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  • Ferentari

    Ferentari

    Considéré aujourd’hui comme un quartier
    économiquement et socialement difficile, une sorte de ghetto au sud-ouest de
    Bucarest, le faubourg de Ferentari n’a pas toujours été une zone frappée de
    problèmes. Son histoire fait l’objet d’un ouvrage paru récemment -
    « Ferentari incomplet », coordonné par Andrei Răzvan Voinea, Dana
    Dolghin et Gergely Pulay.


    Le quartier commence à se développer à
    l’entre-deux-guerres, lorsqu’il n’est qu’une simple zone interstitielle de la
    périphérie de Bucarest. L’historien Andrei Răzvan Voinea raconte : Dès le début, le quartier de Ferentari a dû faire avec un handicap de
    développement, puisque l’avenue du même nom – Calea Ferentari – par exemple, ne
    menait nulle part, en ce sens qu’elle s’arrêtait pratiquement dans un champ.
    Ici, à Ferentari, il y a toujours eu un vignoble appartenant à la métropolie orthodoxe
    et à plusieurs autres monastères. Petit à petit, ces vignobles ont été vendus,
    des lotissements et des constructions ont fait leur apparition, ce qui l’a
    transformé en une zone résidentielle plus ou moins officielle. Les loyers très
    bas ont attiré de nombreux ouvriers, notamment ceux qui travaillaient dans les
    entreprises industrielles sises sur la colline de Filaret, la première zone
    véritablement industrielle de Bucarest. Ce fut le point de départ d’un
    développement très, très lent. Avant 1940, le quartier était connu comme le
    Champ de la Joie, car il était parsemé de nombreuses caves à vin, issues des
    anciens vignobles, qui se sont transformées lentement mais surement en autant
    de tavernes. À un moment donné, elles en étaient une centaine et la rue la plus
    importante de l’époque s’appelait la Rue de la Joie. Il n’y avait même pas de
    quartier. C’était tout simplement le Champ de la Joie, sous-développé avant
    1940, ignoré par les autorités centrales, sans égouts, sans eau potable ni
    électricité, et avec très peu d’interventions.




    Également à
    l’entre-deux-guerres, le quartier de Ferentari accueillait, en plus des
    ouvriers de condition modeste, quelques entrepreneurs et leurs affaires.
    Certains des plus aisés se sont fait construire des maisons d’une meilleure
    qualité, même des villas dans les styles architecturaux les plus prisés à
    l’époque, mais ces immeubles sont peu nombreux. L’historien Andrei Răzvan
    Voinea en a documenté une partie:
    Il y avait quelques petites affaires,
    dont celles d’un entrepreneur juif, Littman, qui demande, en 1935, à
    l’architecte Paul Rossini de lui dessiner cette magnifique maison dans un style
    international très moderniste, en phase avec la mode européenne du moment. De
    tels exemples ne sont pas nombreux. Il y aussi un autre immeuble, appelé Vila
    Coca, au 43 rue Veseliei (de la Joie) ; là aussi, l’architecture est très
    gracieuse, très équilibrée. Malheureusement, l’homme d’affaires Littman fut un
    des Juifs tombés victimes de la rébellion légionnaire de la Garde de Fer de 1941,
    qui avait aussi secoué le quartier de Ferentari.




    La vraie
    systématisation de cette zone a pourtant débuté après l’installation du régime
    communiste, dans le but d’offrir aux travailleurs des conditions de vie
    décentes, un objectif réalisé dans un premier temps. Des immeubles à étages, en
    briques, appelés encore aujourd’hui « blocurie roșii/les immeubles
    rouges », se sont dressés sur une sorte de terrain vague. De tels projets
    ont été imaginés dès 1946, explique Andrei Răzvan Voinea: Ce terrain
    vague a été racheté par un Institut des fonctionnaires publics pour y
    construire des logements destinés aux fonctionnaires publics. En 1948, le
    terrain passe à la mairie et change constamment de commanditaire. Mais un
    projet très fonctionnaliste est mis en œuvre, ce qui se traduit par le lancement
    de la construction de 20 immeubles à étages. L’architecte en est Gheorghe Popov
    et les communistes inventent pratiquement l’habitation en commun. C’est un
    espace imaginé entièrement en rupture avec le modèle de lotissements – maisons
    et jardins individuels – à l’horizontale. Là, nous parlons d’un développement à
    la verticale. Tous les immeubles ont quatre étages, sont séparés par des
    parterres de végétation et dotés de nombreux services sociaux. Nous parlons de 20
    tels immeubles, chacun habité par une trentaine de familles, donc environ 600
    familles au total. Les immeubles avaient leur propre système de chauffage, une
    école maternelle et une salle de cinéma se trouvaient à proximité. Lorsque les
    immeubles ont été finis, l’on y a aussi ajouté une piscine publique, qui a
    fonctionné jusqu’après 1990. Au début de l’avenue Ferentari, des commerces en
    tout genre, l’échoppe d’un coiffeur-barbier se partageaient les clients.
    C’était pratiquement une petite ville qui s’autogérait en quelque sorte.




