Tag: littérature roumaine

  • L’écrivain Mircea Cărtărescu récompensé du Dublin Literary Award

    L’écrivain Mircea Cărtărescu récompensé du Dublin Literary Award

    Le roman « Solénoïde » de l’écrivain roumain Mircea Cărtărescu a remporté le Dublin Literary Award 2024. Dans sa motivation, le jury a souligné « les passages d’une grande beauté », souvent « particulièrement inventifs et pleins d’accents philosophiques et lyriques », « Solénoïde » étant, selon les jurés, « l’œuvre d’un écrivain européen important ». Ils ont également apprécié la traduction en anglais réalisée par Sean Cotter, qui avait réussi à saisir « la précision lyrique » du roumain, rendant ainsi le roman accessible à un nouveau public. Parue aux éditions  Deep Vellum Publishing à l’automne 2022, la traduction de Sean Cotter a compté parmi les meilleurs livres de l’année, recueillant des chroniques élogieuses dans des publications importantes telles que The New York Times, The New Yorker, Publishers Weekly, The Financial Times. Le nom de Mircea Cărtărescu se retrouve ainsi sur l’impressionnante liste d’anciens gagnants du Dublin Literary Award, aux côtés du Turc Orhan Pamuk, du Français Michel Houllebecq, de la Roumano-Allemande Herta Muller (Prix Nobel de littérature en 2009). Écoutons Mircea Cărtărescu parler de son roman « Solénoïde ».

     

    « L’un des grands thèmes est justement cette méditation sur le monde, sur la réalité, sur ce que nous vivons actuellement. L’autre thème, qui le croise en quelque sorte, est celui du salut. Ou bien, dans un langage plus théologique, le thème de la rédemption: que pouvons-nous faire pour sortir de cette réalité? Comme vous le savais, tous les mythes gnostiques affirmaient la même chose: tu n’es pas d’ici, tu n’es qu’une étincelle de divinité ensevelie dans de la matière et ton devoir est de t’en évader, qui que tu sois. Ton devoir est de regrimper jusqu’à la grande flamme divine dont cette étincelle s’est détachée. Je vous avoue qu’après avoir fini mon roman « Orbitor », j’ai mis quatre ans pour décider du projet suivant. Je n’ai presque rien écrit pendant ces quatre ans, chaque jour de ma vie je n’ai fait que penser à ce que je voulais faire, au choix de mon prochain sujet. Avec l’âge, j’ai compris qu’il ne me restait plus beaucoup de temps devant moi, que je ne pouvais pas le gaspiller sur des bagatelles, qu’il m’était impossible d’écrire des trucs sympas, comme on le fait tous les jours  sur Facebook. Bon, je peux écrire ça aussi, mais je voudrais faire autre chose aussi, écrire un livre testamentaire, un livre vraiment important. Où je raconte, d’emblée si possible, tout ce que j’ai vécu. Essayer de faire un concentré de mon expérience de vie pour laisser quelque chose derrière moi, comme on dit. Laisser quelque chose de concret et d’utilisable par ceux qui viennent après nous. Pour moi, ce livre est une clé de voûte de tout ce que j’ai déjà fait, la pierre angulaire sur laquelle s’appuie la voûte de mes autres livres. »

     

    En 2022, le Los Angeles Times a désigné « Solénoïde » de Mircea Cărtărescu « meilleur livre de fiction de l’année » aux Etats-Unis. L’influent quotidien californien accorde des prix qui comptent parmi les plus prestigieux de l’espace littéraire américain. Paru aux Editions Humanitas de Bucarest en 2015, « Solénoïde » a déjà était traduit en espagnol, catalan, suédois, français, allemand, slovaque, bulgare, croate, italien, danois, néerlandais, anglais, norvégien et hongrois. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • 17.10.2020

