Tag: Palais Suţu

  • Le portrait communiste dans les collections du Musée de la ville de Bucarest

    Le portrait communiste dans les collections du Musée de la ville de Bucarest

    Le
    Palais Suțu, un des sièges du Musée de la ville de Bucarest, accueille ce
    mois-ci une exposition qui met en scène l’histoire récente de la Roumanie à
    travers le portrait, un genre de la peinture très apprécié: « Entre Gheorghiu-Dej et Nicolae
    Ceaușescu. Le
    portrait communiste dans les collections du Musée de la ville de Bucarest ».
    Gheorghiu-Dej (1901-1965) a été le chef communiste de la Roumanie de 1947 jusqu’à
    sa mort en 1965. Le dictateur Nicolae Ceaușescu (1918-1989) a été le dernier
    leader communiste de la Roumanie et le chef d’Etat de la République Socialiste de
    Roumanie entre 1967 et la chute du régime communiste, provoquée par la
    Révolution de 1989.


    L’exposition
    du Palais Suțu a pour but de présenter la diversité des visages sous le régime
    communiste. Le portrait de cette époque-là est riche de sens: il est un acte de
    mémoire des personnes représentées, mais il montre aussi un désir de grands
    idéaux. Les nouveaux héros de ces toiles sont des gens sans aucune trace de
    sang bleu.


    Cezar
    Petre Buiumaci, un des trois commissaires de l’exposition « Entre
    Gheorghiu-Dej et Nicolae Ceaușescu. Le portrait communiste dans les collections
    du Musée de la ville de Bucarest », en explique le concept :

    « L’exposition
    rassemble des ouvrages d’art plastique – peintures, gravures, sculptures d’art
    décoratif et artisanal, mais aussi photos, affiches et coupures de presse. Tous
    les éléments du culte de la personnalité aussi bien dans le cas de Gheorghe
    Gheorghiu-Dej que dans celui de Nicolae
    Ceaușescu. Cette démarche est importante parce qu’elle montre au public
    l’agression visuelle infligée à la population par la propagande politique du
    régime communiste imposé en Roumanie par Staline et l’Armée rouge. La démarche
    a aussi voulu rappeler une époque qui ne doit pas être ramenée à la vie, tout
    en montrant aux nouvelles générations un type de manifestation qu’elles
    puissent reconnaître rapidement, en cas de tentatives de la restaurer. »


    Delia
    Bran, deuxième commissaire de l’exposition, décrit les éléments de style de la
    période historique :

    « Le canon artistique de la période est ce que l’on a appelé
    le réalisme socialiste. Au temps de Gheorghe Gheorghiu-Dej, le canon en matière
    de portrait découle directement de celui de Moscou. Dans la plupart des
    portraits du leader roumain, la mise en scène ressemble à celle des portraits
    de Lénine. Les artistes roumains se voient imposer ce canon par la contrainte
    et la formation artistique, et là je pense aux comités de conseil artistique du
    début des années 1950. Par les objets exposés, nous avons voulu aussi mettre en
    lumière cette « confiscation », disons, de l’artiste par la politique
    culturelle de l’État communiste. Plus précisément, il s’agit d’un phénomène de
    mainmise sur l’artiste, d’abord à travers un canon éducatif, ensuite par les
    répartitions de fin d’études à des emplois dans des entreprises industrielles.
    Donc, quelle que fût la période, sur l’ensemble du régime communiste, l’art
    officiel a gardé, selon nous, des caractéristiques du réalisme socialiste, mise
    en œuvre par le biais de la réforme de Jdanov. L’exposition retient cette
    nature de l’art de l’époque, tout en essayant de montrer aussi le côté plus
    profond de la relation entre l’artiste et l’art officiel …. Nous souhaitons
    qu’elle soit comprise et interprétée sur plusieurs niveaux et nous espérons
    pouvoir offrir une expérience agréable à tous nos visiteurs, quel que soit leur
    âge. »


    Enfin, Nicoleta
    Bădilă, troisième commissaire de l’exposition « Entre Gheorghiu-Dej et Nicolae
    Ceaușescu. Le
    portrait communiste dans les collections du Musée de la ville de Bucarest »,
    accueillie par le Palais Suțu, passe en revue les types et les styles de
    portraits exposés :

