Tag: orphelinat

  • L’abandon…

    L’abandon…

    Trop denfants roumains sont victimes dabandon ! Quils grandissent dans un orphelinat, au sein dune famille daccueil ou encore dans une branche de leur famille éloignée, pour tous lexpression « chez soi » a disparu ou du moins perdu tout sens.



    Si lon en croit les statistiques, aujourdhui, près de 76 mille enfants ont des parents partis travailler à létranger. Renate Weber, Avocate du Peuple, affirme que ce nombre sélèverait en fait à près de cent mille, un chiffre bien funeste.



    Parmi ces dizaines de milliers denfants, près de 4 000 sont répartis entre 140 centres de placement. Pourquoi ? Robert Ion, directeur chargé du développement au sein de lONG « Hope and Homes for Children », explique :



    « En Roumanie, un enfant sur trois vit sous le seuil de pauvreté. Cest à cause de cette pauvreté que beaucoup arrivent aujourdhui dans les centres de placement. Ce sont généralement les quatrièmes, cinquièmes ou sixièmes enfants dune fratrie, issus de milieux ruraux, que les parents nont plus les moyens délever à la maison. Mais il existe beaucoup dautres facteurs qui expliquent larrivée de ces enfants en centre de placement. Par exemple, lorsque les deux parents sont partis travailler à létranger, lorsque lenfant a été abandonné à lhôpital ou encore lorsque la justice a décidé de léloigner de sa famille car il est victime dabus. Mais parmi tous ces facteurs, cest bien la pauvreté qui reste la principale cause. »



    Lhistoire a prouvé que les chances de se faire une place dans la société pour ces enfants sont très minces. Comment faire pour que cela change ? Robert Ion explique :



    « La première chose serait dallouer un budget permettant dempêcher la séparation de lenfant et de sa famille. Aucun des gouvernements daprès la Révolution na pris de telles mesures budgétaires. Alors quil en existe pour les centres de placement, donc une fois les enfants séparés de leurs familles, cest terrible ! Il faudrait agir en amont, et aider les parents et les enfants de milieux modestes afin quils ne soient pas séparés. La séparation est une véritable tragédie, aussi bien pour lenfant que pour la famille dans son ensemble. Il en résulte un placement de lenfant, qui ny est pour rien dans cette affaire. Les programmes permettant dintervenir pour empêcher une telle séparation dépendent souvent dONG comme la nôtre. Sur le long terme, nous devons remettre en question la notion déducation : léducation des parents issus de milieux vulnérables, et léducation de la société dans son ensemble. De même, nous devons, en tant que pays, cesser denvisager le placement comme moyen de protection de lenfant. Jamais nous ne laisserions nos propres enfants dans un centre de placement. Alors comment pouvons-nous lenvisager comme une solution viable pour les autres ? Il nous faut développer les services de prévention, augmenter le nombre de familles daccueil et dassistantes maternelles professionnelles, capables daccompagner les parents afin de maintenir les enfants au sein du foyer. »



    Le directeur chargé du développement détaille pour nous les trois étapes mises en place par « Hope and Homes for Children » pour endiguer ce phénomène :



    « Nous accompagnons chaque famille de manière personnalisée, en fonction de ses besoins et de ceux de lenfant. Cela peut prendre la forme dun traitement médical, dun accompagnement pour éviter la déscolarisation de lenfant, ou encore dachat de vêtements, de matériel ou de biens de première nécessité que la famille nest pas en mesure de soffrir, et ce pour différentes raisons. Nous œuvrons pour la fermeture des centres de placement que nous souhaitons remplacer par ce que nous appelons la « prise en charge alternative », à savoir des familles daccueil, des assistantes maternelles professionnelles etc. Enfin, nous accompagnons aussi les jeunes qui, une fois atteint lâge de 18 ans, sortent de ce système et doivent se débrouiller seuls. Par exemple, en payant leur loyer, car ils sont considérés comme une population vulnérable. Ils devraient normalement avoir accès aux logements sociaux, mais il en existe très peu en Roumanie. Alors, lorsquils quittent le système, sils ne sont pas pris en charge, la seule alternative reste la rue. Ensuite, nous devons rester à leurs côtés lorsque se pose la question de leur parcours scolaire ou de leur expérience professionnelle. Pour nous, la protection de lenfant est absolument primordiale, et cest à ce moment-là que nous sommes le plus impliqué. Tout le monde peut simpliquer dailleurs, il suffit de se rendre sur notre site departedefrica.ro pour voir comment vous pouvez aider les enfants que nous accompagnons. Vous pouvez aussi envoyer « hope » par sms au 8864 pour faire un don de 4 euros par mois. »



