Tag: Métiers traditionnels

  • Bihor Couture

    Bihor Couture

    La beauté du costume traditionnel roumain est bien connue et… reconnue. Aussi, au grand étonnement de tous, une veste en fourrure très semblable à celles spécifiques de la contrée de Bihor, dans le nord-ouest du pays, a été découverte dans la collection d’une maison de mode très connue. Pourtant, rien n’indiquait l’appartenance de ce modèle à notre culture, ce qui a déclenché une campagne visant à protéger les métiers traditionnels. La campagne, baptisée Bihor Couture, a attiré de nombreux militants, parmi lesquels des représentants des communautés locales et de plus en plus d’artisans.

    Ioana Zamfir, responsable du service de création de l’agence de publicité qui a lancé la campagne, nous parle des débuts de ce projet : « Ce plagiat Dior Bihor n’est pas le premier de ce genre. Ce fut aussi le cas de Tory Burch et puis celui de Valentino, tous récents. En outre, cela ne concerne pas uniquement la Roumanie. Partout dans le monde, de grands noms de la mode copient des modèles de vêtements traditionnels appartenant à différentes cultures. Nous ne souhaitons nullement bloquer les sources d’inspiration des maisons de haute couture, qui devraient continuer à puiser des idées dans les différentes cultures ; le problème, c’est qu’elles ne leur offrent rien en échange : ces cultures ne sont pas promues, elles ne gagnent rien du point de vue matériel, non plus, alors que les artisans de ces pays n’ont plus de ressources pour perpétuer les traditions. Le grand défi pour nous, c’était de canaliser des ressources financières vers les communautés – d’où l’idée de Bihor Couture. Nous avons créé un site pour que les gens puissent y présenter leurs produits et les vendre. C’est le but de cette plate-forme : les aider à vendre leurs produits plus facilement et de manière plus profitable. »

    Comment lutter pourtant contre la tendance des gens à préférer des vêtements créés par des maisons de haute couture aux vêtements traditionnels, même s’ils se ressemblent jusqu’au moindre détail ?

    Ana Florea, institutrice de maternelle à Beiuş et directrice artistique d’une association culturelle, a assumé dans le cadre de la campagne le rôle d’intermédiaire entre des clients potentiels qui souhaiteraient acheter des produits présentés sur le site Bihor Couture et les artisans censés livrer ces produits.

    Ana Florea : « Les artisans sont difficiles à trouver, car ils sont de moins en moins nombreux. Mon rêve est qu’une école ou un atelier soit créé où l’on enseigne la pelleterie et le travail des fourrures, le tissage, la manière de réaliser un costume traditionnel. A présent, dans la zone de Beiuş il y a très peu d’artisans. Je souhaite que leur nombre augmente, à l’avenir. »

    A quoi ressemble la veste en fourrure de la zone de Bihor, copiée à 99% par la maison de haute couture ? Ana Florea : « La pelisse de la zone de Bihor n’est pas la plus richement décorée et n’est pas la seule, dans le paysage du costume traditionnel roumain, à mériter l’attention de ceux qui aiment la beauté. La veste de Bihor est plus belle que sa copie, les nuances des couleurs sont un peu différentes et les matériaux utilisés sont naturels. Elle est en cuir tanné et ornée de broderies en laine. On peut également utiliser le cuir écologique, travaillé main, bien sûr. La pelisse de la zone de Bihor est ornée de symboles et fournit des indications sur le statut social de celui qui la porte. Motif de fierté aux temps jadis, elle n’était pas portée par les enfants et les personnes âgées. La veste pour hommes est ornée de broderies florales, même la rivière Criş y était représentée, avec ses poissons. Un symbole sur le dos des pelisses fait la distinction entre ceux pour homme et ceux pour femme. La veste pour homme est ornée d’un symbole phallique. D’ailleurs, c’est la multitude des symboles qui ornent les manteaux qui les rend si beaux. »

    Ioana Zamfir, responsable du service de création de l’agence de publicité qui a lancé la campagne Bihor Couture, est optimiste quant au déroulement du projet, malgré les difficultés à affronter : «Travailler une telle pelisse, ça prend du temps, car tout est fait main. Le retour est positif, les gens sont d’avis qu’il fallait faire quelque chose, surtout en Roumanie, pour protéger les traditions et promouvoir nos artisans que personne ne connaît. Il y a de l’espoir et le projet se développe. Nous aimerions que ce soit un exemple pour d’autres cultures, pour qu’elles préservent leurs traditions et que les artisans puissent vendre leurs produits et gagner leur vie. »

    Les initiateurs de la campagne nous exhortent à rechercher les produits authentiques et à les acheter chez les artisans des villages, pour contribuer à sauvegarder les traditions. (Trad. : Dominique)

  • “Le moulin à papier”

    “Le moulin à papier”

    Ion Georgescu compte parmi les Roumains qui, à force de persévérance et d’implication, ont transformé leurs rêves en réalité. Désireux de briser la routine du travail de bureau et passionné de métiers traditionnels, il s’est mis en tête de donner vie à une idée qui lui tenait à cœur, celle de réaliser des livres. Et pas n’importe comment, mais en fabriquant lui-même le papier, en faisant imprimer les livres selon la méthode traditionnelle et en les reliant à l’ancienne.

