Tag: mémoire

  • Les grands-parents, guides au musée

    Les grands-parents, guides au musée

    En février, les élèves roumains profitent des « vacances au ski », une période durant laquelle le Musée du Pays de Criș – Complexe Muséal d’Oradea – organise, en partenariat avec le Conseil Départemental de Bihor et sa mairie, un événement intitulé « Au musée avec les grands-parents. Guides d’un jour ». Du 18 au 23 février 2025, grands-parents et petits-enfants sont conviés à explorer l’histoire de la ville, avec une particularité : les grands-parents auront l’opportunité de jouer le rôle de guides pour leurs petits-enfants.

     

    Cristina Liana Pușcaș, docteure en histoire et muséographe au sein de la section du Musée de la Ville d’Oradea, rattachée au Musée du Pays de Criș, nous a présenté ce projet :

     

    « C’est la deuxième édition de ce programme, initié en 2023. En 2024, nous n’avons pas pu le mettre en place en raison d’un vaste projet de rénovation du musée. Nous avons réfléchi à cette initiative pendant les vacances d’hiver, sachant que de nombreux enfants n’ont pas les moyens de partir en voyage. Beaucoup restent à Oradea avec leurs grands-parents, qui peuvent se permettre de passer une journée à redécouvrir l’histoire de la ville et à partager leurs souvenirs. L’an dernier, grâce à ce projet de rénovation, nous avons aménagé de nouveaux espaces et expositions, notamment sur la période communiste. Cette époque, que les grands-parents ont vécue, leur permet d’enrichir la visite par leurs récits personnels. »

     

    Cristina Liana Pușcaș a également donné quelques précisions :

     

    « Ils peuvent, par exemple, expliquer aux enfants ce que symbolise les bibelots de poisson posés sur les téléviseurs, l’usage des bouteilles de lait, les longues files d’attente, le siphon, ou encore la lampe à pétrole qui rappelle les coupures d’électricité en soirée. Il y a aussi le téléphone à cadran. Dans l’exposition « L’enseignement d’Oradea au XXe siècle », nous avons reconstitué une salle de classe de l’époque, avec les uniformes scolaires, l’uniforme de pionnier, l’encrier, l’abécédaire et l’outil en bois pour apprendre à compter (« socotitoare »). Ces éléments aident les grands-parents à illustrer leurs souvenirs de manière concrète. Une autre exposition qui devrait captiver les enfants est « La discothèque des années 70-80 », où les grands-parents pourront raconter leur jeunesse et la vie de cette époque. »

     

    Le musée a aussi préparé des supports pour les sections plus difficiles à raconter et expliquer, comme l’a précisé Cristina Liana Pușcaș :

     

    « Bien sûr, ils ne peuvent pas tout maîtriser. Pour la Première Guerre mondiale, nous avons élaboré une fiche sur l’entrée de l’Armée Roumaine à Oradea en 1919 et sur Traian Moșoiu, héros de la libération de la ville. Concernant le quotidien sous le communisme, un flyer avec des informations et des images a été conçu pour raviver les souvenirs des grands-parents et les aider à les partager. »

     

    Nous lui avons demandé quel avait été l’impact du projet en 2023 :

     

    « En revoyant les photos de cette première édition, j’ai remarqué que les grands-parents étaient véritablement impliqués avec leurs petits-enfants. On les voyait expliquer le fonctionnement du téléphone à cadran, de la radio, du pick-up, ou encore le rôle des vinyles. Ces moments d’échange étaient précieux. Aujourd’hui, nos expositions sont encore plus riches en objets de cette époque, offrant aux grands-parents davantage de matière pour transmettre leur savoir. »

     

    Le billet d’entrée pour ce programme est fixé à 10 lei par personne (environ 2 euros) pour l’accès aux expositions de la section du Musée de la Ville d’Oradea. Situé dans la Citadelle d’Oradea, le musée propose des expositions temporaires et permanentes, parmi lesquelles : « Des églises dans un palais – recherches archéologiques au Palais Princier », l’exposition « Dépersonnalisation » de Cătălin Bădărău, ainsi que des expositions consacrées aux évêchés gréco-catholique, réformé et romano-catholique d’Oradea.

     

  • Beata Umubyeyi Mairesse, présente à la 10e édition du Festival International FILIT, de Iasi

    Beata Umubyeyi Mairesse, présente à la 10e édition du Festival International FILIT, de Iasi

    Auteure franco-rwandaise,
    Beata Umubyeyi Mairesse a été invitée à Iaşi, à la dixième édition du Festival
    international de littérature et de traduction littéraire, FILIT où elle est
    venue parler de son premier roman, Tous
    tes enfants dispersés, traduit du français par Andrei Lazăr chez les
    éditions Casa Cărţii de Ştiinţă. Roman de l’exile, de la mémoire et de la
    transmission, ce titre a valu à son auteure le Prix des cinq continents de la
    Francophonie, en 2020. Je vous invite à l’écouter dans un entretien pour Radio Roumanie
    Internationale, réalisé en pleine effervescence festivalière, comme vous allez
    pouvoir entendre.

  • 17/12/2021 (mise à jour)

    17/12/2021 (mise à jour)

    Gouvernement — Le gouvernement de Bucarest a adopté ce vendredi plusieurs mesures importantes pour étayer le projet de budget de l’Etat 2022. La principale préoccupation, c’est de préserver l’équilibre budgétaire et de respecter les engagements assumés dans la relation avec les partenaires européens, déclarait le premier ministre Nicolae Ciucă. Il s’agit notamment d’un déficit de 6,2 % du PIB. L’exécutif a approuvé le projet de loi des plafonds et une ordonnance d’urgence pour ajourner certaines dépenses, dont les majorations salariales dans le système public, à certaines exceptions près. Pour le chauffage fourni aux personnes physiques et à certaines institutions, la TVA ne sera que de 5 %. Des mesures ont également été prises pour les retraités aux petites pensions ; par contre, ceux qui ont des retraites consistantes devront payer des contributions à l’assurance maladie pour certains montants.



