont protégées au plan international par le biais des conventions de Berne, Bonn et Ramsar. Vu qu’une grande partie de ces espèces sont des oiseaux aquatiques, en 2001, la Petite île de Braila a été inscrite au réseau Ramsar, qui vise la conservation et l’utilisation durable des zones humides. C’est le deuxième site de Roumanie protégé par cette convention, après le delta du Danube.

    Plus de détails sur la biodiversité du Parc avec Radu Moisei, directeur du Parc naturel de la Petite île de Braila: « Côté espèces présentes, les oiseaux sont bien entendu les plus importants. On peut y trouver 52% de la faune aviaire de Roumanie, dont notamment trois familles de faucon blanc, soit les oiseaux les plus grands de Roumanie, dont l’envergure des ailes est de deux mètres et demi. Ces oiseaux sont au sommet de la pyramide trophique. On y trouve aussi des espèces d’oiseaux rares, tels le martin-pêcheur d’Europe et le cormoran pygmée. Cette dernière espèce est très rare, puisque dans le monde elle compte seulement 14 mille exemplaires et 48% de sa population mondiale est à retrouver dans le delta du Danube et dans notre parc. De nombreux oiseaux sont seulement de passage par cette région au printemps et en automne. Certains oiseaux y passent l’hiver, comme c’est le cas du cygne chanteur qui nidifie quelque part dans la région des lacs de Finlande ou près des lacs Mazures en Pologne. Le cygne muet et de nombreuses autres espèces d’oiseaux peuvent être également observés dans le Parc naturel. »
    Un projet financé par l’UE se déroule actuellement dans la région afin susciter l’intérêt des touristes et des passionnées de la nature sur cet endroit à part. L’administration du parc a déjà investi plusieurs millions d’euros dans l’infrastructure touristique terrestre et aquatique, dans la reconstruction écologique de 215 hectares de ce qui était jadis la forêt alluviale de l’île de Braila, ainsi que dans des études sur la biodiversité de cette aire protégée. Le projet n’ignore pas non plus la perception du public sur le patrimoine naturel de la Petite île de Braila et il prévoit aussi l’élaboration de matériaux informatifs sur la région, d’un guide de comportement écologique et d’un film sur le parc.
    Intitulé « L’écosystème Chiriloaia, une merveille verte près de Braila », ce film a déjà été primé au festival international du film ethnographique de Zlatna 2014. «Il s’agit de quatre points d’observation mobiles et flottants des colonies d’oiseaux, notamment de cormorans, hérons et aigrettes. Les ornithologues professionnels ou amateurs pourront observer les comportements de ces volatiles à partir ce ces structures métalliques légères mais résistantes aux intempéries et aux conditions hivernales, couvertes de roseau et de jonc. Dans le cadre du même projet, nous avons l’intention de créer un centre itinérant d’information et de communication. Il pourra se déplacer sur l’eau et il comportera une salle de conférences, un musée, une bibliothèque ainsi que des dortoirs pour les bénévoles qui y travailleront. Ce centre sera installé sur un ponton flottant à deux niveaux, avec des dimensions de 30 sur 14 mètres. Grâce à ce centre, nous avons l’intention de relier toutes les 24 communautés rurales du parc afin de sensibiliser les habitants de la région aux problématiques et à la protection de l’environnement, au respect des règles de vie à l’intérieur d’un tel endroit protégé. Le Parc naturel de la Petite île de Braila s’étale sur une soixantaine de kilomètres du cours inférieur du Danube, entre le pont de Giurgeni-Vadu Oii en amont et la ville de Brăila en aval. Il s’agit d’un endroit où le fleuve de sépare en 7 canaux délimitant autant d’îles inondables, accueillant, à leur tour, une cinquantaine de lacs. C’est bien là que nous allons disposer nos observatoires ornithologiques flottants. A part cela, sachez que nous avons également une infrastructure terrestre permanente – 12 autres observatoires de l’avifaune, dont la moitié a été mise en place en l’an 2000 par l’Université de Bucarest, grâce au financement fourni par un projet Life, donc avant la création de ce parc. »
    Lors des endiguements effectués dans les années 1960, les autorités communistes ont également fait remplacer les peupliers et les saules de souche locale avec d’autres espèces euro-américaines, qui poussaient plus vite et qui étaient utilisées à la fabrication de la cellulose. Les spécialistes ont toutefois constaté que les racines du peuplier canadien ne stabilisaient pas la rive du fleuve, la forêt étant parfois emportée par les eaux. C’est pourquoi le processus a recommencé à zéro, en procédant au reboisement de l’endroit avec des espèces danubiennes. C’est ainsi que les peupliers noirs et blancs, ainsi que les saules autochtones sont revenus sur leurs emplacements d’origine, suite à cette démarche de reconstruction écologique de longue durée. Six mille hectares du parc naturel sont actuellement occupés par les forêts.
    Démarré en 2011, le projet a déjà atteint plusieurs de ses objectifs.
    Les touristes étant de plus en plus intéressés de visiter ce coin de nature, les autorités locales souhaitent l’intégrer dans les grands circuits spécialisés. Mais l’infrastructure manque à ce jour – c’est pourquoi l’on envisage d’aménager un site d’hébergement sur une soixantaine d’hectares, avec hôtel, camping et un port de plaisance, ainsi que de délimiter plusieurs trajets touristiques proposant randonnées et pêche sportive. (trad.: Alex Diaconescu, Andrei Popov)