    C’est ainsi qu’est né Le moulin à papier, l’organisation non-gouvernementale que dirige Ion Georgescu : « Cette idée a pris contour petit à petit. C’est dire que nous n’y avons pas pensé d’emblée. Si vous m’aviez demandé, il y a cinq ans, quelle était notre vision sur le projet du « Moulin à papier – Le village des veux métiers traditionnels de Comana », j’aurais pensé que vous rigoliez. Rien n’a été planifié. Ma femme et moi et puis tous ceux qui nous ont aidés au fil du temps, nous avons commencé par un travail de bureau. Ce n’est que plus tard que nous avons découvert l’univers de la reliure de livres, de leur impression manuelle et de la fabrication également manuelle du papier. Nous en avons été ravis au point d’en faire un hobby. Ensuite, cela est devenu une activité constante, dont les revenus puissent subvenir à nos besoins quotidiens, sans avoir à en déployer d’autres. »

    Avec son « Moulin à papier », Ion Georgescu a coordonné, dans la localité de Luncaviţa, (comté de Tulcea, est de la Roumanie), un projet consistant à dispenser des cours pratiques à l’intention des habitants: « Ce projet complexe, dont nous avons compté parmi les partenaires, aux cotés de la mairie de Luncaviţa, de deux sociétés de conseil et de l’Université Ovidius de Constanţa, qui en a été le bénéficiaire, a visé à l’acquisition, par les habitants du coin, de compétences dans les activités spécifiques du milieu rural. En dehors des métiers traditionnels, nous avons dispensé à l’intention des personnes désœuvrées des formations aux activités de réceptionniste d’hôtel et d’assistant en relations publiques et communication. A l’issue de ces stages, les participants ont reçu des diplômes reconnus à l’échelle nationale et qui le seront bientôt sur le plan européen, attestant leur qualification dans des savoir-faire ancestraux tels la poterie, le tissage et le tressage du roseau. Ce dernier sert de matière première pour fabriquer toute sorte d’objets dont paillassons, pantoufles, chapeaux, sacs à main. »

    L’idée de Ion Georgescu a suscité un vif intérêt non seulement parmi les villageois de Luncaviţa, mais aussi dans les villages tout autour. Ion Georgescu : « Les cours d’artisanat se sont déroulés à Luncaviţa, mais des gens des localités avoisinantes nous ont rejoints. Si nous nous sommes ciblés sur un seul village, Luncaviţa en l’occurrence, c’était pour voir quel impact pouvait avoir un tel projet sur une communauté à riche tradition potière. Les deux autres métiers traditionnels, nous les avons choisis parce que, grâce à la proximité du Danube, le roseau est une matière première à portée de main et que le tissage sur le métier à tisser est une des activités pratiquées jadis dans chaque foyer rural à travers le pays. »

    Ion Georgescu, le coordinateur du projet Le Moulin à papier, a transformé la localité de Comana en un « Village des vieux métiers ». C’est d’ailleurs sous ce nom qu’il a fait enregistrer le projet soutenu par des financements norvégiens, lui permettant d’ouvrir sept ateliers de savoir-faire ancestraux. Ceux-ci sont ouverts à quiconque veut redécouvrir des traditions tombées dans l’oubli.

  • La poterie traditionnelle

    La poterie traditionnelle

    Le village de Luncaviţa est situé dans le sud-est du pays sur la rive droite du Danube, à l’aval de la ville de Galaţi, à 4 km seulement de la dépression où les experts ont découvert le site attribué à la culture Gumelniţa, datant du 5e millénaire avant Jésus-Christ. La poterie est un des plus importants métiers traditionnels pratiqués jadis à Luncaviţa.

