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  • Le film documentaire Timebox de Nora Agapi, dans la course aux Prix Gopo

    Le film documentaire Timebox de Nora Agapi, dans la course aux Prix Gopo

    Le film documentaire « Timebox » de Nora Agapi a remporté le trophée du meilleur documentaire d’Europe centrale et de l’Est dans la section « Between the Seas », « Entre les mers », au Festival international du film documentaire de Jihlava. Pour motiver son choix, le jury s’est dit touché par la profondeur avec laquelle la réalisatrice a exploré l’importance de la mémoire, tout comme par la vision artistique et la force narrative. Malgré un fil narratif extrêmement personnel, le film soulève des questions qui dépassent l’histoire proprement dite. Timebox figure parmi les cinq nominations à la 14ème édition des Prix Gopo des meilleurs documentaires.

    Prévu fin mars, l’événement a été reporté en raison de la pandémie mondiale de coronavirus.Le film raconte l’histoire d’Ioan Matei Agapi, un charismatique réalisateur de film documentaire âgé de 80 ans. Vivant à Iasi, celui-ci détient toute une collection de films en 16 mm qui couvre presqu’un demi-siècle d’histoire roumaine. Dans un premier temps, Nora Agapi a souhaité faire un film sur ces riches archives que son père détenait. Mais elle se ravise et change d’angle à partir du moment où les autorités locales réclament à son père de déménager sinon il sera évacué.

    La réalisatrice Nora Agapi sur son film Timebox :« Dès le départ, j’aimerais préciser que ce film porte sur mon père. C’est lui qui m’a influencée pendant toute ma vie. Il est un caractère très fort, comme l’affirment tous les jeunes auxquels il a enseigné, à sa manière, les secrets de la photographie et du film. Pourquoi je dis à sa manière ? Parce que mon père a essayé de voir au-delà de la photographie pour se préoccuper de la philosophie et des aspects hilares de la vie. Il a un sacré sens de l’humour. Et puis, il est aussi quelqu’un de très courageux pour qui la vie a été une sorte de spectacle. Donc, l’idée de départ a été de faire un film sur mon père. Mais ce ne fut pas facile. Je me trouvais très proche du sujet. Du coup, j’ai choisi de me pencher notamment sur l’espace dans lequel j’ai grandi et sur la façon dont mon père s’y rapportait. Dans le film, mon père est aussi bien pédagogue que réalisateur. Il ne supporte pas le mot cinéaste, et donc je m’en méfie aussi. Mon père reste un excellent documentariste, qui maitrise à merveille les techniques de composition et de tournage sans qu’il se prenne pour un artiste. Dans un premier temps, je n’ai pas voulu apparaitre dans mon film, parce que le film ne devait pas porter sur moi. Sauf que voilà, au moment où l’on se penche sur son père, inévitablement on finit par parler de soi-même aussi ».

    Nora a démarré son projet en 2011, mais peu de temps après, en 2012, elle s’est rendu compte qu’elle devait changer d’approche afin que son film ne raconte pas que l’histoire du père, mais aussi celle de la maison familiale. Cet espace qui abritait toutes les archives et d’où Ioan Matei Agapi s’est vu contraint de déménager sous la pression des autorités. « L’histoire est assez complexe, mais bon, pour faire court, je vous dis que dans un premier temps, mon père avait loué un espace dans un grand édifice pour y garder ses archives et pouvoir mener ses activités pédagogiques. Cet espace, il a fini par le transformer en son chez soi. Or, après 1990, il n’a pas eu le droit d’en devenir propriétaire, puisque l’endroit, connu sous le nom du Palais Braunstein, était un édifice de patrimoine. Du coup, il a continué à payer des frais de location. Sauf qu’en 2012, sans aucun préavis, la Municipalité a envoyé une lettre à mon père pour le sommer de déménager. Il a porté plainte et quatre ans durant, il a subi la torture psychologique d’un combat contre un système obtus qui s’est montré complètement indifférent face à un senior de 80 ans ayant contribué à sa manière à l’histoire de la ville. Mon film se construit autour de ce combat sans qu’il prenne la forme d’un documentaire social. N’empêche, je pense que par son parcours, mon père devient le symbole d’une lutte que nombre d’entre nous sommes tenus de mener contre toutes ces choses que l’on désapprouve, contre l’esprit souvent étroit de ceux qui nous entourent. Mon rêve fut justement de mettre en lumière tout ce travail de mon père, en sortant de leurs boîtes ses films qu’il a précieusement gardés. »

    A part le trophée du Festival de Jihlava, le palmarès de Timebox est complété par une mention spéciale du jury accordée en 2019 au Festival international du film Transilvania et le prix du meilleur documentaire dans la section Balkan Dox du festival Dokufest IDFF du Kosovo.(trad. Ioana Stancescu)

  • Mos Gerila – Grand-père Gel

    Mos Gerila – Grand-père Gel

    Célébrée depuis les débuts du christianisme par une combinaison de rites païens et chrétiens, Noël – la naissance du Seigneur – et les autres coutumes liées au début de la nouvelle année ont été accompagnées, le long des temps, de traditions différentes. Linstallation dune coutume, lapparition dun nouveau rituel ou dun symbole relève aussi des valeurs partagées par la société à un moment donné de son histoire. Par exemple limage de Noël en famille sest développée plutôt récemment dans lhistoire et relève, selon des études historiques et sociologiques, des valeurs de lépoque victorienne, dans le contexte de lindustrialisation de la Grande Bretagne.



