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  • Dan Barbilian/ Ion Barbu – mathématicien et poète de renom

    Dan Barbilian/ Ion Barbu – mathématicien et poète de renom

    Elles ne sont pas nombreuses, les personnalités capables de se hisser aux plus hauts niveaux de création ou de performance dans des domaines différents et même apparemment opposés. Le mathématicien et poète Dan Barbilian / Ion Barbu en fut une de ces personnalités, qui est entré dans l’histoire de ses deux passions, les mathématiques et la poésie. Le mathématicien Dan Barbilian et en même temps le poète Ion Barbu est né avec un talent unique pour les sciences mathématiques et pour l’art poétique, mais il a dû travailler dur pour mettre en valeur ce talent.

     

    Naissance d’un génie des sciences et de la littérature

     

    Dan Barbilian a vu le jour en 1895 dans la petite ville de Câmpulung Muscel, dans une famille de magistrats, et il est décédé en 1961 à Bucarest. Sa passion pour les mathématiques se manifeste dès les premières années d’école et durant les années de lycée il commence à collaborer à la revue « Gazeta Matematica », dans les pages de laquelle se sont exprimées les vocations des plus importants mathématiciens roumains. C’est également à cette époque que se manifeste sa passion pour la poésie, mais ses débuts littéraires se produiront plus tard, en 1919, dans la revue « Sburătorul ». Dan Barbilian a étudié les mathématiques d’abord en Roumanie, à l’Université de Bucarest, et ensuite, après la fin de la première guerre mondiale, il continue ses études entre 1921 et 1924, en Allemagne, à Göttingen, Tübingen et Berlin. En 1929, il obtient son doctorat en mathématiques sous la coordination de son professeur de Bucarest, le mathématicien Gheorghe Țițeica, et déroule une intense activité scientifique, y compris des participations à des congrès internationaux. A la Faculté des Sciences de Bucarest, il enseigne l’algèbre, la géométrie, la théorie des nombres, la théorie des groupes, l’axiomatique. Il donne aussi des cours à des universités de l’espace germanophone. Une procédure concernant  les espaces métriques sera appelée « les espaces de Barbilian » et une autre contribution ouvrira la voie de la recherche dans la géométrie des anneaux. Il compte aussi parmi les fondateurs de la standardisation de la géométrie algébrique.

     

    Opportunités  éducationnelles pour un jeune talentueux

     

    Le mathématicien et écrivain Bogdan Suceavă a remarqué les opportunités éducationnelles dont un jeune aussi talentueux que Dan Barbilian avait bénéficié dans une Roumanie en train de se construire selon des modèles européens :

    « Dan Barbilian a gagné le concours organisé par Gazeta matematică en 1912 et, chose très intéressante, j’en ai trouvé une mention dans la base de données de l’American Mathematical Society. Il faut vraiment que ce soit quelqu’un d’important pour que le nom y soit mentionné en lien avec un certain chapitre des mathématiques. Barbilian est en lien avec le 51C05, la géométrie des anneaux. Il a introduit les espaces qui portent son nom en 1934, mais au début il a tout simplement été un gagnant du concours de la Gazeta matematică, en 1912. Il a ensuite étudié à Göttingen avec David Hilbert, Emmy Noether, Edmund Landau, et il a laissé une œuvre littéraire intéressante dans la littérature roumaine. Il a eu des contributions importantes dans le domaine de l’algèbre, en 1943 il publie une approche axiomatique de la mécanique, qui est passée un peu sous les radars. Après son entraînement de départ autour de la “Gazeta matematică”, il s’est avéré en fin de compte un créateur de mathématiques du plus haut niveau. »

     

    Pendant tout ce temps, le mathématicien Dan Barbilian écrivait de la poésie sous le nom de plume Ion Barbu, une anagramme de son nom de famille. En tant que poète, il s’est approché du critique littéraire Eugen Lovinescu et de son cénacle « Sburătorul ». Un autre critique littéraire, Tudor Vianu, qui s’est lié d’amitié avec Barbu durant leurs années de lycée, consacre un volume à l’analyse de la poésie du mathématicien. Selon Vianu, la création poétique d’Ion Barbu connaît plusieurs période: d’abord, jusqu’en 1925, celle dite « parnassienne » inspirée par la poésie parnassienne française ; ensuite la période de la ballade orientale, inspirée d’auteurs roumains tels qu’Anton Pann ou des textes qui parlent du personnage Nastratin Hogea ; enfin, la période hermétique, appelée ainsi par ses exégètes à cause de la codification des significations poétiques employées par Ion Barbu. De nos jours, deux des poèmes écrits par Barbu ont une notoriété particulière ; il s’agit de « Riga Crypto și lapona Enigel » et « După melci », ce dernier ayant été mis en musique par le chanteur-compositeur Nicu Alifantis en 1979.