    La situation
    a commencé à se dégrader vers le milieu des années 1960 et ça continue
    aujourd’hui encore. L’historien Andrei Răzvan Voinea propose une explication: Que s’est-il passé après 1966? Après avoir érigé les immeubles rouges,
    les communistes ne font plus grand-chose. Ils construisent encore une école
    quelque part, dans Prelungirea Ferentari, un canal collecteur et l’éclairage
    public attaché à ce morceau de canalisation. Mais ce ne sont pas des
    interventions majeures, justes normales. En 1966, le plan de systématisation de
    l’ensemble de cette zone voit le jour à l’Institut Proiect de Bucarest. C’est
    un plan très sérieux, qui prévoit la construction d’immeubles à étages. Pour
    cela, il fallait abattre le fonds d’habitations pavillonnaires, pour tout
    remplace par de tels logements. Les communistes ont prêté beaucoup d’attention
    à un début de renouveau urbanistique sur les terrains vagues. Malgré un
    projet de démolition tous azimuts et de construction d’immeubles à étages tout
    le long de l’avenue de la Victoire, le projet initial envisageait de construire
    des immeubles le long de l’avenue Ferentari, mais cela se fait par îlots sans
    lien direct avec l’avenue. Un autre projet était axé sur la construction de
    studios et d’appartements d’un confort moindre, sinon carrément basique. En
    fait, la caractéristique de faubourg de la périphérie était maintenue, les habitations
    étant destinées à des gens venus à Bucarest pour trouver un emploi, qui louent
    un studio à court terme, fondent une famille et déménagent ailleurs. On
    constate encore une fois que Ferentari restait une zone interstitielle, de
    transit, mais ce projet est finalement abandonné. L’on a construit au total
    plus de 150 immeubles de studios et d’apparts deux pièces, habités par un tas
    d’ouvriers des Usines Vulcan. Après 1973, la législation nationale change
    elle-aussi. C’était de la folie.




    Un plan complexe
    de développement de cette zone est imaginé suite au terrible tremblement de
    terre de 1977, mais rien n’est malheureusement mis en œuvre jusqu’à la chute du
    régime en 1989. Vient ensuite la dégringolade de la transition des années 1990
    et les pouvoirs publics se sont désintéressés du quartier où les problèmes
    sociaux se sont graduellement amplifiés. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • La grève du 13 décembre 1918

    La grève du 13 décembre 1918


    La fin de la Grande Guerre avait laissé derrière
    elle un monde profondément bouleversé, tiraillé, d’une part, entre la recherche
    des lendemains qui chantent et, d’autre part, à la volonté de rétablir l’ancien
    ordre mondial. C’était aussi le temps des révoltes sinon des révolutions. Mais
    par-dessus tout, la guerre a été synonyme d’appauvrissement et de frustrations,
    et les solutions politiques radicales ne manquaient pas de ratisser large. Les
    révolutions bolchéviques s’étendaient comme une traînée de poudre, de Moscou à
    Budapest, en passant par Berlin. C’était le temps des révoltes, des révolutions
    et des revanches à prendre. Et c’est dans ce contexte européen trouble
    qu’allait être organisée, en plein centre de Bucarest, sur Calea Victoriei, l’avenue
    de la Victoire, le 13 décembre 1918, la manifestation à l’issue tragique, des
    ouvriers typographes. Le décompte officiel de la manif, réprimée par des troupes
    militaires, fera état de 6 morts et 15 blessés.


    L’historien
    Ioan Scurtu nous replonge dans l’atmosphère de cette journée qui n’annonçait en
    rien la tragédie. « Le siège central du parti
    et du syndicat socialistes se trouvait juste derrière l’église Kretzulescu, au
    centre-ville. Le cortège partait de là, pour atteindre le Palais royal. C’était
    cela l’idée. Le cortège fait d’abord un détour par la rue Câmpineanu, avant de
    tenter de rejoindre Calea Victoriei, qui les aurait amenés directement au
    Palais. Pourtant, lorsque le cortège arrive près du Théâtre national, à
    l’endroit où s’érigera plus tard le Palais des Télécoms, il bute sur un barrage
    de soldats. Les militaires envoient des sommations, exhortant à la dispersion.
    Seulement, la foule est chauffée à blanc, les ouvriers commencent à clamer
    leurs revendications, « liberté ! », « on veut du
    pain ! », « loyers abordables ! », enfin ce genre de
    questions sociales. Ils voulaient crier leurs revendications au Palais royal.
    La troupe charge et tire dans le tas. Pourtant, dans le communiqué officiel
    issu le lendemain, le gouvernement allait accuser les ouvriers d’avoir attaqué
    les premiers et tirer sur l’armée, alors que cette dernière s’était vue dans
    l’obligation de riposter. Une riposte qui fait 6 morts et 15 blessés, sans
    exception parmi les ouvriers. Le communiqué officiel n’était que mensonges. Et,
    d’ailleurs, I. G. Duca, futur président libéral du Conseil, allait l’écrire en
    toutes lettres plus tard, dans ses mémoires : L’armée fit montre d’une
    violence extrême, et elle tire à balles réelles, sans avoir été provoquée, sur
    une foule sans défense. »