    17.10.2020

    Coronavirus en Roumanie – La Roumanie a rapporté samedi 3952 nouveaux cas d’infection
    au coronavirus dépistés en 24 heures, ce qui porte le bilan à 176.468 personnes
    infectées depuis le début de la pandémie en Roumanie. S’y ajoutent 63 décès
    enregistrés de jeudi à vendredi et 745 malades en soins intensifs. C’est
    pourquoi, les autorités sont à la recherche de solutions pour que davantage
    d’hôpitaux puissent rejoindre la lutte contre le coronavirus. Selon le chef du
    Département pour les situations d’urgence, Raed Arafat, la Roumanie affronte en
    ce moment la 2e vague de la pandémie. Selon les spécialistes, cette
    vague s’étalera tout le long de l’hiver. Dans ce contexte, un millier d’écoles
    roumaines sont fermées et dispensent de cours en ligne uniquement. Selon le
    ministère de l’Education quelque 11.300 établissements scolaires accueillent
    des élèves en présentiel, en respectant toutes les normes sanitaires qui
    s’imposent, alors que dans environ 5200 écoles les cours en présentiel et en
    distanciel alternent.

    Vote par correspondance – Le chef de la diplomatie de Bucarest, Bogdan Aurescu, a fait un appel aux Roumains de l’étranger les exhortant à opter pour le vote par correspondante au futur scrutin législatif, vu que la date finale des inscriptions est le 22 octobre. Le ministre attire l’attention sur le fait que le vote par correspondance est la manière la plus sûre de protéger la santé de l’électorat roumain de la diaspora dans l’actuel contexte pandémique. Toutes les informations nécessaires pour participer au vote sont disponibles sur le site du ministère dans la section consacrée aux élections parlementaires du 6 décembre 2020. Le ministre Aurescu a aussi précisé que plusieurs pays imposent des restrictions dans le contexte de la pandémie et le nombre de bureaux de vote qui seront organisés à l’étranger pourrait être limité cette fois-ci.

    Défense – Le ministère roumain de la Défense salue la finalisation par le Département américain d’Etat du processus d’évaluation de la demande de Bucarest concernant l’acquisition du Système d’installations mobiles de lanceurs de missiles anti-navire SIMIL. L’acquisition de ce système compte parmi les 5 programmes de dotation de l’Armée Roumaine. Cela permettra à la Roumanie de mieux faire face aux menaces actuelles et futures en renforçant ses capacités de défense maritime dans la mer Noire.

    Festival – Les festival littéraire roumano-britannique Romania Rocks se déroule jusqu’au 13 novembre à Londres et sur Internet. Il réunit les meilleurs auteurs britanniques du moment et d’importants écrivains roumains, tels Ana Blandiana, Eugen Chirovici ou Matei Vişniec. Avant le festival, le 30 septembre, a été lancé le premier magazine britannique consacré à la littérature roumaine. Cette initiative est censée rapprocher la littérature roumaine des lecteurs du monde entier. Les événements du festival seront filmés et mis en ligne pour être accessibles gratuitement sur les réseaux de socialisation des deux institutions partenaires : l’Institut culturel roumain et le réseau européen de littérature.

    Numérique – L’équipe de la Roumanie a remporté le premier prix du 4e concours intitulé « Une Europe préparée pour l’ère du numérique », dans le cadre de la compétition Datathon, dans l’étape finale de la 18e semaine européenne des régions et des villes, une compétition déroulée en ligne. Le projet de l’équipe roumaine, Digital Dryards, utilise des images captées via satellite grâce au programme européen Copernicus, afin de faire un monitoring des forêts et lutter contre les défrichements illégaux. EU Datathlon est un concours annuel qui invite toute personne intéressée à développer des applications innovatrices en utilisant de manière correcte les données libres de l’UE.

    Météo – Le ciel est couvert ce samedi sur l’est et le sud-est de la Roumanie. Sur le reste du territoire il fait un peu plus chaud que la normale saisonnière. Les maxima de la journée iront de 18 à 26 degrés. 18 degrés à midi à Bucarest.

