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  • Les manoirs de Măldărești

    Les manoirs de Măldărești

    Aujourd’hui, nous
    vous proposons un voyage particulier, qui vous plongera dans le temps et dans l’histoire
    de la région d’Olténie, nous rendant dans le village de Măldăreşti, à la
    découverte des manoirs fortifiés, véritables joyeux architecturaux de Moyen Âge
    tardif roumain. Erigés dans le département de Vâlcea, ces manoirs sont désignés
    par le terme de « culă », signifiant tour fortifiée en langue turque.
    Et, en effet, si ces manoirs faisaient fonction de résidence des boyards d’Olténie,
    ils étaient également censés défendre la vie et les biens de leurs hôtes. Et pour
    s’acquitter de leurs fonctions, les manoirs fortifiés, répandus à partir du 17e
    siècle dans tous les Balkans, ont, en effet, tout l’apparence d’une tour
    fortifiée, capable de protéger ses occupants face à une éventuelle attaque
    ennemie, tout comme face à un soulèvement paysan.






    Liliana Beu, directrice
    adjointe du musée départemental de Vâlcea nous lance un défi : « Si vos
    pas vous portent dans la région d’Olténie, je vous invite de ne surtout pas
    rater le complexe muséal de Măldărești, situé tout
    près de la ville d’Horezu, bien connue pour ses potiers traditionnels. A Măldăreşti,
    vous trouverez deux de ces « cule », de ces manoirs fortifiés, parmi les
    mieux préservés de toute la région, la « cula Greceanu », puis l’ancienne
    « cula Măldărescu », rebaptisée Duca, mais aussi la maison mémorielle
    d’I.Gh.Duca, celle de l’ancien président du Conseil de ministres roumain,
    assassiné par les tueurs d’extrême droite de la Garde de Fer, en 1933. Cula
    Greceanu est sans doute la plus représentative de cette architecture aristocrate
    d’Olténie. Elle avait été bâtie au 16e siècle, lors du règne de
    Michel le Brave. L’un de ses commandants avait été fait prisonnier par les
    Tatars. Il s’évade, réussit à regagner la Munténie et s’établit en Olténie, où
    il bâtira son manoir fortifié et fondera une lignée aristocratique prestigieuse
    de la région. Selon la tradition, il aurait donné son nom au village. Il semblerait
    que le sire était immensément riche pour l’époque. Mais le manoir avait été refait
    à plusieurs reprises, prenant son aspect actuel vers le début du 17e
    siècle, lorsqu’il reprit des éléments du style architectural brancovan, du nom
    du voïvode Constantin Brancovan qui l’initia. Ouvrage éminemment militaire à l’origine,
    il devient le siège d’une seigneurie féodale typique de la région, caractérisé
    par l’élégance des lignes du style brancovan. »






    Et bien que le
    manoir fortifié Maldarescu ne peut être visité qu’à l’extérieur, il vaut le
    détour. C’est ici qu’avait d’ailleurs été tourné en 2015 Aferim, le film
    de Radu Jude, qui avait remporté l’Ours d’argent au festival de Berlin, et
    avait sélectionné pour les Oscar. Le manoir fortifié
    Duca est en revanche, lui, accessible aux visiteurs. Vous découvrirez les célèbres
    tapis d’Olténie, des icônes et du mobilier d’époque.






    Liliana Beu : « Le
    manoir fortifié Duca se trouve toujours au sein du complexe muséal de Măldăreşti,
    car il avait appartenu, avec les terres attenantes, à la famille Măldărescu. Au
    début du 20e siècle, le libéral I. Gh. Duca, devenu premier-ministre
    en 1933, avait acheté ce manoir, bâti en 1827, et qui se trouvait en ruines à l’époque,
    et il l’avait remis à neuf, avec un grand respect pour la préservation de son
    style d’origine, et cela jusque dans les moindres détails. Il avait gardé les
    poêles anciennes du manoir, il avait récupéré du mobilier d’époque, les icônes
    et les tapis, qui décorent l’intérieur du manoir, plongeant de ce fait le
    visiteur actuel dans ce qu’était cette maison seigneuriale à ses débuts, en 1827.
    A côté du manoir fortifié, dont la fonction de défense primait sur le confort, le
    nouveau propriétaire bâtit une maison de vacances, assez modeste somme toute,
    et typique pour l’époque où elle avait été construite, après la Grande Guerre. En
    dépit de son apparence modeste, cette maison est chargée de mémoire. Son
    occupant, à maintes reprises ministre, président de Conseil, l’une des figures politiques
    libérales les plus remarquables, y a laissé son empreinte, et cela on le voit
    et on le sent, dès qu’on franchit son seuil ».