    L’historiographie
    communiste, devenue l’historiographie officielle après 1945, lorsque l’on voit
    le parti communiste prendre le pouvoir, s’était bien évidemment emparée largement
    du sujet. Ioan Scurtu : « Le nombre de victimes
    change au fil du temps. Voyez-vous, il y a eu, avant 1990, à l’endroit de
    l’ancien Théâtre national, un monument érigé à la mémoire des victimes de cette
    manifestation. La plaque commémorative faisait mention de 102 victimes, tuées lâchement
    sur les ordres du régime bourgeois d’alors. En 1967, j’ai rendu visite à
    Gheorghe Cristescu, ancien secrétaire, d’abord du parti socialiste, ensuite du
    parti communiste roumain. Et nous avons, entre autres, parlé de cette histoire de
    1918, et des différentes versions de son décompte macabre. Selon lui, le
    décompte parallèle des victimes, celui réalisé par les communistes, a été
    faussé à bon escient. En fait, lui et certains de ses camarades sont allés à
    l’état civil de différents arrondissements de Bucarest. Ils avaient noté les
    personnes décédées ce jour-là, et les avaient d’emblée enregistrées parmi les
    victimes des violences de la force publique. Une astuce parmi d’autres, pour se
    donner une assise et alimenter la propagande du régime communiste. Et ils
    étaient parvenus à enregistrer de la sorte 102 morts ce jour-là, le 13
    décembre, et ils ont mis tous ces décès au compte de la répression. »


    Nous
    nous sommes interrogés si la révolution bolchévique, qui venait tout juste de
    remporter le pouvoir en Russie, avait pu inspirer, d’une manière ou d’une
    autre, les organisateurs de la manif. Parce que le pouvoir politique d’alors ne
    s’était pas gêné de lancer de telles supputations. Ecoutons l’historien Ioan
    Scurtu : « Le parti socialiste
    nourrissait certainement des visées politiques. Il comptait renverser la
    vapeur, briser la mainmise de la bourgeoisie sur l’Etat, abolir la monarchie,
    et proclamer la république. Mais la manifestation dont on parle n’a pas été
    porteuse de ce genre de revendications. Evidemment, le gouvernement a eu beau
    jeu d’accuser le parti socialiste de tels agissements, à caractère politique.
    Le communiqué officiel, publié tout de suite après la répression sanglante de
    la manif, faisait d’ailleurs référence aux mouvements révolutionnaires de
    Budapest et de Moscou, là où les ouvriers avaient en effet déclenché une lutte
    armée contre les régimes en place. Pourtant, le lendemain, soit le 14 décembre
    1918, l’on entend un tout autre son de cloche de la part du pouvoir. En effet,
    le gouvernement met tout de suite en application la loi d’expropriation des
    grands propriétaires terriens, de tous ceux qui détenaient plus de 100
    hectares, à la faveur des paysans pauvres et sans terres. C’était un geste fort
    du pouvoir, une décision prise par peur ou par précaution. Sans doute le
    pouvoir craignait de devoir affronter un soulèvement social dans les campagnes.
    Agissant rapidement de la sorte, il parvient à couper l’herbe sous les pieds
    des révolutionnaires. Les paysans ont été forcément contents de la réforme
    agraire. »


    Il est
    vrai qu’en cette année 1918, le souvenir des débordements provoqués par les
    soldats russes alliés, gagnés au bolchévisme quelques mois auparavant, alors
    qu’ils campaient en Moldavie pendant l’hiver 1917/1918, était encore dans
    toutes les mémoires, et faisait craindre le pire au pouvoir en place. La
    réaction démesurée, féroce et sanglante, du pouvoir bourgeois contre une manif
    ouvrière somme toute bénigne peut s’expliquer en partie par cela. Ioan Scurtu : « Ecoutez, faisons encore
    une fois appel aux souvenirs de l’ancien président de Conseil, I.G. Duca. Il
    raconte dans ses mémoires le dialogue qu’il avait eu avec le général
    responsable de la répression. Et l’on voit que ce dernier, tout fier de son
    exploit, se vantait d’avoir agi sans ordre exprès, de son propre chef. Il
    paraît en effet que le général Mărgineanu, car c’est de ce monsieur que l’on
    parle, avait appelé au téléphone le président du Conseil d’alors, monsieur I.C.
    Brătianu, pour prendre des dispositions, et que ce dernier l’avait exhorté à ne
    rien faire. Il devait trouver le moyen de disperser la foule, mais sans ouvrir
    le feu. Or, Mărgineanu a pris l’initiative, a ouvert le feu, en dépit des
    ordres du responsable politique, et voilà qu’il se vantait de l’avoir fait, et
    d’avoir, selon ses dires, étouffé dans l’œuf ce qu’il pensait être le début
    d’un soulèvement bolchévique. Ce qui est certain, c’est que le gouvernement
    n’avait pas sanctionné le général. Il a même été décoré ensuite, par le roi
    Ferdinand en personne. »

    La
    grève et la manifestation des typographes, violemment réprimée le 13 décembre
    1918, n’ont pas donné naissance au soulèvement bolchévique espéré par certains.
    Même si cet épisode demeure marginal dans l’historiographie roumaine, il
    constitue aussi une sorte de papier de tournesol qui fait état de l’énervement
    grandissant du pouvoir face aux revendications sociales ouvrières et au danger
    que pouvait représenter un soulèvement de type bolchévique en cette période de
    tous les dangers. (Trad. Ionut Jugureanu)



  • La crise du marché du travail roumain et les travailleurs étrangers

    La crise du marché du travail roumain et les travailleurs étrangers

    Aussi, le déficit croissant de la force de travail interne a mis le pays dans la situation de devoir faire appel aux travailleurs étrangers, ne fut-ce que pour essayer de combler ce manque de main d’œuvre. La Roumanie se situe ainsi en deuxième position dans l’UE, juste après la République Tchèque, dans le classement des pays demandeurs de travailleurs étrangers hors UE. Pour information, la majeure partie des travailleurs étrangers embauchés en 2018 en Roumanie proviennent du Vietnam (35%), suivi par la Turquie, le Népal, la Serbie, le Sri Lanka, la Chine et la Moldova. La crise de la force de travail frappe de plein fouet notamment les industries de l’Horeca, les constructions navales, les grossistes, l’industrie textile ou encore l’industrie du bâtiment… Hasard ou pas, c’est dans ces mêmes industries que travaillent les Roumains partis travailler à l’étranger, en Europe ou ailleurs, qu’il s’agisse de ceux partis depuis plusieurs années, ou plus récemment.