    Révolution — Ce vendredi – journée de deuil en Roumanie, à la mémoire des héros martyrs de la Révolution roumaine. Il s’agit plus précisément de ceux qui ont risqué leur vie et payé le prix suprême il y à 32 ans à Timişoara, dans l’ouest du pays, où a éclaté la révolution anticommuniste roumaine. Les événements consacrés à la Révolution de 1989 se poursuivent par des messes, des cérémonies de dépôt de couronnes de fleurs et par des expositions. Ce fut le 17 décembre 1989 que les forces de répression du régime communiste ont tiré des munitions de guerre contre les habitants de la ville de Timişoara. Une soixantaine de personnes ont été tuées durant la nuit, et plusieurs centaines ont été blessées. Le 17 décembre 1989 est la journée la plus sombre de l’histoire contemporaine de la ville de Timişoara.



    Coronavirus en Roumanie — La Roumanie a rapporté vendredi 743 nouveaux cas de contamination au coronavirus. 60 décès des suites de l’infection ont été enregistrés, dont 20 antérieurs à cette période. 600 malades sont actuellement en réanimation. Par ailleurs, l’intérêt pour la vaccination est à la baisse en Roumanie, a remarqué aussi le coordinateur de la campagne de vaccination, Valeriu Gheorghiţă. Il a affirmé que d’une semaine à l’autre, les autorités constatent une baisse de 15 à 25 % du nombre de personnes qui choisissent de se faire vacciner à la première dose. Le médecin Valeriu Gheorghiţă a également annoncé qu’à partir du mois prochain, la Roumanie pourrait recevoir des doses de vaccin Pfizer destinées aux enfants et l’immunisation du groupe d’âge des 5 à 11 ans pourrait commencer durant la seconde moitié du mois de janvier.



    Affaire Colectiv — Les procureurs du procès « Colectiv » ont requis à la Cour d’appel de Bucarest des peines maximales, de prison ferme, contre tous les mis en examen faisant l’objet d’enquêtes dans ce dossier. Au sujet des dédommagements pour les victimes, les procureurs estiment que le tribunal a fixé des dommages moraux inexplicablement bas, disproportionnés par rapport aux souffrances des personnes blessées dans cette discothèque ou encore pour les familles des personnes qui ont trouvé la mort dans l’incendie de 2015. La tragédie de Colectiv peut se répéter à tout moment et la société est marquée par ce qui s’est passé ce 30 octobre 2015, a déclaré un des procureurs. Voici 2 ans, le Tribunal de grande instance de Bucarest a condamné l’ancien maire du 4e arrondissement, Cristian Popescu Piedone, un fonctionnaire de la mairie, les patrons du club ainsi que les pyrotechniciens et les représentants d’une compagnie d’artifices à des peines allant de 3 ans avec sursis à 12 ans et 8 mois de prison ferme.



    Emplois — La majorité des salariés roumains, soit 61 %, espère que 2022 sera une année meilleure pour leur emploi, alors que 69 % affirment que 2021 a été plus difficile que la première année pandémique du point de vue des défis personnels et professionnels, selon un sondage réalisé par une plateforme de recrutement en ligne. Selon, BestJobs, six Roumains sur 10 envisagent de changer d’emploi pour obtenir un salaire plus grand ou s’attendent à être promus dans le cadre de leur emploi actuel. Généralement 26 % des employés roumains affirment que 2021 a été une année meilleure, mais les améliorations ont été visibles notamment sur le plan personnel (25 %), alors que sur le lieu de travail seulement 17 % des Roumains ont constaté des progrès. Seuls 15 % des Roumains affirment avoir progressé sur les deux plans par rapport à 2020. Le sondage BestJobs a été réalisé du 20 novembre au 10 décembre, sur un échantillon de 1 041 utilisateurs. BestJobs est une des plus importantes plateformes de recrutement de Roumanie.



    Sommets — Réunis à Bruxelles dans le cadre d’un sommet d’hiver, les leaders des Etats de l’Union ont soutenu la stimulation de la vaccination contre la Covid-19 sur la toile de fond des inquiétudes provoquées par le nouveau variant Omicron du coronavirus. Les participants à la réunion, dont le président roumain Klaus Iohannis, ont également visé la flambée des prix de l’énergie, mais aussi les tensions entre la Russie et l’Ukraine. Selon l’Administration présidentielle de Bucarest, la réunion du Conseil européen a été suivie par un Sommet de l’UE en format élargi. A cette occasion, les leaders européens ont adopté une déclaration réitérant l’engagement de l’UE pour assurer une réponse forte, rapide et coordonnée pour relancer l’économie après la pandémie.



    OTAN — L’Alliance de l’Atlantique Nord demeure vigilante devant la mobilisation de forces militaires russes autour de l’Ukraine, a déclaré vendredi l’adjoint au secrétaire général de l’OTAN, le Roumain Mircea Geoană, sur Radio Roumanie Actualités. Il a ajouté que l’Alliance ne connaît pas l’intention finale de Moscou, qui pourrait répéter le scénario de 2014 lorsque la Russie a occupé la péninsule ukrainienne de Crimée. Mircea Geoană a lancé un appel au retour de la Russie à la table de dialogue et a affirmé qu’il n’y avait pas à présent de risques sécuritaires imminents à l’adresse des alliés du Flanc est.