    La reine Marie, la
    grande reine de la Grande Guerre, son fils, le roi Carol II, Cella Delavrancea,
    célèbre pianiste et femme de lettres roumaine, Gheorghe Tătărescu, ancien
    président du Conseil de ministres et bien d’autres personnalités de l’entre-deux
    guerres ont signé le livre d’or de la maison d’I Gh Duca. Une bibliothèque fournie en
    livres français tapisse les murs de la demeure, des toiles signées par Olga Greceanu, le meuble
    de bureau de l’homme d’Etat, le salon de thé de Nadia, l’épouse d’I. Gh. Duca, et
    jusqu’aux chapeaux de pailles des deux époux et les abat-jours en céramique d’Horezu
    qui ornent les lampes font de la maison mémorielle un endroit particulier. (Trad. Ionut Jugureanu)

  • La plaine du Bărăgan en 3D

    La plaine du Bărăgan en 3D

    Amis auditeurs, depuis ce printemps pas comme les autres, nous nous tournons de plus en plus vers des projets consacrés à l’exploration virtuelle de la réalité, pour vous les présenter dans l’espace de cette rubrique. C’est toujours d’un tel projet qu’il sera question aujourd’hui. Il s’agit du premier guide touristique destiné entièrement au sud-est du pays : « Explorateur dans la plaine du Bărăgan », qui permet aux « voyageurs » de découvrir de manière virtuelle le patrimoine matériel et immatériel de cette région du pays. La plateforme itinerama.ro offre entre autres au public le premier guide audio de la zone, le premier musée 3D du Bărăgan et des tours virtuels dédiés au chef d’orchestre Ionel Perlea et au sculpteur Nicăpetre, deux grandes personnalités culturelles nées dans le sud-est de la Roumanie.

    Une centaine de sites au fort potentiel touristique ont été identifiés dans un premier temps. Cristian Curuș, manager du projet, explique :Une partie de ces sites est en train d’être explorée : musées, sites archéologiques que les touristes peuvent visiter, moyennant une taxe modique. Il y a pourtant un grand nombre de sites qui n’ont pas encore été intégrés au réseau touristique. Ils sont considérés comme appartenant au patrimoine du pays, mais ils ne sont pas exploités. Il s’agit de vieux manoirs, d’églises et même de sites archéologiques auxquels les gens n’ont pas accès. Le guide virtuel de la plaine du Bărăgan propose 4 types de tours. Il y a tout d’abord le « Haut Bărăgan », dont les sites les plus importants se trouvent dans les comtés de Călărași et Ialomița, « Le Bărăgan du sud au nord », qui comporte des sites situés le long du Danube, entre Călărași et Brăila, un « tour des manoirs » et un « tour des lieux de culte ». Ces tours, les touristes peuvent les organiser tout seuls de la manière qui leur convient. Sur le site du projet, itinerama.ro, seront disponibles des cartes interactives où ils trouveront les distances entre les sites et le temps nécessaire pour les parcourir, ce qui les aidera à réaliser leur propre itinéraire.

    Un des photographes du projet, Adriana Lucaciu, nous raconte son expérience du projet.

    J’ai pris en photo de nombreux manoirs, qui sont malheureusement abandonnés et pas très bien conservés. J’ai pris des photos dans l’aire protégée de Popina Bordușani, qui est un lieu féérique et peu connu. J’ai photographié de nombreuses croix datant des années 1800, qui surgissent comme ça, au milieu de la plaine, et sur lesquelles sont incrustés toute sorte de symboles. Ces symboles, on peut les déchiffrer en visitant l’exposition qui leur est dédiée au Musée de l’agriculture de Slobozia.

