Tag: Musée national dart contemporain

  • Hommage au chef bien-aimé

    Hommage au chef bien-aimé

    Ce besoin est éprouvé par certaines personnalités assoiffées de pouvoir et de ses apparences trompeuses. Il n’en est pas moins que ce culte de la personnalité fut porté au sommet de l’ignominie par les régimes fascistes et communistes. La période du communisme roumain, surtout la partie comprise entre les années 1965 et 1989, ne fit pas exception. Le président Nicolae Ceausescu fut, en effet, l’objet d’un culte outrancier, qui semblait violer les dernières frontières du bon sens. Ce n’était au fond que l’expression de l’indicible violence du régime. Les louanges excessives s’étendaient à longueur des pages de journaux, s’étalaient à travers les spectacles pharaoniques et les défilés monstrueux montés dans les stades ou qui arpentaient les grands boulevards lors de grandes messes du régime, et n’arrêtaient pas d’infester les émissions de radio ou de télévisions. Le culte de la personnalité du leader communiste s’exprimait encore à travers les cadeaux que toutes les organisations politiques, quel que fût leur niveau de pouvoir, les instituts culturels ou scientifiques, se devaient d’offrir en hommage au pharaon contemporain. Au fil des années, ces milliers de cadeaux reçus par le couple présidentiel d’alors se sont amassés en tas, formant des collections inédites, d’une variété et d’une richesse époustouflante. Les tableaux et les sculptures qui rendaient hommage à la génialité du fameux couple, qui dirigeait alors le destin de la Roumanie, forment déjà une collection impressionnante. Il était inconcevable qu’un artiste plasticien de l’époque, surtout s’il bénéficiait d’une certaine notoriété, ne rende hommage, à travers ses œuvres, au couple honni.



    Aussi, le Musée national d’art contemporain a récemment publié, seulement en petit format, un album de 440 pages, où Cornel Ilie a repris une partie des œuvres d’art offerts, souvent par les auteurs mêmes, au couple dictatorial roumain. Intitulé, à bon escient, « Un portrait pour nos Camarades », un clin d’œil au sobriquet dont Monsieur tout-le-monde avait affublé Nicolae Ceauşescu, surnommé en catimini « le Camarade », l’album actuel fait suite à la parution, en 2018, de l’album intitulé « Un portrait pour notre Camarade », du même Cornel Ilie. Ce premier album avait repris des œuvres offerts en cadeau uniquement au camarade Ceauşescu, et entreposées depuis dans les collections du Musée national d’histoire de la Roumanie. Călina Bârzu, muséographe au Musée national d’art contemporain, et commissaire de l’exposition rassemblant ces objets d’art d’un genre pas comme les autres, avait organisé l’exposition des cadeaux présidentiels en parallèle avec une autre, dédiée à l’automobile et aux objets quotidiens de la même époque, soit de la dernière période du demi-siècle communiste de Roumanie. La mise face-à-face de ces deux collections n’est forcément pas innocente. Leur franchir le seuil c’est aussi vouloir comprendre le quotidien, la vie de tous les jours de deux générations de Roumains, celles qui ont vécu entre 1945 et 1989. Ecoutons la commissaire d’exposition Călina Bârzu :



    « L’exposition a été montée conformément au catalogue 2019, celui qui avait voulu marquer les 30 années écoulées depuis la Révolution de 1989. Nous avions réalisé une sélection de ce que l’on appelle les œuvres artistiques offerts en hommage au couple Elena et Nicolae Ceausescu. Vous allez pouvoir y admirer des œuvres d’artistes célèbres, tout comme des artefacts confectionnés par des artisans anonymes, dans de petites coopératives, et qui se sont néanmoins retrouvés dans les collections du musée. Le vernissage de l’exposition a eu lieu au mois de décembre 2019. Depuis lors, nous avons fait rouler plusieurs collections dans cette même exposition. Enfin, grâce à la collaboration avec l’association Retromobil Roumanie, nous avons pu mettre en lumière ces objets, que l’on peut appeler de consommation ou de culte, c’est selon, des objets en lien avec l’industrie automobile de l’époque. Cela peut aller du permis de conduire, des cartes routières, des revues auto, des carnets de bord, jusqu’au frigo que l’on pouvait faire installer dans son coffre, voire au poste télé que l’on pouvait relier à la batterie de son véhicule motorisé. Même les plaques d’immatriculation racontent une histoire, car il y avait une sorte de code, de hiérarchie des numéros inscrits sur ces plaques minéralogiques, selon l’appartenance à la nomenklatura, selon le rang du propriétaire au sein de la nomenklatura, ou non. Il y a ensuite des objets qui faisait partie du voyage. Enfin, nous exposons également une collection de photos, où sont repris les modèles prisés de l’époque. »



    Bien que présenté en petit format, le catalogue des cadeaux reçus en guise d’hommage par le couple dictatorial de la part de ses sujets surprend à merveille la force du message de propagande que les auteurs de ces œuvres ont à dessein voulu transmettre. Les œuvres de Sabin Bălaşa, né en 1932 et l’un des peintres les mieux cotés dans son époque, sont présentes dans l’album, notamment son tableau, intitulé « L’époque Ceaușescu », réalisé en 1988. La peinture, huile sur toile, illustre 4 mineurs peints sur fond bleu foncé, et dont le regard est rivé droit devant. Călina Bârzu :