     

    Souvenirs de jeunesse

     

    La lecture des notes de Dan Barbilian a fait découvrir à Bogdan Suceavă une description littéraire d’un grand effet des souvenirs du mathématicien et poète :

    « Dans les années 1950, il écrivait ceci à propos du concours de 1912: <Le problème porte l’empreinte d’Ion Banciu, membre de la commission d’algèbre, cher et inoubliable grand professeur.> Barbilian laisse parler ses sentiments, quand il en a envie. <A part mon père, ai-je rencontré quelqu’un d’autre qui croie en moi et qui m’aide autant? Țițeica ne possédait ni l’élan, ni la chaleur humaine, ni la générosité de Banciu. Je veux rester l’élève de Banciu et ensuite de Felix Klein et de Richard Dedekind, et d’aucun autre.> Là il est quelque peu injuste, car Țițeica l’a massivement aidé, mais je crois qu’il n’était pas très tendre avec lui. Il lui imposait des délais et Barbilian n’aimait pas du tout ça, je pense. Il n’aurait pas pu se conformer aux deadlines. <Qu’est-ce que j’ai pu écrire dans mon épreuve? La très bonne appréciation de Țițeica pour l’algèbre m’a étonné. M’en suis-je sorti avec tous ces calculs numériques? Si le détail de l’épreuve écrite m’échappe, je retrouve l’atmosphère de cette salle poussiéreuse de l’Ecole des Ponts et chaussées, ainsi que de l’après-midi quasi nordique et de sa lumière polarisée. Si je revis aujourd’hui encore l’examen écrit de géométrie, passé dans la matinée, j’ai gardé un souvenir plutôt hypnotique de l’examen écrit d’algèbre.> N’oublions pas que ces examens étaient passés le même jour, ce que je ne ferais pas de nos jours. On peut donc comprendre cette sensation d’oubli de soi, d’atmosphère hypnotique, quand on passe un tel concours. Mais l’intensité d’un examen écrit de mathématiques demeure, en 1912, plus tard, toujours. Ce qui est intéressant c’est la manière dont il décrit cette expérience quatre décennies plus tard… c’est quelque chose de remarquable. »

     

    Le mathématicien Dan Barbilian et poète Ion Barbu a prouvé que les frontières entre les différents domaines n’étaient pas fixes et que les passions pouvaient être complémentaires. Car l’être humain est fait de raison et de sentiment. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Le dossier médical du poète national roumain Mihai Eminescu

    Le dossier médical du poète national roumain Mihai Eminescu

    Mihai
    Eminescu a été l’un de ces esprits qui ont marqué à jamais l’histoire de la
    littérature et de la culture roumaine. Poète, prosateur et journaliste fécond,
    il fut affublé du titre officieux mais tant convoité de poète national. 150 ans
    après sa mort, il demeure, encore et toujours, la personnalité culturelle
    plébiscitée par une majorité de Roumains. Le jour anniversaire de sa naissance
    est par ailleurs devenu le jour de la culture roumaine. En 2006, lors d’un jeu
    télévisé intitulé « Grandes personnalités de la culture roumaine » et
    organisé par la télévision publique, le nom de Mihai Eminescu avait occupé la troisième
    place après le vote des téléspectateurs. C’est dire combien le poète de génie,
    qui vécut au milieu de XIXe siècle, entre 1850 et 1889, avait
    durablement marquée de son empreinte la mémoire collective des générations de
    Roumains. Mais le grand poète fut rongé à la fin de sa vie par une maladie
    neurologique incurable, qui eut raison de lui à seulement 39 ans et dont la
    nature fait toujours débat dans les milieux médicaux et parmi les historiens de
    la littérature roumaine.