    Parmi les causes du déficit de main d’œuvre roumaine, il faut ajouter a l’émigration massive l’état du système roumain d’enseignement, selon Maria Grapini, eurodéputée sociale-démocrate roumaine, et femme d’affaire à ses heures perdues.Maria Grapini : « Ce qu’il faut savoir c’est que la crise de la force de travail existe au niveau de l’exécution, des jobs les moins qualifiés, cela ne touche pas vraiment ceux qui ont un niveau BAC + 5, par exemple. Malheureusement, l’on ressent là les conséquences de la suppression de l’enseignement technique il y a de cela plusieurs années. Entre temps, un nouveau système a été mis en place. La loi de l’apprentissage a été adoptée. Mais on est loin du compte. J’ai crée mes entreprises dans le domaine du textile. Dans ce domaine, on ressent la crise, en lien direct avec la suppression de l’enseignement technique, des écoles professionnelles. Il y a avait un enseignement pointu dans des domaines spécifiques tels que le tissage, la peinture. Quant à d’autres métiers, tels électricien, soudeur, tourneur, n’en parlons pas ».

    « On importe de la main d’œuvre peu qualifiée », soutiennent à l’unisson les consultants et les responsables RH, telle Dana Ionescu, global mobility manager, chez ADECCO România : « Importer de la main d’œuvre étrangère n’est pas bon marché. Il existe des barèmes salariaux qu’il nous faut respecter. Je vous donne un exemple. Un Roumain, on peut l’embaucher au salaire minimum, alors que l’ouvrier étranger, pour qu’il puisse obtenir le droit de travailler en Roumanie, doit bénéficier d’un salaire équivalent au salaire moyen. A cela, il faut évidemment ajouter les autres charges : les frais des agences d’Intérim, les taxes notariales, les traducteurs et ainsi de suite ».

    Les employeurs roumains continuent à faire croître la demande en main d’œuvre étrangère, ce qui oblige les autorités a délivrer de plus en plus de permis de travail. Dana Ionescu poursuit : « Selon les données centralisées par l’Agence nationale du Travail, 31.464 postes de travail disponibles mis à la disposition des demandeurs d’emploi bénéficiaires d’allocations de chômage, et ce de manière répétée. Mais ces 31.000 places n’ont jamais été occupées. C’est à cause de ce déficit patent de main d’œuvre que le contingent d’employés étrangers, approuvé chaque année par arrêté gouvernemental, croît constamment. Parfois même, le gouvernement est obligé d’approuver une nouvelle majoration de ce quota en cours d’année. »

    Durant cette année en cours, le quota approuvé pour les nouveaux arrivants a augmenté de 55% par rapport à la même période en 2017. En début d’année, seuls 7.000 travailleurs étrangers étaient autorises à travailler en Roumanie. Mais au mois d’août dernier, le gouvernement a changé radicalement d’orientation sous la pression du patronat : les quotas ont alors battu tous les records.

    Dana Ionescu détaille : « Pour les CDI, le quota a doublé, passant de 4 à 8.000 contrats. En revanche, pour les travailleurs détachés, le quota a quadruplé, passant de 1.200 à 5.200. Et il reste encore à voir si on ne va pas assister à une nouvelle augmentation de ce quota, avant la fin de l’année ».

    Au-delà de l’évidente nécessité d’un meilleur ajustement entre les formations proposées par le système public d’enseignement et les besoins du marché du travail, au-delà des effets positifs attendus par la mise en application de la loi de l’Apprentissage, encourager les Roumains émigrés à revenir au pays demeure sans doute une solution-clé.

    L’eurodéputée Maria Grapini aborde le sujet, avec précaution : « Ceux qui sont partis se méfient. Les Roumains que j’ai rencontrés en Espagne par exemple, me disaient n’avoir pas confiance dans le maintien à long terme de leurs emplois en Roumanie. Ils ne parlaient pas tant du niveau des salaires, mais plutôt de la pérennité de leurs potentiels emplois, une fois rentrés au pays. Alors ils n’en veulent pas, ils se méfient, ils n’ont pas cette indispensable confiance dans la pérennité du marché du travail roumain sur le long terme. La Roumanie a besoin de mieux cibler ce besoin lorsqu’elle s’attache à concevoir ses politiques publiques. »

    D’ici là, l’importation de la main d’œuvre étrangère demeure une solution de facilité, et cette tendance ne fait que s’accentuer. Les dirigeants s’intéressent aux modalités de simplification de la législation en la matière. Eliminer la barrière du niveau salarial pour les ouvriers étrangers n’est plus tabou. Des voix s’élèvent pour protester contre la rigidité de ce niveau salarial : selon certains, il ne peut être décrété par la loi, puisqu’il dépend des lois du marché et de la négociation salariale.