  • Daniela Faraill – La littérature roumaine au Festival du premier roman de Chambéry

    Daniela Faraill – La littérature roumaine au Festival du premier roman de Chambéry

    Le Festival du premier roman de Chambéry, bien connu dans le paysage littéraire français, maintient depuis un moment une relation rapprochée avec la littérature roumaine. Daniela Faraill, chargée des relations internationales au sein de Lectures plurielles, l’association qui
    organise le Festival, nous en parle.

    L’association Lectures plurielles fait aussi un
    appel aux collaborations dans cet entretien, à écouter donc avec attention !

    Livres cités :


    Marta Petreu, Notre maison, dans la plaine de
    l’Armageddon, Editions L’Âge d’Homme


    Irina Teodorescu, La malédiction du bandit
    moustachu, Editions Actes Sud

    Une interview réalisée par Elena Diaconu au Festival de littérature et de traduction FILIT.



  • Marily Le Nir – Le goût de la traduction littéraire

    Marily Le Nir – Le goût de la traduction littéraire

    Née en Roumanie dans les années ’30, elle a été professeur d’allemand. C’est une fois à la retraite qu’elle se dédie à la traduction littéraire, une activité qu’elle n’associe pas à du travail, tant
    elle trouve cela passionnant. C’est à elle qu’on doit la traduction en français
    des œuvres de Norman Manea, Florina Ilis et Eugen Uricaru, pour ne citer que
    quelques-uns des écrivains roumains qu’elle a choisi de traduire.


    Les livres cités dans l’interview :

    Nicolae Steinhardt – Le journal de la félicité, Arcantères

    Florina Ilis – Les vies parallèles, Editions des Syrtes

    Florina Ilis – La croisade des enfants, Editions des Syrtes

    Ioana Pârvulescu – La vie commence vendredi, Editions du Seuil

    Une interview réalisée par Elena Diaconu dans le cadre du Festival de litétrature et de traduction FILIT.

  • Littérature pour tous

    Littérature pour tous

    Né en 1983, le poète Claudiu Komartin a fait ses débuts littéraires en 2003 – avant son 20e anniversaire – avec le volume «Le Marionnettiste et autres insomnies », récompensé du Prix national du début littéraire « Mihail Eminescu ». Deux ans plus tard, il signait le livre « Le Cirque domestique », distingué lui aussi du «Prix de la poésie de l’Académie roumaine ». D’autres volumes n’ont pas tardé: « Une Saison à Berceni » (en 2009) et « Cobalt » (en 2013). Ces livres ont non seulement confirmé le talent de Claudiu Komartin, mais ils l’ont consacré en tant que leader de la génération 2000, dans le domaine de la poésie et des traductions. Et c’est toujours à Claudiu Komartin qu’appartient l’initiative de créer en 2010 la Maison d’édition Max Blecher. C’était une en fait une continuation de l’atelier de littérature contemporaine « L’Institut Blecher », histoire de promouvoir la littérature roumaine contemporaine, dont notamment les auteurs moins connus.

    Pour davantage de détails sur ce projet, nous avons invité au micro Claudiu Komartin en personne : « Ce que nous avons voulu faire dès le début, c’était de construire une communauté. Cette communauté est formée d’écrivains, notamment de poètes qui ne comptent pas parmi les vedettes du moment. Nous avons voulu créer un sentiment d’appartenance à une histoire commune. Nous avons mis sur pied ce club de lecture en 2009. Il s’est développé d’une manière complètement inattendue, car à 26 ans, je n’avais pas imaginé que j’allais travailler dans ce domaine. Peu à peu, nous avons créé la maison d’édition. J’ai voulu y amener des personnes d’une grande valeur, qui se sentent bien ensemble. Et ce, parce que souvent les éditeurs leur laissent l’impression qu’ils devraient être contents et se sentir privilégiés d’être publiés par des éditions renommées. Pour moi, cela ne suffit pas. Je constate aussi que chez certaines éditions, on ne fait pas la promotion des auteurs publiés. Il s’agit aussi des grandes maisons d’édition : bien qu’elles disposent de ressources de marketing et de promotion, elles ne s’occupent pas de leurs auteurs parce qu’ils ne sont pas célèbres. Il est tout aussi vrai qu’en Roumanie, à l’heure actuelle, il n’y a plus d’écrivains célèbres, ou ils sont très peu nombreux. L’écrivain Mircea Cărtărescu et la poétesse Ana Blandiana sont deux exemples illustratifs. Mais il y a sans doute une vingtaine d’écrivains d’une très grande valeur, connus de seulement quelque milliers de personnes ».

