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  • Le portrait du pèlerin 2013

    Le portrait du pèlerin 2013

    Chaque année, à la mi-octobre, des centaines de milliers de personnes se dirigent vers la ville de Iaşi, pour le fête de Sainte Parascève, ensuite, le 26 octobre, vers Bucarest, pour la Saint Démètre. D’autres lieux s’ouvrent aux pèlerins tout au long de l’année : Nicula, dans le comté de Cluj, pour la Sainte Marie, Prislop, dans le département de Hunedoara, fin novembre et les monastères de Bucovine, tous les jours de l’année.



    Les télévisions ne ratent pas le sujet et d’un endroit à l’autre et d’une année à l’autre, les nouvelles se ressemblent : foules, plats traditionnels, espoirs, un peu d’hypocrisie, petits miracles et thé chaud, gendarmes et personnes venues de tous les coins du pays.


    Qu’est-ce qui pousse tous ces gens-là à se diriger vers les églises et les monastères ? Pourquoi s’empressent-ils autour des châsses contenant les reliques des saints ? Pourquoi les Roumains font-ils des pèlerinages ?



    Voilà quelques questions auxquelles le chercheur Mirel Bănică tâche de réponde depuis plusieurs années : « D’habitude, le pèlerin est une femme de plus de 60 ans, le plus souvent elle est retraitée, et sa situation financière est modeste. Ses enfants sont partis, souvent le mari est décédé. Elle vit seule et de temps en temps, elle part en pèlerinage avec un groupe de voisines ou d’amies. Le plus souvent, elle prend l’autobus ou le minibus, c’est pourquoi, je les appelle, non sans une certaine malice, « pèlerins d’autocar ». Le pèlerin traditionnel, rural est bien mort. C’est que les villages sont vieillis, dépeuplés, touchés par la migration. La belle pèlerine qui se rendait en charrette dans un lieu saint, avec ses enfants, avec ses frères et ses sœurs, pour la fête patronale d’un monastère, par exemple, est en voie de disparition. Une nouvelle couche de pèlerins est en train de se former, provenant notamment des villes mono-industrielles».



    De longues filles d’attentes se forment devant les églises ou les monastères et pour arriver devant une châsse abritant les reliques d’un saint, les pèlerins doivent y passer entre 3 et 28 heures. Cette attente — affirme le chercheur — est une composante importante du pèlerinage orthodoxe, qui, à la différence du pèlerinage catholique, s’étend plutôt dans le temps que dans l’espace. Dans les files d’attente, les gens se serrent les uns contre les autres, plaisantent, rient, prient, partagent leur nourriture. Ils s’ouvrent aux autres, ouvrent leurs cœurs, racontent leurs petits drames et ce qui les amène en pèlerinage.



    Vu de l’extérieur, ce serpent fait de corps humains et qui se plie pour suivre le couloir délimité par les clôtures environnantes peut sembler comique — estime Mirel Bănică : « A la regarder de loin, une file d’attente devant une église ou un monastère semble comique, on pleure de rire. Quand on se rapproche et on l’intègre, devant tous ces drames intérieurs, toutes ces destinées, toutes les histoires de la vie de ces gens, on pleure, tout court. Et ces drames, ce sont les drames de la Roumanie d’aujourd’hui : des gens qui cherchent le sens de leur existence, des gens ayant dépassé la soixantaine et qui ont vécu les années du communisme et qui ne savent plus où le classer sur le plan des idées et des valeurs. Nous y décelons une Roumanie déchirée par la migration, pauvre, malade… Pourtant, surprise ! Dans ses enfilades on retrouve aussi des jeunes travaillant dans de grandes compagnies ou qui gagnent très bien leur vie. Pour eux, le pèlerinage est soit un exercice de développement personnel, soit une occasion de vaincre leur peur de la fatigue ou du froid…