    Mais tant qu’une loi ne tranche pas cette question, tous ces discours ne sont que vœux pieux. (Trad. Ionut Jugureanu)

  • Les révoltes ouvrières de 1987 à Braşov

    Les révoltes ouvrières de 1987 à Braşov

    Dans les années 1980, la crise de l’économie et celle du système communiste avaient atteint leur paroxysme. En Roumanie, tout était amplifié par l’ambition de Nicolae Ceauşescu de rembourser la dette extérieure du pays, ce qui alourdissait encore plus le fardeau sur les épaules de la population. La crise économique s’était traduite par la rationnement des denrées alimentaires de base et de l’électricité. Toutes ces privations étaient douloureusement ressenties par la population, alors que la nomenklatura menait une vie d’opulence et de privilèges.

    C’est cette politique d’austérité poussée à l’extrême qui allait engendrer des mouvements de protestation, et ce malgré le système répressif. La tension latente allait éclater au grand jour le 15 novembre 1987. Dans la nuit du 14 au 15 novembre, aux Usines de camions « Steagul Roşu » (« Le Drapeau rouge »), plus précisément dans la section 440 où l’on fabriquait des matrices, un conflit de travail s’est déclenché entre les ouvriers et leurs chefs. L’étincelle qui avait enflammé les esprits avait été la baisse drastique des salaires, alors que la presse communiste annonçait avec satisfaction la réalisation du plan quinquennal. Le 15 novembre devaient avoir lieu les élections pour les Conseils locaux, en fait un simulacre d’élections, car les gagnants étaient connus d’avance. Après des altercations avec la direction de l’usine, pendant lesquelles plusieurs personnes avaient été molestées – dont le chef de section, le secrétaire du parti, le directeur et le président du syndicat – près de 200 ouvrires habillés de leur bleus de travail et brandissant le drapeau tricolore se sont mis en marche dans les rues de la ville en direction des locaux de l’organisation départementale du Parti communiste roumain. Ils scandaient des slogans tels « Donnez-nous notre argent! », « A bas le dictateur, à bas les salauds! », « A bas Ceauşescu! », « A bas le PCR! » En route, nombre de passants et d’ouvriers des usines « Tractorul » se sont joints à eux. Finalement, quelque 15.000 protestataires sont arrivés au centre-ville, devant les locaux de l’organisation du parti, qu’ils ont saccagés. Ils ont détruit les portraits de Ceauşescu et ses livres.

    Les forces de répression sont vite intervenues. Trois centaines de manifestants ont été arrêtés. Les Roumains ont eu vent des événements de Brasov en écoutant Radio Free Europe, qui émettait depuis l’Allemagne fédérale. De tels événements n’étaient pas mentionnés par la presse de ces temps-là, strictement contrôlée par le régime communiste de Bucarest.

    Dans une interview accordée au Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, en 1997, le journaliste Mircea Carp racontait comment ces protestations avaient débuté : « Ce que j’attendais, moi, depuis longtemps, c’était un changement fondamental en Roumanie – pas nécessairement par des moyens violents, mais, si possible, par des évolutions pareilles à celles qui avaient eu lieu dans d’autres pays. Pour nous, cette attente a atteint un point culminant, mais fulgurant, avec la révolte de novembre 1987 à Braşov. J’étais au bureau quand j’ai reçu la nouvelle qu’une émeute avait éclaté en Roumanie, à Braşov, et que les ouvriers étaient descendus dans la rue. Selon les règles instituées à la radio – non seulement à Radio Free Europe, mais aussi à La Voix de l’Amérique et dans tous les médias, en général – on ne pouvait diffuser une info que si elle était confirmée par deux sources. Or, l’information sur ce qui se passait à Braşov nous était parvenue d’une seule source, mais cette source était très importante et très sûre. Vlad Georgescu, à l’époque directeur du département roumain de Radio Free Europe, et moi, qui présentais le programme politique, nous avons décidé de la diffuser quand même, car le lendemain cela aurait été trop tard. »

    Un autre journaliste de Radio Free Europe, Emil Hurezeanu, se rappelait en 1999, de quelle façon il avait apporté à la rédaction la nouvelle du soulèvement des ouvriers de Braşov contre l’exploitation à laquelle ils étaient soumis par le régime communiste : « C’était un soir de novembre, je me souviens que c’était une fête à Munich, en Bavière catholique, et je préparais avec Vlad Georgescu le programme politique. Vlad Georgescu me dit d’aller vite de l’autre côté du Parc Anglais, qui est immense, jusqu’au consulat américain – une forteresse aussi bien gardée que le siège de Radio Free Europe – car ils avaient une enveloppe pour nous. Le temps était gris, il pleuvait, le soir tombait, il ne m’était jamais arrivé d’être envoyé chercher au Consulat américain une enveloppe d’une certaine importance pour ce qui allait suivre. J’ai vite parcouru la distance qui nous séparait du consulat et j’ai reçu une enveloppe scellée que j’ai remise à Vlad Gerogescu. Il l’a ouverte, a lu le contenu et m’a dit : «Il y a d’amples protestations à Braşov ». Ça se passait le soir du 15 novembre, c’était un dimanche. La nouvelle venait de Bucarest et elle était arrivée au consulat américain par courrier diplomatique. Il s’agissait du reportage chiffré d’un correspondant de presse qui s’était rendu à Braşov et qui avait été chassé en même temps que les protestataires. Bien sûr, nous avons privilégié cette nouvelle, nous l’avons diffusée et nous avons été les premiers à parler de ce qui se passait au pays. Dans les heures et les jours suivants, nous avons reçu beaucoup d’informations, y compris d’une habitante de Braşov partie avec son enfant en Belgique et qui avait participé à la grève. Et bien sûr, nous avons donné à l’histoire de Braşov une envergure internationale, car nous étions en contact avec des journalistes étrangers. »