    Comme tout talent précoce, Claudiu Komartin a aussi un côté rebelle : il souhaite introduire les poètes roumains contemporains de l’underground dans la zone mainstream.

    Comment envisage-t-il de le faire ? Claudiu Komartin répond : « Ce que nous pouvons garantir, c’est de présenter ces livres à tous les festivals de poésie organisés à travers le pays, à toutes les foires importantes du livre, et de les envoyer aux critiques littéraires spécialisés en littérature contemporaine. A part cela, nous parcourons tout le pays. Nous entrons dans les librairies et les bibliothèques, dans les bistrots aussi, et dans des espaces non conventionnels. Nous tentons d’arriver à un public qui ne soit pas forcément formé d’écrivains et de connaisseurs. Nous avons réussi à toucher un public qui n’avait jamais pensé que la littérature contemporaine pouvait se présenter de la manière dont nous l’écrivons et la publions. »

    Tout comme les Editions Max Blecher se voulaient une continuation d’un cercle littéraire, la revue Poesis International est aujourd’hui, à son tour, la continuation de cette maison d’édition.

    Claudiu Komartin raconte comment cette publication a vu le jour: « Le projet est apparu au printemps 2010 à Satu Mare (nord). C’est là que nous avons réuni plusieurs poètes, écrivains et traducteurs dans un projet proposé par le poète local Dumitru Pacuraru. Je ne savais pas si cela allait marcher, car nous n’avions aucune base matérielle. Mais tout s’est bien passé et le projet fonctionne toujours, trois ans plus tard. La revue s’est proposé dès le début de publier beaucoup de littérature étrangère contemporaine, pas forcément du présent, mais aussi de la littérature des 50 – 60 dernières années, traduite en roumain. Il s’agit principalement de poésie, mais aussi de prose et d’essais. L’idée, c’était de présenter des expériences de zones linguistiques et culturelles différentes de la nôtre pour nous rendre compte où nous en sommes. Les choses ont gagné en ampleur et à présent nous publions de la poésie de 20 pays environ, des textes venus des Etats-Unis jusqu’en Europe Centrale et de l’Est. »

    L’institut Blecher, le cercle littéraire qui a jeté les bases des éditions dirigées actuellement par Claudiu Komartin, continue aussi son activité et permet aux jeunes poètes d’y présenter leurs créations. (Trad. Valentina Beleavski)

  • Les prix du magazine Observatoire Culturel

    Les prix du magazine Observatoire Culturel

    Paru en 2000, « Observator Cultural » (Observatoire culturel) est le magazine culturel le plus important de Roumanie. En 2007, ses créateurs ont lancé les prix « Observator Cultural » qui récompensent les meilleurs écrivains autochtones du moment. L’année dernière, le dissident et activiste pour les droits de l’homme Gabriel Andreescu écrivait : «L’apparition de l’Observateur culturel, en 2000, a marqué une nouvelle étape dans l’évolution des empreintes idéologiques de la communauté intellectuelle. Entre temps, l’Observatoire culturel a confirmé le statut qu’il avait assumé dès le début, celui de pôle formateur en matière d’idéologie culturelle. Les prix institués depuis déjà 2007 ont défini, voire tranché, je dirais, ses options».

    Cette année, 10 écrivains ont été primés dans le cadre d’un gala tenu au théâtre Odeon de Bucarest. Ils étaient 34 candidats au total pour 6 catégories : Mémoires, Essais/Publications, Critique, Histoire et théorie littéraire, Poésie, Prose et Premier Texte.

