Tag: massacre

  • Ukraine – dernières évolutions

    Ukraine – dernières évolutions

    Les Etats-Unis ont imposé de nouvelles sanctions à l’adresse de la Russie. Il s’agit de plusieurs compagnies et de 18 personnes, dont les filles du président Vladimir Poutine, mais aussi du vice-président du Conseil de sécurité de la Russie, Dmitri Medvedev. Deux institutions financières russes majeures sont visées, entre autres : SberBank et Alpha Bank. La nouvelle série de sanctions comprend aussi l’interdiction de faire de nouveaux investissements dans ce pays. Moscou doit être tenue pour responsable pour les crimes de guerre commis par ses forces en Ukraine, a affirmé le leader de Kiev, Volodymyr Zelensky, lors d’une intervention au Conseil de sécurité des Nations Unies. Le Kremlin a rejeté à nouveau les accusations. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, se rendra à Kiev cette semaine, et sera accompagnée par le chef de la diplomatie, Josep Borrell. Le Pape François a condamné, mercredi, « le massacre de Boutcha » et a embrassé le drapeau de l’Ukraine envoyé par la ville ukrainienne où, suite au retrait des troupes russes, des personnes ont été trouvées abattues en pleine rue, les mains attachées, mais aussi des fosses communes. Sur le terrain, l’Ukraine se prépare pour une nouvelle offensive des forces russes dans l’est du pays et tente d’évacuer les civils, avant que les forces russes ne coupent les voies de retrait. Les bombardements russes se poursuivent tant là que dans d’autres parties du pays. Médecins sans frontières a lancé un appel que les hôpitaux, les patients et le personnel médical ne fassent plus l’objet d’attaques. Selon la BBC, trois hôpitaux de Mikolaïv, ville sous l’assaut des forces russes, ont été bombardés en l’espace de deux jours. Antérieurement, d’autres centres médicaux d’Ukraine avaient fait l’objet de bombardements russes.

  • Ukraine – dernières évolutions

    Ukraine – dernières évolutions

    Moscou doit être tenue pour responsable pour les crimes de guerre commis par ses forces en Ukraine, a affirmé le leader de Kiev, Volodymyr Zelensky, lors d’une intervention au Conseil de sécurité des Nations Unies. Il a ajouté que la Russie devait être expulsée du Conseil de sécurité de l’ONU. Selon l’agence Reuters, en tant que membre permanent, la Russie peut bloquer par véto toute décision du Conseil de sécurité, y compris celles qui la visent directement. Le Kremlin a rejeté à nouveau les accusations de crimes de guerre. Entre temps, les Etats-Unis et l’Union européenne annoncent de nouvelles sanctions en réponse aux crimes de l’armée russe. Qui plus est, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, se rendra à Kiev cette semaine, et sera accompagnée par le chef de la diplomatie, Josep Borrell. Le Pape François a condamné, mercredi, « le massacre de Boutcha » et a embrassé le drapeau de l’Ukraine envoyé par la ville ukrainienne où, suite au retrait des troupes russes, des personnes ont été trouvées abattues en pleine rue, les mains attachées, mais aussi des fosses communes. Sur le terrain, l’Ukraine se prépare pour une nouvelle offensive des forces russes dans l’est du pays et tente d’évacuer les civils, avant que les forces russes ne coupent les voies de retrait. Les bombardements russes se poursuivent tant là que dans d’autres parties du pays. Médecins sans frontières a lancé un appel que les hôpitaux, les patients et le personnel médical ne fassent plus l’objet d’attaques. Selon la BBC, trois hôpitaux de Mikolaïv, ville sous l’assaut des forces russes, ont été bombardés en deux jours. Antérieurement, d’autres centres médicaux d’Ukraine avaient fait l’objet de bombardements russes. A leur tour, les troupes russes continuent leurs efforts visant un assaut sur la ville-port de Marioupol, sur la mer d’Azov, une des villes ukrainiennes les plus pilonnées et dévastées d’Ukraine.

  • Le massacre de la prison de Jilava

    Le massacre de la prison de Jilava

    A lautomne 1940, avec ses frontières nord, sud et ouest amputées, la Roumanie glissait sur la pente des régimes dextrême droite. Le régime personnel du roi Carol II, corrompu et immoral, vivait ses derniers jours, après avoir entraîné lEtat dans le marasme et lavoir rendu incapable de remplir sa mission et sauvegarder le pays. Le second arbitrage de Vienne, du 30 août 1940, avait marqué le coup de grâce à ce régime, au moment où lAllemagne nazie et lItalie fasciste avaient forcé la Roumanie à céder le nord de la Transylvanie à la Hongrie de Horthy. Le roi Carol II avait alors dû faire appel en catastrophe au général Ion Antonescu, son ennemi juré, mais le seul qui semblait néanmoins capable de rétablir un semblant de fierté nationale face à la débâcle généralisée. Ce dernier, placé devant le refus des partis démocratiques de rejoindre son cabinet, sest adjoint les bons offices du parti dextrême droite de la Garde de fer, pour former une alliance de gouvernement dextrême droite, la seule en mesure, croyait-on, de pouvoir négocier avantageusement avec les nouveaux maîtres de lEurope de lépoque. La Garde de fer avait, en effet, réuni de 15% des voix de lélectorat roumain lors des dernières élections, tenues en 1937, avant linstauration du régime personnel du roi Carol II et la suppression des libertés politiques qui sensuivit. Mais, depuis, ce parti populiste dextrême droite avait été décapité de ses principaux leaders par la politique dassassinats commandités menée sous la houlette du même roi Carol II. Et voilà quen 1940, la Garde de fer, dépourvue de ses leaders historiques, mais assoiffée de vengeance, se voyait appeler à gouverner aux côtés du général Antonescu au sein dun Etat quils appellent et proclament comme lEtat « national-légionnaire ».