    Dans les Principautés roumaines, le sapin orné est arrivé de lespace allemand, avec la modernisation entamée dans les années 30 du XIXe. Quant au Père Noël, son apparition est encore plus récente. En tout cas, les coutumes modernes qui accompagnent les rites religieux et traditionnels liés à la naissance du Seigneur, les mettant parfois dans lombre, nétaient pas très ancrées dans cet espace avant linstallation du communisme. Or ce régime a imposé une manière différente de passer les fêtes. Lintention était deffacer la mémoire du passé et de faire en sorte que les gens vivent dans la nouvelle société avec une série de « traditions » à la mesure de lidéologie communiste. Ces transformations ont été réunies dans un livre intitulé « Du Grand-père Gel à Santa Claus. Un regard sociologique sur Noël ».



    Son auteure, Ozana Cucu-Oancea, parle des plans des communistes : « Rien na été laissé au hasard ni na été fait de façon brutale. Ils savaient que lon ne pouvait pas anéantir une fête complètement. Ils nont pas souhaité éliminer la Noël de la vie des gens parce quils savaient que le peuple était attaché à ces symboles. Leur tactique sest donc ciblée sur un changement de sens de certaines traditions, ils ont visé à gommer la dimension religieuse dune fête et muter ses éléments composants. Par exemple, le sapin de Noël et la figure du Père Noël ont été transformés et mués en une fête laïque. Les communistes ont essayé de faire sortir cette fête du cadre familial et de lemmener dans lespace public, la transformant, en fait, en une festivité. Le Père Noël ne venait plus à la maison, pour laisser les cadeaux sous le sapin, il venait à la fabrique ou à linstitution où travaillaient les parents. Ou encore dans la Petite ville des enfants, ou à la Maison de la culture, donc dans des espaces publics. Telle était leur tactique ».



    Les Petites villes des enfants, en fait des parcs dattractions, continuent dexister aujourdhui en Roumanie. Lintention des communistes, lorsquils les ont créées, était dassocier les fêtes dhiver à une fête publique, au milieu du collectif, et de détruire la dimension strictement familiale. Le Père Noël a lui aussi connu une transformation. Il a été remplacé par Grand-père Gel. Personnage importé de lURSS, il était vêtu de bleu, pas de rouge, et ne venait plus dans la nuit du 24 au 25 décembre, mais dans la nuit du Nouvel an. La Fête de la République a été introduite, le 30 décembre, pour muter vers cette dernière laccent qui était auparavant mis sur le 25 décembre, le 30 décembre était en fait le jour de labdication forcée du roi Michel en 1946.



    Ozana Cucu-Oancea fait état du nouveau calendrier communiste des fêtes de fin dannée: « Laccent a migré des dates de Noël (qui dure trois jours selon la tradition orthodoxe), les 25 et 26 décembre étant décrétés jours ouvrables, le seul jour férié était le 1er janvier. Si Noël était un jour en semaine, les gens devaient aller travailler, donc seuls les enfants et les personnes âgées pouvaient encore aller à léglise. En fait, les Roumains ont doublé les fêtes. Ils ont continué à fêter Noël en famille, comme dhabitude, et ils participaient, en parallèle, aux fêtes communistes dhiver ».



    Ce dédoublement était pratiqué tant à la ville, où les gens se souvenaient encore du Père Noël, mais aussi à la campagne, qui préservait certaines traditions religieuses et populaires. Malgré tout, la propagande communiste a aussi atteint son but. Ozana Cucu-Oancea: « Lindustrialisation sest produite plus tard que dans les pays occidentaux, donc limage du sentimentalisme victorien de Noël nétait pas très répandue avant larrivée du communisme. Cela, uniquement dans lespace urbain et seulement au niveau des classes supérieures. Il na pas réussi à se propager davantage et il nétait nullement connu à la campagne. De ce fait, très peu de gens de la campagne se souvenaient encore du Père Noël. Pendant que jétais étudiante et que jallais beaucoup dans les villages, jai été surprise de connaître beaucoup de paysans qui avaient vécu toute leur vie avec lidée que cest le Grand-père Gel qui arrive en fin dannée, et non pas le Père Noël à Noël ».



    Après ce dédoublement du temps du communisme, à compter de 1990, les Roumains sont passés rapidement à la variante contemporaine de fêter Noël : de manière consumériste, diraient certains. (trad.: Ligia Mihaiescu)