    Le 3 décembre 1987, dans un silence absolu de la part du régime, commençait le procès des 61 personnes qui s’étaient trouvées à la tête des protestataires. A part la torture physique et psychique à laquelle ils ont été soumis, ils ont été considérés comme de houligans et des déchus. Des peines de prison ferme allant de 3 à 5 ans ont été prononcées à leur encontre et ils ont été obligés d’aller s’installer dans une autre ville. Un cas à part a été celui de l’ouvrier Vasile Vieru, père de 5 enfants, qui, 9 mois après le procès, succombait au supplice infligé pendant sa détention.(Trad. : Mariana Tudose, Dominique)

  • Efforts pour débloquer les négociations sur le Brexit

    Efforts pour débloquer les négociations sur le Brexit

    Les mois à venir, Bruxelles et Londres vont accélérer les efforts pour un accord sur le Brexit. C’est la conclusion des discussions que le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et la première ministre britannique, Theresa May, ont eues, lundi, lors d’une visite en Belgique dont Downing Street dit qu’elle avait été prévue plusieurs semaines auparavant. Les agences de presse notent pourtant que l’arrivée de la cheffe du cabinet britannique à Bruxelles avait dégagé une impression d’urgence après le dernier round de discussions décevantes sur le Brexit.

    Les pourparlers, entamés peu de temps après la décision des Britanniques de quitter le bloc communautaire, sont dans l’impasse en raison des positions divergentes sur la facture à régler par Londres après son départ de l’Union. Le négociateur en chef de la Commission européenne pour le Brexit, Michel Barnier, a exprimé son regret par rapport à cet état de choses qu’il a qualifié de « très préoccupant ». « Nous avons œuvré dans un esprit constructif, nous avons éclairci certains points, mais sans avoir fait de grands pas en avant », avait récemment constaté M Barnier, à la fin de la 5e série de discussions, dans une conférence de presse avec le secrétaire d’Etat britannique pour le Brexit, David Davis.

    Les discussions ont eu lieu avant le sommet crucial de l’UE des 19 et 20 octobre, où Londres espère que les leaders européens décideront que des progrès suffisants auront été enregistrés pour ouvrir les négociations sur l’avenir des relations commerciales entre l’UE et la Grande Bretagne. Selon le projet de déclaration des leaders européens, consulté par Reuters, le Royaume Uni se verra offrir la possibilité d’ouvrir en décembre les négociations sur le libre échange, en attendant que Londres propose de meilleurs termes pour le retrait de l’UE.

    Bruxelles tient pour prioritaires trois chapitres de négociations – la « facture » du Brexit, les droits des ressortissants européens en Grande Bretagne et la situation de la frontière entre la République d’Irlande et la province britannique d’Irlande du Nord – et conditionne toute discussion sur les futures relations avec Londres d’un accord préalable à ces propos. Entre temps, au Royaume Uni, le ministre des Affaires étrangères, Boris Johnson, a eu une rencontre informelle avec ses homologues de plusieurs Etats européens. Le chef de la diplomatie roumaine, Teodor Meleşcanu, y a également participé. Il a souligné que la Roumanie maintiendrait même après le Brexit le Partenariat stratégique avec ce pays, dans l’esprit de suite qui l’anime à l’égard du maintien de l’unité européenne.

  • Le chantier à l’époque communiste

    Le chantier à l’époque communiste

    Il y avait les grands chantiers nationaux, les projets gigantesques, mais aussi les chantiers pour la construction de fabriques et d’usines, de quartiers résidentiels en milieu urbain ou autres. Parmi les grands chantiers nationaux de l’époque, il convient de mentionner les centrales hydroélectriques, les voies ferrées, la modernisation des routes, le canal reliant le Danube à la mer Noire, la route de haute montagne Transfăgărăşan, la Maison du peuple et l’aménagement urbain connu sous le nom de Centre civique de Bucarest.

    En ces temps-là, le chantier était censé montrer aux gens que les dirigeants communistes se démenaient pour la prospérité et le bonheur du peuple, que leurs toits et emploi, c’était à l’idéologie qu’ils les devaient. Pas un mot, en échange, sur le travail forcé des détenus politiques et des soldats. Le taux de fréquence des accidents du travail, les mauvaises conditions de travail, le contrôle rigoureux exercé par les organes répressifs faisaient que le chantier ressemble sur plus d’un point à un véritable camp de concentration. Pour ne plus parler de la faible performance économique et des pertes causées par le gaspillage et les vols de matériaux.

    L’historien Dinu Giurescu a travaillé pour Sovromconstrucţia, entreprise mixte roumano-soviétique qui effectuait des travaux de construction de routes. Il avait suivi des cours de spécialité, ainsi que des cours d’économie politique et de marxisme. Dans une interview accordée en 2002 au Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, l’historien raconte qu’il avait été contraint de se réorienter professionnellement et d’opter pour un poste inférieur à sa formation.

