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  • “Attraper le lapin”, de Lana Bastašić

    “Attraper le lapin”, de Lana Bastašić

    « Attraper le lapin » est le premier roman de Lana Bastašić, pour lequel elle a reçu le prix de littérature de l’Union Européenne en 2020 en tant que représentante de la Bosnie-Herzégovine. Paru en français chez Gaïa, en septembre 2022 et traduit du serbo-croate par les traducteurs Aleksandar Grujicic et Isabelle Liber, le roman nous raconte une histoire intense et poignante sur la construction identitaire, la faillibilité de la mémoire et les différentes façons dont deux personnes peuvent se blesser, s’aimer, se décevoir et se méprendre l’une sur l’autre. Elena Diaconu, à la tête de la librairie Kyralina en a fait son coup de cœur.

  • Les Pâques en Roumanie : une richesse des symboles et traditions

    Les Pâques en Roumanie : une richesse des symboles et traditions

    De la
    lumière sainte, des œufs peints, un lapin avec des
    cadeaux, des repas en famille, le sacrifice de l’agneau, la « pasca », beaucoup d’émotions dans la vie liturgique – voilà la richesse
    des Pâques roumaines. Dans les minutes suivantes, nous vous proposons une brève
    présentation de l’histoire, des traditions et des significations des principaux
    éléments qui composent ce que l’on appelle « la plus grande fête du
    christianisme ».




    L’étymologie
    du mot « Paști » (Pâques en roumain, au pluriel)
    nous conduit vers les anciens égyptiens. En hébreux, le mot
    « Pesach », qui signifie « passage » a été hérité de la
    langue des Egyptiens. Le monde romain-byzantin l’a emprunté ensuite, sous la
    forme « Pascha », nom neutre, d’où il est entré dans les langues
    latines.




    Chez les
    Juifs, « Pessah » ou la fête des pains sans levain, reste la fête la
    plus importante. Elle commémore la traversée miraculeuse de la mer Rouge, qui
    les a conduits de l’esclavage sous les égyptiens à la liberté. Le Pessah juif
    était célébré huit jours durant, du 15eau 22e jour du
    mois de Nisan, septième mois de l’année civile des Hébreux et premier mois de
    leur année sacrée. La cène qui marquait le passage de la mer Rouge avait lieu
    dans la nuit du 14eau 15edu mois, à la pleine lune, après
    l’équinoxe du printemps. En 33 de notre ère, cette fête coïncida avec des
    événements étonnants racontés dans la Bible, ayant Jésus Christ pour
    protagoniste et qui se passaient dans la province romaine de la Judée : il
    s’agissait d’un autre passage, de la mort à sa propre Résurrection, à l’époque
    du préfet romain Ponce Pilate.


    D’ailleurs,
    les Romains avaient toujours l’habitude de célébrer le passage vers un temps nouveau.
    Pour un certain laps de temps, la Rome antique célébrait le Nouvel An le 1er
    mars. Ce mois marquait plusieurs autres célébrations de grands dieux de la
    végétation et de la fécondité qui, à l’origine, étaient des personnifications
    du Soleil. Par exemple, le dieu Mars était considéré l’incarnation du Soleil à
    l’équinoxe du printemps. Bien avant d’être considéré comme le dieu de la
    guerre, il était considéré le « Jeune Soleil », un dieu de la
    fécondité et de l’abondance, de la multiplication des grains et des animaux. Le
    même mois de mars, les romains célébraient aussi les Matronalia, la fête des épouses et des mères de famille, dédiée à
    Junona Lucina et à Matrona. Lucina (nom provenant du mot « lux »,
    « lumière » en latin) était la déesse de la lumière, tandis que Matrona
    (nom provenant de « mater », « mère » en latin) était la
    protectrice des mères.