    dans la paisible ville moldave de Botoșani, septième enfant d’un inspecteur de
    Finances, Mihai Eminescu débuta dans le monde littéraire à 16 ans, alors qu’il
    était encore élève de lycée. On le retrouve ensuite étudiant en droit et en
    philosophie à Vienne, puis à Berlin, avant qu’il ne rentre au pays, pour travailler
    en tant que bibliothécaire, enseignant suppléant, inspecteur scolaire, mais
    aussi journaliste prolixe dans la rédaction de Timpul / Le Temps, journal
    conservateur en vogue à l’époque. En parallèle, Mihai Eminescu démarre une
    brillante carrière littéraire, dont le poème à 98 strophes intitulé « Luceafarul
    / Hypérion » demeure encore aujourd’hui le symbole du génie de la
    littérature roumaine. Une carrière interrompue brutalement, à seulement 33 ans,
    en 1883, année où la maladie dont il semblait souffrir lui enlève ses capacités
    d’expression.








    Des
    générations successives d’historiens littéraires se sont penchées sur les
    origines et la nature de cette maladie, d’autant plus que les médecins qui avaient
    cherché à le guérir à l’époque ne s’étaient jamais concertés sur un diagnostic
    certain. Aujourd’hui, le professeur en médecine Octavian Buda, de l’université
    de médecine « Carol Davila » de Bucarest, également psychiatre auprès
    de l’Institut de médecine légale « Mina Minovici », se penche à
    nouveau sur le cas du patient Mihai Eminescu, après avoir récemment fait partie
    d’un collectif de spécialistes ayant eu à cœur de réexaminer le dossier médical
    du célèbre patient.






    Octavian Buda : « Le professeur en médecine Irinel Popescu et l’historien littéraire et
    membre de l’Académie Eugen Simion avaient pris l’initiative de réunir un
    collectif de spécialistes qui réexaminent le dossier du célèbre patient. L’équipe
    était en outre formée de psychiatres et de neurologues. Pour ma part, j’avais réalisé
    une introduction à la pathographie, cette science qui a pour but de déceler les
    maladies d’après l’écriture du patient et l’analyse médicale de sa biographie.
    Car, vous savez, une maladie neurologique marque de son empreinte le parcours
    du patient. À partir de là, se pose la difficile question du lien entre
    l’individu, de chair et d’os, et son œuvre, entre sa biographie et son œuvre. »








    À
    l’été 1883, Eminescu est hospitalisé pour la première fois, avec le diagnostic
    de « manie aigüe », dans le bien connu hôpital des maladies mentales « Mărcuţa »
    de Bucarest. Ce sera le premier internement d’un long et pénible parcours de
    patient.






    Octavian Buda pense que, de nos jours, le
    diagnostic que les psychiatres poseraient à un tel patient serait celui de troubles
    bipolaires : « Le docteur Ion Nica, qui avait écrit un ouvrage intitulé
    « La structure psychosomatique d’Eminescu » dans les années 1970,
    s’était d’ores et déjà essayé dans cette approche. Un pathologiste, le médecin
    Ovidiu Vuia, l’avait également suivi à l’époque. Pour ma part, je présume des
    troubles bipolaires. Car l’on remarque une succession de périodes
    d’effervescence créative exceptionnelle, mais accompagnées d’épisodes
    biographiques plutôt agités, et entrecoupées de périodes dépressives caractérisées.
    Les éléments biographiques qui se trouvent en notre possession suggèrent une
    instabilité mentale chronique, et la succession d’internements qu’il subit, à
    partir de 1883, à Mărcuţa d’abord, à l’hospice « La charité » du
    docteur Şuţu ensuite, en témoigne. C’est dans ce dernier hospice qu’Eminescu
    est d’ailleurs décédé. »








    Le docteur
    Buda dénonce cependant le traitement que les médecins de l’époque avaient fait
    subir à leur célèbre patient. Des médecins que l’on peut cependant
    difficilement accuser d’erreur médicale, compte tenu de l’état des
    connaissances médicales de l’époque.