    La Garde de Fer nattendra pas longtemps pour mettre ses desseins à exécution, et pour se venger de ceux quelle tenait pour responsables des assassinats perpétrés en 1938 à lencontre de ses leaders historiques. Ainsi se fait-il que, dans la nuit du 26 au 27 novembre 1940, 65 anciens hommes politiques, dignitaires de lancien régime personnel du roi Carol II, ainsi que de hauts gradés de lArmée et de la Police fidèles à lancien roi, tous préalablement incarcérés à la prison de Jilava, située à proximité de Bucarest, seront lâchement exécutés, sans autre forme de procès. Depuis cette nuit-là, 80 ans se sont écoulés. Remémorons cette page noire de lhistoire de la Roumanie du 20e siècle avec lhistorien Ioan Scurtu, qui passera dabord en revue la succession des régimes politiques qui ont mené jusquà cet assassinat collectif du mois de novembre 1940. Ioan Scurtu :



    « Tout assassinat est une atteinte à la démocratie, aux droits de lhomme, une attaque contre la liberté dexpression, et dans ce cas cest dautant plus vrai, vu quil sagit dassassinats politiques. Les victimes avaient lié leurs noms au régime autoritaire du roi Carol II, instauré le 10 février 1938. Un régime antidémocratique. Il faudrait donc comprendre les choses ainsi : au mois de novembre 1940, ces gens-là, les victimes, déjà arrêtées, étaient perçues comme les représentants dun régime honni, qui avait supprimé les libertés démocratiques. Par la suite, certains, qui ont échappé au massacre, ont poursuivi leurs carrières politiques et se sont parfois révélés des défenseurs de la démocratie, comme Constantin Argetoianu, tels Gheorghe Tatarascu et Mihai Ralea. Mais, au moment du massacre, ces gens ne représentaient pas la démocratie. »



    Lhistoriographie officielle jette souvent lanathème sur les seuls représentants de la Garde de fer pour la dégradation du climat politique de lépoque. Pourtant, lhistorien Ioan Scurtu estime que les représentants des partis démocratiques ont leur part de responsabilité dans la situation. Ioan Scurtu :



    « Cette atmosphère délétère a débuté avec lassassinat de Corneliu Zelea Codreanu, fondateur et leader historique de la Garde de fer, et de 13 de ses légionnaires. Ces derniers étaient les auteurs de lassassinat de lancien premier ministre I. Gh. Duca, assassinat politique perpétré en 1933, mais aussi de celui commis en 1936 contre un dissident du mouvement légionnaire, Mihail Stelescu. Enfin, en 1939, les légionnaires procèdent à un autre assassinat politique contre le premier ministre du roi Carol II, Armand Calinescu, ce qui déclenche lire du roi, qui nhésitera pas à faire appel à des pratiques assimilables à du terrorisme dEtat pour mettre à genoux la Légion. Ainsi se fait-il que plus de 200 membres de la Légion seront assassinés en guise de représailles, alors que la plupart étaient déjà internés dans des prisons et des centres de rétention. Il ny a pas eu de procès, ils navaient pas été poursuivis, ils ont tout simplement été assassinés. Et puis dautres, toujours des membres du mouvement légionnaire de la Garde de fer, qui nétaient pas internés, se sont vus enlever de chez eux la nuit, et se sont retrouvés pendre au bout dune corde sur la place publique le lendemain. En conclusion, si les actions des membres de la Garde de fer ont été vraiment atroces, il ne faut pas oublier quils avaient à leur tour subi une répression dune violence inouïe et des assassinats pendant le règne de Carol II. »



    Parmi les 65 victimes du massacre perpétré par les membres du mouvement légionnaire de la Garde de fer à la prison de Jilava au mois de novembre 1940 lon compte le général Gheorghe Argeșanu, ancien premier ministre et ancien ministre de la Défense, puis Victor Iamandi, ancien ministre de la Justice, le général Gabriel Marinescu, ancien ministre de lIntérieur et préfet de Police de Bucarest, le général Ion Bengliu, ancien commandant de la Gendarmerie, Mihail Moruzov, ancien chef du Service secret de renseignement de lArmée ainsi que son adjoint, Niky Ștefănescu. Ioan Scurtu explique la manière dont les membres de la Garde de fer concevaient cette justice expéditive :



    « Le régime instauré par le général Ion Antonescu et la Garde de fer était fondamentalement hostile au régime précédent, soit au régime personnel du roi Carol II. Et les choses vont ainsi, les vainqueurs se vengent des vaincus. Cest ainsi que le général Antonescu met demblée en prison les principaux dignitaires du roi déchu, très vite après son sacre. Mais il nenvisageait pas les faire tuer de la sorte, il nétait pas partisan de cette justice expéditive. Il envisageait de les traduire en justice, la vraie, et dailleurs il avait chargé du dossier son proche collaborateur, le vice-premier ministre Mihai Antonescu, qui était juriste. Ce dernier devait sassurer que le droit à la défense soit respecté, et que la justice soit rendue dans le respect des règles et des procédures. Ses alliés, les légionnaires, voyaient en revanche les choses dune tout autre manière. Ils considéraient pour leur part que la date du 14 septembre 1940, celle de leur arrivée au pouvoir, avait marqué un tournant dans lhistoire du pays, et quil nétait plus concevable dobserver les anciennes lois qui permettaient un report. Et quil fallait nécessairement punir les coupables dassassinats, principalement de Corneliu Zelea Codreanu, selon une justice « révolutionnaire ». Et cest sur cette base que léquipe de légionnaires a pénétré dans létablissement pénitentiaire de Jilava, et a procédé aux exécutions. Dautres dignitaires de lancien régime, ceux qui ont été arrêtés et placés au dépôt de la Police de la capitale ont eu la vie sauve, grâce à lintervention du général Antonescu. »



    Le massacre perpétré alors dans la prison de Jilava sur les 65 dignitaires du régime de Carol II met en fait à lhonneur le crime politique mû par le seul désir de vengeance. Un nouveau modèle de justice expéditive, où le terme même de justice est sans doute employé à très mauvais escient. (Trad. Ionut Jugureanu)

  • Le massacre de Galati

    Le massacre de Galati

    A l’été 1940 commençait la descente aux enfers de la Grande Roumanie, celle issue du Traité de Versailles, à la fin de la Grande Guerre. Deux ultimatums sont alors adressés, coup sur coup, au gouvernement roumain. Ce fut tout d’abord un ultimatum des Soviétiques sous forme de lettre, exigeant la cession de la Bessarabie, province que Moscou considérait toujours comme un territoire soviétique, et dont elle n’avait jamais reconnu le rattachement de 1918, à la Roumanie. Plus encore, le gouvernement soviétique exigeait en compensation la cession de la partie nord de la Bucovine, avec Cernauti comme capitale.