    Carmen Muşat, rédactrice en chef du magazine Observator Cultural, explique l’importance de ce gala : « Par ces prix, nous tentons de dresser un tableau de la culture roumaine vivante, de la littérature roumaine actuelle. A chaque édition, des noms nouveaux viennent s’ajouter à la liste des nominations et des prix. Cela nous aide à définir aussi le profil culturel de l’Observatoire culturel. Il s’agit donc d’une double démarche. Nous dressons d’une part le profil culturel de notre magazine, et d’autre part – l’identité de la culture roumaine à l’heure où l’on parle. »

    Le gala de l’Observatoire culturel a eu un moment à part : 16 lycéens sont montés sur la scène du Théâtre Odeon de Bucarest pour remettre le « Prix Observator Lyceum » au prosateur Vlad Zografi, pour son volume « Les effets secondaires de la vie » paru aux Editions Humanitas.

    Carmen Muşat : « Nous rencontrons ces jeunes, nous écoutons leurs options, leurs arguments. Ils m’ont vraiment impressionnée, et je ne suis pas la seule. Cette année, tout comme l’année dernière, les participants au Gala ont été touchés par le discours des lycéens, par leurs motivations et leurs arguments si frais et si bien articulés. Je pense qu’il faut encourager et promouvoir ces jeunes, leur donner la chance de rencontrer des écrivains roumains et découvrir leur littérature. Cette année, la poétesse Ana Blandiana a été surprise par la réaction d’un enfant qu’elle a rencontré lors d’une invitation à une école générale. L’institutrice avait annoncé à ses élèves qu’ils allaient faire la connaissance d’Ana Blandiana. Toutefois, cet enfant l’a contredite en disant que cela ne pouvait pas être vrai. Après un moment de stupeur, tous ont voulu savoir pourquoi il avait dit cela. L’enfant a répondu qu’à sa connaissance, tous les poètes sont morts, par conséquent, la dame devant lui ne pouvait pas être Ana Blandiana. Cette réaction en dit long sur la manière dont la littérature est enseignée à l’école. Tous les écrivains présents dans les manuels sont des écrivains de musée. Par conséquent, les enfants ont l’impression que la place de la littérature est aussi au musée. Pour eux, la littérature n’est pas quelque chose de vivant avec lequel on peut interagir. C’est justement ce que nous tentons de faire par le biais du magazine Observatoire culturel et par ces prix. Nous tentons de démontrer que la littérature est vivante. Nous allons démarrer bientôt un projet de lectures publiques proposant des rencontres entre lycéens et écrivains roumains et différents types d’artistes. Nous souhaitons leur lancer un défi, créer des interactions culturelles. »

    En outre, le Gala des Prix de l’Observatoire culturel se propose aussi de récompenser les traductions. Il s’agit non seulement des traductions de livres étrangers en roumain, mais aussi de traductions d’œuvres roumaines dans une langue étrangère. Cette année, l’Observatoire culturel a récompensé la Roumaine Veronica D. Niculescu et la Polonaise Joanna Kornaś-Warwas.

    Veronica D. Niculescu parle de son travail de traductrice: «Je me suis rendu compte qu’en 2007 je commençais à traduire mon premier livre de Nabokov sans avoir un contrat, sans aucune pression, ni obligation, par pur plaisir. Le livre est paru en 2008 par pure chance. Il aurait pu tout aussi bien ne pas être publié, j’aurais pu ne pas avoir de contrat et avoir tout simplement un livre traduit par plaisir. Heureusement, une année plus tard, les éditions Polirom ont obtenu les droits de publier la série Vladimir Nabokov et le volume que j’avais traduit a pu paraître. Je me souviens parfaitement des pages qui m’avaient déterminée à faire cette traduction, des mots qui sont devenus une véritable devise pour moi, une devise très utile quand je suis fatiguée. Je me souviens de mon état d’esprit à l’époque et je crois que ce serait idéal d’avoir cet état d’esprit à chaque fois que je commence à traduire, car c’est l’état idéal. Il s’agit des pages 107 et 108 de l’édition roumaine de « L’œil », où un personnage parle de la « beauté qui ne peut pas être possédée ». La lumière du crépuscule sur les toits, le parfum d’une fleur que l’on peut sentir à l’infini, mais sans le posséder. A mon avis c’est justement ce que nous faisons lorsque nous écrivons ou nous lisons ou nous faisons de nombreuses autres activités : nous tentons en quelque sorte de posséder ce qui ne peut pas être possédé. »