    Octavian Buda : « Est-ce que la maladie
    avait empiété sur les capacités créatrices du grand poète, sur son génie ?
    J’en doute. Il est possible que la maladie les ait, au contraire, mieux révélées.
    Mais la grande question demeure celle du traitement qu’on lui avait prescrit à
    l’époque, par le docteur Şuţu et par ses autres médecins traitants. Car si le
    diagnostic demeure discutable, mais l’on pourrait s’accorder là-dessus à la
    limite, la grande question qui demeure est celle-là. Tout porte à croire qu’Eminescu
    a été traité au mercure, couramment utilisé comme sédatif à l’époque, en ignorant
    tout de ses effets adverses. Or, le mercure pris en quantité s’avère être un
    élément extrêmement toxique et je crains fort que ce traitement n’a fait
    qu’empirer l’état du patient et accélérer l’issue fatale de la maladie. Ce
    n’est que bien plus tard que la science allait comprendre combien
    l’intoxication au mercure provoquait des lésions neurologiques fatales. »







    Mihai
    Eminescu demeure pour sûr la grande figure tutélaire de la culture roumaine
    moderne. Sa mort prématurée a constitué un sujet de supputations diverses pour
    ses contemporains, ce qui ne risque pas de s’arrêter aujourd’hui. (Trad. Ionuţ
    Jugureanu)

  • Ștefan Augustin Doinaș

    Ștefan Augustin Doinaș



    Poète, essayiste, traducteur, membre de lAcadémie roumaine et homme politique, Ștefan Augustin Doinaș, dont on vient de marquer le centenaire de sa naissance, est notamment connu pour son poème « Mistrețul cu colți de argint/Le sanglier aux crocs dargent », longtemps étudié en cours de roumain par les élèves de Terminale.



    Ștefan Popa, qui sest choisi le nom de plume Ștefan Augustin Doinaș, est né le 26 avril 1922, dans une famille aisée, dans le département dArad (ouest) ; il sest éteint le 25 mai 2002 à Bucarest, à lâge de 80 ans. Durant ses années de lycée, dans la ville dArad, il se familiarise avec les œuvres décrivains roumains importants des XIXe et XXe siècles, tels que Vasile Alecsandri, Dimitrie Bolintineanu, Mihai Eminescu, Tudor Arghezi, ainsi quavec celles de poètes français, comme Stéphane Mallarmé et Paul Valéry. En 1941, il se rend à Sibiu, pour suivre les cours de médecine de lUniversité de Cluj, qui y avait trouvé refuge après 1940, lorsque le nord de la Transylvanie avait été cédé à la Hongrie. Mais il arrête les études de médecine et se tourne vers la Faculté des Lettres et de Philosophie, dont il obtient le diplôme final en 1948. Ștefan Augustin Doinaș enseigne le roumain entre 1948 et 1955, lorsquil abandonne la carrière enseignante et déménage à Bucarest. En 1956, il rejoint la rédaction de la revue « Teatru ». En 1957, il est condamné à un an de prison, ce qui lui fait perdre son emploi et lui vaut aussi une interdiction de publier, qui dure jusquen 1963. Après la prison, il réussit à se faire embaucher à la revue « Lumea », grâce à lintervention de George Ivașcu, un homme de culture influent de lépoque. En 1969, Ștefan Augustin Doinaș rejoint la rédaction de « Secolul 20 », une des meilleures revues littéraires de Roumanie, à laquelle il restera lié jusquà la fin de sa vie. Entre 1964 et 2000, il a publié treize recueils de poèmes existentialistes, six volumes de critique littéraire et dessais, deux livres de littérature pour enfants, une pièce de théâtre et un volume de prose.



    Le poète et historien de la littérature Ion Pop a rendu hommage à la personnalité de Ștefan Augustin Doinaș, précisant que celui-ci pouvait inventer un langage poétique en sappuyant sur la rigueur des sciences exactes et sur la liberté dun jeu sans contraintes. « À une première vue, la création poétique de Ștefan Augustin Doinaș semble très éloignée du monde du jeu, que de nombreuses voix considèrent comme un espace dédié à des activités libres et dépourvues de responsabilité envers le sérieux existentiel. Doinaș est lui aussi un artisan raffiné du verbe et son image, retenue dès ses débuts par la mémoire du lecteur, a été plutôt celle dun auteur de vers soumis aux rigueurs classiques, strictement contrôlées du point de vue intellectuel. Lui, il est « lhomme au compas », selon le titre dun de ses livres importants. »