    Frégate — La frégate française multi missions Auvergne, de classe FREMM, se trouve dans le port roumain de Constanţa, dans le sud-est du pays, où elle restera jusqu’à lundi. Le programme de cette escale prévoit des exercices de plongée pour les scaphandriers militaires roumains et français. La frégate est munie d’équipements de dernière génération pour mener des opérations de lutte anti-sous-marine, antiaérienne est antinavire. Le bâtiment de guerre peut transporter des missiles et frapper des points situés à une certaine distance de la côte. Après le départ de l’Auvergne du port de Constanţa, le 20 décembre, des exercices communs roumano-français sont prévus en mer Noire.

  • Le Musée de l’Abandon

    Le Musée de l’Abandon


    Récemment lancé dans l’espace public, le Musée de l’Abandon se veut un
    projet participatif et un espace censé contribuer à l’exploration du trauma de
    l’abandon. 21 courts-métrages consacrés au phénomène de l’abandon et à la
    manière dont ce trauma nous a marqué en tant que société ont été produits dans
    le cadre de ce projet. Nous nous sommes entretenus sur cette idée avec Simina
    Badica, commissaire d’exposition et historienne :




    « Le Musée de l’Abandon est une initiative récente qui date de cette
    année. C’est un projet financé par l’Association du Fonds culturel national et
    il s’agit d’un musée numérique qui récupère une partie difficile et
    traumatisante de notre histoire et de nos vies. D’habitude, les gens évitent
    les sujets douloureux, sauf que ça ne sert à rien de les éviter, car ils
    restent là, ils ne se dissipent pas et ils continuent à nous hanter. Bien qu’il
    s’agisse d’un musée virtuel, on l’a ouvert dans un endroit bien réel : l’Etablissement
    pour mineurs en situation de handicap irrécupérable de Sighetu Marmatiei dont
    le bâtiment a été scanné sur support numérique. C’est sous ce titre que cette
    institution fonctionnait en 1989. Elle a été fermée en 2003 et elle est restée
    comme une sorte de capsule temporelle. Du coup, à force de l’avoir scanné, les internautes
    du monde entier pourront la découvrir de la même manière que nous, on l’a fait
    l’été dernier, avec tous ses drames et ses histoires. On a donc ouvert un musée
    virtuel dans un endroit réel que les visiteurs peuvent découvrir virtuellement
    et où des expositions seront organisées comme dans n’importe quel musée du
    monde. Une visite du musée ne se réduit pas à une balade à l’intérieur d’un
    bâtiment abandonné, c’est une occasion d’apprendre l’histoire de l’abandon et
    des enfants institutionnalisés. Par ce musée, on essayera de répondre à la
    question : comment un tel drame a-t-il pu avoir lieu dans les années 90 quand
    les images des orphelinats roumains ont fait le tour du monde ?
    »




    C’est un musée qui raconte l’histoire des enfants abandonnés de la Roumanie
    communiste et post-communiste, une histoire que nombre de Roumains ont préféré
    ignorer, affirme notre interlocutrice qui passe en revue les incontournables
    d’une visite de ce musée virtuel :




    « Le musée comprend beaucoup de choses. Des objets de la vie de tous
    les jours des personnes institutionnalisées là. Ses portes ont définitivement
    fermé en 2003, mais beaucoup d’objets – meubles, lits, jouets, bureaux,
    dessins, décorations, panneaux avec les noms des enfants ou avec le nom de
    différentes sections – sont toujours là et contribuent à refaire virtuellement
    cette ambiance pesante. Dans chaque salle, on a fait en sorte qu’il existe au
    moins un objet à même de raconter une histoire, de témoigner du sort de tous
    ces enfants délaissés pas forcément par leurs parents, que par l’Etat, par la société
    tout entière qui normalement aurait dû les protéger. Dans chacune des pièces,
    une histoire se tissera à partir d’un seul objet. Cela pourrait être un vêtement,
    car de nombreux articles d’habillement sont restés sur place, un jouet, une
    cuillère tordue qui servait pour nourrir les enfants ou une assiette en
    inox »
    .


    Nous
    avons demandé à Simina Badica de nous raconter l’une des histoires que ce musée
    raconte et elle a eu du mal à en choisir parmi tous les témoignages
    présents :




    « L’une
    des raisons pour lesquelles on a choisi de présenter toutes ces histoires dans
    le cadre d’un musée, c’est parce que ce sont des histoires difficiles à
    entendre. Parmi les documents trouvés ici, il y avait un procès-verbal dans
    lequel un atelier de lingerie expliquait comment il avait utilisé les 30 mètres
    de tissu qu’il s’était vu attribuer. Et on apprend qu’il les a employés pour en
    faire des camisoles de force de trois tailles : petite, moyenne et
    universelle. On a donc pensé que puisque de telles camisoles avaient été
    fabriquées, elles devraient être quelque part dans le bâtiment, car ce n’était
    pas le genre d’article que l’on aurait eu envie de garder pour soi. Et
    effectivement, on a fini par trouver les camisoles de force de taille moyenne
    . »




    Nous
    avons voulu apprendre si Simina Badica était au courant de ce que tous ces
    enfants sont devenus.