    Marcel Mocanu, potier de Braniştea, toujours dans le comté de Galaţi, tâche de raviver à Luncaviţa la tradition de la poterie, connue, il y a plusieurs siècles, dans la vallée du fleuve : « J’ai appris à travailler la terre glaise de mes parents, quand j’avais environ 7 ans. Il y a une vingtaine d’années, je me suis bâti une maison à la campagne, avec un atelier et depuis je m’occupe uniquement de la poterie. J’ai une pièce où je travaille et une autre pour le séchage. J’utilise les deux roues traditionnelles, que je tourne avec le pied. La plus grande sert au modelage, la petite à la décoration de la céramique. Les objets que je travaille, c’est ma femme qui se charge de les décorer de motifs traditionnels. Ce sont des objets que l’on utilise notamment en cuisine : tasses, mugs, pots pour le lait et pour cuire le plat traditionnel des Roumains – les « sarmale ».

    Marcel Mocanu est un des seuls potiers qui respecte entièrement les procédés traditionnels. Il se procure, lui-même, la matière première et c’est toujours lui qui, aidé par les membres de sa famille, pétrit, travaille, fait cuire et décore les récipients en céramique qui sont tous des pièces uniques.

    Marcel Mocanu: « J’apporte la glaise du marais, c’est une terre collante. Je l’arrose à la maison, je le laisse macérer 3-4 jours. Ensuite nous le pétrissons avec les pieds. Puis, on la met sur le banc de travail et on la pétrit de nouveau, cette fois-ci à la main, de la même façon dont on pétrit la pâte pour faire du pain. Quand on a fini, on en fait des boules, plus ou moins grandes, en fonction de la dimension de pots qui vont en résulter. Pour un pot où l’on va cuire les « sarmale », il faut de grandes boules de glaise et on doit avoir beaucoup de force pour les modeler. Ça prend également plus de temps. Mes pots, je les cuis deux fois à mille degré. Notre terre est grise, presque noire. Exposée à une température si élevée, elle devient rouge. Avant la deuxième cuisson, les pots sont couverts d’un émail écologique d’importation, qui ne contient plus de plomb, comme celui utilisé jadis. A de telles températures, cet émail liquide prend l’aspect d’une couche de verre lisse et transparente, qui protège la décoration et empêche les aliments liquides de pénétrer dans la céramique pour la tacher. »

    La céramique travaillée dans la vallée du Danube est très recherchée par les passionnés d’art traditionnel. Sa chromatique discrète, aux couleurs vives, et les formes sveltes des pots attirent tout de suite l’attention des visiteurs dans les musées ethnographiques où ces objets sont exposés.

    Marcel Mocanu : « Nous n’employons pas beaucoup de motifs décoratifs sur nos pots. Nous nous limitons à ceux traditionnels : les vagues du Danube, des fleurs des champs, la pivoine, la spirale de la vie, l’arbre de la vie. Nous utilisons le blanc, le noir, le rouge. Où que j’aille dans le pays, aux expositions et foires ouvertes par les différents musées ethnographiques, les gens reconnaissent mes objets de Braniştea. A Luncaviţa, à ma grande joie, parmi les 30 personnes qui ont participé à mes cours de poterie, 4 ont commencé à travailler. Dans tout le sud de la Moldavie, entre les villes de Iaşi et Galaţi, il n’y a pas d’autre centre de céramique. Jusqu’à Horezu, je suis le seul à travailler la céramique dans un atelier. »

    Marcel Mocanu souhaite que l’art de la poterie traditionnelle soit continué par les jeunes. Il pense que le projet de Luncaviţa peut donner aux villages de la vallée du Danube une nouvelle génération de potiers, de sorte que ce métier puisse y survivre. (Trad. : Dominique)

  • Métiers traditionnels d’autrefois enseignés dans une école d’aujourd’hui

    Métiers traditionnels d’autrefois enseignés dans une école d’aujourd’hui

    Doter les écoles d’ordinateurs, faciliter l’accès des élèves à Internet, remettre à jour le contenu des programme scolaires comptent parmi les priorités de l’enseignement roumain. L’école de Piscu, qui garde la tradition des écoles villageoises d’autrefois, encourage pourtant, elle, les enfants et même les adultes à redécouvrir différents métiers traditionnels et à se familiariser avec le patrimoine culturel local.