    Ștefan Augustin Doinaș a également été un traducteur réputé, à qui lon doit trente volumes de poèmes traduits en roumain. Il a traduit deux chefs-dœuvre de la littérature universelle, « Faust » de Johann Wolfgang Goethe et « Ainsi parla Zarathustra » de Friedrich Nietzsche, ses traductions étant considérées comme des monuments de recréation des deux œuvres en roumain. Par ailleurs, les livres de Ștefan Augustin Doinaș ont été traduits en une dizaine de langues européennes, dont le français, langlais, lallemand, litalien et lespagnol. LAcadémie roumaine lui a ouvert ses portes en 1992.



    Ștefan Augustin Doinaș a fait partie dune génération de Roumains traumatisés par le régime communiste. Il sy est confronté tout de suite après linstallation de ce régime en Roumanie, à la fin des années 1940, lorsque ses parents ont été qualifiés de « chiaburi », équivalent des « Koulaks » en URSS, cest-à-dire des « exploiteurs des paysans », selon lidéologie marxiste-léniniste. Lannée 1957 apporte un grand changement dans la vie de Ștefan Augustin Doinaș. Après la mort de Staline en 1953, Doinaș, comme tous les Roumains dailleurs, sattendait à de grands changements qui ne se sont pas produits. Après la liquidation de la révolution anticommuniste de Hongrie, en 1956, Ștefan Augustin Doinaș est arrêté le 3 février 1957 et il est condamné à un an de prison pour « non-dénonciation ». Il avait reçu la visite de lécrivain Marcel Petrișor, qui avait parlé de la révolution anticommuniste hongroise et dune éventuelle solidarisation des Roumains avec les changements mis en place de lautre côté de la frontière. Arrêté et torturé, Petrișor avait avoué aux enquêteurs les noms de ses interlocuteurs. Après la chute du régime communiste en 1989, lopinion publique roumaine allait apprendre que le prisonnier politique Ștefan Augustin Doinaș, lui-même victime dune dénonciation, avait à son tour dénoncé deux autres écrivains, Ion Caraion et Ion Omescu, arrêtés en 1957 également en lien avec la révolution de Hongrie ; Doinaș avait été le témoin à charge. Mis en liberté une année plus tard, Ștefan Augustin Doinaș épouse Irinel Liciu, danseuse à lOpéra de Bucarest, le 8 avril 1958. Leur mariage allait durer 44 ans. En 2002, quelques heures après le décès du poète, Irinel Liciu avale le contenu dune boîte de somnifères et se donne la mort.



    Ștefan Augustin Doinaș sest aussi impliqué dans la vie politique. Après 1989, il a signé des dizaines darticles de presse anticommunistes virulents et il a adhéré au Parti de lAlliance civique. Il a rempli un mandat de sénateur de 1993 à 1996. (Trad. Ileana Ţăroi)




  • Le poète et l’éditeur français, Eric Poindron

    Le poète et l’éditeur français, Eric Poindron

    Editeur, écrivain « hors normes, échappant aux canons conventionnels de la
    modernité, du contemporain et de l’actualité littéraire », d’après le site
    Poéziabo, poète (son recueil « Comme un bal de fantômes » a été élu
    meilleur recueil de poésie 2017 par La Cause littéraire) et créateur de « cabinets
    de curiosité » en France, Eric Poindron est présent ces jours-ci à Iaşi,
    dans le nord-est de la Roumanie, dans le cadre de l’édition 2022 du « Printemps des poètes ». Prix Topor
    de l’éditeur et du poète pour l’ensemble de son travail et lauréat en 2020, du
    Prix Nerval de poésie, Eric Poindron s’entretient par téléphone, avec Ioana
    Stancescu.

  • La maison musée « Mihai Eminescu » d’Ipoteşti

    La maison musée « Mihai Eminescu » d’Ipoteşti

    Nous pénétrons dans la maison de Mihai Eminescu, le poète national de la Roumanie, maison qui se trouve dans le village d’Ipoteşti. Une fois sur place, le touriste a l’occasion d’admirer des objets ayant appartenu à la famille Eminovici, comme la boîte à bijoux de la mère du poète, la boîte de maquillage du poète de la période où il jouait dans des pièces de théâtre, de la vaisselle en argent, des armoires en bois de rose ainsi que de nombreux livres. Notre guide d’aujourd’hui est la muséographe Elena Smaranda Berescu.