    « Oui,
    on a retrouvé la trace d’une grande partie d’entre eux et le musée présentera
    aussi des histoires à fin heureuse de certains survivants, comme on a
    l’habitude d’appeler tous ceux ayant survécu à ce système de soi-disant protection
    de l’enfance. Ceux qui ont été adoptés ou qui ont été placés dans des familles
    d’accueil à un âge tendre, ils ont fini par surmonter leurs traumas. Lors d’une
    visite du musée vous pourriez, par exemple, apprendre l’histoire de Robi, placé
    à l’âge de 5-6 ans chez une assistante maternelle qui a fini par l’adopter, ce
    qui lui a permis de se transformer en un brave jeune homme, âgé actuellement
    d’une vingtaine d’années, au discours équilibré, qui a un emploi et qui est
    très peu traumatisé par tout ce qu’il a subi, vu l’âge qu’il avait à l’époque.
    En revanche, à le regarder, on ne saurait ne pas se demander comment ce fut
    possible qu’un tel enfant soit enfermé dans un établissement pour mineurs en
    situation de handicap irrécupérable
    ».




    Le Musée de l’Abandon se veut une invitation à connaître, ne serait-ce que
    virtuellement, une page douloureuse de l’histoire communiste qui ne devra
    jamais se répéter. (trad. Ioana Stancescu)







  • Les archives du rock roumain

    Les archives du rock roumain

    Art et parfois manifeste politique, le rock roumain apparaît vers la fin des années 60. Comme à l’époque l’accès à la musique d’Europe Occidentale était limité, les musiciens roumains ont adapté et récréé, dans un style local, musique, partitions, instruments et mode du courant rock. La volonté de préserver l’histoire de ce phénomène a récemment donné naissance au Musée du rock roumain. Un projet en ligne, pour le moment, mais qui serait amené à évoluer.

    Cosmin Năsui, historien d’art et commissaire d’exposition, nous parle de la genèse du projet : « Avant de décider de constituer ce musée, il y a eu une longue étape de documentation réalisée par notre collègue, le musicologue Doru Ionescu. Lui, il est réalisateur d’émissions sur le rock pour la télévision publique, il a aussi publié des livres sur des musiciens roumains partis vivre à l’étranger. Le Musée du rock est donc son idée. Doru Ionescu a commencé par documenter maints aspects de ce phénomène musical pour ses émissions et ses livres. Avec le temps, ces éléments de patrimoine immatériel et matériel demandaient à être placés dans un contexte muséal, pour donner une vue d’ensemble du phénomène. »

    Cosmin Năsui, aujourd’hui notre guide, nous fait visiter le Musée du rock: « Mettre quelque chose dans un musée, ce n’est pas l’ossifier, au contraire. Pour ce projet, nous avons considéré l’évolution de la musique rock en Roumanie – de la fin des années 60 et jusqu’après la révolution anticommuniste de 1989. Il y a, par exemple, tout un débat sur les guitares électriques en Roumanie. Le rock, c’est la guitare électrique, comme le folk, c’est la guitare sèche. Or on ne pouvait pas fabriquer une guitare électrique durant l’époque communiste en Roumanie. On ne pouvait pas les importer non plus, alors on les bricolait de toutes pièces, à partir de photos, en suivant les dessins techniques d’instruments publiés dans les magazines étrangers que l’on se procurait. Pour revenir, le projet a démarré avec l’initiative de Doru Ionescu et il a grandi peu à peu. Nous avons élargi la recherche à d’autres directions et commencé à utiliser les instruments de la muséographie, les fiches spécifiques et les fiches d’inventaire, entre autres. Le défi était de se servir de ces outils pour un domaine qui est par définition éphémère et plutôt proche du support audio ou vidéo. Mais voilà qu’il y a aussi un patrimoine matériel associé au rock, des instruments de musique aux tenues vestimentaires, la correspondance de ces artistes mythiques, les partitions, les brouillons de textes enfin. Tout cela montre le processus de création de l’intérieur. Il y a même toute une infrastructure culturelle de l’époque communiste, les clubs, souvent destinés aux étudiants, voire les clubs emblématiques de Bucarest, Club A ou Preoteasa. Cela montre la caractéristique première du rock roumain, né du mouvement de la jeunesse et des étudiants. »

    Cosmin Năsui, historien d’art et commissaire d’exposition, un des fondateurs du site postmodernism.ro, qui accueille pour le moment le Musée du rock, poursuit :« Avant d’aller vers une forme physique du musée, nous voulions constituer des archives et dresser les inventaires de façon précise. Pour ce faire, nous avons emprunté des objets de collections privées, nous les avons scannés, répertoriés, photographiés. Une partie de ces objets sont scannés en 3D, donc on peut les tourner sur notre plateforme en ligne, on peut zoomer dessus etc. Une partie de ces objets sont encore utilisés, en concert ou en studio, d’autres ne sont plus fonctionnels et d’autres sont perdus, car beaucoup de rockers roumains ont émigré et les ont pris avec eux. »

    La collection du Musée du rock de Roumanie comprend aussi des cartes postales et des lettres échangées entre les artistes, mais aussi des albums accessibles aux non-voyants. Cosmin Năsui : « Un musée ne doit pas seulement regarder vers l’âge de pierre, le Moyen-Âge ou la Roumanie moderne. Nous croyons qu’il est tout aussi nécessaire d’étudier le passé récent. Une partie de ces groupes de musique ont disparu, une partie de ces scènes musicales aussi. Ces choses sont fragiles, on peut en perdre la trace facilement. On peut noter l’histoire orale liée à ces musiciens légendaires. Après la disparition des artistes et de leurs instruments, je crois qu’il serait assez difficile pour quelqu’un d’entreprendre une chose pareille – récupérer, redécouvrir ce que l’on n’entend pas dans la musique. Musique qui reste, naturellement, en première position. »

