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  • La Roumanie au sein du Pacte de Varsovie

    La Roumanie au sein du Pacte de Varsovie

    La fin de la
    Seconde Guerre mondiale retrouve une Europe exsangue, coupée en deux par ce qui
    deviendra sous peu le rideau de fer. L’on retrouve ainsi, d’une part, l’Europe
    centrale et de l’Est occupée par l’Armée rouge et qui finira par devenir une
    annexe de l’URSS, de l’autre l’Europe occidentale, démocratique, mais épuisée à
    son tour par la guerre. Une fois érigé, le mur de Berlin deviendra le symbole
    de cette cassure qui allait dorénavant séparer deux mondes opposés, qui se
    regardaient en chien de faïence. Deux mondes qui ne tarderont pas à former deux
    blocs, deux alliances militaires prêtes à s’empoigner à tout moment : l’OTAN
    à l’Ouest, le Pacte de Varsovie à l’Est.


    Occupée
    militairement par l’URSS et transformée en un pays dirigé par un régime communiste
    importé, la Roumanie adhère donc avec l’Albanie, la Bulgarie, la
    Tchécoslovaquie, l’Allemagne de l’Est, la Pologne, la Hongrie et l’URSS au
    Pacte créé à Varsovie en 1955. Le soulèvement hongrois de 1956 montre à
    profusion le peu d’adhésion que vouaient les nations occupées aux régimes communistes
    imposés par l’Union Soviétique et à l’alliance militaire dirigée par cette
    dernière.


    En 1968, le Pacte de
    Varsovie est confronté à une première défection, celle de l’Albanie. En effet,
    au plus fort de la dispute sino-soviétique, Tirana embrassera la ligne dure du
    communisme version Mao.


    1968 est encore l’année
    de l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du Pacte de Varsovie, à la
    seule exception notable de la Roumanie, dirigée déjà par Nicolae Ceausescu
    depuis 1965, et qui préfère se tenir à l’écart. Les troupes soviétiques,
    bulgares, est-allemandes, polonaises et hongroises écrasent le Printemps de
    Prague, dans leur tentative de mettre un terme aux réformes perçues comme trop
    libérales du président Alexander Dubcek. Le Pacte de Varsovie, dirigé par la
    doctrine Brejnev, soumet tout simplement les intérêts des Etats de l’Europe centrale
    et de l’Est aux intérêts soviétiques. Bucarest et Belgrade, qui manifestent certaines
    velléités d’indépendance à l’égard de Moscou craignent que l’intervention
    soviétique en Tchécoslovaquie ne soit que le début d’une mise à pas globale des
    régimes des pays « frères ». Dans une interview passée en 2002 et
    conservée par le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, le
    général de contre-informations Neagu Cosma affirme que la Roumanie s’était
    préparée en 1968 à une telle éventualité, grâce à l’infiltration de l’un de ses
    agents, un colonel polonais, au sein du commandement du Pacte de Varsovie. Neagu
    Cosma :


    « Ce
    Polonais s’était réfugié chez nous, en Roumanie, alors qu’il n’était encore qu’un
    enfant, avec sa famille, en 1939, lors de l’invasion allemande de la Pologne.
    Il suit chez nous les premières années d’école, il apprend la langue, et s’éprend
    de son pays d’adoption. La Roumanie était un peu sa deuxième patrie. Puis, un
    beau jour, autour du 20 juillet 1968, il contacte son collègue roumain, un
    certain colonel Bichel. Et il raconte à ce dernier ce qu’il avait appris, à
    savoir que Brejnev avec Andropov, le chef du KGB, et avec l’état-major de l’Armée
    Rouge préparaient l’invasion de la Tchécoslovaquie, mais aussi de la Roumanie
    et de la Yougoslavie, une invasion censée renverser les trois dirigeants qui dérangeaient
    Moscou : Dubcek, Ceauşescu et Tito. Un groupe de travail de l’état-major
    du Traité de Varsovie planchait déjà sur le sujet. En entendant cela, notre brave
    colonel Bichel était resté bouche bée. Le Polonais détailla le plan soviétique :
    l’opération devait débuter par l’invasion de la Tchécoslovaquie, celle de la
    Roumanie allait suivre deux ou trois semaines après, enfin celle de la
    Yougoslavie dans un délai similaire. Au moment où il détaillait à notre officier
    les plans soviétiques, les troupes du Pacte étaient déjà en train d’affluer
    vers la Tchécoslovaquie
    . »


    Si la Pacte de Varsovie
    semblait se mesurer à armes égales avec l’OTAN, si sur le papier les deux blocs
    militaires semblaient équilibrés en termes d’effectifs et de capacités, la
    supériorité qualitative des capacités occidentales faisait une sacrée
    différence.


    En 1994, le diplomate
    Vasile Șandru remémorait la manière dont les Etats membres du Pacte de Varsovie
    choisirent de mettre un terme à l’alliance militaire qui les avaient liées pendant
    plus de 35 ans, dans le contexte des révolutions de velours qui avaient secoué
    les pays de l’Est. Ecoutons-le :


    « La
    première réunion a été présidée par Jozsef Antal, le premier-ministre hongrois. Il y avait à l’agenda
    de la réunion notamment l’avenir de la sécurité et de la coopération européennes.
    Des questions générales si l’on peut dire. Mais le deuxième point à l’agenda c’était
    carrément la révision de la nature du Pacte de Varsovie. Et dans son
    intervention, Gorbachev commence par faire encore une fois l’évaluation de la
    situation en Europe et, face à cela, des perspectives du Pacte de Varsovie dans
    le nouveau contexte, marqué par la chute des régimes communistes. Il s’arrête
    longuement sur la situation de l’Allemagne. Finalement, rien n’a été décidé à l’issue
    de la réunion, à l’exception de la constitution d’un groupe de travail censé
    plancher sur l’avenir du Pacte de Varsovie, et qui sera basé à Prague. Mais après
    cela, c’en est fini. Il n’y a plus eu de réunion du Comité politique
    consultatif du Pacte. Il y a juste eu une dernière rencontre des ministres des
    Affaires étrangères des Etats membres qui ont signé la dissolution du Pacte. »


    L’acte de décès du
    Pacte de Varsovie fut signé le 1er juillet 1991, à Prague, après l’annonce
    du retrait de la Tchécoslovaquie, de la Pologne et de la Hongrie. La hache de
    la guerre froide était enterrée, et une nouvelle page de l’histoire de l’Europe
    était en train de s’écrire. (Trad. Ionut Jugureanu)