    Les raisons pour lesquelles les gens font un pèlerinage sont très diverses. La plus importante est de nature taumaturgique, ils cherchent la guérison. Ils sont malades et ne vous imaginez pas qu’ils n’ont pas suivi un traitement médical, la plupart ont eu recours à la médecine classique. Il y a ensuite des personnes qui viennent prier pour leurs proches ou pour eux-mêmes. Pour les personnes âgées, c’est une forme de socialisation : ils chantent, ils se détendent, ils s’amusent — nous ne devons pas avoir honte de ce mot. L’Eglise a une tendance à spiritualiser au maximum le pèlerinage. Eh non ! Les pèlerins sont des gens normaux, ils ne sont pas des fondamentalistes à longue barbe, ni des saints qui battent de leurs ailes. Non, ce sont des gens comme vous et moi, qui font ce voyage ensemble, ils prient, ils lisent, ils mangent. Et ce sont là des formes de socialisation qui augmentent la qualité de leur vie.



    Imaginez à quoi peut ressembler l’existence d’une personne seule, retraitée, vivant seule au 8e étage d’un immeuble dans un quartier pas du tout huppé de Bucarest. Ce sont des gens qui viennent par curiosité, ils viennent une fois, ça leur plaît et ils viennent une deuxième fois. C’est que les pèlerinages, ça crée une dépendance.



    Qu’est-ce qui crée, en fait, cette dépendance ? Si vous êtes jamais allé à un concert sur un stade, vous saurez avec précision quel est le principal ingrédient : l’émotion. Une émotion sacrée, cette fois-ci — explique Mirel Bănică : « C’est l’état de bien-être — à valeur thérapeutique — du sacré. On ne peut pas le décrire par des mots, il faut le vivre. Les gens se sentent libres, affranchis de toute barrière, de toute entrave et expriment sans contrainte leurs sentiments. L’émotion remplit l’espace et cette charge émotionnelle intense lie les gens. Vous ne pouvez pas imaginer ce que l’on peut ressentir quand on entend 80 mille personnes chanter « A Nicula en haut de la colline » à minuit, des cierges allumés dans leurs mains. C’est une émotion sacrée que l’on ne ressent dans aucune autre assemblée de ce genre. »



    Il n’est pas facile de rester debout des heures entières, très proche de « son prochain ». C’est peut-être justement la fatigue physique ou peut-être l’adrénaline qui s’accumule dans l’organisme qui font que les pèlerins ne ressentent pas le poids du temps. Et lorsqu’ils se trouvent, enfin, près de la châsse, l’émotion balaie, tout simplement, la réalité environnante : « On ne peut jamais rien obtenir sans donner quelque chose en échange. Et ceux qui font la queue savent que cette brève souffrance physique est une sorte d’offrande symbolique faite à une divinité qu’ils ne peuvent pas voir, ne peuvent pas sentir, mais à laquelle ils croient. S’ils vous arrive de parler à ces personnes, vous constatez qu’elles ne se rappellent pas très bien ce qui se passe durant ces secondes devant la châsse… soit ils sont très fatigués, soit le passage devant la châsse entraîne une décharge émotionnelle : ils pleurent, certains de tristesse, d’autres de joie ou de fatigue. Ils mettent du temps à retrouver leurs esprits, en sortant de là. »



    Et pourtant, chaque année, ils recommencent. Nous avons demandé à notre interlocuteur, Mirel Bănică, de résumer en quelques mots le phénomène du pèlerinage, qu’il considère comme essentiel pour comprendre la société dans son ensemble : « C’est la réponse d’une partie significative de la société roumaine aux changements si rapides qui ont eu lieu après 1989. Le pèlerinage prouve que grand nombre de nos concitoyens tentent de donner un sens à leur vie. Il crée un sens au cœur d’un monde qu’ils ne comprennent plus, où il ne réussissent plus à s’intégrer et dont ils sont mécontents. Nous ne savons pas comment cette forme de spiritualité va évoluer, elle connaîtra peut-être ses périodes de grandeur et de décadence. »