    Le projet continue. L’étape suivante serait de regarder du côté des spécificités régionales des scènes rock et de la portée de cette musique dans différentes villes estudiantines. Ensuite, des sortes de capsules-musées pourraient voir le jour, qui mettraient en avant une partie de la collection du Musée du rock. Elles voyageraient à travers le pays, en lien avec des concerts ou des festivals, comme une sorte de laisser-passer en coulisses offert aux passionnés de musique. Des coulisses historiques, évidemment. (Trad. Elena Diaconu)

  • Chronique du livre “Enfance” de Nathalie Sarraute, un dialogue avec son double

    Chronique du livre “Enfance” de Nathalie Sarraute, un dialogue avec son double

    Au micro de Ioana Stancescu, Laurie Mouret, libraire à Kyralina, la librarie française de Bucarest, vous invite à découvrir son coup de cœur littéraire : le roman autobiographique Enfance de Nathalie Sarraute. Une lecture qui met en lumière la mémoire subjective et la suprématie de l’ère du soupçon.

  • Les archives d’architecture et leurs pépites

    Les archives d’architecture et leurs pépites

    Lorsque le temps et les temps, avec leurs restrictions sanitaires,
    le permettent, les Bucarestois explorent leur ville et ses environs grâce, en
    partie, aux actions de l’association Istoria artei (L’Histoire de l’art). Le
    plus récent projet de l’ONG vise à retracer l’histoire du Corps des
    architectes, une institution de l’entre-deux-guerres qui accordait aux diplômés
    de la Faculté d’architecture et d’ingénierie l’autorisation d’exercer leur
    métier. Cela a surtout été l’occasion pour Istoria artei de présenter au grand
    public les membres de cette institution, à travers de biographies bien
    documentées, fruit de minutieuses recherches dans les archives.

    Oana Marinache,
    la directrice exécutive de l’association, explique : « Nous avons commencé par
    faire une recherche documentaire, car ce fonds n’a pratiquement jamais été
    accessible aux spécialistes. Dans un premier temps, nous avons sélectionné
    quelques dossiers, surtout d’architectes hommes, mais de quelques femmes aussi.
    Cette phase du projet s’est principalement déroulée en ligne. Nous avons
    numérisé des études de cas et beaucoup de photos, que nous avons ensuite utilisées
    pour faire des présentations, en ligne, à l’intention d’élèves de Ploiești et
    de Bucarest. C’est ce que nous faisions auparavant aussi, mais tous ces
    ateliers qui ne peuvent plus avoir lieu en présentiel, nous les organisons maintenant
    à l’aide d’outils numériques. Plus tard, nous avons organisé des tours guidés
    thématiques. A Bucarest, nous avons évoqué les architectes Statie et Iorgu
    Ciortan et un autre, moins connu aujourd’hui, Alexandru Zaharia. A Sinaia, nous
    avons présenté toute une série de créations architecturales de personnalités
    qui travaillaient principalement à Bucarest, mais qui ont aussi reçu des
    commandes dans cette station de montagne. »




    Les tours guidés de Bucarest ont visé de grands bâtiments, bien
    connus aux habitants de la capitale roumaine, mais qui, finalement, savent peu
    de choses sur ceux qui les ont conçus. Néanmoins, aux dires de Oana Marinache,
    la situation est en train de changer : « En suivant les traces
    de Statie Ciortan, nous avons découvert, avec les participants au tour,
    l’histoire de l’immeuble construit pour accueillir le Journal officiel et sa typographie.
    Aujourd’hui, le palais en question, situé en face du Jardin de Cișmigiu, abrite
    les Archives nationales et traverse un ample processus de restauration. Nous
    avons regardé, ensuite, le bâtiment monumental qui sis derrière le Palais de la
    Caisse des dépôts et consignations de l’avenue Victoriei, appartenant à présent
    à la Police roumaine. Mais au départ, cet édifice avait été conçu pour
    accueillir le bureau des Douanes de la Poste. L’architecte Statie Ciortan a
    également été, pendant de longues années, professeur des universités, mais
    aussi architecte en chef du ministère des Finances. C’est pourquoi à Bucarest,
    comme dans d’autres villes, ses bâtiments ont principalement accueilli le Trésor
    ou d’autres institutions en lien avec les taxes et les impôts. »




    Les guides de Istoria Artei sont aussi allés dans le nord de la
    capitale afin de retrouver les créations de l’architecte Alexandru Zaharia.
    Dans les années 30, il a été à l’origine de deux styles très prisés, proches du
    modernisme : le cubisme et l’éclectisme méditerranéen. Ce dernier est très
    exotique et attire encore les regards, avec son mélange d’éléments décoratifs mauresques
    et vénitiens. Mais Sinaia, qui se trouve à deux heures de Bucarest, mérite elle
    aussi le détour. Située au pied des Monts Bucegi, cette station est
    principalement composée de résidences secondaires, dont beaucoup sont conçues
    par des architectes célèbres.