    Voilà autant de sentiments partagés entre auteurs et public à l’occasion du Gala des Prix de l’Observatoire culturel. (Trad.Valentina Beleavski)

  • Volumes à succès en 2014

    Volumes à succès en 2014

    Construit sur un squelette narratif qui se compose de situations, personnages et idées décrivant tout un univers, le volume « Les paroles sont bien une province » est un poème aussi bien sur la solitude, l’isolement et la féminité que sur le langage avec ses limites et ses faiblesses ». C’est par ces mots figurant sur la couverture de son volume qu’Adela Greceanu entend expliquer sa poésie. Lancé en présence de la romancière Nora Iuga et du journaliste Ovidiu Shimonca, le recueil « Les paroles sont bien une province » a suscité des réactions contradictoires.



    Si de l’avis de Nora Iuga, le volume parle de la solitude, Ovidiu Shimonca dit le contraire: « Je ne dirais pas qu’il s’agit d’un livre sur la solitude. Il est évident que la solitude y occupe une place importante puisqu’il existe une protagoniste qui incarne l’idée de solitude. Elle est tout le temps seule, elle passe le plus clair de son temps à regarder par la fenêtre ou à prendre chaque soir un bus bourré de voyageurs. Pourtant, ce n’est pas de la solitude que l’auteur veut nous parler. Il faut bien regarder la couverture du volume avec la photo de la protagoniste prise de dos et lire ce que le personnage affirme dès la première page: « la provinciale qui se trouve en moi voit tout ce qui l’entoure/ bien qu’il n’y ait personne à la regarder de dos/ à voir son dos immobile de femme ou de petite fille. » C’est exactement l’image présentée en photo, sur la couverture du livre. Mais, par le simple fait de choisir cette image, l’auteur fait part de son intention de contredire sa protagoniste solitaire, Adila. Car il suffit de prendre le livre entre ses mains pour remarquer cette fille seule, assise à sa fenêtre, son épaisse crinière brune sur le dos. Cela veut dire que c’est par la poésie que l’on peut chasser la solitude. »



    Plus que cela, affirme Adela Greceanu « c’est la poésie qui m’aide à gérer mes rapports avec le monde et avec moi-même. C’est grâce à la poésie que j’arrive à repartir chaque fois à zéro». « Je pense que grâce à la littérature et notamment à la poésie que nous avons la chance de vaincre la solitude, tout en pouvant participer à la solitude des autres. La solitude s’avère l’une des rares modalités de se trouver aux côtés de quelqu’un. J’ai reçu un nombre surprenant de messages de la part des gens que je connaissais et dont j’attendais les réactions, mais aussi de la part d’inconnus et qui m’ont vraiment impressionnée. Il me semble que ma poésie a touché pas mal de personnes et en quelque sorte, il m’a semblé que l’on attendait ce livre. Peut-être parce que j’en ai lu des extraits à plusieurs reprises, lors des festivals de littérature et j’ai découvert que le public l’a bien reçu ».