    « L’art du portrait a toujours été flexible, prenant en
    compte les styles des époques et les exigences du bénéficiaire. À la différence
    d’autres genres artistiques, le portrait est une négociation entre l’artiste et
    le sujet, tandis que le produit final devrait être une limite posée à la
    réalité. … Vous allez retrouver dans cette exposition les ainsi appelés
    portraits d’apparat de Gheorghe Gheorghiu-Dej et de Nicolae Ceaușescu, dont
    l’objectif était de souligner les atouts de pouvoir des personnages représentés.
    Outre cela, trois thèmes artistiques, directement associés à l’image
    officielle, dominent l’iconographie officielle: les portraits de
    révolutionnaires, ceux qui montrent les visites de travail (sur le terrain) et
    les portraits associés aux réussites du régime communiste, également visibles
    dans cette exposition. »



    Rappelons
    que l’exposition « Entre
    Gheorghiu-Dej et Nicolae Ceaușescu. Le portrait communiste dans les collections
    du Musée de la ville de Bucarest » est ouverte jusqu’à la fin de ce mois au
    Palais Suţu, un des sièges du Musée d’histoire de la ville de Bucarest. (Trad.
    Ileana Ţăroi)

  • L’exposition « Raffet. Illustrations de voyage »

    L’exposition « Raffet. Illustrations de voyage »

    Le
    Palais Suțu de Bucarest, un des sièges du Musée de la ville, accueillait, à la
    mi-juin, le vernissage de l’exposition de gravures « Raffet. Ilustrații de
    călătorie/Raffet. Illustrations de voyage », consacrée au dessinateur,
    peintre et graveur français Denis Auguste Marie Raffet (1804-1860). À travers
    son œuvre, il a notamment mis en exergue l’épopée napoléonienne (les
    événements, les batailles et la vie sociale, politique et culturelle du temps
    de Napoléon Bonaparte (1769-1821). La commissaire de l’exposition, Nicoleta
    Bădilă, a expliqué le concept à la base de cette présentation des créations de
    Raffet:

    « L’exposition s’est proposé de ramener devant les regards curieux des
    visiteurs un paquet de gravures signées par l’artiste français Denis Auguste
    Marie Raffet. Les pièces faisant partie du patrimoine du Musée de la ville de
    Bucarest ont dès le début été créées comme illustrations de voyage imaginées en
    1837, durant une expédition scientifique à laquelle Raffet avait pris part. Les
    lithographies, qui suivent chaque étape de cette incursion, présentent des
    images représentatives de la Valachie, de véritables témoignages historiques
    réalisées de main de maître. »


    Nicoleta
    Bădilă propose une ébauche du portrait de Denis Auguste Marie Raffet.


    « Connu aujourd’hui pour ses gravures, Raffet a étudié la peinture à
    l’École des Beaux-Arts de Paris, mais il a préféré la lithographie. Au bout
    d’une carrière artistique étendue sur plus de trente ans, il avait créé plus de
    2000 gravures avec des techniques variées. Les scènes de combat, les uniformes
    militaires et les portraits de soldats dominent l’ensemble. Napoléon Bonaparte
    est visiblement le personnage principal de l’œuvre de Raffet, qui se penche
    aussi sur des faits historiques de première importance pour la France,
    notamment des épisodes de la Révolution française, sur des événements
    contemporains de l’artiste et sur des portraits. Ses nombreux voyages à travers
    l’Hexagone et l’Europe lui fournissent du matériel pour des compositions plus
    amples, avec des éléments géographiques en toile de fond et des scènes de genre. »


    La
    commissaire d’exposition Nicoleta Bădilă ajoute d’autres détails sur
    l’exposition ouverte au Musée de la ville de Bucarest:

    « En 1837, Raffet
    rejoint une expédition scientifique au départ de Paris et à destination de la
    Crimée, dirigée par Anatoli Demidov, un riche entrepreneur industriel russe,
    qui s’intéressait à la science. La composition de l’équipe a pris en compte les
    domaines scientifiques à la mode à l’époque. Médecins, sociologues, botanistes,
    géologues, biologistes et deux artistes ramassent des informations sur le relief,
    l’histoire, les statistiques financières, l’administration, la criminalité, les
    minerais, les sols, la météo, la population. Leur effort est à l’origine d’un
    livre en quatre volumes, qui raconte tout le voyage : « Voyage dans
    la Russie méridionale et la Crimée », publié à Paris en 1840. Le premier
    volume couvre l’étape navale du périple et les escales dans les grandes villes
    parsemées sur le trajet: Vienne, Bucarest, Odessa, Sébastopol. On y trouve des
    tas de détails sur la route elle-même, les populations, les coutumes, les
    vêtements, le système des chevaux de relais, les situations financières,
    démographiques ou sociologiques. Sachant tout de même que ces informations
    étaient superficielles et ne reposaient sur aucun vrai recensement. Ce volume
    est le seul illustré avec des lithogravures réalisées par Auguste Raffet.
    L’ouvrage coordonné par Anatoli Demidov sort en 1840, accompagné d’un album
    contenant une centaine de lithogravures de Raffet, qui viennent compléter
    l’information visuelle du premier volume. Ce sont ces gravures que présente
    l’exposition ouverte au Palais Suțu. Parmi elles, 15 représentent des images
    des Principautés roumaines – 10 de Valachie et 5 de Moldavie. Ce sont notamment
    les danses traditionnelles qui ont surpris l’artiste. Celui-ci leur dédie deux
    gravures, l’une représentant une danse du village de Cerneți, dans la région de
    Mehedinți, et l’autre – une ronde valaque jouée par des lăutari (ménétriers)
    roms et dansée par les instrumentistes du 2ème Régiment, chez le prince
    Alexandru Dimitrie Ghica. Les images représentant des paysans, engagés dans des
    activités diverses, se mélangent avec celles des grandes villes, des paysages
    naturels ou des chevaux de relais attachés à des carrosses ou charrettes. La
    Foire de la Saint Pierre, organisée à Giurgiu, sur les rives du Danube, est une
    occasion extraordinaire de montrer des gens de différentes communautés, qui
    interagissent les uns avec les autres, pour célébrer la simplicité de la vie,
    vécue par les paysans lors d’une fête. »
    , a conclu Nicoleta Bădilă, la commissaire de l’exposition
    « Raffet. Illustrations de voyage », accueillie par le Musée de la
    ville de Bucarest. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Blasons exposés au Musée de la ville de Bucarest

    Blasons exposés au Musée de la ville de Bucarest

    Le Musée de la ville de Bucarest, dont le siège central se trouve dans lune des plus anciennes résidences aristocratiques de la capitale roumaine, recèle entre autres des collections d’objets extrêmement précieux, dont certains ont appartenu à différentes familles de boyards. Ces objets, qui suscitent l’intérêt du public sont périodiquement présentés lors d’expositions à thème. Tel est le cas de l’exposition Elites et blasons du vieux Bucarest”.


    Du 18 février au 10 mai, les Bucarestois peuvent admirer, au Palais Sutu, maints objets portant des blasons de l’élite aristocratique roumaine de la deuxième moitié du XIXe siècle et du premier quart du XXe. Parmi elles, les familles Sutu, Cantacuzène, Ghika, Mavrocordato, Filipesco, Stourdza, la famille princière Cuza et la famille royale de Roumanie. Dana Nicula, commissaire d’exposition, nous parle de cette initiative: « Les objectifs de notre démarche visent à recomposer, à l’aide des armoiries, l’univers des familles nobles de Bucarest. Le public est ainsi familiarisé avec des notions telles que blason, emblème ou généalogie. Un accent particulier est mis sur le lien spécial qui existe entre le blason et son possesseur. Le fait de décorer d’armoiries les maisons, les monuments funéraires ou les objets d’usage quotidien était l‘apanage des rois et des nobles ».


    Comme le siège central du Musée de la ville de Bucarest se trouve au Palais Sutu, il est tout à faut naturel que l’on mette au premier plan cette famille noble qui a fait construire le palais au début du XIXe siècle. On y retrouvera donc nombre d’objets portant les armoiries des Sutu. Parmi eux, des objets en cristal ou en porcelaine. Dana Nicula: « Il y a par exemple un service de table en porcelaine de Sèvres, armorié, un autre en cristal de Bohème portant le blason de la famille Sutu, des verres en cristal à monogramme gravé, surmonté de la couronne princière. Le blason de cette famille est également gravé sur le fronton du palais et au dessus du miroir en cristal que l’on peut admirer dans le hall du musée. La gravure héraldique sur le fronton du palais a été exécutée sur ordre de Costache Suţu, premier gentilhomme de la chambre du prince régnant. Parmi les objets exposés figurent aussi un plateau en porcelaine de Sèvres portant l’emblème des Mavrocordato, à savoir un phénix sortant des flammes. Le blason de la famille Stourdza, soit l’auroch de Moldavie et un lion rampant portant la couronne royale, peut être admiré sur un service de table. Ces mêmes armoiries ont été utilisées par le prince Michel Stourdza. Deux assiettes en porcelaine fine ayant appartenu à la famille Cantacuzène sont armoriées, portant, au centre, le mot Zamora”. Pourquoi ce nom? Eh bien, Gheorghe Grigore Cantacuzino (Cantacuzène), surnommé le Nabab, a fait construire un palais imposant entre 1907 et 1911, daprès les plans de architecte Ion Berindei. Le palais a été dressé sur son domaine situé à Buşteni et connu sous le nom de Zamora. »