    Oana Marinache raconte : « A Sinaia, il y a
    nombre d’architectes à découvrir : Petre Antonescu, Duiliu Marcu,
    Henrietta Delavrancea-Gibory ou encore Paul Smărăndescu. En prime, à travers
    nos recherches, nous en avons découvert un autre : Jean Krakauer, connu à l’étranger
    sous son pseudonyme John Kryton. »




    Né en 1910 à Bucarest, d’une famille juive, Jean Krakauer a quitté
    la Roumanie dans les années ’40 pour s’établir et travailler au Royaume-Uni et,
    plus tard, il s’est installé au Canada. Mais on trouve encore, dans les rues de
    Bucarest et de Sinaia, les maisons au charme à part que John Kryton ou Krakauera dessinées dans sa jeunesse. (Trad.
    Elena Diaconu)

  • Mémoire du communisme (I)

    Mémoire du communisme (I)

    En décembre nous allons commémorer les 30 ans depuis la disparition du régime communiste. A cette occasion, le Café des francophones vous propose de discuter de la mémoire de cette période sombre de l’histoire. Plus précisément, nous allons parler de femmes qui ont été persécutées sous l’ancien régime avec l’historienne Claudia Dobre qui a récemment publié un livre remarquable sur ce sujet intitulé Ni héroïne, ni victime : les anciennes détenues politiques et les mémoires du communisme en Roumanie.



  • La Force de la fragilité

    La Force de la fragilité

    Une année sest écoulée depuis que Doina Cornea, symbole de la résistance anticommuniste, nous a quittés. Afin de commémorer lexistence remarquable de cette grande résistante, la maison dédition Humanitas a lancé le livre intitulé « La Force de la fragilité », un projet éditorial qui se propose de garder vive la mémoire de Doina Cornea dans la conscience de la société. Pour mieux comprendre le contexte de la parution de ce livre, le philosophe Gabriel Liiceanu explique :



    « A vrai dire, et cest ce qui distingue Humanitas, cette maison d’édition est capable de publier des livres sans aucun conditionnement de rentabilité, car ce qui nous intéresse le plus cest le devoir de remettre en lumière les grands gestes définitoires de notre société, et le geste de Doina Cornea trouve ici sa place dhonneur. Et ce nest pas par hasard, car jai inclus cette idée dans la préface quil mest arrivé de rédiger à loccasion de cette parution. 28 années après la première publication des œuvres de Doina Cornea, republiées dans une nouvelle formule éditoriale en 2006, Humanitas reprend ces écrits et propose maintenant une édition commémorative. »



    Née à Brasov, le 30 mai 1929, dans une famille de paysans profondément chrétienne, Doina Cornea a travaillé en tant que chef de travaux, et maître de conférences au département de langue française de la Faculté de Philologie de lUniversité Babes-Bolyai, à Cluj. Dans les années 80, Doina Cornea avait diffusé des textes et des manifestes contre le régime communiste grâce à Radio Free Europe, la station qui avait soutenu la résistance anticommuniste menée de lautre côté du Rideau de Fer. En 1983, elle a été limogée et soumise, à des enquêtes et à des interrogatoires, subissant des menaces et des agressions physiques de la part des autorités communistes de lépoque. Aux yeux de beaucoup, Doina Cornea fait figure d’héroïne anticommuniste par excellence. Gabriel Liiceanu:



    « Il sagit de la manière dont nous nous référons à la figure du héros avant les années 1990. Javais souvent réfléchi à cette histoire, parce que je nai jamais su et je nai jamais été tenté de commettre des gestes extrêmes qui puissent me transformer en héros. Plus précisément, je nai pas su, ou je nai pas pu, ou je nétais pas capable d’avoir la maturité d’esprit et la vision des gestes extrêmes osés par Doina Cornea, et qui ont le mérite dêtre remémorés. Les gestes extrêmes signifient la capacité dassoir son existence sur des valeurs que lon défend même au prix de sa vie. Doina Cornea compte parmi les peu nombreux qui ont fait cela. »



    Ainsi, comme laffirmait Doina Cornea elle-même, son engagement politique s’est-il révélé en 1965, lors d’un voyage à Strasbourg. Pendant une visite chez des amis, elle les entend critiquer le régime de Charles De Gaulle, dans un café, cest-à-dire dans un espace public, un geste banal en France, mais inconcevable dans son pays. Cette prise de conscience par rapport aux contraintes subies dans la Roumanie communiste, tout comme limpossibilité de s’exprimer librement lui avait insufflé le devoir dagir. Gabriel Liiceanu précise:



    « Doina Cornea na pas réalisé son parcours public et politique dans lidée de révolutionner la Roumanie ou dans lespoir de mettre en place un mouvement de solidarité. Elle a fait cela à cause de sa personnalité qui lavait poussé à me dire à un moment donné: Il ma fallu dix ans pour me façonner un moi-même qui mait permis dagir comme je l’ai fait. Quest-ce que cela signifie? Cela veut dire quà un moment donné, en faisant un bilan de notre vie, nous n’acceptons plus lidée que le simple fait de vivre est la chose la plus importante; au contraire, le plus important c’est de vivre dans des conditions qui ne bafouent pas notre dignité et qui nous laissent exprimer notre liberté. Ce n’est que par une telle prise de conscience que l’on arrive à agir comme Doina Cornea. »



    Doina Cornea avait surtout dénoncé le mensonge et limposture du régime communiste: « Vivre dans la vérité, cest lunique option pour rester alertes, créatifs, libres et ancrés dans ce monde, dans ses buts supérieurs. Uniquement en assumant individuellement ces valeurs spirituelles – perdues ou oubliés sur le chemin – nous réussiront à retrouver en tant que peuple la capacité de résister face aux défis de lhistoire, comme nous l’avons déjà fait dans le passé. »


    (Trad. : Mădălina Spulber)