    Ce musée est d’ailleurs un objectif touristique que la photographe Adriana Lucaciu nous recommande chaleureusement.Le Musée de l’agriculture de Slobozia est un musée très sympathique. Les visiteurs y découvrent des ateliers d’autrefois. On se promène le long d’un couloir et on voit comment travaillaient le forgeron, le boulanger, on voit une salle de classe avec des pupitres en bois et des manuels anciens, on voit à quoi ressemblait une cuisine d’autrefois. Le musée comporte également une exposition de croix en pierre. Des recherches ont été réalisées à Poiana. Dans ce village il y a un cimetière désaffecté où se dressent des croix en pierre datant des années 1800. Les textes et les symboles inscrits sur ces croix sont expliqués aux visiteurs.

    Cette vaste plaine du Bărăgan offre-t-elle aux touristes quelque chose d’inédit à visiter ? Adriana Lucaciu.
    Nous avons découvert sur une liste de sites de la région l’existence, à Lehliu, d’un « cimetière maudit ». Nous nous sommes rendus sur place et nous avons tenté de nous renseigner auprès des gens, mais, en entendant notre question, ils nous regardaient tous d’un air bizarre. Finalement, nous sommes tombés sur un jeune homme qui s’est rappelé qu’il y avait dans le village un cimetière abandonné depuis longtemps, mais il ne savait pas où il se trouvait. Il nous a seulement indiqué une ruelle, que nous avons parcourue plusieurs fois d’un bout à l’autre. Finalement, un petit vieillard de 83 ans est sorti d’une cour. Quand il nous a entendus parler du cimetière, il nous a dit que celui-ci avait été abandonné dès la période où il était né. Il nous a montré des arbres au loin et nous a dit que si nous voulions le trouver, nous devions nous aventurer sous les feuillages et nous allions trouver des croix. Je ne saurais exprimer le sentiment que nous avons éprouvé en découvrant ces croix en pierre, dont certaines étaient déjà à terre, d’autres encore debout. Envahies par la végétation, elles semblaient en dialogue avec la nature, intégrées à l’ambiance du bord du lac.

    Le projet « Explorateur dans la plaine du Bărăgan » est mis en œuvre avec le concours de l’Administration du fond culturel national, de l’Institut national du patrimoine et des musées partenaires de la région.
    (Trad. : Dominique)

  • Les manoirs du sud-ouest de la Roumanie, objet de recherche du projet “Monumentaliste”

    Les manoirs du sud-ouest de la Roumanie, objet de recherche du projet “Monumentaliste”

    Pour Dragoș Andreescu, le projet «Monumentaliste» associe son métier de graphiste et de photographe à sa passion pour les bâtiments patrimoniaux et la randonnée. Pour le grand public, le même projet signifie la découverte surprenante de beautés architecturales insoupçonnées et le voyage virtuel dans des coins du pays qu’il ne pourrait atteindre que très rarement, de façon concrète.

    Active depuis plusieurs années sur les réseaux sociaux, la page «Monumentaliste» présente les fruits des recherches sur des manoirs oubliés d’Oltenie, sous forme de documentation accompagnée de belles photographies artistiques. Son initiateur, Dragoș Andreescu, avoue avoir pensé pour la première fois à cette démarche, il y a 12 ans, en 2008 : J’ai commencé à découvrir certains manoirs, dont celui dit de Barbu Poenaru à Poiana Mare. Un édifice magnifique et impressionnant, mais malheureusement laissé à l’abandon. Entre temps, j’ai essayé de savoir s’il y en avait d’autres. Voilà cinq ou six ans que j’essaie de les trouver tous. En fouillant dans les archives, j’ai appris qu’il y en avait environ 1500 dans toute la région d’Olténie. Moi, j’en ai découvert quelque 800, les autres ayant été démolis ou modifiés à tels point qu’ils sont devenus méconnaissables. Nous avons également créé une communauté de «monumentalistes», qui compte plus d’un millier de membres dans tout le pays. C’est un grand groupe d’amateurs désireux de recueililr des documents dans leur coin de pays concernant tous ces joyaux architecturaux qui valent la peine d’être sauvés.