    Le 15e
    mars était à la fois le jour de Jupiter et le jour d’Anna Perenna, dont
    le nom signifiait « l’année pérenne », c’est-à-dire éternellement
    renouvelée. Le jour du 25e mars était appelé Hilaria (« jour de la joie » en latin) parce que c’était
    le jour de la résurrection d’Attis, l’époux de Cybèle, déesse de la fécondité,
    honorée dans l’ensemble du monde antique. C’était donc un jour de la victoire
    de la vie sur la mort et d’une promesse d’immortalité. Dans la Grèce classique
    aussi il y avait une fête du printemps, qui était liée à Dionysos, représentant
    le Soleil fécondateur. Son nom était « Anthesterion »,
    provenant du grec où ce mot signifie « fleur ». Par ailleurs, dans la
    Rome antique, Flora, la déesse du printemps, des fleurs et de la floraison,
    était aussi vénérée pendant un festival appelé Floralia. Il n’est donc pas surprenant qu’en Roumanie, le dimanche
    des Rameaux (appelé « Florii ») marque les 7 derniers jours de
    préparation avant Pâques.




    Les
    traditions roumaines dédiées aux fêtes pascales placent au centre l’œuf, peint
    surtout en rouge, mais aussi dans d’autres couleurs. Le rouge symbolise le
    sang, le feu, mais aussi l’amour et la joie de vivre, le jaune signifie la
    lumière, la jeunesse et le bonheur, le vert symbolise la renaissance de la
    nature, l’espoir et la fécondité, tandis que le bleu est la couleur de la
    vitalité et de la santé. Sur les œufs peints selon la tradition roumaine, les
    lignes utilisées ont aussi des significations des plus diverses. La spirale
    signifie l’éternité, la ligne verticale symbolise la vie, la ligne horizontale
    représente la mort, tandis que le rectangle signifie la pensée et la sagesse.


    Assis autour de la table, les gens cognent entre
    eux les œufs peints, en disant « Le Christ est ressuscité » et en
    répondant « Il est vraiment ressuscité ». L’œuf, présent dans
    de nombreuses mythologies, symbolise avant tout, la source de la vie et la
    naissance de notre monde. Les habitants de l’Égypte et de l’ancienne Perse, par
    exemple, s’offraient des œufs, teints ou peints, qu’ils cassaient avant de les
    manger, comme un acte sacré, pour aider le monde à renaître.




    Un autre
    symbole pascal est le lapin qui offre des cadeaux. Le lapin appartient à la
    lignée du bestiaire lunaire et aux archétypes associés au clair de la lune.
    Dans l’art chrétien médiéval, il avait une signification particulière : il
    était vu comme hermaphrodite, ce qui a conduit à la connexion avec la Vierge
    Marie, la mère de Jésus Christ, en raison de sa virginité. Les images avec un
    lapin offrant des cadeaux et des œufs de Pâques sont spécifiques à l’Allemagne
    et remontent au XVe siècle. Le lapin est aussi un symbole de la fertilité,
    présent dans toutes les mythologies. Il est associé à la divinité de la Terre
    Mère, à l’idée de la régénération et du renouvellement ininterrompu de la vie.
    C’était aussi un être céleste, qui incarnait une ancienne déesse germanique,
    Eostra, mythifiant le printemps et la fécondité, encore adorée au XIIIe siècle,
    à la campagne. Comme les Saxons célébraient l’arrivée du printemps avec des
    fêtes tumultueuses, les missionnaires chrétiens n’avaient d’autre choix que de
    les intégrer. En outre, la fête païenne d’Eostra coïncidait avec la célébration
    de la résurrection de Jésus Christ.




    L’agneau
    est un autre animal associé à Pâques. Son symbolisme est lié à la célébration
    juive du passage de la mer Rouge. A Pâques, chaque chef de famille devait
    choisir un agneau ou un bouc mâle de son troupeau, sans défauts physiques, qu’il
    devait garder du 10e jusqu’au 14e jour du mois de Nisan
    et le sacrifier d’un coup de poignard avant de le manger. L’agneau est aussi le
    signe de la douceur, de la simplicité, de l’innocence et de la pureté, autant
    d’attributs de Jésus-Christ.




    Pendant
    les 7 jours des Pâques juives, on ne consomme que du pain sans levain. Ce pain
    rappelle le pain sans levain que les Israélites ont préparé la nuit de leur fuite
    d’Égypte et symbolise, par l’absence de ferments levants, la propreté, la
    prévention de corruption et l’appel à une vie pure et sainte. Les traditions
    populaires roumaines sont loin de cette tradition juive qui associe le pain à l’amertume
    de l’esclavage en Égypte. Pour marquer la joie à Pâques, la « pasca »est,
    en fait, un pain sucré.