  • La micro-histoire –  Histoires vraies sur le vif

    La micro-histoire – Histoires vraies sur le vif

    Qui sommes-nous, 100 ans après? A quoi les habitants de ce pays ressemblent-ils en 2018, après deux guerres mondiales, 40 ans de communisme et 30 ans de transition vers le capitalisme? Quels sont les problèmes auxquels ils se confrontent ? Quelles traces ces événements ont-ils laissés sur les différentes générations et ethnies? De quel avenir rêvent-ils ? Mis en œuvre par l’Association roumaine pour la promotion des arts du spectacle, en collaboration avec le Théâtre national radiophonique, le projet « La Micro-histoire. Histoires vraies sur le vif » essaie d’apporter des réponses à toutes ces questions. Lancé en octobre dernier, le projet « Roumanie 100. Histoires vraies sur le vif » est arrivé à sa deuxième édition, qui s’est déroulée début mars. Ses promoteurs ambitionnent de réaliser une archive vivante réunissant des événements de l’existence monsieur et madame tout-le-monde. Un casting est organisé dans ce but, sous forme d’interviews avec les personnes ayant accepté de raconter sur scène une histoire personnelle devant une audience constituée d’une centaine de personnes. Les 13 histoires choisies pour chaque édition ont été archivées sur le site www.microistoria.ro. La directrice de casting Florentina Bratfanof nous parle du choix des finalistes : « Ce sont des personnes que j’ai trouvées suite aux recommandations des gens de mon entourage ou de l’entourage des membres de l’équipe du projet. Le 15 janvier, j’ai commencé à lancer les invitations et à parler avec différentes personnes. La plupart, je ne les connaissais pas. J’ai eu avec elles des entretiens qui ont duré parfois trois ou quatre heures et qui se sont avérés très intéressants. Nous avons raconté des histoires. Notre communication ressemblait à une étreinte, car ces gens-là me racontaient des événements de leur existence et moi – de la mienne ; je voulais apprendre le plus de choses sur l’inconnu qui était devant moi. Les critères ont été le sexe masculin ou féminin, l’âge… Il y a eu aussi des histoires que je peux qualifier de révélatrices. Par exemple celle d’une adolescente de 18 ans, très intéressante pour moi aussi, alors que j’ai deux fois son âge. J’ai privilégié les histoires et la présence scénique, la façon dont ces gens-là racontaient leur histoire. »

    Lors des deux éditions déjà déroulées, c’est le metteur en scène Peter Kerek qui s’est chargé de préparer les finalistes pour la scène, pour le public : « Je leur ai offert la possibilité de se tenir devant un public – en l’occurrence, les autres membres du groupe – et de ne rien faire, de ne rien dire, seulement de penser à quelque chose. Des fois, ces silences duraient jusqu’à cinq minutes. Ensuite, nous avons commencé à les associer à des morceaux de musique et ils se taisaient individuellement ou ensemble et de différentes façons. Nous avons ainsi fermé, pratiquement, la porte de la parole et celle-ci ne s’est rouverte que devant le public. Je voulais qu’ils écoutent leur propre histoire, pour voir ce qui les y intéressait vraiment, et puis travailler sur elle, la voir à leur façon, devenir les auditeurs de leur propre histoire. »Le thème de la deuxième édition de « La Micro-histoire » était « la façon dont ils avaient survécu à la transition du communisme au capitalisme ».

    Dana Vlăsceanu, 36 ans, d’ethnie rom, s’est présentée au casting où elle a raconté la façon dont elle, consommatrice de drogues à l’époque, est arrivée à ouvrir un centre communautaire, pour aider les habitants du quartier défavorisé de Ferentari. Elle a souhaité participer au projet, car elle croit en la force de l’exemple, elle croit que son histoire peut inspirer et motiver les autres : « J’ai beaucoup changé. Ceux qui me connaissent depuis 8 ans l’ont constaté. Je suis la même personne, mais j’ai beaucoup évolué. J’ai voulu apprendre davantage, alors j’ai appris et je continue d’apprendre. J’ai repris mes études, parce que je n’avais fait que 7 années d’études sur les 10 de l’enseignement obligatoire. J’ai voulu être un exemple pour mes enfants. Et mes proches sont très contents pour moi, ils se réjouissent de mes réalisations. Au centre, nous avons commencé à travailler avec les enfants de la communauté. Nous avons organisé toute sorte d’activités: des ateliers, des spectacles pour Noël… Nous nous sommes engagés dans un travail pour la communauté. Les gens du quartier qui sont confrontés à une difficulté et qui ne savent pas à qui s’adresser, viennent nous demander conseil. Ils savent que je peux le faire. »

    Thomas Mendel, 39 ans, est médecin dentiste et croit que les histoires peuvent nous inspirer. En 1988 il a quitté le pays avec sa famille, qui s’est établie en Israël. En 2003, il est revenu en Roumanie. Parmi le grand nombre d’événements qui ont changé sa vie, il a choisi de raconter une histoire de son enfance : « En 1989, ma grand-mère est venue nous visiter en Israël. Dans la matinée, nous sommes allés avec elle au magasin alimentaire du quartier, acheter des choses pour le petit déjeuner. Elle avait à l’époque un peu plus de 50 ans. Elle est restée figée au milieu du magasin et s’est mise à pleurer. J’étais encore enfant et pour moi c’était quelque chose d’incroyable, car elle était une femme de caractère, elle avait tout surmonté et c’était peut-être le premier moment où je me rendais compte combien la vie avait été difficile en Roumanie et combien ces gens-là ont dû souffrir. Je pense que le contraste entre les deux mondes est important. Nous devons comprendre où nous nous trouvons et où nous pouvons être. Pour la vérité et la justice, le prix à payer est grand, et pour la liberté aussi, mais ça vaut la peine de faire des efforts pour les obtenir. Et si l’on s’engage, si l’on fait des sacrifices et si l’on prend des décisions courageuses, on a la chance d’arriver dans un monde meilleur. »