    Les exigences soviétiques venaient bien évidemment à l’encontre de la réalité historique, voire du principe de l’autodétermination, édicté par Lénine même, lors de la Révolution bolchevique de 1917. C’est bien en vertu de ces principes que la Bessarabie, suivant la volonté nationale, vota son rattachement à la Roumanie. Le délai de deux jours laissé par les Soviétiques aux autorités de Bucarest pour évacuer ses administrations civiles et militaires de Bessarabie provoqua le chaos généralisé, menant à la déroute. C’est dans ce contexte de panique et de dégringolade qu’a eu lieu l’un des chapitres les plus noirs de l’histoire roumaine : le massacre des Juifs de Galati, comme pour préfigurer les charniers qui allaient s’entasser par milliers au long du continent européen.

    L’historien Adrian Cioflâncă, directeur du Centre d’études de l’histoire des Juifs de Roumanie, fait le lien entre le massacre de Galati du 30 juin 1940 et le climat délétère qui prévalut lors de la perte de la Bessarabie et de la Bucovine du Nord: « La cession de ces territoires en 1940 était la conséquence directe du pacte Ribbentrop-Molotov. Un épisode particulier aura un rôle déterminant tant dans la naissance du massacre de Galati du 30 juin 1940 que du pogrom de Dorohoi, qui a eu lieu le lendemain. C’est que l’ambassadeur roumain à Moscou, Gheorghe Davidescu, refuse de prendre la carte avec le nouveau tracé des frontières, tel qu’il était dessiné suite aux termes de l’ultimatum. Les autorités locales et les populations de Dorohoi et de Galati ne savaient donc pas si l’Armée rouge s’arrêterait à leurs portes ou si leurs villes passeraient elles aussi sous la souveraineté des Soviets. Vous imaginez la panique et la confusion qui pouvaient y régner. C’est cette panique exacerbée qui a joué un rôle essentiel dans cette explosion de violence qu’a été le pogrom. C’est le cas à Galati aussi. On le voit des notes des services d’information, de ce qui se dit de bouche à l’oreille par les réfugiés roumains qui déferlaient depuis la Bessarabie, ceux-là même qui colportent l’imminence de l’invasion de Galati par l’Armée rouge. Cette panique est la conséquence directe de l’absence d’informations officielles quant aux limites de l’avancée soviétique en territoire roumain».

    Les rapports rédigés par les agents du ministère de l’Intérieur font état du chaos généralisé qui s’est emparé des habitants de la région, des casses, des exécutions sommaires, des Juifs qui se font jeter des trains. Mais les archives font également état de nombre d’humiliations, voire des violences subies par des officiers et des soldats de l’Armée roumaine pendant cette retraite sans lutte, humiliations d’emblée mises au compte des communistes. Dans ce contexte de catastrophe, la presse du temps ne s’attarde pas trop sur le massacre de Galati. Les journaux relataient plus volontiers en revanche une attaque communiste qui aurait eu lieu aux environs de la gare, et qui aurait donné lieu à la réaction militaire qui s’était ensuivie, tout cela sur fond des sentiments antisémites prévalant à l’époque.

    La panique générale provoquée par le mouvement offensif rapide de l’armée soviétique et la haine du Juif dans le chef de certains habitants constituent, selon Adrian Cioflâncă, les causes principales du massacre de Galati: « La seconde cause qui explique la panique qui prévalait sur le terrain, c’était que la pénétration militaire des Soviétiques dans la Bessarabie et la Bucovine du Nord était en avance sur le planning prévu. Les troupes roumaines, dont le plus gros se déplaçait en charrette, à cheval, voire carrément à pied, étaient rattrapées par les parachutistes ou les chars soviétiques. Dès le 29 juin, les Russes avaient occupé, grâce aux unités de parachutistes, les deux premières villes roumaines, Reni et Bolgrad, alors que les troupes roumaines étaient au beau milieu de la province de Bessarabie, encore loin de l’avoir vidée. C’est ce qui provoque une panique folle, parce qu’à la gare de Bolgrad, pas moins de quatre convois de réfugiés sont rattrapés par les troupes soviétiques, et que dans le port de Reni, les Soviétiques interceptent plusieurs navires pleins de réfugiés. Dans ces conditions, certains habitants prennent courage et se mettent à commettre des vols, des casses, à harceler les autorités roumaines en retraite. Les Soviétiques arrêtent les trains, ce qui ne fait qu’accroître la panique jusqu’à son paroxysme. Les colportages, les fausses informations troublent les esprits et provoquent la panique ».

    A Galați, à la gare surtout, se croisent deux flux migratoires opposés, formés par ceux qui veulent passer depuis et vers la Bessarabie la rivière Prut. Il y a d’une part ceux qui veulent rejoindre le territoire censé devenir soviétique sous peu et puis, d’autre part, les réfugiés qui fuient devant l’avancée de l’Armée rouge. Dans ces conditions, les autorités locales se mettent à constituer une douane, et elles commencent à exiger des droits de passage de la part de ceux qui quittent la Roumanie vers la Bessarabie, pour se mettre sous autorité soviétique. Les mêmes autorités se mettent à construire sur un terrain vague, à proximité de la nouvelle frontière, une sorte de camp de transit, destinés à ceux en partance vers la Bessarabie occupée.

    A ce moment-là, la garde est montée par un régiment de marins armés de fusils. Et puis, dans cette atmosphère électrique, un conflit explose entre un marin d’un côté et une famille de réfugiés de l’autre. Le marin tire. Les gardes s’affolent et croient qu’on leur tire dessus, depuis le camp qu’elles gardaient. L’ordre de tir est donné. Suite au massacre débuté dans ces conditions troubles, on dénombra, selon les sources, entre 80 et 300 morts, dont la plupart des victimes sont juives. Plus de cent militaires prirent part au massacre. Certains furent jugés et condamnés après la guerre, certains encore furent condamnés à tort par la justice communiste, mais beaucoup y échappèrent.