    Si vous êtes de passage dans la capitale roumaine, ne manquez pas de vous rendre au Musée de la ville, qui accueille, jusqu’ à la première décade du mois de mai, l’exposition Elites et blasons du vieux Bucarest». (Trad. Mariana Tudose)

  • Les événements de décembre 1989 et leur impact sur la société roumaine

    Les événements de décembre 1989 et leur impact sur la société roumaine

    Il y a trois décennies, la chute du communisme, qui avait commencé plus tôt dans d’autres pays de l’ancien bloc soviétique, a coûté trop cher aux Roumains, qui ont payé le changement de régime par leur propre sang. Ce n’est donc pas un hasard qu’une telle révolution a changé la conception de l’ensemble de la société sur son avenir. Et pourtant, la mémoire étant quelque chose de subjectif, chaque Roumain se souvient à sa manière de ces journées sanglantes de la fin décembre ’89.


    Le Palais Suţu de Bucarest a récemment accueilli un débat sur l’impact des archives personnelles sur l’image que les habitants de l’Europe de l’Est se sont construit au sujet des changements survenus en 1989 et sur les documents racontant la vie quotidienne de cette époque-là. Raluca Alexandrescu, maître de conférences à la Faculté des Sciences politiques de l’Université de Bucarest, fait état des principaux souvenirs que les Roumains mentionnent en parlant de décembre 89 et insiste sur la subjectivité de ces souvenirs: « Le froid, les files d’attente interminables aux magasins… Lorsque je croise des gens qui me racontent l’époque de Ceaușescu, je suis toujours éblouie, bien qu’il y ait eu plusieurs manières de la vivre. C’est justement ce qu’il faut comprendre avant toute chose, si l’on veut rédiger la mémoire de la période d’avant 1989 : notre expérience n’est pas unique et il est nécessaire de la comparer aux autres et la mettre dans le contexte des expériences des autres. A mon avis, un de nos blocages, aujourd’hui, c’est justement ce conflit permanent entre la mémoire des uns et des autres. Il y a des nostalgiques, des gens qui ont un véritable culte pour la période d’avant décembre ’89, et d’autres personnes pour lesquelles il est inconcevable de développer une telle nostalgie de l’époque de Ceaușescu et du communisme. »



    En comparant les souvenirs, un aspect récurrent fait surface : au niveau de la société roumaine, la peur était, peut-être, le sentiment le plus pesant de l’époque communiste. La Securitate, instrument de répression du régime, était devenue un ennemi à la fois invisible et omniprésent, alors que le simple geste d’exprimer publiquement ses convictions politiques était considéré par la plupart des Roumains comme une véritable imprudence. Une habitude qui persiste de nos jours encore, pour certains de nos compatriotes. Raluca Alexandrescu explique : « Dans cette atmosphère de véritable schizoïdie, nous avons grandi en apprenant qu’il n’était pas du tout indiqué de reproduire à l’extérieur ce dont on parlait chez soi. Personne ne devait le savoir. Pour ma génération, pour celle qui me précède et celle qui me suit de près, c’est un problème auquel nous sommes toujours confrontés. Nous avons appris à fonctionner dans un double système, pas seulement avec nous-mêmes, mais aussi avec l’espace public. Cela conditionne notre compréhension de la notion d’espace public et de l’implication dans l’espace public aussi. Parfois on ne s’en rend même pas compte. »



