Tag: mythologie

  • Le loup…

    Le loup…

    Cest un animal que lon craint instinctivement pour les dégâts quil peut produire dans les fermes paysannes et dans les bergeries. Et pourtant, le loup peut aussi acquérir des caractéristiques bénéfiques, lorsquil accompagne lHomme dans ses voyages initiatiques. Dans la mythologie traditionnelle roumaine, lanimal acquiert la confiance du héros pour devenir ensuite son ami prêt à laider à tout moment. Dans le cadre des rituels funéraires, le loup est une sorte de guide des esprits et intermédiaire entre ceux-ci et la Divinité.



    Dans lespace roumain, le loup était un symbole dès lantiquité préromaine, dans la culture des Daces, où il était un esprit de lhiver. Plus tard, pour le paysan roumain, le loup allait symboliser la dualité et la régénération de la nature. Le Lucin est une tradition dautomne des plus anciennes et des plus importantes consacrées spécialement à cet animal. Delia Şuiogan, ethnologue à lUniversité du Nord de Baia Mare, explique :



    « Le loup est généralement un animal bénéfique dans la culture traditionnelle roumaine, mais il peut recevoir aussi quelques traits maléfiques, sil nest pas respecté, tout comme lours par exemple. Le long du jour du Lucin, en automne, il ne faut pas travailler avec tout ce qui est cuir ou autre peau danimal. Il ne faut même pas toucher des peaux danimaux. Sinon, tout le troupeau sera dévoré par les loups au cours de lhiver qui suivra. Il y a une importante liaison entre le calendrier traditionnel et le zodiaque, mais il sagit dun zodiaque un peu modifié… La balance marque cet état déquilibre que lhomme tente détablir entre la saison chaude qui sachève et la saison froide qui commence. »



    Conformément au calendrier traditionnel roumain, lannée est partagée en seulement deux saisons : été et hiver. Les saisons de transition sont marquées seulement en tant que simples ponts dans le processus de transformation du temps. Lautomne fait partie de la moitié froide et sombre de lannée, et les fêtes qui sy déroulent sont étroitement liées aux rites de défense des communautés traditionnelles contre les forces maléfiques. On pense que désormais, la terre et la nature en général ne sont plus fertiles, mais plutôt hostiles aux humains. Les animaux sauvages deviennent eux aussi des dangers potentiels, surtout les loups dont le rythme de vie est beaucoup plus actif durant la saison froide. Détails avec Delia Şuiogan :



    « Il sagit dune fête consacrée notamment à la défense du bétail. On dit que les gens qui respectent cette journée du Lucin, qui observent le carême, nauront pas dennuis avec le bétail, cest à dire que les animaux ne tomberont pas dans des ravins et seront à labri des maladies contagieuses. Et lhomme qui observe le carême sera aussi à labri de tout ce qui est feu, eau, tonnerre, malédiction et maladie. » Voilà encore une fois comment une véritable union entre une fête préchrétienne et une fête chrétienne se produit.



    Le Lucin est une vieille tradition dédiée à la défense contre les loups. Elle est marquée le même jour que la fête du Saint Apôtre et évangéliste Luca, le 18 octobre. Ce jour-là, afin de ne pas souffrir de dégâts provoqués par les loups, les villageois respectaient certaines règles à signification rituelle. Ils rompaient les dents des outils avec lesquels ils travaillaient la laine et renonçaient à toute activité liée à la transformation de la laine des moutons, afin de protéger les bergeries contre les attaques des loups en hiver.

  • L’histoire, la mémoire : entre réalité et mystification.

    L’histoire, la mémoire : entre réalité et mystification.

    En effet nous recevons l’historienne Claudia-Florentina Dobre à l’occasion de la sortie d’un livre qu’elle a édité avec Christian Emilian Ghita : En quête d’un passé acceptable, Mythe et mémoire en Europe centrale et orientale. Nous parlerons de la manière dont l’histoire est l’objet de manipulations diverses, comment elle est pensée, conçue et modifiée. Et ce en particulier dans les pays de l’est.



  • Le serpent

    Le serpent

    Appelé « le gardien » ou « l’horloge de la maison », le serpent blanc des ballades populaires était aimé et respecté des membres de la famille, qui croyaient que ce reptile apprivoisé les veillait tout le long de leur vie, les aidant à surmonter les moments difficiles.

    L’ethnologue Florin-Ionuţ Filip Neacşu nous parle de l’importance de cet animal dans l’espace roumain : «A la surprise quasi générale, dans la mythologie roumaine, le serpent a des propriétés apotropaïques. Son rôle est de protéger la maison et la ferme de toute influence maléfique. Même Jules Verne, dans son roman « Le château des Carpates », mentionne cette tradition roumaine ancienne, selon laquelle sous la maison des Roumains vit un serpent qui les protège de tous les maux. Le serpent est un symbole ancien dans la mythologie roumaine. Nombre d’historiens et ethnographes estiment que c’est un symbole hérité des Daces, surtout que sur l’étendard dace était un animal ayant une tête de loup et un corps de serpent. C’était un serpent orienté vers la lumière, le loup pouvant être associé aussi avec la lumière surnaturelle. Malheureusement, ont dit que si l’on trouve un serpent mort devant sa maison, son maître passera bientôt lui aussi dans l’au-delà. Plus encore, le serpent est présent dans de nombreuses sculptures de l’art traditionnel roumain, sur la céramique roumaine, notamment sur celle de Horezu, inscrite au patrimoine de l’UNESCO.»