    L’initiatrice et en même temps curatrice du projet « La Micro-histoire » est le critique de théâtre Cristina Modreanu. Elle remarquait, à la fin de cette deuxième édition, qu’une fresque extrêmement diverse d’événements très personnels commençait à s’esquisser, provenant de différents coins du pays, de différentes catégories sociales ou d’âge. A quoi ressemble la Roumanie contemporaine vue à travers les histoires des gens habituels qui y vivent? Cristina Modreanu : « Elle semble plutôt traumatisée par cette période de transition de près de 30 ans, écoulés depuis la révolution anticommuniste. Si je me rapporte à cette période, c’est parce que cette année le thème visait justement la transition post-communiste. Pourtant, des histoires racontées lors de la première édition s’y inscrivent aussi. On y voit donc une Roumanie bouleversée par les événements historiques, une Roumanie où les gens ont essayé de trouver leur voie et où, en grandissant, ils ont tenté de trouver des repères, une Roumanie qui ressemble à un chantier, on pourrait dire, mais aussi, en quelque sorte, pleine d’espoir, pleine d’optimisme et capable de renaître, après n’importe quelle tragédie.»
    (Trad.: Dominique)

  • L’histoire, la mémoire : entre réalité et mystification.

    L’histoire, la mémoire : entre réalité et mystification.

    En effet nous recevons l’historienne Claudia-Florentina Dobre à l’occasion de la sortie d’un livre qu’elle a édité avec Christian Emilian Ghita : En quête d’un passé acceptable, Mythe et mémoire en Europe centrale et orientale. Nous parlerons de la manière dont l’histoire est l’objet de manipulations diverses, comment elle est pensée, conçue et modifiée. Et ce en particulier dans les pays de l’est.



  • Mémoire – Me Moi Re

    Mémoire – Me Moi Re

    Sur la surface où elle est tracée, la ligne commence, d’habitude, en toute timidité. Ensuite, elle s’élance, se ramifie, prend les formes les plus étranges, d’êtres ou d’objets, elle danse, folle, et se pare de couleurs pour finir, à nouveau, en toute humilité, dans un autre coin de la surface à dessiner. Des desseins et des fresques en un seul trait sont la marque de fabrique de George Bodocan, artiste roumano-français avec un parcours personnel tout aussi insolite que son art. Cet homme des décisions radicales vit dans la capitale française depuis une dizaine d’années, où il a presque tout essayé en matière d’art, dans presque tous les types de milieux, modestes ou aisés. Cette aventure personnelle, parfois incroyable, se dévoile dans « Mémoire – Me Moi Re », une exposition tout aussi audacieuse, accueillie, jusqu’au 31 mars, par l’Institut culturel roumain de Paris.



    Pour nous ouvrir quelques portes vers ses archives mentales nous avons, par téléphone, George Bodocan, l’artiste visuel lui-même, et, dans le studio de RRI, Léo Landon, chargé de communication de cet événement.






    « Mémoire », jusqu’au 31 mars à l’ICR Paris, au n° 1 Rue de lExposition.

  • « Souvenirs de Iasi »

    « Souvenirs de Iasi »

    Celui qui ne connaît pas l’histoire risque de la répéter. Cet adage, tellement connu et répété, a donné des ailes à la recherche historique. Connaître toujours plus en profondeur et dans le détail d’où l’on vient, par quels chemins sommes-nous arrivés au monde actuel pour essayer de construire l’avenir dont on rêve – c’est une démarche qui fascine. Pourtant, à regarder l’état actuel de l’humanité, l’affirmation qui a ouvert cette émission semble se vider de contenu. Les voix de populismes de toutes les couleurs montent en puissance partout dans le monde et notamment en Europe et aux Etats Unis, à seulement 70 ans depuis la deuxième guerre mondiale, où Européens et Américains ont combattu, côte à côte, un des pires totalitarismes de l’histoire. Le recours à la mémoire nous aide-t-il à tenir tête à la montée des extrémismes populistes ? A sauvegarder les valeurs que des gens ont défendues et défendent au prix de leur vie ? Ce sont des questions auxquelles nous essayerons de donner des réponses dans ce RRI Spécial sur RRI, la voix de la diversité.



  • Retrouver la mémoire du communisme au monastère

    Retrouver la mémoire du communisme au monastère

    Cette semaine nous continuons notre incursion dans le passé plus ou moins récent du monastère Saint Nicolae, où les langues se délient. Démarche originale pour comprendre la mémoire du communisme à partir de ceux qui vivent dans de tels lieux, le travail de l’anthropologue et historienne Maria Mateoniu permet de voir comment de simples personnes reconstruisent un passé qui leur a été volé. Les histoires les plus impressionnantes seront évoquées cette semaine. Par exemple, celle d’un prêtre — véritable figure locale — assassiné par les services de l’État et présenté comme un suicidé. Les nones accèdent à une vérité en dépit de l’intervention de la Securitate qui tentait de les éconduire.


  • La mémoire au monastère

    La mémoire au monastère

    En Roumanie comme dans les pays de l’Est en général, la question de la mémoire du communisme est très récente. Malgré cela, elle s’englue dans des débats exaltés, à teneur moralisante, et généraux. Cependant, la mémoire ne se limite pas à cela. En effet, il existe une multitude d’histoires sur le passé douloureux, une multitude de lieux, de réalités vécues par les acteurs. C’est dans cette optique que nous sommes accueillis au Musée National du paysan roumain par Maria Mateoniu. Cette anthropologue est l’auteur d’une recherche approfondie, sur le long terme, sur cette question de la mémoire au sein d’un monastère du sud de la Roumanie.