    Le moment de la Révolution a changé les consciences et a marqué à jamais la vie des survivants. La voie vers la démocratie s’ouvrait par l’annihilation de la peur. Les Roumains regagnaient ainsi un des droits les plus importants : la liberté d’expression. Raluca Alexandrescu s’en souvient : « Pour moi, l’expérience de 1989 fut directe, jusqu’à un certain moment. Je me rappelle que, le 21 décembre, j’étais en ville avec mes frères, on faisait les courses pour Noël. Ceux qui s’en souviennent savent que ce n’était qu’un prétexte pour sortir un peu de la maison. Mon frère, ma sœur et moi, nous étions Place de l’Université, où les gens avaient déjà commencé à scander les slogans anticommunistes. C’est un de mes souvenirs les plus forts : à 14 ans, moi aussi je voulais crier « A bas le communisme ! », « A bas Ceausescu ! », là, devant l’Hôtel Intercontinental, mais les sons ne sortaient simplement pas de mes cordes vocales, qui avaient carrément paralysé. J’ai toutefois commencé à crier, à l’intérieur, dans ma tête. Pour moi ce moment-là a été ma petite révolution intérieure. »


    Cette rencontre au Palais Suţu de Bucarest consacrée à la mémoire de la Révolution et à son impact sur la société roumaine actuelle a eu lieu dans le contexte où le photographe américain Edward Serotta y présentait son exposition de photographies prises au moment de la révolution anticommuniste. Il avait aussi été témoin des événements similaires qui ont eu lieu en Bulgarie, en Hongrie, en Tchécoslovaquie, en Pologne et en RDA.


    Adrian Cioflâncă, directeur du Centre pour l’étude de l’histoire des Juifs de Roumanie et membre du Collège du Conseil national d’étude des archives de la Securitate, explique le contexte dans lequel ce photographe américain a réussi à contourner la Securitate : « Edward Serotta bénéficie de plus de liberté de déplacement que par exemple, Anne Applebaum (journaliste et écrivaine américaine) qui arrive en 1989 en Roumanie aux côtés d’un journaliste de la BBC, étant tous les deux accueillis à l’aéroport par les agents de la Securitate, munis d’immenses talkie-walkie, dans une tentative de les intimider, et qui les ont empêchés de rencontrer des dissidents ou de visiter les principaux endroits de la dissidence anticommuniste. Pratiquement, ces deux journalistes n’ont pas réussi à voir grand chose, car partout ils se heurtaient aux agents de la police politique. Dans le cas dEdward Serotta, la Securitate est tombée dans un piège, car M Serotta se disait intéressé surtout par les communautés juives de Roumanie et par la mémoire de l’Holocauste. Il était à la recherche de différents documents roumains datant de l’entre-deux-guerres



    Les photos de la révolution anticommuniste de Roumanie et de d’autres pays libérés du communisme prises par Edward Serotta ont fait la Une des grands journaux britanniques et américains. Elles peuvent être admirées au Musée de la ville de Bucarest jusqu’au 19 janvier 2020 dans le cadre de l’exposition «1989 — l’année où l’Europe est redevenue elle-même », organisée en partenariat avec le Forum culturel autrichien. Une exposition qui parle non seulement de la chute du communisme, mais aussi et surtout de la réapparition de l’idée de liberté dans le mental collectif. Depuis, la société roumaine subit un processus continu de reconfiguration des perceptions, des mentalités et des manières de garder vive la mémoire. (Trad. Valentina Beleavski)



  • À la découverte du Bucarest d’hier

    À la découverte du Bucarest d’hier

    Trecut-au anii, « les années
    ont passé » : c’est le nom d’une exposition de photos qui se tient
    tout le mois de septembre au palais Sutu de Bucarest. Les visiteurs sont invités
    à découvrir des lieux de la ville photographiés dans les années 90, et en 2018.
    L’exposition est organisée par l’association Bucurestiul meu drag, en
    partenariat avec le palais Sutu et le musée de la ville de Bucarest.


    À quoi ressemblait la ville juste
    après la Révolution ? Qu’est-ce qui
    a changé ? Est-ce que c’était vraiment mieux avant ? Autant de
    questions que cette exposition pose à ses visiteurs. Un reportage de Ninnog Louis.