    La dernière
    partie de notre programme est consacré au jour de célébration de Pâques. Bien
    que les catholiques et les protestants aient célébré Pâques le 9 avril dernier,
    les Pâques orthodoxes ont lieu, cette année, le dimanche, 16. Cette situation découle
    des calculs astronomiques imprécis qui ont servi au premier synode œcuménique,
    organisé à Nicée en 325 de notre ère, de décider que les Pâques chrétiennes ne
    seraient plus célébrées au même moment que la fête juive, mais le premier
    dimanche après la pleine lune suivant l’équinoxe de printemps. La notion d’équinoxe
    vernal avait une signification particulière, car elle était considérée comme un
    moment représentatif du temps primordial où Dieu sépara la lumière des ténèbres
    et ordonna que la lumière soit donnée par le soleil – le jour, et par la lune -
    la nuit.


    Jusqu’en
    1582, tous les chrétiens célébraient Pâques à la même date. Le changement de date
    dans le christianisme occidental s’est fait par une réforme du calendrier
    initiée par le pape Grégoire VIII, qui voulait corriger le décalage découvert
    par les astronomes entre le calendrier utilisé jusqu’alors, soit le calendrier
    julien, et le temps astronomique réel. En utilisant le calendrier julien, la
    date de Pâques était, donc erronée. Alors que les catholiques commençaient à
    célébrer Pâques selon le nouveau calendrier rectifié, les Eglises orthodoxes
    continuaient, elles, à célébrer selon le calendrier julien, qui indiquait
    pourtant l’équinoxe et la pleine lune à des dates qui ne correspondaient plus
    aux dates astronomiques. Ceci explique l’écart qui persiste de nos jours encore.


    Lors de
    la conférence inter-orthodoxe de Constantinople en 1923, les Eglises orthodoxes
    ont essayé de trouver un compromis entre les deux calendriers, julien et
    grégorien. Lors de cette conférence, on a donc fixé Noël selon le calendrier
    grégorien, et Pâques, selon l’ancien calendrier julien.




    Avant de
    finir l’exposée de ce panorama des traditions pascales en Roumanie, il faut
    préciser que la plupart des Roumains suivent, du point de vue liturgique, la
    tradition byzantine. Les 7 jours de la Semaine sainte prennent fin à la nuit de
    la Résurrection, ce moment culminant de la fête pascale. La Semaine Sainte
    débute par le Dimanche des Rameaux. Dans les églises à travers la Roumanie, les
    prêtres rappellent dans leurs offices religieux chaque instant avant le sacrifice
    suprême que Jésus-Christ a fait pour sauver l’humanité entière. C’est une nuit
    spéciale, symbolisant la nuit de la lumière, de la purification, la libération
    de l’humanité de l’esclavage de l’enfer, du mal et de la mort. C’est pourquoi la
    fête pascale est une célébration de la lumière. A minuit, lorsque les gens se
    rendent au service de la Résurrection, ils allument des bougies, symbolisant le
    passage des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie.




    En vous
    remerciant de votre attention, nous souhaitons à ceux qui célèbrent Pâques, de Bonnes
    Fêtes, ainsi qu’à tous ceux qui nous écoutent, un printemps plein d’espoir et
    de lumière ! (écrit par Andra Juganaru)

  • La fête de Pâques chez les catholiques de Roumanie

    La fête de Pâques chez les catholiques de Roumanie

    Madame, Monsieur, comme vous l’avez déjà remarqué, le jour des Pâques catholiques et protestantes ne coïncide presque jamais avec celui des Pâques orthodoxes. Même si les deux Eglises se rapportent à la pleine lune qui suit à l’équinoxe de printemps pour calculer le jour de Pâques, il résulte le plus souvent un décalage d’une semaine entre les deux fêtes. Bien sûr, il ne s’agit pas de la lune proprement dite, mais d’une lune ecclésiastique.