    La communauté de «monumentalistes» c’est plus d’un millier d’amoureux ou de passionnés de patrimoine. Il s’agit d’historiens de l’art, d’architectes, d’artistes ou bien d’ étudiants en architecture. Avec leur aide, la page Monumentaliste est pratiquement devenue un inventaire des manoirs de Craiova, de Calafat, de Caracal et de Târgu Jiu. A ces villes s’ajoute la zone rurale du sud-ouest de l’Oltenie. A première vue, en termes de patrimoine immobilier, elle ne présente pas d’intérêt particulier aux yeux d’un profane. Pourtant, à la parcourir à pied, elle réserve plein de surprises agréables, cachées au milieu de la nature.

    Le travail de documentation et de présentation comporte trois étapes postérieures à la découverte proprement dite du bâtiment: sa photographie sous tous les angles, la recherche dans les archives et sur Internet et l’image promotionnelle. Cette dernière est réalisée de manière à mettre en évidence même le charme des manoirs abandonnés ou en ruine, comme c’est malheureusement le cas de nombreuses découvertes des «monumentalistes». Dragoș Andreescu: 70% de ces manoirs ne sont pas rénovés, mais espérons que les gens comprendront que ces joyaux d’architecture sont très importants aussi bien pour eux, en tant que propriétaires, que pour la société, en général. C’est justement ce à quoi vise le projet que nous développons sur les réseaux sociaux: sensibiliser les gens à la valeur du patrimoine immobilier et en faire la promotion. En ce qui concerne la rénovation ou la restauration, nous avons réussi à amener l’Ambulance des monuments ici, en Olténie. On a donc créé l’Ambulance des monuments de l’Olténie du sud-ouest. Il y a eu, déjà, une première intervention: d’autres volontaires et moi, nous avons refait le toit de la cula Cioabă-Chintescu, dans le village de Șiacu, du comté de Gorj et résolu les problèmes de structure. Bref, on l’a mise en sécurité. C’est aux villageois de la remettre à neuf pour lui redonner l’éclat d’antan. Précisons que la cula est une sorte de maison fortifiée, spécifique à la région d’Olténie durant le 18e et le 19e siècle .

    L’Ambulance des monuments est une organisation non gouvernementale qui s’attache à sauvegarder le patrimoine immobilier en sécurisant des bâtiments classés. En 2020, elle a compté parmi les lauréats de la section Éducation, Formation et Sensibilisation des Prix européens du Patrimoine / Prix Europa Nostra. En mettant sur pied la filiale d’Olténie, Dragoș Andreescu espère que toujours plus de bâtiments historiques menacés seront sauvés avec l’aide des professionnels du domaine. Dragoș Andreescu : Nous essayons de gagner à notre cause les architectes, car, depuis un bon bout de temps, certains d’entre eux apposent leur signature sur des projets de démolition ou de sois-disant rénovations qui, en fait, n’ont rien à voir avec l’aspect originel du bâtiment Ce sont eux qui devraient parler davantage avec les propriétaires pour leur faire comprendre que ces joyaux architecturaux n’existeront plus, à un moment donné et qu’à force de démolir de plus en plus de bâtiments historiques, les villes et les villages finiront par perdre leur identité

    Dans un proche avenir, la communauté des «monumentalistes» espère éveiller l’intérêt des autorités locales pour la protection du patrimoine immobilier. Elle a déjà réussi son coup dans l’espace virtuel, où elle compte plusieurs dizaines de milliers d’adeptes.

