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  • EXPO_02_GEN ou la représentation du genre dans la photographie

    EXPO_02_GEN ou la représentation du genre dans la photographie

    EXPO_02_GEN est la deuxième exposition, dans une série de
    trois, qui présente une sélection de la Collection d’images de Mihai Oroveanu.
    Historien de l’art, photographe, commissaire d’exposition et collectionneur,
    Mihai Oroveanu avait aussi une fine connaissance de la scène d’art
    internationale. Il a organisé et co-organisé de nombreuses expositions et a
    écrit plusieurs livres d’art, dont « Les ateliers d’artistes de
    Bucarest » et « La Roumanie Moderne. Documents photographiques
    1859-1949 ». Mais surtout, il a eu un rôle essentiel dans la création du
    Musée national d’art contemporain, dont il a été le directeur depuis
    l’ouverture en 2001 et jusqu’à sa mort en 2013.


    Le projet « L’image photographique entre passé et avenir »,
    dont fait partie l’exposition EXPO_02_GEN, cherche à explorer et à mettre en
    valeur la riche collection constituée par Mihai Oroveanu, une des plus
    importantes archives photographiques de Roumanie. Le projet, porté par la
    galerie bucarestoise Salonul de proiecte,
    en partenariat avec Fotogalleriet Oslo,
    a d’ailleurs été conçu pour palier à l’absence d’institutions dédiées à la
    photographie ou à l’étude de l’image en Roumanie. Les trois expositions prévues
    dans le projet peuvent être visitées dans les locaux de Salonul de proiecte, à l’intérieur du le Palais Universul à
    Bucarest, là où durant la première moitié du 20e siècle a fonctionné la
    typographie du journal du même nom.




    EXPO_02_GEN montre un large éventail de techniques qui
    mettent en lumière l’évolution du dispositif photographique. La sélection des
    images fait penser au montage vidéo, avec des juxtapositions inattendues qui
    bousculent le sens donné traditionnellement aux images, pour stimuler l’interprétation
    personnelle. C’est Magda Radu, commissaire d’exposition et historienne de l’art,
    qui nous parle des différences entre EXPO_02_GEN et la première exposition du
    projet : « C’est une exposition largement différente de la
    première, tant dans la configuration, que dans la scénographie et l’approche.
    Elle présente, aussi, beaucoup plus de pièces de l’archive de Mihai Oroveanu.
    La première exposition était dédiée à l’exploration de l’espace urbain de
    Bucarest, à la ville en transformation durant différentes époques. Cette
    fois-ci, le sujet est différent et il est très présent dans l’archive. C’est
    pourquoi nous avons proposé de regarder la représentation du genre dans
    l’immense panoplie d’images qu’offre la collection de Mihai Oroveanu. »




    Ouverte sans bénéficier d’un vrai vernissage, EXPO_02_GEN
    peut être visitée durant quatre mois, de début mars à début juillet. L’expo met
    en avant des figures féminines, porteuses d’une vision modernisatrice du pays.
    Magda Radu nous la détaille encore : « Il s’agit, pratiquement, d’une analyse des
    représentations du genre dans plusieurs types de photos – des photographies du
    19e siècle jusqu’à celles des dernières décennies de la période communiste.
    Vous pourrez y voir beaucoup de photos de studio, très répandues en Roumanie à
    la fin du 19e. Il y avait de nombreux studios photo dans le pays, comme le
    studio « Julieta » à Bucarest et autres. Ces studios avaient leurs propres
    accessoires, costumes et décors, divers et variés. Par ailleurs, il y a aussi
    des instantanés anonymes, et là on peut y voir beaucoup de scènes de fête.
    C’était l’époque où une photographie était un événement dans la vie de tout un
    chacun. »




    Pour voir tout cela, vous avez jusqu’à début juillet pour
    vous rendre au Palais Universul de Bucarest, dans la galerie Salonul de proiecte. Sinon, rendez-vous
    sur la page Facebook de la galerie, où vous pourrez voir une partie des images de la riche
    collection de Mihai Oroveanu. (Trad. Elena Diaconu)

  • Emil Otto Hoppé et sa Roumanie en images

    Emil Otto Hoppé et sa Roumanie en images

    Le photographe britannique d’origine allemande Emil Otto Hoppé est considéré l’un des plus grands photographes de tous les temps et, à partir de là, un témoin privilégié du 20e siècle. Né en 1878 à Munich, dans une famille de banquiers, Hoppé suit ses études en l’art à Paris et à Vienne. En 1900, à 22 ans, on le voit déménager à Londres, pour étudier la finance. C’est là pourtant qu’il va découvrir sa véritable passion, celle de la photographie, jusqu’à en faire son métier. En 1907, il était déjà apprécié comme le meilleur photographe portraitiste de son temps. Près de 50 années plus tard, en 1954, Hoppé met en vente son énorme collection de clichés. Cette dernière trouvera acquéreur à Londres, et rejoindra l’une des plus prestigieuses archives photos au monde. Tombée dans l’oubli pour près de 60 ans, la collection Hoppé vient d’être redécouverte et remise en valeur par le commissaire américain Graham Howe, celui qui remet en circulation les 10.000 clichés qui la composent.