    Dinu Giurescu : « J’étais planificateur, ce qui veut dire que je calculais le rendement du travail et les salaires des ouvriers. Dans les années 1948-49, lorsque j’étais étudiant, je n’aurais jamais imaginé que j’allais devenir planificateur ou technicien. Moi, je voulais être professeur. Pourtant, je commençais à réaliser dans quelle direction allaient les choses. Comme j’étais un indésirable du régime en place, on m’a interdit de passer mon examen de fin d’études supérieures, en 1949 ».

    Le jeune intellectuel Giurescu allait donc travailler et vivre aux côtés des gens simples.

    Dinu Giurescu : « Les gens m’ont bien reçu, en général. Je ne parle pas des fonctionnaires, parce que leur monde est une véritable jungle, puisque tous les échoués politiques et sociaux y ont trouvé une place. Il y avait d’anciens officiers, avocats, magistrats, comptables etc. Je me souviens d’un certain Dumitrescu, ex-officier de la Garde royale. Quant aux ouvriers, ils étaient recrutés parmi les villageois des hameaux environnants ».

    Dinu Giurescu a également travaillé sur le chantier de construction de l’aérodrome de Bacău, objectif militaire secret, ce qui explique la haute surveillance des travailleurs.

    Dinu Giurescu : « Nous travaillions sous haute surveillance, car c’était un chantier militaire. En été, on nous envoyait des soldats des bataillons de travail. Pendant les 2 ou 3 ans de service militaire, ils ne faisaient pas d’instruction, mais travaillaient à la pelle et à la pioche. Comme ils n’avaient pas de planificateur, j’ai été chargé de planifier leur travail aussi. Je m’entendais très bien avec leur adjudant et j’aidais parfois les soldats, en déclarant qu’ils avaient respecté les normes en matière de quantité de travail fourni, ce qui n’était pas toujours vrai ».

    L’événement majeur des années ’50 a été la mort du dictateur Staline. Dinu Giurescu se rappelle qu’il se trouvait sur le chantier quand il a appris la nouvelle.

    Dinu Giurescu : « On nous a convoqués à la cantine, qui servait aussi de salle de réunion et on a lu devant nous le communiqué officiel annonçant la mort du camarade Staline, celui que l’on considérait comme le plus grand génie de l’humanité. Nous avons eu droit aussi à la lecture de l’éditorial paru dans le journal Scânteia sur ce même sujet. Ensuite, deux ou trois personnes ont pris la parole. Nous affichions tous une mine de circonstance, mais, en aparté, mon copain Grigore Ioan m’avait dit : Le bourreau est mort, on va voir ce qui va se passer. Trois ou quatre jours plus tard, je suis allé à Bucarest. J’avais rendez-vous avec un autre planificateur, Anton de son nom, qui m’attendait à la Gare du Nord. Tu sais, Clement Gotwald de Slovaquie est mort lui aussi, me dit-il. Nous espérions que certains de nos dirigeants allaient eux aussi mourir, mais cela n’est pas arrivé. »

    Disparus en 1989, avec la chute du régime communiste, les chantiers propres à cette époque ont eu une dimension répressive dominante. (Trad. Mariana Tudose)

  • La réforme de l’enseignement de 1948 en Roumanie

    La réforme de l’enseignement de 1948 en Roumanie

    Installé en Roumanie en 1945, le régime communiste a procédé en 1948 à une réforme de lenseignement, dont le but était entre autres de favoriser laccès de la classe ouvrière à léducation – en fait de cette partie de la classe ouvrière qui avait donné des preuves dobédience. Le nouveau système mis en place était fondé sur ce que lon appelait « lorigine sociale saine ». Il éliminait la vraie compétition et formait des cadres obéissants, au service du nouveau régime.





    Lingénieur Ştefan Bârlea a occupé de hautes fonctions dans les structures du parti communiste et de lEtat, faisant partie des personnes dont le régime a favorisé laccès à léducation. Pourtant, à la différence de ceux qui profitaient, sans justification, de la protection du nouveau régime politique, Bârlea était un élève éminent, qui a étudié au lycée « Gheorghe Lazăr », établissement scolaire délite de la capitale roumaine. Dans une interview pour le Centre dhistoire orale de la Radiodiffusion roumaine, il racontait en 2002 de quelle façon ces changements dans le domaine de lenseignement avaient été reçus.





    Ştefan Bârlea: « Il y a eu une facilité majeure pour les élèves de lycée, qui ont pu choisir décourter leurs études dune année ; moi, par exemple, je lai fait. Les nouvelles formes denseignement supérieur étaient ouvertes aux ouvriers, aux jeunes qui venaient directement des usines. Les écoles ouvrières, dont les cours duraient deux ans, préparaient ces jeunes après le bac et fonctionnaient auprès des universités. Ceux qui suivaient les cours dun lycée ou qui avaient terminé le lycée dune façon ou dune autre, pouvaient sinscrire à une faculté, tout en continuant à travailler. Le système a aussi mis en place des facultés dédiées aux diplômés des écoles ouvrières, qui pouvaient ainsi grimper sur léchelle sociale. La jeune génération sest montrée réceptive à cette ouverture et ça a contribué à la multiplication des organisations de jeunesse – élèves et étudiants. LUnion nationale des étudiants comptait de plus en plus de membres. Des classes préparatoires ont été organisées, ce qui a facilité laccès des jeunes à lenseignement supérieur. »





    La réforme de léducation nationale de 1948 bouleversait les valeurs de lenseignement traditionnel. Les jeunes pouvaient renoncer au bac et sinscrire à luniversité sans avoir terminé le lycée, à condition de compléter, parallèlement, cette partie de leur scolarité.