  • Jean-Michel Aubier (France) – Châteaux en ruine en Roumanie

    Jean-Michel Aubier (France) – Châteaux en ruine en Roumanie

    En dehors des châteaux, manoirs ou villas qui ont été rénovés ou restaurés, et qui ont retrouvé leur éclat d’antan ou même une deuxième vie, sous forme d’hôtels, par exemple, beaucoup sont encore abandonnés. Comme il n’existe pas de statistique officielle, certaines sources en ont compté 200, et d’autres — 1300 ! La plupart des châteaux, palais manoirs, villas et résidences ont appartenu aux nobles et sont à retrouver en Transylvanie. Il en existe toutefois aussi en Valachie et en Moldavie. Ces bâtisses ont des histoires tristes — après avoir été détruites pendant les guerres, certaines ont été endommagées par les tremblements de terre ou ont été ravagées par des incendies. A l’époque communiste, l’Etat les a nationalisées, et elles sont devenues orphelinats, écoles, maisons de retraite, sièges de coopératives agricoles de production, hôpitaux, ou écuries, entre autres. Laissés à l’abandon, le temps les a beaucoup détériorése. Après 1989, la grande majorité a été restituée à ses anciens propriétaires ou aux successeurs de ces derniers, et leur sort a été différent. Beaucoup sont de véritables œuvres d’art.



    Un exemple, c’est le Château Brukenthal de Sâmbăta de Jos, dans le département de Braşov (centre). Il a été construit par Josef von Brukenthal, le frère de Samuel von Brukenthal, celui qui a bâti le célèbre palais de Sibiu dont nous avons eu l’occasion de vous parler récemment. Il y a même une légende qui dit que Joseph aurait reçu le terrain de 1700 ha en concession pour 99 ans de l’impératrice Marie Thérèse elle-même, avec laquelle il avait eu une aventure. En signe de reconnaissance, il aurait érigé ce château de 35 pièces, avec des murs d’une épaisseur d’1,2 m. Construit entre 1750 et 1760, il était une partie intégrante d’un haras de chevaux lipizzans, unique en Roumanie. Aujourd’hui dégradé, on a du mal à imaginer qu’il a été une résidence ayant pu impressionner une impératrice — si tant est qu’elle ait jamais été à Sâmbăta. Au début du XXe siècle, la toiture du château et certaines pièces ont brûlé dans un incendie, qui a également emporté des objets d’art. Il a été rénové à un moment donné, mais mal, et en couvrant les merveilleuses fresques qui ornaient ses murs. Seuls les poêles en terre cuite et les ornements baroques présents sur les murs rappellent encore sa gloire d’antan. Le château est aujourd’hui la propriété de la Régie nationale des forêts Romsilva, qui n’investit pas dans sa rénovation, et la dégradation continue. Il semble que 10 millions d’euros sauveraient l’édifice. Même maintenant, les sites d’annonces sont pleins de manoirs à vendre à des prix modiques. Avis aux amateurs.



    Il existe un site de monuments oubliés — monumenteuitate.org, également consultable en anglais — qui se définit comme « une base de données ample, dynamique et en développement continuel, mais aussi une plate-forme pour promouvoir les résidences nobiliaires extra muros de Roumanie. » Les résidences nobiliaires listées ont été construites du XVIe au XXe siècles. On peut y trouver des photos, mais aussi des informations sur ces monuments. Le site vise à inclure tous ces édifices sur la Liste des monuments historiques. Les personnes qui ont créé le site ont également créé l’Association Arché. Vu que nous avons récemment célébré la Journée internationale des monuments, un tour virtuel d’une centaine de tels monuments est proposé ; il suffit de mettre les mots de recherche Castle Break. Avant la pandémie de coronavirus, cette association, par son projet Castle Break, proposait des visites à des châteaux et manoirs moins connus, des tours guidés faits par les descendants mêmes de ces nobles ou par des entrepreneurs qui ont acheté ces monuments, mais aussi la découverte de métiers oubliés et d’artisans qui les pratiquent encore, avec des repas dans les cours de ces boyards ou nobles et des dégustations de grands vins. C’est leur projet de mise en valeur de ces monuments fascinants, qui méritent pleinement une nouvelle vie.