  • Roumanie-Corse – entre deux mondes

    Roumanie-Corse – entre deux mondes

    Elle est passée de lémerveillement à la recherche quasi scientifique, car elle était intriguée par les ressemblances inattendues et saisissantes entre la Roumanie, sa terre dorigine, et la Corse, sa terre dadoption. Le résultat de son travail, de ce va-et-vient entre deux univers que tout oppose, apparemment, mais qu’en réalité tout rapproche, le résultat donc est une trilogie de livres dessais qui posent des questions et ouvrent des pistes de réflexion inédites. Débat avec Daniela Vinciguerra-Radut, auteure de cette trilogie littéraire réunissant les volumes “Vivant entre deux mondes” (Editions de la Société des Ecrivains), “De la Roumanie à la Corse, aller-retour” (LesEditionsduNet) et “Un autre visage de la Roumanie, un autre visage de la Corse” (Edilivre).


  • Sighet, une île à la frontière

    Sighet, une île à la frontière

    Sighet est la ville la plus au nord de Roumanie, située sur la frontière avec l’Ukraine. Une bourgade paisible, comme tant d’autres en Transylvanie, centre commercial et culturel régional du temps de l’empire d’Autriche-Hongrie, avec une dimension multiculturelle et multiconfessionnelle qui est à envier.



    Assez peu connue au-delà des limites de sa province, Maramures, rien – ou presque – ne faisait entrevoir la destinée de Sighet, à la moitié du 20e siècle. Dans les années 1950, la ville fut le théâtre d’une des expérimentations les plus macabres et les plus réussies du régime communiste. La vieille prison impériale, située littéralement au cœur de la ville, fut transformée en un pénitencier de haute sécurité où fut incarcérée la quasi-totalité des ministres et des hommes politiques importants d’avant l’installation du communisme, chassés de la vie publique par les acolytes locaux de Staline.



    L’existence de cette prison changea radicalement la vie des habitants de Sighet, qui devaient composer non seulement avec les transformations sociales imposées par le régime, mais aussi avec le poids symbolique de l’établissement carcéral, gardé comme une forteresse.



    Des tomes entiers et des centaines d’heures de témoignages sur l’extermination lente des personnalités emprisonnées ici ont été publiés après la chute du régime communiste, sans que le sort des gens autour de cette prison intéresse les chercheurs. Comment la vie des « Sigheteni » se déroulait-elle à l’époque ? Comment la prison imposait-elle son existence à la ville, quels interdits devait-on observer ? Si des victimes étaient à l’intérieur, n’y en avait-il pas aussi à l’extérieur ?



    A l’occasion des 20 ans écoulés depuis la création du Mémorial des victimes du communisme — ce que l’ancien pénitencier de Sighet est de nos jours — RRI donne, pour la première fois, la parole aux habitants de la ville afin de reconstituer une tranche d’histoire des anonymes, peut-être moins mouvementée à l’échelle historique, mais tout aussi dramatique et spectaculaire pour un destin humain.



    Un grand reportage par Ileana Taroi et Andrei Popov. Réalisation, Mihnea Chelariu du Théâtre National Radiophonique