    Quoi qu’il en soit, le massacre de Galati représente une tache sombre dans l’histoire roumaine. (Trad. Ionut Jugureanu)

  • Le massacre d’Odessa

    Le massacre d’Odessa

    Le massacre d’Odessa a lieu du 22 au 25 octobre 1941, lorsque l’Armée roumaine a organisé une rafle de l’entièreté de la population juive de la ville qu’elle a ensuite liquidée. Cette exécution en masse a été considérée à l’époque comme une action punitive contre les Juifs locaux, supposés être les auteurs de l’attentat qui avait visé le siège du Quartier général de l’armée roumaine, installée dans la ville récemment conquise.

    Le 22 octobre 1941, au soir, une bombe a tué 16 officiers roumains, dont le général Ion Glogojanu, commandant militaire de la ville, 46 soldats et sous-officiers, plusieurs civils et 4 officiers allemands de la Marine du Reich. Face à des auteurs introuvables, les représailles se sont vite orientées vers les Juifs de la ville d’Odessa, considérés comme des soutiens inconditionnels des Soviétiques et de leurs partisans. Chargé des opérations de liquidation, le général Iosif Iacobici notait dans son rapport que de nombreux Juifs avait été pendus aux poteaux sur les places publiques, d’autres tués sur place, d’autres enfin emmenés à l’extérieur de la ville et exécutés. Le nombre des victimes recensées dans ces jours de terreur varient selon les sources entre 22.000 et 40.000 juifs exécutés.

    L’archiviste Florin Stan des Archives diplomatiques du ministère roumain des Affaires étrangères a publié un livre d’histoire sur le sort de la population juive durant la deuxième guerre mondiale. Il considère que le massacre d’Odessa doit être mis dans la perspective de la situation militaire de l’époque : « Pour comprendre ce qu’il s’est passé au mois d’octobre 1941, il faut dérouler l’action de quelques mois et regarder de plus près les événements qui ont lieu après la libération de la Bessarabie et de la Bucovine du Nord, fin juillet 1941. Ainsi, le 6 août 1941, Ion Antonescu, notre Duce local, rencontre Hitler, au Quartier général de celui-ci, à Berdicev, dans l’actuelle Ukraine, et lui fait part de la décision roumaine de poursuivre les opérations militaires aux cotés de la Wehrmacht. Par ailleurs, un chercheur de la période souligne que de tous les Etats alliés et associés de l’Allemagne nazie, seuls deux Etats s’impliquent à fond dans la guerre à l’Est – la Roumanie et la Finlande, dont les armées, agissant au Nord et au Sud du front de l’Est, ont bénéficié d’une large autonomie de la part de l’Allemagne. Antonescu avait fait un point d’honneur de la conquête, par l’armée roumaine, de la ville d’Odessa, par ailleurs important point stratégique.»

    Au début des années 1940, l’antisémitisme était à l’apogée. Prônant l’intolérance et la haine raciale, le fascisme devenait non seulement une manière d’imaginer la politique, le régime et l’Etat, mais s’érigeait en une manière d’organiser la vie quotidienne. Les clichées que la propagande de guerre utilisait représentaient la vérité suprême. Florin Stan considère l’antisémitisme d’abord comme une attitude qui a préparé le massacre d’Odessa, résultat logique du climat de haine dominant à ce moment dans toute l’Europe, souvent pour cacher et justifier les échecs enregistrés par ces régimes.

    Florin Stan : « La conquête d’Odessa se prolongeait au-delà des attentes. Cela rendait les autorités nerveuses. Le 5 septembre 1941, Antonescu affirmait, ni plus, ni moins, que le Juif était le Satan. La propagande affirmait en toutes lettre que «On serait depuis longtemps à Odessa si les commissaires politiques juifs n’étaient pas là». Dans un rapport des services de renseignement couvrant la période du 10 au 14 septembre 1941, reprenant la formule du chef de facto de l’Etat roumain, les juifs menaient tous la guerre contre l’Armée roumaine. C’est ce type de généralisation, de projection d’un fantasme sur une population dans sa totalité qui mène au massacre. C’est le 16 octobre que les troupes roumaines pénètrent dans une ville pratiquement vidée des troupes soviétiques ennemies. De suite, les patrouilles militaires de l’Armée roumaine marquent les maisons habitées par les juifs. Puis, très vite, le 18 octobre, le ghetto d’Odessa est établi dans la prison locale. Du 18 et jusqu’au 23, il ne reste plus que 4 jours. Au moment de l’explosion, la plupart de juifs étaient prêts au départ pour le ghetto, avaient les bagages sur le pas de la porte. On y voit là la préméditation, car ils ont été évidemment dépossédés de tous leurs biens, c’était facile ainsi ».

    Une fois le massacre déclenché, certains ont toutefois réagi, car même les autorités avaient compris que la culpabilité, supposée de masse, des Juifs, ne pouvait pas être établie si aisément.

    Florin Stan : « A rappeler l’attitude du maire d’Odessa, Gherman Pântea, qui, le 23 octobre au petit-matin, révolté de ce qu’il pouvait voir en traversant la ville, avait transmis aux officiers que ce crime allait être pour toujours une tache indélébile sur la Roumanie aux yeux du monde civilisé, d’autant plus que les victimes des exécutions sommaires ne pouvaient aucunement être tenus responsables de quelque crime ou infraction que ce soit. Présentant, au mois de novembre 1941,les conclusions de l’enquête diligentée par le général Ion Antonescu, suite au massacre, le général de la Gendarmerie Constantin Vasiliu mentionnait l’absence de preuves impliquant des Juifs dans l’attaque contre le Quartier général roumain d’Odessa.»