  • Le Musée des Ages

    Le Musée des Ages

    Inauguré en 1921, le Musée de la Ville de Bucarest, occupant un palais en style néogothique du centre-ville, figure parmi les endroits incontournables d’une visite de la capitale roumaine. Construit de 1833 à 1836, à l’initiative du boyard Grigore Suţu, le Palais homonyme, abritant le musée susmentionné, porte la signature de deux architectes viennois. Après avoir figuré dans un premier temps parmi les édifices les plus beaux jamais dressés à Bucarest, le palais a commencé petit à petit à perdre de sa gloire jusqu’au point où son propriétaire décida de le louer à la municipalité avant de le vendre à l’administration locale durant la Seconde Guerre mondiale.

    A part le Palais Suţu, le Musée de Bucarest occupe également plusieurs autres édifices dressés notamment au cœur du centre historique de la capitale. Il s’agit pour la plupart de maisons ayant appartenu à des personnalités de marque de l’histoire roumaine, telles le savant Victor Babes ou encore le médecin Nicolae Minovici. Par son patrimoine et ses expositions permanentes, le Musée de la Ville de Bucarest met en lumière les grands événements de l’histoire de la municipalité.

    Mais voilà que le Musée a décidé de se consacrer aussi au quotidien des habitants de Bucarest à travers différentes époques historiques, en inaugurant à ce titre le Musée des Ages.

    Avec pour moto «Depuis l’enfance jusqu’à la sénescence», ce musée est un projet d’anthropologie urbaine qui, à part différents aspects renvoyant à l’anthropologie culturelle, a choisi de se consacrer également à l’évolution du corps humain à travers le temps. Ainsi, les visiteurs ont l’occasion d’apprendre les différences de taille et de poids entre les humains, selon l’époque vécue. Et ce n’est pas tout. Dans l’une des dix salles d’exposition qu’abrite la Maison Cesianu-Filipescu de l’Avenue Victoriei, on y a reconstitué, en première, une salle d’accouchement en miroir pour voir comment un tel endroit se présentait il y a un siècle et comment il est de nos jours. Un parallèle dressé entre 1912 et 2012, possible grâce au coup de main offert aussi bien par la Maternité Filantropia que par un collectionneur particulier qui, ensemble, ont doté cette salle de différents instruments.

    Pourtant, malgré la nouveauté complète d’une telle démarche, le Musée des Ages reste un espace non conventionnel qui privilégie plutôt l’interaction que la reconstitution, affirme le directeur de l’institution, Adrian Majuru: «C’est une exposition consacrée à la vie domestique, au parcours humain depuis la naissance et jusqu’à la fin. C’est pourquoi elle a comme devise «Depuis l’enfance jusqu’à la sénescence». Mais, il convient de préciser qu’à part la chronologie historique, ce musée présente aussi l’évolution du confort domestique à travers les âges. On parle donc de l’évolution de la technologie. De nombreux objets sont apparus ce dernier siècle dont plusieurs peuplent déjà notre quotidien. Du coup, on a considéré opportune l’idée de créer des vitrines thématiques pour y exposer des objets issus de notre patrimoine ou bien offerts par les habitants de la ville. On a, par exemple, une vitrine consacrée au temps actif, à la façon dont le jour a dernièrement avancé au détriment de la nuit. Ou une autre qui met en lumière la façon dont la technologie a facilité le rapprochement entre homme et femme. Je vous rappelle que jadis, il nous arrivait d’attendre même trois ans entre les fiançailles et le mariage. Maintenant, on peut faire une demande en mariage au bout de trois jours seulement. Le vocabulaire a changé et l’Internet y est pour beaucoup.»

    Aux dires de son directeur, le Musée des Ages fait figure à part parmi les autres musées de Bucarest et de Roumanie: «60% de l’espace d’exposition demeure interactif au détriment d’une manière classique de présentation. A part la reconstitution d’intérieurs pour 4 époques historiques différentes, le reste de l’espace est interactif. Le musée présente aussi des prévisions historiques à travers les âges. Il suffit de monter à l’étage où un documentaire inspiré d’une interview accordée par l’historien Neagu Djuvara invite à faire une comparaison entre le Bucarest d’il y a 40 ans et celui de nos jours. Et puis, le musée se consacre aussi à l’avenir. On encourage nos visiteurs à nous faire part de leurs opinions, cela nous intéresse vraiment».

    Un musée particulièrement intéressant, et qui vous réserve même une surprise : un logiciel qui permet d’apprendre comment sera votre visage dans plusieurs dizaines d’années. Bonne visite ! (Trad. Ioana Stancescu)