    Un des arguments pour lesquels Bogdan-Alexandru Stanescu s’est vu décerner le prix du « Jeune écrivain de l’année 2014 » dans le cadre de la 5e édition du Gala des jeunes écrivains, c’est le fait d’avoir publié dans plusieurs genres « et d’avoir écrit d’une manière extraordinaire dans chacun d’entre eux », selon le jury. Au sujet de « anaBASis », un volume accompagné de 12 illustrations par Laurentiu Midvichi, l’auteur affirme que : « J’ai écrit ce nouveau volume avec cette zone sensible entre les omoplates, là où Nabokov situait le plaisir de la lecture. AnaBAsis est vraiment une descente, mais une descente thérapeutique, au bout de laquelle j’espérais voir, enfin, la mer ». Bogdan Alexandru Stanescu : « anaBASis a de nombreux liens avec un de mes précédents volumes : « Puis, après la bataille, nous avons repris notre souffle ». C’est peut-être une continuation, peut-être que je me suis dépêché un peu trop de publier à 33 ans. anaBASis conclut ce cycle, c’est-à-dire la série de moments « joyaux », même si c’est un peu trop de les appeler ainsi. Je pense notamment aux nœuds dont parlait Nabokov, des images qui peuvent donner naissance à quelque chose, un roman, une prose courte surtout, mais aussi un volume de poèmes. Mais pour séparer « anaBASis » de « Puis, après la bataille nous avons repris notre souffle» je dois préciser que le point de départ de ce volume a été l’image des 10 mille mercenaires qui sont passés par l’Empire persan, par le désert, par les montagnes. Il me semblait que ce moment, raconté aussi dans les récits de Xénophon, quand ces mercenaires sont finalement arrivés à la mer, fut un des plus joyeux de l’histoire de l’Humanité. J’ai eu l’impression que ce moment historique fut également lié à mes petits moments de joie, qu’il existait une correspondance, et je ne le dis pas par orgueil — entre l’histoire privée personnelle et l’histoire du monde. Je suis sincèrement surpris de voir les gens me demander « mais qu’est ce que t’as à faire avec les Grecs et les Perses ? » Je n’ai rien à faire, je ne suis ni le premier, ni le dernier poète à commencer par un tremplin historique pour arriver à sa propre vie et à ses propres souvenirs».



    « Les livres de Bogdan-Alexandru Stănescu ont la qualité d’infirmer quelques-uns des préjugés les plus durables de notre monde littéraire. Le premier, c’est qu’il est impossible d’écrire de la littérature d’envergure après avoir fait de la critique littéraire. A mon avis Bogdan Alexandru Stanescu fait de la chronique littéraire et de la poésie, beaucoup mieux que d’autres auteurs, dont le nom apparaît dans tous les magazines. Puis c’est merveilleux que les poèmes d’anaBASis soient écrits par un poète qui assume la littérature et l’histoire de la littérature jusqu’à sa dernière cellule », affirmait le critique littéraire Cezar Gheorghe. Ecoutons Bogdan-Alexandru Stănescu. « Par ses mots, Cezar met le doigt sur la plaie. Il existe ce préjugé que si on se manifeste dans un domaine littéraire, on ne peut pas passer dans un autre, parce que le monde vous accusera de ne pas être sérieux. Mais nous sommes un groupe de quelques auteurs qui voient la littérature d’un œil différent. La littérature est un tout. On fait des commentaires de poésie et de prose dans les journaux parce qu’on aime lire. Et on lit et on pense que l’on a quelque chose à dire, on le dit, et pour cela il ne faut pas être critique littéraire. A mon avis, je ne suis pas critique littéraire. Je ne suis pas un universitaire, je ne remplis pas mes articles de théories, mais j’essaie de faire des commentaires honnêtes, parce qu’à mon avis l’honnêteté joue un rôle très important dans ce métier. Mais comment tout cela m’empêche-t-il d’écrire de la poésie, si je vois la poésie comme un élément essentiel de mon existence et pourquoi doit-on me percevoir d’une seule et unique manière ? »

  • La littérature roumaine …

    La littérature roumaine …

    C’est une Roumanie qui se laisse découvrir, quasiment tous les deux mois par un Regard francophone très attentif aux détails qui font la différence. Le dernier numéro, octobre — décembre, du magazine francophone Regard, l’unique publication de ce genre de Roumanie, est sorti rencontrer son public depuis juste quelques jours. Et nous allons parler de son contenu avec le rédacteur en chef Laurent Couderc.