    Le massacre d’Odessa du mois d’octobre 1941 a constitué un des chefs d’accusation contre Ion Antonescu et trois de ses comparses, lors du procès ouvert en 1946. Ion Antonescu sera condamné à la peine capitale et fusillé au mois de juin 1946. En 2006, suite au recours en annulation formulé par le fils d’un ancien condamné au procès de 1946, la Cour d’Appel de Bucarest a confirmé la sentence. (Trad. Ionut Jugureanu)

  • The Odessa Massacre

    The Odessa Massacre

    The events that took place over October 22nd and 25th 1941, when the Romanian army rounded up and executed the Jewish population in Odessa are known as the Odessa Massacre. The operation was carried out in retaliation for a bomb attack on the Romanian Command headquarters allegedly masterminded by the Jews on October 22nd. The attack killed 16 Romanian officers, including the city’s military commander, general Ion Glogojanu. 46 troops and NCOs, several civilians and 4 German navy officers also died in the attack.



    Because the perpetrators had not been captured, the Romanian troops launched an operation against the Jewish civilians in the city, which were perceived at that time as supporters of the Soviets and the partisans. General Iosif Iacobici, who was in charge of the retaliatory measures, reported that many Jews had been hanged on lamp posts in the city squares, some had been shot dead on the spot while others rounded up outside the city for execution. The number of victims ranges between 22,000 and 40,000.



    Archivist Florin Stan from the Diplomatic Archives of the Romanian Foreign Ministry has written a volume of WWll Jewish History in which he explains that the Massacre in Odessa must be understood in the greater context of the war’s early days.



    Florin Stan: “In order to better understand what happened in that October 1941, we must go a little back in time and have a look at some events that had taken place on the frontline after the liberation of Bessarabia and North Bukovina in late June 1941. On August 6th 1941, in Berdicev, a town located in present-day Ukraine, the head of the Romanian state, gen. Ion Antonescu had met Hitler to confirm the intentions of the Romanian government to carry on military operations in the East alongside the Wehrmacht forces. A historian specialized in WWll history explains that out of all Germany’s allies only two could be considered effective participants in the anti-Soviet campaign, namely Romania and Finland, which operated at the extremities of the Eastern front at the same time enjoying substantial autonomy from Germany. Antonescu’s ambition to prove the potential of Romanian troops in the battles of liberating and conquering Odessa – a major strategic point on the Eastern front – was well known.”



    Anti-Semitism had reached its peak in the early 1940s. An ideology of hatred, intolerance and racism, fascism pervaded not only the politics, a certain regime or state, but also people’s daily life. So clichés used by the propaganda machine were seen as undeniable truth. Florin Stan believes that anti-Semitism was an attitude that preceded the massacre in Odessa, a logical effect of the entire climate of hatred instated in Europe, particularly in order to justify failures of one sort or another.



    Florin Stan: “The protracted campaign to seize Odessa forced the Romanian government of the time to come up with explanations. One such stupid explanation was provided by gen. Ion Antonescu himself, who described the Jews as the devil incarnate. Another slogan circulated back then was that ‘without Jewish commissioners we would have long been in Odessa’ and a counter-intelligence bulletin released in September concluded that all Jews were actually waging war against the Romanian troops. That kind of propaganda led to oversimplification, blaming civilians as well as the servicemen who were fighting on the eastern front. Romanian troops entered Odessa on October 16th, after the city had been abandoned by the Soviets. Shortly after the invasion, patrols started to mark the Jewish houses and a ghetto was set up on the premises of the local prison on October 18th. All the Jews who had been rounded up in this ghetto were awaiting deportation and the seizure of all their belongings shortly before the bomb attack on the Romanian Command headquarters was seen as a carefully planned move.”



    However there were people who took a stand against these atrocities, and even the authorities reached the conclusion that the Jews were used as scapegoats.



    Florin Stan: “An example is the attitude of Odessa’s mayor Gherman Pantea, who in the morning of October 23rd was horrified by what he saw at the crossroads. An angry city mayor had told the Romanian officers that the atrocities committed in the city are a blood stain on the Romanian military uniform, which nobody could ever wash away, as those executed had not been proved guilty of any crime. An inquiry into the massacre was launched shortly and in November that year, gendarme general Constantin Vasiliu briefed Ion Antonescu on its conclusions; it was clear that the victims of the massacre had not been among the masterminds of the attack on the Romanian Command headquarters.”



    The Odessa Massacre was one of the counts gen. Antonescu and three of his collaborators were charged on. The four were executed in June 1946 and the Court of Appeal in Bucharest in 2016 reconfirmed the death sentence in response to an appeal made by the son of one of those executed.


    (translated by: Daniel Bilt)

  • 01.04.2017 (mise à jour)

    01.04.2017 (mise à jour)

    Gaz — Ce premier avril marque la fin des tarifs réglementés pour le gaz naturel acheté par les Roumains. L’Autorité nationale de régulation du secteur énergétique a annoncé une hausse d’environ 2% des sommes qui figureront sur les prochaines factures. En revanche, les usagers individuels peuvent choisir librement leur fournisseur. La hausse des tarifs n’est que temporaire, la libéralisation du prix du gaz et l’arrivée sur le marché de nouveaux fournisseurs mèneront, à terme, à la baisse des sommes finales réglées par les clients, a affirmé, sur Radio Roumanie, Niculae Havrilet, président de l’Autorité nationale de régulation du secteur énergétique.



    Corruption — Plusieurs dizaines de personnes ont manifesté, vendredi soir, devant l’ambassade de la Fédération russe, à Bucarest, en signe de solidarité avec les protestataires anticorruption descendus dans les rues de Moscou et d’autres grandes villes russes, à la fin de la semaine dernière. Des centaines de personnes, dont un des leaders de l’opposition, Aleksey Navalny, ont été arrêtées par la police, selon laquelle la manifestation n’avait pas été autorisée. Le rassemblement devant l’ambassade russe de Bucarest survient après que des centaines de milliers de Roumains ont protesté, ces deux derniers mois, à travers le pays et à l’étranger, contre les intentions du gouvernement roumain de modifier le Code pénal par un décret d’urgence, sans débat parlementaire. Ces changements auraient amputé la législation anticorruption et auraient évité à nombre de figures politiques importantes de répondre devant la justice pour des faits de nature pénale, précisaient les protestataires.