    « Cette maison a été détruite en 1924, les derniers propriétaires n’ayant pas réussi à l’entretenir. C’est ainsi que deux reconstructions ont eu lieu. La première a été réalisée entre les années 1934-1936. C’était une belle maison, solide, mais qui ne correspondait pas aux plans initiaux. Ainsi, après beaucoup d’insistances de la part des « eminescologues » et des autorités locales, la deuxième reconstruction a été décidée. Les travaux ont débuté en 1976 et la maison a été inaugurée en juin 1979. Sa forme actuelle respecte intégralement le projet original. La maison dispose de trois chambres, d’un hall, d’un salon, d’un cabinet pour le père, qui servait auparavant de chambre à coucher pour lui puis pour le dernier nouveau-né. Il y avait aussi la chambre des filles. Les garçons quant à eux dormaient dans un autre bâtiment qui n’existe malheureusement plus aujourd’hui. »



    La famille Eminovici, nombreuse, était aisée. Les deux époux, Raluca et le dignitaire Gheorghe Eminovici, ont eu onze enfants : sept garçons et quatre filles. Pourtant, dans le salon ne figurent que sept photos, ajoute Elena Smaranda Berescu, muséographe.



    «Quatre de leurs enfants n’ont pas été photographiés, car ils sont morts prématurément. Dans le salon de la famille, on peut voir des photos de cinq garçons et deux filles au-dessus du piano, Aglaia et Harieta. Aglaia est la seule à s’être mariée, c’est pourquoi elle n’était que de passage à Ipoteşti. Harieta est celle qui est restée le plus longtemps à Ipoteşti, car à 5 ans elle a développé un handicap moteur suite à une poliomyélite. Elle y a passé presque toute sa vie, en ne déménageant à Botoșani que vers la fin. C’est aussi à Botoșani qu’elle a pris soin de notre poète dans ses dernières années de vie. Dans le salon, vous pouvez observer la table de la famille, avec les six chaises enveloppées de cuir de Cordoue. Dans les vitrines on remarque aussi quelques petites cuillères retrouvées dans les fondations de l’ancienne maison. Celles-ci portent le initiales « RE » pour la mère ainsi que les initiales du poète et de son frère, Matei. À côté du poêle et dans le cabinet du père on retrouve des morceaux de terre cuite d’une couleur plus claire. Ces fragments ont aussi été retrouvés dans les fondations de la maison et ont ensuite été réutilisés dans la structure des poêles à bois d’après le modèle original. »



    Dans le cabinet du père se trouvent encore son bureau et son encrier, la chaise et la boite métallique dans laquelle le dignitaire rangeait ses documents. Ce cabinet servait auparavant de chambre à coucher des parents et du dernier nouveau-né. Elena Smaranda Berescu précise :



    « Parmi les cinq photos des garçons exposées dans le salon, vous reconnaîtrez celle du poète Mihai Eminescu. La première photo, la plus emblématique, fut prise à ses 19 ans, en 1869, pendant un voyage à Prague. Dans le cabinet vous verrez des photos de lui prises à différents âges: à 24, 28, 34 et 37 ans, deux ans avant sa mort. À côté de ses photos se trouvent celles de ses parents, nés dans des villes et des milieux sociaux tout à fait différents. La mère était issue de la haute société. Fille d’un haut dignitaire, elle est née dans un village du département de Botoşani. Elle avait une dot assez importante – de 2500 pièces d’or. Le père est né dans le département de Suceava, dans une famille nombreuse et modeste. C’est de là que lui est venue son ambition d’atteindre le même niveau financier que celui de Raluca. Il a réussi en obtenant un poste important. C’était un rang princier obtenu par décret, qui impliquait la perception des impôts sur l’alcool. Grâce à cette fonction, il put acquérir 420 hectares. Dans la maison se trouve également un petit corps de mobilier où l’on garde toujours quelques exemplaires de la grande bibliothèque familiale, la troisième ou la quatrième plus importante de Moldavie. Cette bibliothèque se trouvait dans le salon. Par ailleurs, dans le hall se trouve le coffre de dot de la mère, fabirqué à la main en bois de chêne, à Florence. On disait de tels coffres que plus ils étaient richement et joliment sculptés, plus ils montraient que la jeune fille provenait d’une famille fortunée. »



    Mentionnons que cette rubrique a été réalisée avec l’aide du Département des relations interethniques du Gouvernement roumain.