  • Châteaux et manoirs de Roumanie

    Châteaux et manoirs de Roumanie

    Chers amis, cette semaine nous vous invitons à faire le tour de plusieurs manoirs de Roumanie. Anciennes résidences aristocratiques, ces manoirs sont aujourd’hui des propriétés privées entrées dans le circuit touristique, qui attirent de plus en plus de touristes, alors qu’un nombre croissant d’entrepreneurs se donnent pour mission de restaurer ces immeubles et leurs domaines. Il y a plus de trois cents tels bâtiments classés en Roumanie, dont certains sont déjà sur la carte touristique, d’autres attendent encore d’être redécouverts. En voici donc quelques exemples.

    Notre premier arrêt est tout près de la capitale, Bucarest. En route vers Ploieşti nous découvrons le palais de Florești, guidée par l’historienne de l’art Irina Leca : « Il a été construit par Gheorghe Grigore Cantacuzino (Cantacuzène), surnommé le Nabab, d’après les plans de l’architecte Ion Berindei. C’est un bel exemple d’architecture roumaine du début du 20e siècle. Même s’il est aujourd’hui en ruine, c’est un objectif touristique très pittoresque et très vivant. Ses propriétaires tentent de le ranimer en y organisant une multitude d’événements culturels, dont le plus connu est le concours hippique Karpatia Horse Trials. »

    Dirigeons-nous, à présent, vers l’est de la Roumanie, pour visiter le château de la famille Sturdza, à Miclăușeni. Sebastian Marcoci, le guide du château, nous parle de l’histoire de la famille nobiliaire Sturdza : « C’est une très belle histoire. George Sturdza et Maria Ghica font cronstuire un château en style néo-gothique, sur la structure d’un ancien manoir. C’est une construction inédite pour cette zone. Les travaux ont duré 24 ans environ. Le château a des fresques intérieures en style art nouveau. Maria Ghica est née à Istanbul. C’est là qu’elle a appris à peindre des miniatures. C’est toujours là qu’elle apprend l’anglais et épouse George Sturdza en 1869. Après les noces, ils voyagent en Occident, en Allemagne, en France et en Autriche. Une fois de retour, ils décident de transformer leur manoir de Miclăușeni en château. D’ailleurs, le domaine de la famille Sturdza comporte 3 éléments : un parc dendrologique de 30 hectares, un monastère et un château. On a donc une composante spirituelle, une autre culturelle et une troisième naturelle. De nos jours, nous avons continué en quelque sorte le souhait de la famille Sturdza d’organiser des événements culturels et éducatifs sur ce domaine. Nous disposons également d’une cinquantaine de places d’hébergement. Et nous nous guidons d’après le slogan : « L’harmonie règne là où il y a de la tranquillité et de la paix ». C’est justement ce que les touristes étrangers recherchent en Roumanie. »

    Pas loin de Miclăușeni, se trouve le château de la famille Cuza, dans la localité de Ruginoasa. Nous y sommes, accompagnés de nouveau par l’historienne de l’art Irina Leca : « Voici un autre bel exemple d’architecture néo-gothique, sis dans un superbe parc dendrologique. Ce château vient d’être restauré et il abrite aussi le Musée Cuza, où les visiteurs peuvent apprendre davantage sur l’histoire du prince Alexandru Ioan Cuza et surtout sur son épouse, Elena Cuza qui a habité dans ce château. Puis, en nous dirigeant vers la Transylvanie, nous pouvons faire halte à une trentaine de km de Sighişoara, au château de Criș. Son histoire commence au 15e siècle ; c’est un très beau bâtiment de la Renaissance, un des plus authentiques et des plus pittoresques que l’on puisse trouver actuellement en Transylvanie. Bien qu’il soit méconnu du grand public, ce château est ouvert aux visiteurs depuis longtemps déjà et les travaux de restauration battent leur plein. Il est géré par une fondation qui y organise des tours guidés pour faire connaître l’histoire de ce bâtiment et du village qui l’accueille. »