    Commémoration — Une cérémonie de commémoration a été organisée ce samedi dans la commune de Fântâna Alba, dans l’ouest de l’Ukraine, à la mémoire des victimes d’un massacre contre des Ukrainiens d’origine roumaine, perpétré par les troupes soviétiques. Le 1er avril 1941, plus de deux milliers de personnes ont été exécutées par les militaires des Soviets pour avoir tenté de se réfugier dans la Roumanie voisine.


    Notons qu’à présent, la minorité roumaine d’Ukraine est forte de près d’un demi-million de personnes, qui vivent notamment dans les localités ukrainiennes frontalières à la Roumanie, des territoires annexées par la Russie de Staline en 1940, suite à un ultimatum, et repris par l’Ukraine en 1991, en tant qu’Etat successeur de l’URSS.



    Moldova — La Commission européenne encourage la République de Moldova à mettre à profit les mécanismes de l’Accord d’association à l’UE pour développer les projets régionaux, a affirmé la commissaire européenne Corina Cretu, au premier ministre moldave, Pavel Filip. Lors d’une entrevue à Bruxelles, la responsable communautaire a précisé que le rythme et la qualité des réformes que la Moldova s’est engagée à mettre en œuvre sont l’indicateur de la relation de ce pays avec l’Europe. Corina Cretu a également souhaité que Chisinau s’implique davantage dans les programmes de coopération territoriale, y compris dans le cadre de la stratégie pour le bassin danubien. Notons que la République de Moldova se trouve à un tournant quant à sa position géopolitique — alors que le gouvernement pro-européen de Pavel Filip milite en faveur de l’intégration européenne, le chef de l’Etat, le socialiste pro-russe Igor Dodon, envisage l’annulation des accords de libre-échange et d’association avec Bruxelles et le rapprochement du pays de l’Union Eurasiatique menée par la Russie.



    Lutte — Championne balkanique et européenne juniors en titre, la Roumaine Krista Incze (20 ans) a remporté la médaille de bronze dans la catégorie des 63 kilos, au Championnat d’Europe de lutte des moins de 23 ans, accueilli par la localité de Szombathely, en Hongrie. Elle a eu raison de la Turque Sinem Topcu, lors d’un match jugé équilibré par les spécialistes. C’est la deuxième médaille de bronze remportée par les sportives roumaines participantes à cette compétition, après celle décrochée jeudi par Alexandra Nicoleta Anghel, dans la catégorie des 69 kilos.



    Météo — Le temps sera au beau-fixe en Roumanie durant les 24 prochaines heures, avec des températures très élevés pour ce début de mois d’avril. Le ciel restera dégagé, avec un léger brouillard passager sur le centre et l’est du pays, dans la matinée. Les maximales iront de 17 à 26 degrés.

  • La révolution anticommuniste roumaine, les questions demeurent…

    La révolution anticommuniste roumaine, les questions demeurent…

    27 ans sont passés depuis que les Roumains sont devenus libres, suite à un combat mené dans les rues contre un régime totalitaire criminel, illégalement installé après la 2e guerre mondiale. Une liberté pour laquelle ils ont payé un prix fort, celui du sang. En décembre 1989, un millier de Roumains ont perdu la vie, tandis que plus de 3000 ont été blessés dans la révolte anticommuniste.



    Celle-ci avait spontanément éclaté à Timisoara, dans l’ouest de la Roumanie, comme un mouvement de protestation en réponse aux tentatives du régime d’évacuer le pasteur réformé Laszlo Tokes, qui avait critiqué le pouvoir communiste dans la presse internationale. Ses propos avaient été jugés par Bucarest comme une incitation à la division ethnique. Mais les habitants de Timisoara ont estimé qu’il s’agissait là surtout d’un nouveau tour de vis, d’une démarche supplémentaire visant à restreindre la liberté religieuse, et ils se sont rassemblés autour de la maison du pasteur.



    Le 17 décembre, les protestataires ont gagné le centre-ville, la place du Théâtre qui a été transformée en scène principale pour les slogans anticommunistes, tabou absolu à l’époque. Confrontées à une situation sans précédent, les autorités ont déployé l’armée dans les rues, artères déjà parsemées des agents de la redoutable police politique, la Securitate. Une intervention brutale s’ensuit, qui fait plusieurs morts. Pour effacer les traces de cette répression violente, les cadavres sont soustraits de la morgue de l’Hôpital et sont acheminés à Bucarest où ils sont incinérés. Les cendres allaient être dispersées dans les égouts, dans le cadre d’une opération appelée « la Rose ».



    Toutefois, les protestations allaient se poursuivre et le 20 décembre, l’armée se range du côté des manifestants, rentre dans les casernes et libère les personnes arrêtées. Depuis le balcon du bâtiment qui accueille le théâtre et l’opéra de la ville, on proclame Timisoara la « première ville roumaine libérée du communisme ». Le lendemain, la révolte gagnait Bucarest pour culminer le 22 décembre avec la fuite du couple dictatorial Nicolae et Elena Ceausescu. Ils allaient être arrêtés très vite et exécutés le 25 décembre, suite à un procès sommaire.



    Plus d’un quart de siècle après, les Roumains ne cessent de s’interroger sur l’identité des responsables des exactions de l’époque. Bien que classée, l’affaire de la révolution a été rouverte en 2016 après que les juges eurent constaté que l’enquête avait été menée de manière très superficielle. Les procureurs militaires ont ouvert une instruction pénale in rem, à savoir sur les faits énoncés dans le réquisitoire introductif, visant des crimes contre l’humanité. « Pour garder le pouvoir, les mesures instituées par les nouveaux dirigeants politiques et militaires installés en 1989 ont fait qu’un grand nombre de personnes soient tuées ou privées de liberté », peut-on lire dans le réquisitoire. Les désinformations et les manipulations lancées à l’époque depuis les cercles les plus officiels du pouvoir « ont créé les apparences d’une guerre civile », précise encore le document. L’émiettement de la direction de l’armée, la diffusion d’informations et d’ordres faux ont mené à des combats entre les forces armées et celles de la milice de l’époque ou même entre des unités d’une même arme, autant d’agissements visant « la prise du pouvoir et la légitimation des nouveaux leaders », disent les procureurs. Les coupables sont cherchés et ils seront punis, nous assure-t-on. Cela, bien sûr, s’ils sont toujours trouvés… (trad. : Andrei Popov)

  • Réfugiés arméniens en Roumanie

    Réfugiés arméniens en Roumanie


    On a retenu, pour le XXe siècle, une particularité choquante, celle des génocides perpétrés à cette époque. Le premier d’une longue série fut celui contre les Arméniens de l’Empire ottoman, lors duquel un million et demi de personnes allaient être tuées, soit près de la moitié de cette nation.