    (Trad. : Rada Stănică)

  • Le Musée Nichita Stanescu de Ploiesti

    Le Musée Nichita Stanescu de Ploiesti

    C’est dans une petite ruelle de la ville de Ploieşti, à une soixantaine de kilomètres de Bucarest, que se trouve, dans le quartier du « Marché serbe », au fond d’un jardin, à l’ombre de quelques arbres, la maison- musée Nichita Stănescu. Poète de génie, considéré par certains critiques comme le poète phare du XXe siècle, Nichita Stănescu, auteur des « Non-paroles », selon le titre d’un de ses volumes, est né en 1933 dans cette maison coquette aux murs blancs et à l’architecture spécifique au département de Prahova. Mort prématurément à l’âge de 50 ans, Nichita Stănescu est resté dans la mémoire collective et dans celle des habitants de la ville de Ploieşti comme un véritable sorcier des mots et des phrases. Davantage sur ce sorcier de la plume qui a malheureusement quitté ce monde en 1983, avec Ioana Roşu, conservatrice du patrimoine :

    « Je voudrais rappeler qu’à Ploieşti, les gens s’enorgueillissent de dire que leur ville a fourni à la Roumanie non seulement des ressources importantes d’or noir, mais aussi des valeurs artistiques et littéraires telles le dramaturge Ion Luca Caragiale, le comédien Toma Caragiu ou encore le poète Nichita Stănescu. La Roumanie a commencé à lui rendre hommage depuis 1986, année de la première édition du Festival de poésie homonyme, organisé chaque année le 31 mars, jour de la naissance de Nichita. En 2000, la maison familiale du poète a été achetée par le Ministère de la Culture, ce qui nous a permis d’y aménager le musée, en aidant le poète à rentrer chez lui, dans la maison où il est né. On a eu de la chance car à l’époque, sa sœur, Mariana, était toujours en vie et elle nous a conseillés pour arriver à refaire l’ambiance de sa maison familiale. »

    Dans les minutes suivantes, Ioana Roşu nous invite à une incursion dans l’univers de la famille Stănescu et de l’enfance du poète :