    Plusieurs dizaines de tels manoirs et châteaux sont ouverts actuellement en Roumanie. Mais la liste en est beaucoup plus longue, affirme Irina Leca : « Tout le monde connaît les châteaux de Bran, de Peleș ou de Pelișor, le château des Cantacuzène à Buşteni. La liste est assez longue et un circuit qui inclut ces objectifs est une idée très intéressante. Et c’est très faisable aussi. Tout comme les Français ont la Vallée de la Loire, nous avons aussi deux rivières le long desquelles on trouve une multitude de châteaux. La Vallée de la rivière Mureş, en partant de la ville de Topliţa, jusqu’à la frontière hongroise, recèle des dizaines de manoirs, dont certains peuvent être visités et sont très, très beaux. Au de-là des Carpates, il y a la vallée de la rivière de Trotuş. Ici, les localités de Dărmănești, Dofteana, Comănești accueillent elles aussi d’anciennes résidences nobiliaires extrêmement pittoresques et intéressantes. »

    Le centre-nord de la Roumanie, et notamment le département de Mureş, est une zone particulièrement riche en châteaux et manoirs, confirme Sanda Vițelar, conseillère en communication et médias au Conseil départemental de Mureş : « A 13 km de Sighişoara, dans le village saxon de Criş, on trouve le château de Bethlen, représentatif de la Renaissance de Transylvanie, érigé entre le 14e et le 18e siècle. Le long de la Vallée de la rivière Gurghiu, il y a le pittoresque château de chasse de Lăpuşna. À Brâncoveneşti, dans la vallée de Mures, vous attend le château de Kemeny, construit par la famille du même nom. Le département de Mureş est connu pour ses châteaux et ses manoirs d’antan. Une bonne partie subissent des travaux de rénovation, mais offrent différentes options de loisirs. Dans la zone de Cluj-Napoca, on trouve un autre château important, dans la localité de Zau de Câmpie. Il s’agit du château d’Ugron, surnommé le château Calendrier. Il compte 365 fenêtres, 4 tours, une pour chaque saison, et 12 couloirs, un pour chaque mois de l’année. Son histoire est tout aussi intéressante, c’est une histoire d’amour, un amour inaccompli entre l’ancien propriétaire et une princesse russe. »

    Si votre temps en Roumanie est limité, alors il ne faut absolument pas rater les châteaux de Peleș et de Pelișor, à Sinaia, celui de Bran ou celui des Corvin, à Hunedoara. Mais si vous avez plus de temps à votre disposition, alors allez sur le site monumenteuitate.ro, une immense plate-forme spécialisée, ou vous trouverez toutes les informations nécessaires pour mettre en page un voyage de rêve à la découverte des châteaux et manoirs connus et moins connus de Roumanie. (Trad. Valentina Beleavski)

  • Châteaux et manoirs du comté de Mures

    Châteaux et manoirs du comté de Mures

    La famille Teleki a été une des plus importantes familles nobiliaires de la Transylvanie médiévale et moderne, qui a contribué aussi à l’enrichissement culturel de la région, puisque les membres de cette famille ont laissé leur empreinte sur de nombreux départements dont Mures, Cluj et Bistrita. Le domaine de Gornesti, village du comté de Mures, à 17 kilomètres de Târgu Mures, entre au patrimoine de la famille Teleki en 1675, lorsque le prince transylvain, Apafi Mihaly en fait don au chancelier Teleki Mihaly. Mais ce n’est qu’un siècle plus tard que le comte Teleki allait y faire bâtir un château que l’on peut admirer de nos jours encore.

    L’historienne de l’art Irina Leca a étudié les propriétés de la famille Teleki dans le cadre du projet « Monuments Oubliés ». Selon elle, le palais a été construit sous la forme de la lettre U, avec un pavillon central, avec sous-sol, rez-de-chaussée, étage et comble. Les ailes du palais forment une large cour d’honneur, orientée vers le parc. La décoration des façades est simple, le pavillon central étant le seul à bénéficier de plus d’ornements.

