Tag: la reine Marie

  • Rivalités politiques: le roi Carol II et le prince Nicolae

    Rivalités politiques: le roi Carol II et le prince Nicolae

    Le roi Carol II, qui a régné entre 1930 et 1940, compte parmi les personnalités les plus controversées de l’histoire de la Roumanie. Fils aîné du roi Ferdinand et de la reine Marie, Carol était orgueilleux, rancunier et enclin à la vengeance. Il rêvait de devenir le leader national absolu, tissait des intrigues et s’entourait de personnes qui partageaient ses valeurs. Dans le monde politique, il a été répudié tant par des figures de proue de la démocratie roumaine, tel Iuliu Maniu, que par l’extrême droite. A la fin de sa décennie de règne, la Roumanie de Carol II agonisait, avec des territoires amputés dans l’est, l’ouest et le sud.




    Carol II est même entré en conflit avec les membres de sa famille, par exemple avec son frère, le prince Nicolae. Quatrième enfant du couple royal Ferdinand et Marie, Nicolas a été baptisé par le tzar russe Nicolas II, celui qui allait être liquidé par le régime bolchevique en 1918. Malgré l’éducation reçue, celle d’un héritier du trône de Roumanie, Nicolas a constamment refusé d’assumer une telle mission, malgré les nombreuses occasions de le faire.



    L’historien Ioan Scurtu croit que le prince Nicolas n’avait jamais eu envie de devenir monarque. « Le prince Nicolae était le deuxième enfant des six enfants de la princesse Marie, celle qui allait devenir reine de Roumanie aux côtés de son époux, le roi Ferdinand. Le prince Nicolae n’a jamais voulu être roi, ni même lorsque le premier ministre Alexandru Marghiloman avait proposé de le proclamer héritier du trône. Un de ces moments a été en 1918, quand Carol avait épousé Zizi Lambrino, malgré le risque de se voir exclus de la famille royale. Ensuite, pendant la régence de 1927 – 1930, la reine Marie avait proposé, elle aussi, de faire élire Nicolae premier régent, pour diriger pratiquement la Maison royale. Mais, je le répète, le prince Nicolae n’a pas eu de telles velléités. »



    Dans une fratrie, il y a toujours des querelles; chose valable aussi dans le cas des familles royales. L’historien Ioan Scurtu explique la rivalité entre Carol et Nicolae par deux raisons. Le premier serait l’orgueil de Carol de voir son entourage obéir à sa volonté dans tous les aspects de la vie, même dans le cas des choix personnels ou sentimentaux. « Le 6 juin 1930, quand Carol est rentré au pays de l’exil qu’il s’était lui même imposé, le prince Nicolae l’a accueilli les bras ouverts au Palais de Cotroceni et l’a embrassé, lui souhaitant la bienvenue. Je pense qu’à l’origine du conflit se trouvait une question de nature subjective, à savoir le mariage du prince Nicolae avec une personne qui ne faisait pas partie des familles royales, ce qui était contraire au statut de la Maison Royale. Carol a tenté d’amener Nicolae sur le bon chemin. Ce même Carol qui vivait une histoire d’amour avec Elena Lupescu, elle non plus de souche noble et qu’il n’a même pas épousée. Nicolae s’était marié avec Ioana Dolete-Săveanu en décembre 1931. A la suggestion de Carol, le ministre de l’intérieur Constantin Argetoianu a demandé au maire de la commune de Tohani, où la cérémonie de mariage avait eu lieu, d’apporter le registre des mariages et de faire venir le notaire. Celui-ci a dû copier en entier le registre des mariages et en rayer celui du prince Nicolae avec Ioana Săveanu. »



    La rivalité entre les deux frères a également été causée par les sympathies politiques du cadet. De l’avis de Ioan Scurtu, cet autre motif avait pesé plus dans ce conflit. « La deuxième cause du conflit est celle des options politiques de Nicolae. Il s’était rapproché de la Légion de l’Archange Michael. En avril 1936, ce mouvement avait organisé un congrès lors duquel avaient été constituées les équipes de la mort, qui devaient liquider plusieurs adversaires politiques, dont Elena Lupescu. N’agréant pas le prince Nicolae, Elena évitait aussi la compagnie de son épouse. Pour forcer la note, Nicolae a fait des gestes de sympathie envers les membres de la Légion de l’Archange Michel. C’est ce qui explique pourquoi cette dernière a diffusé un tract élogieux à l’adresse du prince, qui avait pris position contre Mme Lupescu, considérée comme « un malheur » pour le pays. Une année plus tard, en avril 1937, sur l’initiative de Carol II, un Conseil de la couronne décida d’écarter le prince Nicolae de la famille royale. La question était délicate, car on l’accusait de mésalliance, autrement dit de violation du statut de la Maison royale. »




    La fin de la guerre c’est aussi la fin de la dynastie royale de Roumanie. La famille royale a été obligée à suivre l’exemple de Carol II, lequel avait choisi de s’exiler, en 1940. Et ce fut Nicolae qui fit le premier pas vers la réconciliation avec son frère.



    Ioan Scurtu : « Bien qu’ostracisé et en dépit de la très mauvaise attitude du roi, Nicolae a été le seul membre de la famille royale à participer aux obsèques de Carol II. Le prince Nicolae, ce personnage intéressant du paysage politique roumain, n’a jamais convoité le trône. Il n’est pas moins vrai, cependant, qu’il a eu du mal à digérer l’implication d’Elena Lupescu dans la vie politique. »




    La rivalité qui a opposé le roi Carol II à son frère, le prince Nicolae, n’est pas allée aussi loin que celle entre le roi et Corneliu Codreanu, le chef de la Légion de l’Archange Michel, une rivalité qui allait d’ailleurs finir par l’assassinat de Codreanu. Pourtant, le capricieux roi Carol II n’a pas hésité à recourir à toutes les manigances, afin d’imposer sa volonté à son frère…


  • Le Palais Stirbey

    Le Palais Stirbey


    Situé à 20 km au Nord de Bucarest, à proximité de Buftea, chef-lieu du comté d’Ilfov, le domaine Ştirbey est devenu un lieu de détente très apprécié ces dernières années. L’histoire du palais et du domaine est pleine d’événements spectaculaires.


