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  • La violence et d’autres démons

    La violence et d’autres démons

    Quelle que soit la forme qu’elle englobe – physique, sexuelle, culturelle, spirituelle ou cybernétique -, la violence domestique est un processus qui se répète, alimenté par le désir d’un agresseur de contrôler sa victime. Il arrive souvent que les épisodes de violence domestique débouchent sur un crime. Partout dans le monde, ce sont surtout les femmes et les enfants qui sont les principales victimes de ce jeu traumatisant qui laisse des marques, souvent à vie.

    Comment expliquer ce type d’abus d’un point de vue psychologique ? Quelles sont les étapes qu’un agresseur parcourt ? Cristina Nastase, psychothérapeute, explique : « D’un point de vue psychologique, la violence en famille, appelée aussi violence domestique, suppose une conduite agressive volontaire qui revêt la forme de contrainte physique ou émotionnelle exercée sur un membre de la famille afin de le contrôler. Il s’agit donc d’un abus. Ce type de violence apparait sous la forme d’un processus qui se répète, une série de comportements abusifs qui se succèdent et qui, une fois installés, deviennent prévisibles. C’est un comportement en boucle qui se divise en quatre étapes. La première, c’est le moment où la tension s’installe. La victime commence à s’inquiéter, elle essaie d’aplanir le conflit et du coup, elle commence à faire attention à ses gestes et à sa façon de se conduire. La deuxième étape est celle de l’agression, quand la victime se sent humiliée, triste et souffre de l’injustice de l’agresseur qui semble avoir toujours gain de cause. La troisième étape est celle de justification, pendant laquelle la victime tente de comprendre les explications de son agresseur et elle essaie de l’aider à changer. Elle commence à douter de ses propres perceptions et elle se culpabilise par rapport à la situation. Et puis, la quatrième étape est celle dite de réconciliation. Surnommée la lune de miel, cette étape est celle pendant laquelle l’agresseur se voit offrir une deuxième chance. La victime lui accorde son soutien, en espérant le voir changer de comportement. Malheureusement, la Roumanie se situe au sommet du classement européen en ce qui concerne le nombre de cas de violence domestique. Concrètement, toutes les 30 secondes, une femme roumaine est frappée, tandis que sur l’ensemble des femmes de plus de 15 ans, trois sur dix ont été déjà victimes d’une agression physique ou psychologique. Une autre statistique européenne indique qu’en Roumanie, toutes les heures, deux enfants tombent victimes de la violence domestique et 86 % des cas d’abus sur les mineurs ont lieu au sein de la famille. Seulement un parent sur 9 affirme qu’il ne frapperait jamais son enfant et sur l’ensemble des ceux qui le font, la moitié considère que c’est pour le bien des enfants. Quant aux mineurs de Roumanie, 63 % d’entre eux ont avoué avoir été frappés par leurs parents au moins une fois. »

    Malgré ce que l’on pourrait penser, les victimes des agressions répétées ne quittent pas leurs agresseurs. Manipulées par le comportement ultérieur à l’acte de violence et par les promesses de changer, les victimes finissent toujours par leur donner une deuxième chance. Et puis une troisième et ainsi de suite. Cristina Năstase : « Quand on parle de la violence domestique, il y a une étape dite de la lune de miel pendant laquelle l’agresseur change de comportement afin d’empêcher la victime de le quitter. D’ailleurs, il arrive que les agresseurs expriment des remords qui semblent authentiques, ils peuvent même prétendre de chercher de l’aide de spécialité et ils commencent à se conduire avec amour et tendresse envers la victime afin de regagner sa confiance. N’oublions pas qu’après chaque nouvel épisode d’agression, la victime est dans un état de confusion. Or, la douceur et les promesses de l’agresseur qui s’engage à ne plus jamais la frapper poussent la victime à penser que le couple pourrait être sauvé. Il est très important que les victimes comprennent que dans tout ce processus de violence, elles n’y sont pour rien. C’est important qu’elles le sachent pour pouvoir déculpabiliser, car c’est justement ce sentiment de culpabilité qui les tient prisonnières dans ce cercle vicieux. »