    Les gouverneurs ottomans avaient alors argué de la fraternisation des Arméniens avec l’armée russe. En fait, les raisons étaient de nature politique (nationalisme et idéologie du pantouranisme), économique (les Arméniens et les Grecs détenaient le commerce et les banques de l’Etat ottoman) et religieuse (les leaders religieux musulmans déclarant la guerre sainte aux infidèles). Les hommes ont été forcés à travailler sur les chantiers de constructions de ponts et de chemins de fer. Beaucoup ont péri des suites de la faim et des maltraitances.



    Le 24 avril 1915, Talaat Pacha, grand vizir et ministre des communications, donna l’ordre de déportation massive des Arméniens. Les plus chanceux de ces malheureux ont réussi à s’en sortir. Certains se sont réfugiés en Roumanie, affirme l’historien Eduard Antonian, qui nous en a raconté les péripéties: « Sur ordre du sultan Abdul Hamid II, surnommé le Sultan rouge, près de 350.000 Arméniens ont été massacrés ; une bonne partie de l’ethnie arménienne s’est réfugiée alors en Roumanie aussi. Aujourd’hui, environ 10% de la communauté arménienne de Roumanie est formée des descendants de ceux qui avaient fui le premier génocide. Les réfugiés de cette première vague, assez aisés, ont pu emporter de l’argent, ce qui leur a permis d’ouvrir un commerce en Roumanie. Ils ont gardé le contact avec la vieille communauté arménienne qui vivait ici, réussissant à s’intégrer parfaitement à la société roumaine. »



    Par quels moyens ont-ils échappé à la persécution? « Les rescapés ont été aidés par la population civile turque et arabe ou ont tout simplement eu de la chance. Certains d’entre eux ont graissé la patte aux autorités ottomanes, d’autres ont bénéficié de l’aide des missionnaires étrangers. En tant que pays neutre, les Etats-Unis s’y étaient beaucoup investis. L’ambassade américaine était très bien organisée. Henry Morgenthau, ambassadeur à cette époque-là, qui a dénoncé, dans ses mémoires, les crimes contre les Arméniens, s’était activement impliqué dans l’aide fournie à cette population, aux côtés de missionnaires danois et de missionnaires protestants allemands. »



    Quelque 20.000 Arméniens, dont près d’un quart orphelins, auraient trouvé refuge en Roumanie et bénéficié du soutien de la communauté arménienne du pays, affirment les historiens. Il y a eu des vagues successives de réfugiés, la plupart étant survenues au lendemain de la guerre. Eduard Antonian a reconstitué le périple de ceux qui, un siècle durant, avaient tenté de trouver leur place dans un monde ravagé par la destruction et la mort: « Partis d’Istanbul, comme ce fut aussi le cas de mon arrière-grand-père et des siens, ils sont montés, aux cotés de plusieurs milliers d’orphelins, à bord d’un bateau battant pavillon français, qui les a emmenés à Constanţa. La communauté arménienne de Roumanie était bien organisée et assez fortunée. Krikor Zambaccian, Grigore Trancu-Iaşi, les frères Manisarian, passaient pour les plus grands grossistes de céréales d’Europe du sud-est. En 1919, allait être fondée l’Union des Arméniens, afin de venir en aide aux réfugiés. Son premier président a été Grigore Trancu-Iaşi.


    L’image des réfugiés descendus dans le port de Constanţa était terrifiante. Les correspondants de presse à Istanbul du journal Adevărul ayant relaté, en 1915, le génocide, l’opinion publique roumaine était au courant du malheur qui avait frappé les Arméniens de l’Empire ottoman. Armenad Manisarian, le deuxième président de l’Union des Arméniens, est allé voir le premier ministre roumain, Brătianu, pour lui demander ce qu’il était possible de faire pour aider ces réfugiés. A la question de Brătianu de savoir s’il se porterait garant, de tous les points de vue, pour ces malheureux, Manisarian aurait répondu affirmativement. Une fois donné le feu vert, les réfugiés s’y sont installés. Ils allaient recevoir plus tard la nationalité roumaine aussi. Ils n’avaient été munis que d’un passeport Nansen, pour les apatrides, leur autorisant un seul voyage.


    La communauté arménienne a acheté plusieurs hectares de terrain dans la commune de Strunga, près de Iaşi et y a fait construire un orphelinat. Les enfants orphelins y ont grandi et appris des métiers. Bon nombre d’entre eux ont été adoptés par des familles arméniennes de Roumanie. Certains ont ouvert leur propre commerce. Mon arrière grand-père a ouvert un atelier de cordonnerie à Bucarest. »



    Au fil du temps, les traumatismes de la guerre se sont estompés, sans pour autant sombrer dans l’oubli. Eduard Antonian affirme que les réfugiés arméniens de Roumanie ont continué à mener leur train de vie, oscillant entre souvenirs choquants et espoirs: « Les réfugiés arméniens de l’Empire ottoman se sont toujours considérés comme de bons citoyens. Ils payaient leurs taxes, s’engageaient dans l’armée, parlaient le turc. On dit que les parents qui avaient échappé au génocide discutaient en turc lorsqu’ils voulaient cacher certaines choses à leurs enfants. Même aujourd’hui, des anciens de la communauté arménienne de Roumanie continuent de parler le turc. Malheureusement, en 1945, une partie des membres de cette communauté, leurrée par la propagande soviétique, s’est rapatriée en Arménie, dont on leur avait dit qu’elle allait être leur pays. En 1991, quand l’Arménie a proclamé son indépendance, des descendants de ceux-ci allaient rentrer en Roumanie. »