    « Notre collection comprend des cartes de vœux que les institutions et les entreprises publiques adressaient à diverses occasions au couple présidentiel, des vœux qui accompagnaient les cadeaux offerts. Vous remarquerez aussi cette belle maquette d’avion, offerte par l’usine d’avions de Bacau, symbole de son travail. Certains objets de cette collection proviennent des collections du musée du parti communiste, d’autres du Musée d’art de la Roumanie. Ces œuvres devaient mettre en avant le rôle indispensable de Nicolae Ceausescu, le dirigeant du parti. C’est toujours autour de lui que s’organise la scène illustrée dans le tableau. Il fallait que l’artiste marie ces deux desiderata : faire valoir, d’une part, les bons résultats obtenus par le collectif qui commandait l’œuvre, le collectif d’une entreprise par exemple, puis, d’autre part, mettre en exergue le rôle singulier du « génie des Carpates », du commandant suprême. Car c’est lui qui avait rendu ces exploits possibles, c’est à lui que l’on devait tous les exploits techniques, technologiques, économiques. C’est lui seul qui devait apparaître comme le personnage clé, celui qui avait apporté le bien-être et le progrès de la nation. Et il faut souligner que tous ces objets se trouvent dans un état excellent de conservation ».



    On quitte l’exposition abritée par le Musée d’Art contemporain avec un sentiment mélangé, entre nostalgie et amertume. Une chose est sûre : l’art sous la dictature, aussi riche que possible dans ses expressions, demeure un art en cage, un art enchaîné.


    (Trad. Ionut Jugureanu)



  • Nouari Naghmouchi (Algérie) – Les musées de Bucarest (I)

    Nouari Naghmouchi (Algérie) – Les musées de Bucarest (I)

    Selon le site apropotv.ro, au total, Bucarest compte une bonne trentaine de musées et de maisons-musées. Parmi ces institutions, il y en a quelques-unes qui méritent bien notre attention, car elles ont été rénovées et modernisées et surtout promues auprès du large public. Parmi elles : le Musée national d’histoire naturelle Grigore Antipa. Sis au centre de la ville, ce musée est une des institutions de recherche dans le domaine de la biodiversité, de l’éducation et de la culture les plus anciennes de Bucarest, car il a été créé en novembre 1834, à l’initiative du frère du prince régnant de l’époque. Celui-ci a fait don de ses collections, dont des pièces de monnaie importantes romaines et byzantines, collections de fossiles, mollusques, poissons, oiseaux et mammifères mais aussi d’œuvres d’art. En 2009 le musée a subi d’importants travaux de rénovation, si bien qu’à l’heure actuelle il est un des plus modernes de Bucarest et s’enorgueillit d’une riche base de données créée grâce à ses collections. Il est un des préférés des visiteurs de tous âges et surtout des plus jeunes.

    Vis-à-vis du Musée Antipa se trouve le Musée national de Géologie, accueilli par un édifice imposant en style néo-brancovan, datant du début du 20e siècle. En 1906 le roi Carol Ier signait le décret de la création de l’Institut géologique. Pendant plusieurs décennies, le bâtiment a été sérieusement endommagé. Tout d’abord par les bombardements, puis par les séismes, notamment par le terrible tremblement de terre de 1977. Le musée a donc été fermé pour être reconstruit en suivant à la lettre l’architecture initiale, selon les photographies. Il a rouvert ses portes juste après la chute du communisme, en 1990.

    A quelques centaines de mètres seulement des musées Antipa et de celui de géologie se trouve un autre repère important sur la carte culturelle de Bucarest : le Musée du paysan roumain. Il accueille des éléments importants du patrimoine traditionnel roumain : objets, outils, costumes, tout ce qui définit l’esprit roumain traditionnel.

    Après avoir découvert les objets qui forment le patrimoine traditionnel roumain, il faut absolument découvrir les maisons qui abritaient jadis ces objets. Pour ce faire, il faut se rendre au Musée du village. Situé plus au nord, dans le parc de Herastrau, au bord du lac du même nom, le Musée du village garantit un voyage dans un autre monde, dans le temps et dans la nature. Il est parsemé de maisons et bâtiments construits entre le 17e et le 20e siècle et apportés à Bucarest pour représenter toutes les régions de la Roumanie.

    Pour vous changer de l’art traditionnel, une bonne idée serait de vous rendre au Musée national d’art contemporain. Inauguré en octobre 2004, il occupe une partie de l’imposant Palais du Parlement, bénéficiant d’un espace très généreux. Peinture, graphique, sculpture, tapisserie, photographie, le Musée national d’art contemporain organise des expositions pour tous les goûts. Et puis, le Palais du Parlement lui-même est un endroit qu’il faut visiter à Bucarest.

  • “A l’autre bout de l’arc-en-ciel”…

    “A l’autre bout de l’arc-en-ciel”…

    Le Centre international dArt contemporain, le Musée national dArt contemporain, le Musée national du Paysan roumain – si vous vous amusez à unir dun trait ces trois institutions sur le plan de la ville de Bucarest, vous allez constater que cest une ligne courbe qui apparaît. Une trajectoire qui nest pas sans rappeler le projet qui rassemble ces trois pôles culturels de la capitale roumaine, très différents pour ce qui est de leur mission et public. “A lautre bout de larc-en-ciel” est le titre dune grande exposition qui se déploie dans tous ses trois espaces, permettant au public roumain de faire la connaissance dun maître européen de limage vue et ressentie – Sarkis. Pour en débattre, à lun des bouts de larc-en-ciel – lartiste lui-même, Sarkis ; Irina Cios, commissaire de lexposition directrice du Centre international dart contemporain de Bucarest; Stanislas Pierret, directeur de lInstitut français de Roumanie et conseiller pour laction culturelle; et notre hôte du jour, Virgil Nitulescu, directeur du Musée national du Paysan roumain.