    Le week-end dernier, le parfum du pèlerinage a flotté de nouveau sur la colline de l’Eglise métropolitaine à Bucarest: basilic, fatigue, sueur, parfum bon marché, chants, nuit, obscurité, gendarmes, barrières, plats traditionnels succulents, médias, réflecteurs, avenir, communisme, nostalgie et, de nouveau, avenir… (trad. : Dominique)

  • Portretul pelerinului

    Portretul pelerinului

    În fiecare an pe 14 octombrie, sute de mii de oameni pornesc în pelerinaj spre Iaşi, de ziua Sfintei Parascheva, apoi spre Bucureşti, pe 26, de ziua Sfântului Dumitru. Mai sunt pelerinaje şi în restul anului, la Nicula, în judeţul Cluj, de Sfântă Mărie, la Prislop în Hunedoara la sfârşit de noiembrie, sau în orice zi din an, la mânăstirile din Nordul Moldovei. Televiziunile nu ratează subiectul şi de fiecare dată, ştirile sună cam la fel. Înghesuială, sarmale, speranţe, puţină ipocrizie, mici miracole, ceai cald, jandarmi, oameni veniţi din toate colţurile ţării. Ce-i mână pe toţi aceşti români spre mânăstiri? De ce se înghesuie să pupe raclele în care se odihnesc mici fragmente din trupurile sfinţilor? De ce se duc românii în pelerinaj? Cine sunt cei ce revin în fiecare an? Acestea sunt câteva dintre întrebările la care cercetătorul Mirel Bănică încearcă să răspundă de câţiva ani. Începem cu portretul pelerinului.



    E femeie, are şaizeci şi ceva de ani, de multe ori a ieşit la pensie, are o stare materială nu fabuloasă, dar copiii au plecat, uneori soţul a murit, e singură acasă şi împreună cu un grup de vecine sau de prietene merge la pelerinaj. De multe ori utilizează autobuzul sau microbuzul, de aceea i-am botezat poate puţin maliţios pelerini de autocar”. Pelerinul tradiţional, rural, a murit la propriu. Satele sunt îmbătrânite, depopulate, atinse de migraţie, ceea ce ne imaginăm noi despre frumoasa pelerină care venea cu căruţa cu copiii, cu fraţii, cu surorile, veneau la pelerinaj la hramul mânăstirii, e în curs de dispariţie. Dar se ridică o nouă pătură de pelerini, mai ales pelerini din oraşe monoindustriale, care au avut o industrie şi nu mai au.”



    Statul la rând durează între 3 ore şi 28 de ore. Statul la rând, spune cercetătorul, e o componentă importantă în pelerinajul ortodox, care, spre deosebire de cel catolic, se întinde în timp mai mult decât în spaţiu. Oamenii se înghesuie unii în alţii, glumesc, râd, se roagă, împart mâncarea pe care o au la ei. În timp, se deschid unii către alţii, îşi povestesc micile drame şi ce îi aduce acolo. Văzut din afară, şarpele acesta alcătuit din trupuri, unduindu-se pe culoare delimitate de garduri, poate părea comic, spune Mirel Bănică. “Rândul de la pelerinaje dacă îl vezi de la distanţă e comic, râzi cu lacrimi. Când intri în rând şi vezi dramele interioare, toate acele destine şi toate acele poveşti de viaţă, plângi, tot cu lacrimi. Când intri în interior încep dramele interioare, pe undeva dramele României de astăzi. Oameni care caută un sens al existenţei lor, oameni de 60 şi ceva de ani care au trăit sub comunism şi care nu mai ştiu ce să pună în locul comunismului, pe planul lor de idei, de vederi şi valori. Vedem o Românie sfâşiată de migraţie, săracă, bolnavă, dar, surpriză, veţi vedea şi tineri corporatişti sau oameni care lucrează şi care îşi câştigă bine existenţa în România de astăzi, care vin acolo ca un exerciţiu de dezvoltare personală sau pentru a-şi învinge teama de oboseală, de frig… Motivaţiile pentru care oamenii vin la pelerinaj sunt extrem de diverse. Este cea taumaturgică, de vindecare, sunt oameni bolnavi care să nu credeţi că nu au suferit un tratament medical înainte, marea majoritate apelează la medicina clasică. Apoi mai sunt oameni care pur şi simplu vin să se roage pentru cei din jur, copii, nepoţi, pentru ei înşişi chiar. Pentru cei în vârstă sunt forme de sociabilitate pelerină, cântă, se distrează, nu trebuie să ne fie ruşine de acest cuvânt. Biserica are tendinţa de a spiritualiza la maxim pelerinajul… Ei nu, pelerinii sunt nişte oameni normali, nu-s nici nişte fundamentalişti cu bărbi, nici nişte sfinţi care dau din aripioare. Nu, sunt oameni ca noi care merg împreună, se roagă, citesc, mănâncă — toate astea sunt forme de sociabilitate care le cresc calitatea vieţii. Imaginaţi-vă cum e să fii singur, pensionar, într-o garsonieră de la etajul 8 din cartierul Titan. Sunt oameni care vin din pură curiozitate, vin o dată, le place şi apoi vin şi a doua oară pentru că pelerinajele dau dependenţă.”