    Corina Toma, directrice des relations publiques au Palais Ştirbey de Buftea, résume l’histoire de cet endroit: « La construction du palais a été entamée par le prince régnant Barbu Ştirbey, voïvode de Valachie, en 1855, et a été finalisée en 1863. En 1916, il devient le refuge de guerre de la reine Marie, épouse du roi Ferdinand Ier, et de ses enfants. Durant la première guerre mondiale, en 1917, le palais est réquisitionné par l’armée allemande, qui avait partiellement occupé le royaume de Roumanie. Un an plus tard, c’est là, dans une salle du rez-de-chaussée, qu’a été négociée le traité de paix de Buftea, également appelée la paix de la honte, et signé le 5/18 mars 1918, par lequel la Roumanie perdait la Dobroudja et les versants des Carpates. La période la plus florissante de l’histoire de ce palais a été celle du Prince blanc, comme on appelait Barbu Alexandru Ştirbey. Homme politique très important, président du Conseil des ministres, nommé ministre par intérim aux Finances et aux Affaires étrangères, membre d’honneur de l’Académie roumaine, il a également été administrateur des Domaines de la couronne, président des conseils d’administration de plusieurs grandes banques, sociétés et entreprises. Barbu Ştirbey était le possesseur d’une fortune fabuleuse, parmi les plus grandes de Roumanie. Il a créé, près du parc du Palais, une fabrique de conserves, une pépinière de vigne américaine, une crémerie et un moulin. En 1902, une fabrique de coton médical et de pansements allait compléter ce patrimoine. Il est le premier à avoir introduit la culture du coton et du riz en Valachie. »


    Le surnom de Prince blanc, il le tenait de la reine Marie lorsqu’elle n’était que princesse héritière. La future reine l’a connu en 1907 et l’a appelé ainsi à cause de sa tenue typiquement britannique, son élégance, sa distinction et sa discrétion. La relation proche entre la reine et le neveu du prince régnant Barbu Ştirbey a suscité de nombreuses anecdotes et commentaires au long des années. La reine venait fréquemment en visite à Buftea, elle y passait parfois la nuit, et était, semble-t-il, amie avec Nadejda, l’épouse du prince Barbu Ştirbey. La reine Marie aimait beaucoup le domaine Ştirbey et on lui doit de magnifiques descriptions de cet endroit.


    Corina Toma nous parle du palais au présent: « Le Palais Ştirbey est un des exemples d’architecture romantique de Roumanie les plus éloquents. La résidence de la famille Ştirbey est au centre du domaine, entourée d’un parc aux arbres séculaires. Les influences gothiques sont visibles aussi — si elles sont présentes à l’extérieur, à l’intérieur elles sont très nuancées, avec des accents décoratifs. Au rez-de-chaussée, dans le salon central, on peut voir des fenêtres et des portes aux cadres d’origine en chêne massif, aux décorations gothiques, aux poutres en bois peint, avec une cheminée en marbre de Carrare, et aussi des murs à lambris en bois et à l’ornementation classique. »


    Sur le domaine on peut admirer la Chapelle de la Trinité, où se trouve le caveau de la famille Ştirbey. Construite à la fin du XIXe, en style éclectique, l’église est peinte à l’intérieur par Gheorghe Tătărăscu, un peintre roumain renommé. Après l’installation du régime communiste, une partie du domaine a figuré au patrimoine des Studios de cinéma de Buftea, et le palais proprement-dit est devenu établissement de protocole du régime communiste. Sa première restauration remonte à 1959. Avant la première Guerre mondiale et dans l’entre-deux-guerres, le Palais Ştirbey avait accueilli des écrivains importants, tels Ioan Slavici et Vasile Alecsandri, et des hommes politiques comme Titu Maiorescu et Petre Carp ; après 1948, les célébrités ont continué à visiter le domaine.


    Corina Toma:« En 1959, Nikita Khrouchtchev y a été logé. Il avait été invité par Gheorghe Gheorghiu-Dej et c’est alors que la décision de retrait des troupes soviétiques de Roumanie a été prise. L’écrivain Mihail Sadoveanu aimait y venir pour aller à la pêche. Nicolae Ceauşescu n’a pas été un admirateur du palais, il n’est jamais venu passer la nuit ici. Pourtant, on avait construit sur le domaine Ştirbey une ferme qui fournissait les légumes pour les repas du couple Ceausescu. »


    Après 1990, le domaine est passé sous la tutelle du ministère de la Culture, puis à la Régie d’administration du patrimoine du protocole de l’Etat. En 2007, une compagnie privée l’a racheté aux héritiers et maintenant il est ouvert comme restaurant et complexe touristique. Celui-ci s’étend sur 24 ha, comprenant le palais proprement-dit, la Chapelle de la Trinité, la grande salle d’événements, dite de la Reine Marie, le Pavillon du Prince Ştirbey, le Pavillon d’été Princesse Nadejda, une pelouse pouvant accueillir jusqu’à 15.000 personnes, la tour d’eau bâtie en 1920 d’après les plans du célèbre ingénieur Anghel Saligny et un lac artificiel… (trad.: Ligia Mihaiescu)