    Oana Drăgulinescu, fondatrice du Musée numérique de lAbandon, sest aussi impliquée. Le siège virtuel du musée nest autre que le dortoir de lancien foyer-hôpital pour enfants atteints de handicaps graves de Sighetu Marmației (dans le nord de la Roumanie) – lun des symboles les plus frappants du phénomène dabandon de la Roumanie communiste davant 1989. Fermé depuis maintenant 20 ans, les images de cet hôpital ont marqué à jamais les mémoires après la Révolution. Nous aimerions faire de ce musée un espace permettant à ces communautés traumatisées et oubliées de tous de sexprimer.

    Un lieu pour que ces centaines de milliers denfants, abandonnés sous le communisme ou plus récemment, puissent guérir cette blessure, précise Oana Drăgulinescu : « De quelle guérison parle-t-on ? De la nôtre, en tant que nation probablement. Nous devons nous soigner face à lindifférence. Il existait des centaines dinstitutions comme celle-ci en Roumanie, et au moins une dizaine étaient aussi épouvantables que celle de Sighet. Ces institutions se trouvaient au cœur de nos villes, et des gens comme vous et moi y travaillaient. Et pourtant, il semblerait que personne, pas même ceux qui travaillaient dans le système social, navait connaissance des horreurs qui avaient lieu à Sighet. Pour moi cest un moyen de se protéger. Lorsque lon constate de telles horreurs, on détourne le regard. Cest aussi plus facile sur le court terme ! Sur le long terme en revanche… le nombre denfants abandonnés en Roumanie na ni diminué après 1989, ni après labrogation du décret 770 interdisant lIVG et toute forme de contraception. Pour nous, il serait salvateur de parler de tous ces aspects. Nous nous rendrions compte que partir à létranger pour trouver du travail et offrir une vie meilleure à nos enfants peut sapparenter, certes dans une moindre mesure, à un abandon. »



    Noubliez pas : labandon est la forme la plus grave de négligence envers lenfant ! (Trad : Charlotte Fromenteaud)

  • Sois ton propre Chef

    Sois ton propre Chef

    En Roumanie, les anciens orphelinats s’appellent, de nos jours, « centres de placement », justement pour mettre en exergue leur caractère transitoire. Théoriquement, de là, les enfants sont soit adoptés, soit placés auprès de différents assistants maternels. Bien des fois, il arrive que ces enfants n’aient pas de chance, et là, le centre de placement devient leur foyer dès l’enfance et jusqu’à 18 ans. Dès lors, les orphelins sont censés se débrouiller tout seuls dans un monde inconnu et dépourvus de tout soutien matériel. Souvent, ils manquent de formation professionnelle spécifique, et ont besoin de se faire embaucher pour avoir un revenu. En l’absence de moyens, ils doivent trouver un logement. Considérés adultes, ils doivent se débrouiller pour vivre, même si le centre de placement ne les a pas formés pour cela.



    Afin de prévenir la déroute et les refus auxquels les orphelins peuvent se heurter sur le marché de l’emploi, l’Association pour l’activation des droits de l’homme, ADO Roumanie, a mis en place un projet. 12 jeunes du Centre de placement n° 5 de Periş, comté d’Ilfov, seront formés à titre gracieux pour devenir cuisiniers. A la fin des cours, les initiateurs du projet les mettront en rapport avec des employeurs potentiels.



    L’avocate Elena Corciu, fondatrice de l’association ADO Roumanie, décrit ainsi le projet « Sois ton propre chef »: « Nous souhaitons imprimer une direction à la vie de certains adolescents qui sont obligés de vivre dans un orphelinat jusqu’à leur majorité. En sortant de là, ils se heurtent à la vie réelle, brutale et injuste, où le drame, l’impuissance et l’échec sont les bornes naturelles de leur destin. « Sois ton propre chef » vise à conseiller du point de vue motivationnel et professionnel et à faire l’orientation professionnelle d’un premier groupe de 12 jeunes qui s’apprêtent à quitter le Centre de placement n° 5 de Periş, dans le comté d’Ilfov. Fournir des services de conseil et d’assistance juridique gratuite vise à établir des relations directes avec les employeurs de la communauté en vue de l’embauche des jeunes ».