    Emil Otto Hoppé a été toute sa vie un infatigable voyageur. Un voyageur qui avait non seulement parcouru la Roumanie, mais c’est là qu’il trouva sa véritable passion, celle de surprendre, à travers son objectif, la vie des gens ordinaires. C’est là qu’il décide d’abandonner la photographie de ses modèles préférés, les célébrités de son temps, et pas des moindres d’ailleurs, car l’on pouvait y compter le roi George V et son épouse, la reine Marie, des écrivains tels Henry James, Rudyard Kipling, George Bernard Shaw, ou Aldous Huxley, la danseuse Anna Pavlova, voire le physicien Albert Einstein. C’est en Roumanie pourtant qu’un nouvel univers s’ouvre devant lui, tout cela suite à une simple suggestion, comme nous le raconte Graham Howe, présent à Bucarest lors du lancement de l’album roumain d’Emil Otto Hoppé.

    Graham Howe : « La maison d’Emil Hoppé se trouvait juste en face de la Légation de la Roumanie à Londres, place Cromwell. Et cette légation était peuplée de gens de lettres et d’intellectuels, des personnes qui essayaient d’influencer l’opinion publique britannique et d’améliorer sa perception par rapport à leur pays, la Roumanie. Et ces gens fréquentaient régulièrement Hoppé, ils étaient invités à ses réceptions. C’est lors d’une telle soirée que l’un de ses voisins de table lui demanda d’emblée : « Monsieur Hoppé, pourquoi ne viendriez-vous pas visiter la Roumanie, des fois ? ». D’ailleurs, ses amis écrivains, tels George Bernard Shaw et bien d’autres, se faisaient déjà un point d’honneur de raconter la vie du menu peuple. Shaw, vous savez, il avait écrit la pièce de théâtre appelée Pygmalion, devenue la comédie musicale « My Fair Lady ». Cette idée de mobilité sociale a gagné Hoppé et elle est devenue l’un des fils rouges de son œuvre photographique ».

    La Grande Roumanie, celle de l’entre-deux guerres, était, à l’instar de la plupart des Etats de l’Europe centrale et de l’Est, un pays fraîchement apparu sur la carte du Vieux continent. Et Hoppé est intéressé par ces nouveaux pays, qu’il visite et qu’il immortalise dans ses clichés. Mais la Roumanie l’interpelle davantage, car elle comptait sur son trône une souveraine d’origine écossaise, la reine Marie, un véritable personnage de roman, très populaire dans son pays, et qui avait aussi réussi à faire connaître le pays à l’étranger. Une Roumanie exotique, dotée d’une diversité culturelle étonnante pour l’époque. Certes, la passion de Hoppé ne s’arrêtera pas à la Roumanie. De là, il ira en Tchécoslovaquie et en Pologne, et puis plus loin encore, en Afrique, en Inde, dans l’Extrême Orient et en Australie.

    Mais Graham Howe montre à profusion lors de son passage à Bucarest occasionné par le lancement de son volume, « Le portrait d’un pays : la Grande Roumanie à travers les clichés d’Emil Hoppé, 1923 » comment l’artiste découvre, avec la Roumanie, tout l’univers des gens ordinaires et la richesse de la vie quotidienne.

    Graham Howe : « Il accepte cette invitation de se rendre en Roumanie et ce sera la révélation de sa vie. C’est un point d’inflexion dans sa carrière. A partir de là, son centre d’intérêt change. Certes, il est l’invité de la famille royale, il est reçu pour prendre des photos au Palais. Mais, en même temps, il ira photographier les habitats des Tsiganes. Et, de fait, le titre de son album de 1923 exprime l’état d’esprit qui l’habitait de façon manifeste, car il s’intitule : « In Gipsy Camp and Royal Palace », soit, en français, « Depuis les camps des Gitans et jusqu’au Palais royal ». Ce voyage en Roumanie le fait complètement changer d’approche. Il sera dorénavant le photographe voyageur infatigable, formidable témoin de son monde. Il photographie inlassablement, publiant pas moins de 27 albums au cours de sa vie. Mais c’est l’essence de la nature humaine qu’il essaiera de déceler à travers son œuvre. Prenez, dans cette image, vous le voyez immortaliser la princesse Hélène, en grande tenue, sur les marches du Palais royal. Puis, là, la même année, vous voyez Anna Pavlova dansant, en kimono, à Hampstead Heath, à Londres. Hoppé évolue parmi des styles tout à fait différents, il jongle avec les styles et les modes d’expression les plus divers pour mettre en évidence l’ineffable, l’imperceptible, l’indescriptible de la nature humaine. Hoppé est un grand humaniste, son attachement envers l’humain rayonne dans l’ensemble son œuvre. Et ce cliché encore, avec monsieur Hoppé sur la droite et le docteur Enescu à gauche, partageant une pastèque, en toute simplicité. »

    « Le Portrait d’un pays : la Grande Roumanie à travers les clichés d’Emil Hoppé, 1923 » révèle au monde le visage inconnu d’un pays fraîchement apparu sur la carte du monde, un pays désireux de se montrer et de se frayer une place bien à soi dans le concert européen. Mais c’est aussi l’œuvre d’un artiste hors pair, la vision inédite d’un monde méconnu, une vision qui tente de passer outre le commun, pour rencontrer l’ineffable. (Trad. Ionut Jugureanu)