    Pour mieux comprendre ces aspects, nous nous sommes adressés à Sabina Ispas, directrice de l’Institut d’ethnographie et de folklore « Constantin Brăiloiu » de Bucarest qui affirme que: « Après de longues discussions, les conciles œcuméniques ont décidé que la fête de Pâques soit une fête mobile dont le jour tombe en fonction des phases de la Lune. De cette manière, on reprend le système de calcul à l’ancienne, propre à la fête de la Pâque juive de l’époque historique quand tous ces événements ont vraiment eu lieu. Il en résulte que les dimanches de Pâques et des Rameaux sont des fêtes mobiles. »

    A la veille de Pâques, à minuit, les fidèles catholiques de Roumanie se rendent à l’église pour fêter la Résurrection de Jésus Christ. A la fin de la messe, ils se voient offrir du pain arrosé de vin qu’ils ramènent chez eux pour partager avec les proches. Cette coutume qui date depuis le XVIIème siècle, de l’époque de la création de l’Eglise réformée de Transylvanie a été reprise par la suite aussi bien par les orthodoxes que par les uniates de la région. Une fois rentrés à la maison, les fidèles catholiques se réunissent autour de la table. Mais, comme dans le cas des autres chrétiens, le repas principal a lieu le dimanche de Pâques.

    Cette fête s’accompagne souvent de traditions insolites, telles l’arrosage d’eau ou de parfum. Delia Şuiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare, explique :« Le rituel de l’arrosage, les catholiques de Transylvanie l’ont repris de l’espace germanique. Puisque les différentes couches culturelles agissent toujours sur l’évolution d’une civilisation, il en résulte de belles rencontres. Tous les chrétiens catholiques des communautés traditionnelles respectent cette tradition. Le jour et le lendemain de Pâques, les gens s’arrosaient d’eau, en signe de purification. C’était un rituel issu de la période préchrétienne qui trouve son origine dans un rituel imposé par Ostara, la déesse de la fertilité et de la renaissance. La tradition veut que pendant ces deux jours de fête, les gens s’arrosent d’eau réciproquement, en signe de purification et de fertilité. De nos jours, l’eau a été remplacée par le parfum, symbole de renaissance spirituelle, puisque, dit-on, l’odeur de parfum a le don d’annuler la laideur du monde, en réinstaurant l’ordre et en rééquilibrant les énergies cosmiques. »

    Pâques, la fête chrétienne de la Résurrection du Seigneur, apporte au premier plan des éléments de grande profondeur spirituelle. Dans la tradition populaire, rien de ce qui se passe en ces jours importants n’est le fruit du hasard. La signification des œufs colorés en rouge, mais aussi celle des autres plats du repas de fête – dont ceux à base d’agneau ou encore le cozonac, cette brioche traditionnelle – rappellent l’esprit de sacrifice. L’ethnologue Delia Şuiogan précise :« Une autre tradition catholique, c’est le symbole du lapin de Pâques. D’habitude, à cette époque, toutes les vitrines sont pleines de lapins et d’œufs en chocolat que le lapin apporte. De nouveau, nous nous subordonnons à la même déesse, Ostara, par la filière germanique. Une légende dit qu’au cours de sa promenade dans les champs, cette déesse rencontre un oiseau avec les ailes brisées. Impressionnée par cette image, la déesse souhaite aider l’oiseau pour qu’il ne meure pas. Une voix divine lui dit que si elle réussit à le transformer en un animal qui n’a pas besoin de voler, l’oiseau survivra. La déesse transforme alors l’oiseau en lapin. Ce qui est intéressant, c’est que ce lapin-là maintient toutefois sa fonction de pondre des œufs. Ainsi, une fois par an, l’oiseau devenu lapine offre à la déesse des œufs peints, en signe de la renaissance sous une autre forme, qui lui a rendu le droit à la vie. On dit que depuis lors, les œufs sont peints et qu’il faut les chercher dans l’herbe, sur les traces de la lapine. Peindre les œufs entre sous l’incidence du cadeau comme récompense de la bonté. Il s’agit donc, là encore, de la signification de la renaissance. »

    En Transylvanie, le Samedi saint, les jeunes hommes des communautés catholiques ornent les sapins avec des rubans colorés, et après la tombée de la nuit, ils les introduisent dans les cours des jeunes filles à marier, les liant à la clôture. A leur tour, les jeunes filles attendent ce moment derrière les fenêtres, et elles apprennent ainsi combien de prétendants elles ont cette année-là. Joyeuses Pâques ! (Trad. Ligia Mihaiescu, Ioana Stancescu)