    Il existe différents types d’abus, avertit Cristina Năstase. « La violence domestique peut se décliner sous plusieurs formes dont l’agression physique reste la plus évidente et provoque des lésions corporelles. La violence sexuelle englobe différentes pratiques sexuelles non consenties envers différents membres de la famille, y compris envers des mineurs. Dans le cas de la violence psychique, il peut s’agir de menaces, de contraintes, de privation de liberté, de harcèlement, de chantage émotionnel, d’humiliation, de ridiculisation, d’usage de mineurs pour mettre de la pression. La violence sociale suppose l’isolement de la victime à travers l’interdiction ou la restriction de ses liens avec les autres, le reste de sa famille ou ses amis. La violence économique représente la privation de quelqu’un de son droit de travailler, de gagner de l’argent, en limitant de cette manière l’accès de la victime à l’argent, à des affaires personnelles, aux aliments, au téléphone, bref à toutes ces choses qui la rendraient autonome. On parle de violence spirituelle au moment où quelqu’un se voit interdire le droit de s’exprimer dans sa langue maternelle ou encore quand il se voit contraint d’exercer des pratiques religieuses qu’il trouve inacceptables. Dernièrement, on a à faire à un autre type d’agression, le cyber harcèlement. Il s’agit d’un type de violence via Internet, en poursuivant la victime en ligne, à travers différents dispositifs, dans un souci de contrôle et de force. »

    Le chantage émotionnel, l’évocation répétée des erreurs du passé de la victime, la manipulation ou la contrainte sont autant de pratiques de guilt tripping, cette culpabilisation qui, une fois déclenchée chez la victime, la rend facilement contrôlable par son agresseur. Cristina Năstase précise : Le guilt tripping ou la culpabilisation est une forme de violence domestique de type émotionnel qui, à la différence de la violence physique, implique un processus de longue durée que la victime ne perçoit pas et finit par le prendre comme quelque chose de normal. Il s’agit pratiquement d’une forme de communication verbale ou non-verbale dont l’agresseur se sert pour déclencher chez sa victime un sentiment de culpabilité censée lui permettre un meilleur contrôle sur cette dernière. C’est une forme évidente de manipulation psychologique et de contrainte que l’on remarque, par exemple, quand on reproche à la victime de ne pas avoir suffisamment travaillé ou de l’avoir fait pire qu’elle n’aurait dû le faire, quand on lui reproche ses erreurs du passé, quand on lui rappelle les faveurs qu’elle s’est vu offrir, quand on se conduit comme si on lui en voulait, tout en affirmant le contraire, quand on refuse de lui adresser la parole, en montrant clairement par le langage corporel qu’on désavoue sa conduite. Eh bien, à force d’induire la culpabilité chez nos partenaires, ils feront ce que nous, on attend d’eux, tout en payant le prix, à savoir devenir conscients d’être manipulés. »

    Sur l’ensemble des victimes de la violence domestique, les enfants sont les plus fragiles. Dépourvus de repères et de protection, les enfants abusés prennent la violence pour la normalité. Quelles sont les conséquences de l’abus physique, psychologique ou d’autre nature sur les mineurs? Cristina Năstase : « Les enfants restent souvent loyaux au parent ou à l’adulte abusif, car ils ont peur des conséquences qu’ils risquent de subir si l’abus est dénoncé. Parfois, un enfant victime d’une agression émotionnelle considère que les mots vexants dont il tombe victime ou le refus d’affection qu’il subit sont des aspects de vie normale. Et du coup, il n’en parle pas, car il considère que ce comportement est tout à fait acceptable. Pratiquement, les enfants abusés s’en considèrent responsables et s’ils se sentent mal-aimés, c’est de leur faute, disent-ils. Ce n’est qu’à force de se comparer avec d’autres enfants de l’école ou d’ailleurs qu’ils réalisent qu’ils vivent dans un milieu toxique dont les conséquences peuvent s’avérer sévères et perdurer jusqu’à l’âge adulte. On parle, par exemple, de toute sorte de troubles d’attachement. Ces enfants pourraient aussi être exposés à un risque accru de relations difficiles avec les collègues de classe, ils pourraient avoir des problèmes avec leur intimité, des difficultés à solutionner des conflits, des comportements antisociaux qui pourraient provoquer toute sorte de formes de délinquance, des conduites additives ou des agressions. Or, en l’absence d’une prise en charge correcte, les enfants abusés sont souvent les futurs adultes abusifs qui à leur tour, agresseront leurs propres enfants. » (Trad. Ioana Stancescu)

  • La peau artificielle parfaite

    La peau artificielle parfaite

    Depuis 2012, une équipe de chercheurs de la Faculté de Bio ingénierie médicale de Iasi (dans le nord-est de la Roumanie) tente de produire la peau artificielle parfaite. Il s’agit d’un tissu créé à 100% dans le laboratoire mais compatible avec celui humain. Destiné principalement aux cliniques de chirurgie esthétique, ce projet unique en Roumanie par sa complexité touche à sa fin. Il est actuellement dans la phase de tests, mais les spécialistes de Iasi estiment que les patients pourront bénéficier du produit fini d’ici deux ans.