    Ce anume crează această dependenţă? Dacă aţi fost vreodată la un concert pe stadion, veţi şti exact care este ingredientul principal: emoţia. Dar o emoţie sacră, explică Mirel Bănică. “E starea de bine terapeutic a sacrului, care nu poate fi descrisă în cuvinte, trebuie să o experimentezi. Oamenii se simt liberi, neîngrădiţi de nimic şi dau glas sentimentelor aşa cum simt. E o mare cantitate de emoţie care pluteşte în aer, o încărcătură emoţională imensă care îi uneşte pe oameni. Nu vă închipuiţi cum e să simţi 80.000 de oameni care încep să cânte La Nicula-n deal” la ora 11-12 din noapte cu lumânări aprinse în mâini. E o emoţie sacră pe care n-o simţi în orice altă mare adunare de acest gen”.



    Nu e uşor să stai în picioare cu orele, foarte aproape de aproapele tău”. Tocmai oboseala fizică sau poate adrenalina ce se adună în organism face ca timpul să nu-i apese pe pelerini. Şi când în sfârşit ajung lângă raclă, emoţiile şterg realitatea înconjurătoare, pur şi simplu. Nu poţi obţine nimic din nimic. Cei care stau la rând ştiu că această suferinţă fizică de scurtă durată e un fel de răsplată simbolică, dată unei divinităţi pe care nu o pot vedea, nu o pot simţi, dar în care cred. Cei cu care vorbeşti nu-şi amintesc prea bine ce se întâmplă în acele secunde prin faţa raclei… fiind foarte obosiţi, în general trec prin descărcări emoţionale când trec prin faţa raclei, plâng, unii de tristeţe, unii de bucurie, unii de oboseală, îşi revin foarte greu după ce ies de acolo.”



    Şi cu toate astea, în fiecare an, o iau de la capăt. L-am rugat pe Mirel Bănică să concentreze în câteva cuvinte fenomenul pelerinajului, despre care el spune că e semnificativ pentru înţelegerea societăţii în ansamblu: Este răspunsul unei părţi însemnate din societatea românească la schimbările atât de rapide care au avut loc după 1989. El arată cum mulţi dintre concetăţenii noştri încearcă să dea sens vieţii lor. Pelerinajul produce sens în mijlocul unei lumi pe care ei n-o mai înţeleg, în care de multe ori nu se mai integrează şi care îi nemulţumeşte. Nu ştim cum va evolua această formă de spiritualitate, s-ar putea să aibă momente de mărire şi de decădere.”



    În acest week-end, la Bucureşti, pe dealul Mitropoliei va pluti în aer poezia pelerinajului: miros de busuioc, oboseală, transpiraţie, parfum ieftin, cântec, noapte, emoţie, negru, jandarmi, bariere, sarmale foarte bune, mass-media, reflectoare, viitor, comunism, nostalgie şi iarăşi viitor..