    Ştefan Bârlea : « Lorsque je me suis inscrit à la faculté, jai constaté quentre juin et septembre, quand se tenaient les examens dadmission, toutes les facultés organisaient des cours préparatoires destinés aux candidats. Ces cours étaient donnés par des professeurs des universités et des maîtres-assistants et les jeunes étaient nombreux à y participer. Cest là que jai rencontré pour la première fois des personnes issues de lécole ouvrière. Des professeurs des universités réputés y appliquaient la méthode suivante : ils écrivaient un problème de synthèse au tableau noir. Cétait valable pour les mathématiques, mais aussi pour la physique ou dautres disciplines. Le professeur demandait à la salle si quelquun souhaitait le résoudre. Le jeune qui se portait volontaire était appelé au tableau. Le professeur faisait de nombreux commentaires très utiles, faisant voyager le candidat à travers une grande partie des connaissances essentielles de la discipline respective. Ensuite, le professeur écrivait un autre problème au tableau. Si le candidat qui sy trouvait déjà ne savait pas le résoudre, il regagnait sa place et un autre candidat était appelé à le remplacer. »





    La réforme créait un nouveau type détudiant, une nouvelle atmosphère estudiantine; forger une nouvelle conscience de classe en était une des priorités.



    Ştefan Bârlea : « Tous les jeunes hommes qui arrivaient de lécole ouvrière bénéficiaient dun privilège : à lexamen oral, ils figuraient sur une liste séparée. Je ne sais pas ce qui se passait à lépreuve écrite, mais loral, ceux qui venaient de lécole ouvrière le passaient tous. Cest uniquement sils ne savaient rien, les pauvres, mais absolument rien, quils ne passaient pas cet examen. On essayait de les aider, mais cétait difficile. Le département de mécanique de la faculté de sciences a été réorganisé et nous avons été transformés en ingénieurs économistes. Là, jai rencontré beaucoup détudiants des écoles ouvrières, qui mont poussé à recréer les groupes détude, destinés officiellement aux membres de lUnion de la jeunesse communiste et des organisations de jeunesse. Ils sy connaissaient en matière dactivité syndicale et nous les avons élus dans nos syndicats. Nous devions les élire, car ils savaient mieux nous représenter. »





    La fidélité au régime était obtenue également à laide de récompenses. Et les étudiants communistes, futurs cadres du parti, acceptaient le compromis.



    Ştefan Bârlea : « Il y avait un système de bourses pour les étudiants, qui bénéficiaient de logement et de repas gratuits, ainsi que de 30 lei par mois pour des dépenses personnelles. Moi, je navais pas besoin de logement, mais les repas à la cantine étaient quand-même utiles. Je déjeunais et dînais à la cantine. Il y avait aussi des bourses de mérite, dont jai pu bénéficier après le premier semestre. Jai aussi reçu la bourse nationale attribuée à la faculté nouvellement créée. Cétait un montant de 500 lei par mois, presque un bon salaire de lépoque ! Cela ma énormément motivé. »



    La réforme communiste de léducation nationale de 1948 a mis en place des changements structurels. Bien que certaines exigences de qualité aient été réintroduites après un certain temps, lidéologie communiste a eu, en général, un impact négatif sur lenseignement en Roumanie. (Trad. Dominique)

  • Asta e viaţa ! (c’est la vie!)

    Asta e viaţa ! (c’est la vie!)

    La Roumanie est, entre autres, un pays des écarts. Rien d’insolite dans cette assertion. Certes, cette caractéristique n’est pas forcément limitée à ce pays, mais, parmi les Etats de l’UE, la Roumanie connaît des décalages particulièrement importants entre les milieux urbain et rural et même entre les différents milieux urbains, structurés par métiers. Des contrastes dont les Roumains aiment s’enorgueillir, s’il s’agit par exemple des villages où le temps semble s’être arrêté à jamais, depuis longtemps, ou bien des différences qu’ils préfèrent taire ou cacher, comme ces villes industrielles à la dérive ou en train de rendre l’âme. C’est de ces réalités, des paysans, des ouvriers, qu’on ne voit jamais dans les dépliants touristiques que parle l’exposition « Asta e viaţa ! » – c’est la vie — de deux artistes photographes — le Roumain Lucian Muntean et le Français Jonas Mercier. Une exposition ouverte jusqu’au 10 octobre, à l’espace Fabrique de l’image, à Meysse, dans l’Ardèche. Une exposition recommandée par RRI. Explications avec le jounaliste Jonas Mercier.


  • A la une de la presse roumaine – 15.04.2015

    A la une de la presse roumaine – 15.04.2015

    Dans la presse en ligne de Bucarest : débat au Parlement européen sur le maintien du MCV pour la Roumanie et la Bulgarie, le classement des dix premières destinations aériennes au départ de Bucarest, la pénurie d’ouvriers qualifiés en Roumanie.