    Les Arméniens réfugiés en Roumanie ont témoigné des massacres commis dans le désert anatolien en 1915. Ces miraculés ont par la suite transformé l’inhumain en humain. (trad.: Mariana Tudose)





  • Tragédies de la Révolution roumaine: le cas Otopeni

    Tragédies de la Révolution roumaine: le cas Otopeni

    Le renversement sanglant de la dictature communiste a été lévénement le plus important de la seconde moitié du 20e siècle. Un tel déchaînement de forces et dénergies a été totalement inédit et a surpris la quasi-totalité des Roumains. Cétait un événement unique pour une vie humaine et la plupart dentre eux avaient souhaité ne pas rester à lécart du renouveau de leur pays.



    Toutefois, les événements tragiques ont émaillé cette quête de liberté. Parmi eux, ce que lhistoire a appelé « le massacre dOtopeni », intervenu le 23 décembre 1989, dans les environs de laéroport international de la capitale, Bucarest. Suite à un terrible malentendu, les troupes en charge de la défense du site ont ouvert le feu sur un convoi de trois camions transportant des soldats devant les rejoindre, ironie du sort, en renfort. Une cinquantaine de militaires ont alors été tués, étant pris pour des « terroristes » et payant de leur vie le manque de formation des forces se trouvant sur place, la communication déficitaire, les ordres contradictoires, lexcès dadrénaline des gens et la force destructrice des rumeurs.



    Pour RRI, lhistorien Şerban Pavelescu fait la reconstitution de cette journée noire: « Lincident du 23 décembre 1989 devrait être un cas école pour la formation des militaires. Lenquête et le procès qui l’a suivi et qui ont duré une vingtaine dannées ont révélé que ce fut le résultat dun concours de circonstances. Concrètement, plusieurs sous-unités étaient présentes sur les lieux, appartenant au ministère de la Défense, mais aussi à la Police aux frontières, à la Direction de laviation militaire et aux gardes patriotiques. Il convient de préciser dès le début que certains parmi ces militaires manquaient complètement de formation, dautres étaient en train dêtre formés. Notons que les forces les plus expérimentées étaient déjà désarmées, car jugées suspectes. Il sagit de lUnité spéciale de lutte antiterroriste (USLA) et de la sous-unité du ministère de lIntérieur, les deux chargées de la protection régulière de laéroport ».



    Serban Pavelescu décrit également la composition du dispositif militaire ainsi que les prémisses de la tragédie qui allait se produire: « Il y avait des rangées de tireurs disposées à la fois au premier niveau de laérogare quau rez-de-chaussée dun autre bâtiment situé sur la voie daccès principale du bâtiment. Les militaires étaient dotés darmement léger et lourd dinfanterie, dont un transporteur blindé amphibie et des mitrailleuses lourdes de calibre 14,5 mm. Les gens étaient là depuis 48h déjà, ils étaient très fatigués, alors quils avaient été déjà mis en alerte par plusieurs incidents, dont on ne saurait dire, même à ce jour, sils ont été réels ou fictifs. Les militaires étaient surexcités et, comme lenquête ultérieure nous la révélé, ils étaient mal dirigés. La communication entre les différentes composantes du dispositif était mauvaise ».



    Le matin du 23 décembre des renforts se mettent en marche vers laéroport de Bucarest. Il sagissait du détachement dit « Câmpina », du nom de lécole de sous-officiers du ministère de lIntérieur, basée à dans cette ville du département de Prahova, située à une centaine de kilomètres de la capitale. Serban Pavelescu: « Cest Grigore Ghiţă, commandant des troupes de la Securitate, cest-à-dire du ministère de lIntérieur, qui avait donné lordre au détachement de Câmpina de se déplacer à laéroport. Les militaires qui sy trouvaient déjà avaient été pourtant alertés par des coups de fil anonymes, par des informations diffusées tant par la télévision publique que par les moyens internes de communication quils allaient être attaqués. Le dispositif attendait donc ces renforts, mais à un autre endroit. Au lieu demprunter la route qui menait au terminal fret de laéroport, parallèle à la voie principale daccès à laérogare, les camions du détachement Câmpina sont allés tout droit, de manière perpendiculaire, vers le dispositif de défense ».



    Suite à ce contretemps, la tragédie se produit et les conséquences sont fatales, explique lhistorien Şerban Pavelescu: « Il était 7h du matin et il faisait encore noir dehors. Les gens étaient très fatigués, après plusieurs alertes durant la nuit. Le commandant du dispositif, le capitaine Zorilă, fait un excès de zèle et ordonne douvrir le feu sur les camions. Sauf que les militaires se trouvant dans le bâtiment annexe de laérogare, dans le premier alignement donc, ont cru quils avaient été attaqués et ont à leur tour tiré devant. La canonnade ne sarrête que difficilement. Les militaires survivants du détachement de Câmpina crient quils se rendent et quils ne sont pas armés, en descendant des camions les mains en lair. Et là, on entend un coup de feu, mais personne ne saurait dire sil a été réel ou imaginaire. En tout cas, il est très réel pour les gens du dispositif et, par un effet boule de neige, une deuxième phase du massacre se déclenche. Les militaires de Câmpina sont la cible de tirs nourris, encore plus intenses que la première fois, qui durent une dizaine de minutes. Et ce nest pas tout, au moment où les militaires survivants et blessés sont prélevés, un bus emmenant les employés de laéroport se dirige vers le site. Il est pilonné et sept civils perdent la vie ».



    Les militaires du détachement de Câmpina ont payé de leur vie une partie du prix pour la liberté des Roumains, en décembre 1989. Il est nest pas moins vrai que cet enchaînement de faits et de bavures est désormais un cas école et il est à lorigine de toute une réflexion sur les carences de communication et de formation des militaires en cas de situation de crise.(trad. Andrei Popov)