    Le serpent est aussi présent dans les moments de passage d’une étape de la vie à l’autre. La céramique traditionnelle de noces garde le symbole du serpent. On le retrouve également sculpté sur la croix des tombes. Par conséquent, le protecteur de la maison devient le guide de son maître dans l’au-delà.

    L’ethnologue Florin-Ionuţ Filip Neacşu explique :« Le serpent est souvent associé avec le passage du temps. Dans la culture européenne, on retrouve souvent le serpent Uroborus qui mange sa propre queue, symbolisant le temps infini. Le serpent est donc un des animaux importants de la mythologie, un véritable totem du peuple roumain, aux côtés de l’ours et d’autres animaux, comme le « chien de la terre », une entité souterraine qui protège à son tour les fermes des Roumains. Après la fête de la Croix, célébrée le 14 septembre, les serpents entrent sous la terre et n’en sortent plus qu’en février. Si pendant l’entre-deux-guerres la mythologie était moins connue ou utilisée surtout pour la propagande, de nos jours, les jeunes commencent à redécouvrir les symboles du serpent du foyer qui protège les maisons et les fermes de Roumains partout dans le pays, mais aussi dans l’espace balkanique où habitent des Valaques, des Aroumains et d’autres communautés ethniques similaires ».

    Précisons enfin que les enfants des familles traditionnelles étaient les seuls capables de voir et d’entrer en contact avec le serpent du foyer. Certaines attestations ethnographiques parlent même d’enfants qui boivent du lait de différents récipients en céramique aux côtés du serpent blanc. (Trad. Valentina Beleavski)

  • Dragobete, la fête de l’amour

    Dragobete, la fête de l’amour

    Célébrée le 24 février, « Dragobete » est une des fêtes roumaines du printemps les plus connues et les plus attendues. C’est la fête roumaine des amoureux. Depuis que la Roumanie a importé la Saint Valentin et toutes ses couleurs américaines, un véritable mouvement en faveur des coutumes autochtones est né, aidant la fête de Dragobete à récupérer la place perdue.

    Mais quelle est la signification profonde de cette tradition roumaine ? Pour nous en parler, nous avons invité au micro Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare: «Dragobete est la fête qui marque le début du printemps. En fait, elle marque la séparation d’avec l’hiver. Les gens savaient qu’à compter du 24 février l’hiver perdait sa force. Pour marquer ce passage, ils laissaient les oiseaux l’annoncer. C’est pourquoi, le jour de Dragobete était aussi appelé le Jour des Oiseaux. C’est à compter de ce jour-là que les oiseaux commencent à construire leurs nids et à pondre leurs premiers œufs. C’est aussi le jour où tous les oiseaux commencent à chanter. Désormais, rien ne peut arrêter le printemps. Par ailleurs, ces dernières années, vu ce désir de faire une parallèle entre la Saint Valentin et la fête de Dragobete, on commence à l’appeler aussi la fête roumaine de l’amour.»

    Malheureusement, trop peu de jeunes connaissent de nos jours la vraie signification de la fête de Dragobete, la réduisant aux mêmes symboles que la Saint Valentin : fleurs, chocolats, déclarations d’amour, sorties au restaurant. Delia Suiogan explique : «J’aimerais leur faire comprendre que ce n’est pas une fête de l’amour dans le sens profane du mot, de l’amour célébré par des cadeaux et des mariages. C’est le jour où l’on commence à chercher sa moitié, son âme sœur. En suivant l’exemple des oiseaux, l’homme commence à chercher sa moitié, son partenaire de vie. Certains villages gardent toujours de très beaux rituels de Dragobete : les jeunes sortent dans les champs ou dans les forêts pour cueillir des fraises des bois. S’ils en trouvent le jour de Dragobete, c’est un présage de bon augure pour toute l’année. De même pour les premières fleurs : perce-neiges ou violettes. Garçons et filles offrent ces fleurs les uns aux autres. Les petits bouquets symbolisent l’acceptation de l’autre comme possible âme sœur. »

    Vous vous demandez sans doute d’où vient le nom de cette fête. Dans la tradition roumaine, Dragobete est un personnage mythologique, qui ressemble à Eros ou Cupidon. Dans certaines légendes, Dragobete est le fils d’une veille femme, Dochia. C’est un beau jeune homme immortel, gardien de l’amour. Delia Suiogan raconte: « Dragobete est un très beau personnage de la mythologie traditionnelle. Il est connu en tant que fils de la vieille Dochia notamment à l’extérieur de la courbure des Carpates. En Transylvanie et au Banat on l’appelle Dragomir. En fait, une multitude de légendes et de très beaux contes circulant à l’intérieur de la Courbure des Carpates tournent autour de ce demi-dieu de la nature, Dragomir. »

    Selon les ethnologues, Dragobete est une fête très ancienne, aux racines daces. Oubliée pendant un certain temps, elle commence à regagner du terrain, aidée aussi par un côté commercial sans précédant. (Trad. Valentina Beleavski)