    Adriana Scripcariu, coordinatrice de l’école Agatonia et de l’Association Gaspar-Balthasar-Melchior nous parle de cette école située dans le comté d’Ilfov, encerclant la capitale : « L’école Agatonia est une école primaire avec toutes les activités propres à un tel établissement. Nous y ajoutons pourtant des activités liées au patrimoine culturel et nous tâchons d’introduire dans nos cours habituels des informations liées à ce sujet. Un temps est réservé pour développer chez les enfants un savoir-faire lié à certains métiers traditionnels pratiqués au fil du temps dans notre village, notamment le tissage. Nous disposons déjà de plusieurs livres, de manuels scolaires consacrés au patrimoine culturel local. A mon avis, tous les départements du pays devraient disposer de tels manuels. Nous avons élaboré jusqu’ici deux livres de ce genre, l’un consacré au comté d’Ilfov, l’autre au comté de Braşov. Ce sont des ouvrages interdisciplinaires, comportant des extraits du folklore littéraire de la région ainsi que des informations sur les métiers traditionnels pratiqués, sur les fêtes, sur les événements religieux célébrés tout au long de l’année, de sorte que les enfants soient bien ancrés dans l’univers des valeurs culturelles qui les entourent. Et de ce point de vue, on peut parler d’une école dans le sens plus large du terme, car ceux qui viennent à Pisccu peuvent apprendre davantage sur notre patrimoine culturel et s’initier aux différents métiers traditionnels. A cette école sont inscrits des groupes d’enfants et d’adultes de plusieurs régions du pays. »



    Le but en est d’assurer le développement spirituel des nouvelles générations, de sorte qu’elles puissent nourrir leur âme du précieux héritage légué par nos ancêtres et le cultiver, pour les générations à venir.



    Quand ils ont fondé cet établissement, Adriana Scripcariu et son mari, Virgil Scripcariu, ne savaient pas à quoi tout cela mènerait : « Nous n’avions pas de projet très précis. Ce projet a pris contour peu à peu. Nous nous étions installés dans un village où les traditions anciennes sont très vigoureuses. Moi, je suis historienne de l’art, mon mari est sculpteur. Nous avons commencé à découvrir le patrimoine de ce village et comme nous avons des enfants, nous avons pensé à leur proposer des activités qui attirent aussi les enfants du village. En constatant combien ce sujet peut être attractif quand il est présenté comme il faut, nous avons ouvert nos activités aux enfants d’autres localités, qui sont venus passer plusieurs heures avec nous et se sont épris des métiers traditionnels. »



    Si, dans la matinée, l’école de Piscu fonctionne comme toute autre école primaire du pays, dans l’après-midi, elle ouvre ses portes à un grand nombre de jeunes de différents âges, engagés dans des activités extrascolaires, interdisciplinaires. Ces activités consacrées à des thèmes culturels, au patrimoine roumain et à certains éléments de culture générale, dans le sens le plus large du terme, comblent un vide, car à Piscu l’offre éducationnelle n’est pas très diversifiée. Pour les enfants du village, l’accès à ces activités est gratuit. L’école Agatonia ouvre périodiquement ses portes à d’autres groupes d’enfants et d’adultes qui souhaitent participer aux activités proposées, aux ateliers qui les familiarisent avec le patrimoine culturel local. Ces groupes soutiennent, par leur contribution, l’activité quotidienne de l’école. C’est la modalité d’autofinancement conçue par l’association.



    Nous avons demandé à Adriana Scripcariu qui franchit le seuil de leur école :« Nous accueillons des personnes de tous les âges, des enfants de moins de 6 ans, qui vont encore à la maternelle jusqu’aux représentants d’importantes institutions en quête d’activités de team building. L’atelier le plus souvent proposé est celui de poterie, vu que c’est un des métiers spécifiques du village, celui-ci étant situé au milieu d’un ancien centre de céramique. Les adultes y redécouvrent les objets en terre cuite, des tissus qui leur rappellent l’univers de leur enfance, passée bien souvent à la campagne, chez les grands-parents, et ce sont là pour eux de très doux souvenirs. A part les ateliers de poterie, nous organisons des ateliers de sculpture. Nous présentons par exemple aux participants un objet et nous les aidons à le modeler ou bien nous les invitons à découvrir, en quelques heures, assistés par le sculpteur, comment on réalise un portrait en terre cuite d’après un modèle vivant. Ce sont là des expériences que les gens ont rarement l’occasion de faire et c’est pourquoi ils choisissent notre école. Nous pouvons combiner plusieurs ateliers et proposer, par exemple, un atelier de sculpture en terre cuite, de poterie et de tissage ou bien un atelier de portrait et de poterie ou encore de peinture sur des pots en céramique et de linogravure. Cela dépend de ce que nos invités souhaitent voir et apprendre. »



    Bientôt, ceux qui viendront à Piscu pourront personnaliser eux-mêmes la vaisselle en céramique qu’ils ont réalisée. Et en tant que projet d’envergure, l’école Agatonia souhaite promouvoir l’idée que le patrimoine culturel doit figurer au programme scolaire, pour consolider l’esprit citoyen des jeunes. (Trad. : Dominique)