    Irina Leca décrit la résidence de Gornesti : « Bref, le château de Gornesti est une battisse baroque érigée dans la seconde moitié du 18e siècle sur les ruines d’un ancien château moyenâgeux, datant du 15e siècle. Le château baroque est imposant, avec plusieurs dizaines de pièces ; il a été projeté par une dynastie d’architectes célèbres à l’époque, la famille Mayerhoffer, qui a donné à l’Europe des palais à Bratislava, à Budapest et dans d’autres capitales du Vieux continent. Le château de Gornesti est leur plus bel ouvrage. Il est entouré d’un vaste parc anglais, aménagé dans la première moitié du 19e siècle par un membre de la famille Teleki connecté aux idéaux de l’Europe Occidentale et qui avait contacté des personnalités européennes de l’époque. A la suite d’un voyage, il a pris la décision d’embellir le jardin qui existait déjà et de le transformer en un romantique parc anglais. »

    Pourtant, le parc anglais n’est pas apparu en même temps que le château, puisque l’aménagement du domaine s’est prolongé sur une période plus longue, les travaux étant continués par plusieurs générations de Teleki.

    Irina Leka revient: « Durant la révolution de 1848, le palais a été dévasté et une grande partie du mobilier et des objets d’art a disparu ou a été volé. La famille a fait ensuite des efforts significatifs pour embellir le bâtiment. Au 19e siècle, la beauté du château l’a rendu célèbre, attirant même l’écrivain britannique Bram Stocker. Alors qu’il se documentait pour le roman « Dracula », Stocker a trouvé les impressions de voyages d’autres écrivains anglais, de passage en Transylvanie. Donc une partie du célèbre château de Dracula est inspirée aussi par le château de Gornesti. Durant la Seconde guerre mondiale, le bâtiment a été dévasté par les troupes soviétiques. La bibliothèque, d’une grande valeur, a été détruite. En 1948, le château a été nationalisé, comme presque toutes les propriétés de Roumanie, et dans les années 1960 les autorités l’ont transformé en un immeuble d’intérêt public, à savoir un sanatorium pour les enfants malades de tuberculose, fonction que cet immeuble a gardé jusqu’en 2011, lorsqu’il a été restitué à la famille. A l’heure actuelle il est bien conservé. A l’intérieur, sur le plafond de la grande salle, il existe une fresque datant du début du 19e siècle, en assez bon état. On a gardé aussi les cadres des portes et des fenêtres d’origine ainsi qu’une partie des poêles. Il est ouvert au public et peut être visité à n’importe quel moment de l’année. »

    Le comte Teleki Samuel, fondateur d’une autre branche de la famille, né d’ailleurs à Gornesti en 1739 et devenu entre temps chancelier de la Transylvanie, allait construire un autre bâtiment impressionnant, à Dumbravioara, localité située également près de la ville de Târgu Mures.

    C’est la même Irina Leca qui nous décrit cette propriété : « Le château de Dumbravioara a été érigé par Samuel Teleki, celui qui a fondé la Bibliothèque Telekiana de Targu Mures. Grand érudit et homme de culture, Samuel Teleki a décidé, à son retour d’un voyage en Europe, de faire bâtir ce manoir pour qu’il devienne sa résidence principale. A la fin du 18e siècle, la construction du manoir de Dumbravioara commençait presque en même temps avec la construction du Palais de Gornesti. Au cours des siècles, il est resté au patrimoine de la famille. A la fin du 19e siècle et au début du 20e, il appartenait à un membre de la famille Teleki qui a également compté parmi les explorateurs de l’Afrique. Celui-ci a fortement mis son empreinte sur le domaine, puisqu’il y a ramené de nombreux trophées de la faune africaine ainsi que différents objets de la région. »

    Conçu également dans la forme de la lettre U, le manoir de Dumbravioara était, au début du 20e siècle, une des demeures aristocratiques transylvaines les plus fastueuses. De nos jours, les deux bâtiments attendent toujours de retrouver leur gloire d’antan ou au moins de susciter l’intérêt des touristes, des autorités et des critiques d’art. (Trad. Alex Diaconescu)