    Liliana Vereştiuc, vice doyenne de la Faculté de Bio ingénierie médicale de Iasi, nous en dit davantage: « En fait, c’est un système qui contient non seulement du matériel synthétique, mais aussi des cellules. L’idée nous est venue à l’esprit il y a quelques années, lorsque le Centre de formation et de recherche en Ingénierie tissulaire, organes artificiels et médecine régénérative fut créé dans le cadre de notre faculté. Nous avons commencé par de petits pas, essayant dans une première étape de réunir toutes les facilités dont nous avions besoin pour développer une telle technologie. Ensuite, nous avons formé une équipe et nous avons commencé à étudier le domaine. Jusqu’ici nous avons déjà fait des tests sur des animaux de petite taille, nous avons l’intention de démarrer les tests sur les animaux de grande taille, pour avoir d’ici deux ans les confirmations sur les caractéristiques d’un tel produit ».



    A l’heure actuelle les spécialistes en chirurgie esthétique de Roumanie utilisent exclusivement la peau artificielle importée, dont le prix se monte à 8 euros le cm carré. Le produit créé à Iasi devrait être vendu à la moitié de ce prix, ce qui entraînera la baisse des coûts des interventions chirurgicales, affirme Liliana Vereştiuc: « Obtenir en Roumanie ce type de peau coûterait beaucoup moins que l’importer de l’Occident. Il y a très peu de produits similaires, notamment du type que nous visons, à savoir des systèmes bio-artificiels, c’est à dire un type de peau qui n’est pas complètement artificielle. Les produits qui existent actuellement sur le marché roumain proviennent des Etats-Unis et coûtent très cher. »



    Pour tester les matériaux produits dans le laboratoire, les chercheurs de Faculté de Bio ingénierie collaborent avec la Faculté de Médecine Vétérinaire de Iasi. Le tissu bio-artificiel obtenu suite à l’insertion de cellules produites en laboratoire ou extraites de différents tissus d’animaux sur une matrice, un support obtenu sur place, à base de collagène et d’acide hyaluronique. Qu’est-ce que c’est, en fait, cette peau artificielle créée par les chercheurs de Iasi?



    Liliana Vereştiuc: « Nous imaginons une structure poreuse où les cellules migrent, une matrice aux caractéristiques adhésives; les cellules l’acceptent et s’y attachent, le support est pratiquement peuplé de ces cellules, il a l’apparence d’une peau naturelle, et fonctionnel comme une peau naturelle. En général nous utilisons des polymères, nous avons testé plusieurs classes de polymères avant d’obtenir ce support qui puisse être peuplé de ces cellules. S’y ajoute, évidemment, la cellule qui peut être d’une nature différente. Notre intention est de récolter des cellules chez les patients, nous ne travaillons pas uniquement avec des cellules spécifiques à un certain type de tissu, nous avons également utilisé des cellules souches dans les tests effectués dans notre laboratoire ».



    Dans l’étape finale, les chercheurs de Iasi utiliseront des cellules prélevées du patient qui a besoin de peau, pour que le tissu soit biocompatible. Deux banques de peau ont été créées en Roumanie : l’une existe de puis 2000 à Bucarest, à l’hôpital pour enfants Grigore Alexandrescu, l’autre a été ouverte à Timisoara (ouest) en 2010. Ces banques gardent de la peau prélevée de donneurs se trouvant en état de mort cérébrale. Vu que ces donneurs sont très peu nombreux, en général, en cas d’urgence, les médecins utilisent les greffes de peau prélevées aux proches des patients. Le matériel créé à Iasi représente pratiquement un pansement qui peut être appliqué sur les zones touchées de brûlures graves ou d’ulcérations.



    La peau bio-artificielle simplifierait beaucoup les choses, tant pour les médecins que pour les patients, et pas seulement pour ceux qui ont des brûlures et nécessitent des transplantations, comme on pourrait le croire. Liliana Vereştiuc : « Dans le cas des patients souffrant de diabète, par exemple, chez lesquels la guérison de certaines lésions cutanées est ralentie, de tels systèmes bio-artificiels permettent que des facteurs de croissance et des substances biologiques migrent de ces matrices, contribuant au processus de guérison de ces lésions. »



    Le tissu bio-artificiel est produit en 28 jours maximum. Liliana Vereştiuc espère que, dans deux ans, le Centre de formation et de recherche en ingénierie tissulaire pourra proposer une technologie susceptible d’être achetée par les compagnies actives dans ce domaine. Ainsi, la peau artificielle deviendra accessible à tous ceux qui en ont besoin.



    L’activité des chercheurs de ce centre est orientée parallèlement dans deux autres directions : obtenir des substituts osseux et des greffes vasculaires. Ils tentent notamment de combler des zones osseuses écartées suite à la présence de cellules cancéreuses. (trad. Valetina Beleavski, Dominique)