    « Sois ton propre chef » est un projet lancé par un chef célèbre en Roumanie, Cezar Munteanu, qui n’est pas au premier programme humanitaire de sa carrière. Le chef Cezar a également cuisiné pour les enfants d’Afrique et a pris part à des actions charitables aux Etats Unis. En Roumanie, il a aidé les toxicomanes désireux de revenir à une vie normale et les enfants roms. Maintenant, il s’est investi dans le projet de Periş : « Nous sommes dans la phase où les 12 enfants vont bénéficier de toute notre maestria. Qu’il s’agisse de conseils psychologiques, de gastronomie, les enfants vont bénéficier plus tard d’un programme de suivi très attentif. Il ne faut pas croire qu’ils seront abandonnés après la fin de ce programme. La finalité de ce projet, c’est de créer le premier restaurant social de Roumanie, destiné aux enfants de milieux défavorisés ».



    Le projet « Sois ton propre chef » bénéficie du soutien des autorités locales. Bogdan Pantea, directeur exécutif de la Direction générale de Sécurité sociale et de Protection de l’enfance du département d’Ilfov espère que cette initiative serve d’exemple aux futurs partenariats: « Cette stratégie motivationnelle et professionnelle s’accompagne d’une procédure occupationnelle. Nous avons rencontrés des jeunes inadaptés puisqu’ils ont du mal à se débarrasser d’un style de vie propre au centre de placement, le seul qu’ils ont connu jusqu’à 18 ans. Or, la Direction générale de Sécurité sociale et de protection de l’enfance espère collaborer avec l’ADO ou avec d’autres associations, à la mise en place de projets à même d’offrir une intégration correcte de ces jeunes âgés de 18 ans ».



    Nicu a 16 ans et il est élève en troisième au Centre de placement de Peris. Il n’y a pas vécu depuis toujours, seulement après la mort de sa mère. Il sait jouer de la flûte, mais il est conscient que cela ne suffirait pas pour se débrouiller dans la vie. Qu’est-ce qu’il pense des cours de cuisine? « Ca me plaît. Dans la vie, on ne doit pas mettre tous les oeufs dans le même panier. On doit essayer de faire plusieurs choses. Pendant les classes de cuisine, j’ai appris à faire des frites et à choisir les légumes pour la soupe ».



    Pourtant, la première chose qu’il aimerait bien faire une fois sorti du Centre de placement serait de retrouver sa famille, notamment son frère aîné âgé de 21 ans : « J’aimerais bien renouer les relations avec eux. C’est dur pour moi de ne pas avoir de leurs nouvelles. Surtout de mon frère que j’aimerais bien revoir. Lui, il m’a rendu déjà visite trois ou quatre fois. Dès que le temps lui permet, il vient me voir au centre ».



    A la différence de Nicu, Nicoleta ne connaît pas sa famille. Agée de 18 ans, elle devra quitter bientôt le centre qu’elle habite depuis l’âge de « …8 ans. Avant, je fus dans un centre de Buftea où j’ai eu beaucoup de peine. Ma mère n’a pas voulu de moi. J’ai essayé de la retrouver, mais en vain. Deux ans, j’ai énormément souffert. Et puis, un beau jour, je me suis dit qu’il faudrait m’occuper de ma vie. J’ai fait un cours de serveuse avant de suivre ce cours de cuisine ».



    Nicoleta sait déjà préparer de la salade de bœuf, du caviar d’aubergines, des boulettes de viande hachée ou encore de la soupe. Mais le désir d’avoir un métier n’a pas été le seul qui l’a poussée à bien travailler au cours. Nicoleta: « Finalement, les femmes finissent par se marier et elles doivent savoir préparer une soupe quand leur mari souhaite en manger. Le mari ou l’enfant. Moi, je ne vais jamais renoncer à mon enfant, car j’ai tellement souffert que je ne supporterais pas qu’il souffre aussi. Je vais garder mon enfant près de moi et je vais bien le soigner et lui apprendre des choses pour la vie ».



    Le projet « Sois ton propre chef » a débuté par une session de conseil psychologique de 12 adolescents qui se verront offrir un cours de cuisine jusqu’en septembre. (trad.: Ligia Mihaiescu)