    « Nous avons exposé plusieurs manuscrits, des données biographiques, des photos, des diplômes que Nichita Stănescu s’est vu remettre, mais à part tout cela, la maison refait l’univers de l’enfance du poète. On y trouve la chambre à coucher du petit Nichita, avec son nounours qui trône sur le lit. On y trouve son bureau et son piano dont il jouait en rentrant de l’école. Tous ces objets ayant appartenu à la famille Stănescu nous ont été généreusement offerts par Mariana, la sœur du poète et la gardienne de ce patrimoine familial. Il convient de préciser que son frère a décidé d’emménager à Bucarest pour y passer dans un premier temps sa jeunesse et, plus tard, toute sa vie de poète, sans changer pourtant d’adresse sur sa carte d’identité. Parmi les objets offerts par la sœur de Nichita, les plus précieux sont des livres dédicacés et les prix – dont deux sont particulièrement importants, à savoir le prix Herder décerné en 1976, à Vienne, pour son volume « 11 Elégies », et le prix décroché en 1982, lors des Soirées de poésie de Struga, en Macédoine du Nord, et consistant en une jolie couronne en or exposée dans une armoire avec vitrine et que les visiteurs aiment bien admirer. Je suis certaine que ce prix a été convoité par de nombreux autres poètes, mais ce fut Nichita qui l’a obtenu. A part ces deux prix, il en reste beaucoup d’autres, car chacun de ses volumes de vers a été primé par l’Union des écrivains de Roumanie.Dans son enfance, Nichita Stănescu avait une gouvernante, Ana Silaghi. Elle était chargée de son éducation et de ses sorties. A six ans, il commence à apprendre à jouer du piano. Sa mère, Tatiana Stănescu, a remarqué que le petit Nichita avait l’oreille musicale. Un constat tout à fait vrai, puisque même Nichita disait plus tard, dans un entretien à la radio dans les années 1975, que s’il n’avait pas emprunté la voie de la poésie, il serait certainement devenu un grand musicien. Surtout qu’il a bénéficié de toutes les conditions nécessaires, notamment du soutien maternel. Sa première poésie date, selon sa mère, de l’époque où il était à la maternelle. C’était un jour d’automne et Tatiana se trouvait dans la cour, en train de faire cuire de la marmelade quand elle a entendu son fils balbutier quelque chose. Elle lui a demandé de dire à haute voix ce qu’il était en train de murmurer, elle a pris un bout de papier et a tout noté. Des années plus tard, elle lui a montré ce premier poème en rimes et d’une rythmicité surprenante pour un gamin. Il était un enfant futé, le jeune Nichita. A l’école, son prof de maths écrivait des épigrammes. Il a donc compris le talent du gamin et même si les maths n’étaient pas le point fort de Nichita, il s’en est inspiré pour écrire plus tard ses poésies La leçon du cube, La leçon du cercle ou encore Géométrie. Véritable signe de feu selon l’astrologie, ce Bélier a eu une enfance heureuse jusqu’au moment où les Américains ont bombardé les raffineries de Ploieşti et la famille s’est vu contrainte de fuir la maison et de se réfugier ailleurs. Par chance, la maison a échappé aux bombes et la famille a pu y revenir. Pourtant, des images de cette période néfaste sont restées figées dans la tête du garçonnet dont les poèmes reprennent souvent le symbole du soldat ou de l’arbre en feu. »

    A la fin de notre visite, Ioana Roşu a précisé :

    « J’espère avoir réussi à vous convaincre que cette maison-musée est un endroit accueillant dont la visite vaut le coup. Une fois sur place, de nombreux visiteurs affirment avoir le sentiment que le poète se cache quelque part et qu’il pourrait même être leur guide. Nichita a mené une vie intense. Il est mort très jeune, mais dans les 50 années de sa vie, il a vécu plus profondément que d’autres ne le feraient en 150 ans d’existence. C’est tout ce qui compte », a ajouté Ioana Roşu, conservatrice du patrimoine à la Mason-musée Nichita Stănescu de Ploieşti. (Trad. Ioana Stancescu)

  • L’univers domestique du poète George Bacovia

    L’univers domestique du poète George Bacovia

    Ce poète symboliste enchante aujourdhui encore ses lecteurs par ses vers simples et tristes qui illustrent si bien la mélancolie quils arrivent même à lembellir. Sa survie mondaine a dépendu surtout de sa femme Agatha, grâce à laquelle la petite maison musée George et Agata Bacovia existe de nos jours. Sur sa création et sur son emplacement à la périphérie de la capitale, écoutons Lelia Spirescu, muséographe au Musée national de la littérature roumaine à Bucarest :



    « Cétait un « quartier démocrate » comme le poète aimait lappeler. Cétait un quartier ouvrier, une partie de ce monde de la pauvreté. Il ne sagissait pas du tout dhabitants aisés. On a limpression que ce lieu a été spécialement créé pour lui. Eh bien, George Bacovia avouait à un moment donné que presque lintégralité de ses souvenirs – tant de son enfance que de sa vie adulte – étaient liés à la ville de Bacău. Toutefois, ce fut dans cette demeure quil a emménagé en 1933, aux côtés et grâce à son épouse, Agatha Grigorescu. Ce fut elle qui a réussi à la faire construire, par le biais dun crédit accordé par la Maison des enseignants, une sorte dunion professionnelle. La maison fut construite en temps record, cest-à-dire en un mois, et les travaux furent réalisés sous la coordination dAgatha Grigorescu en personne. Comme je le disais, cette demeure semble avoir été spécialement créée pour George Bacovia. Il était une personne assez solitaire, introvertie, maladive, fragile tant du point de vue physique que psychique. Il a souffert pas mal de dépressions aussi. Et en revanche, Agatha a été une optimiste, une battante tout au long de sa vie. Il est vrai quelle navait pas le choix. Elle a soutenu le poète toute sa vie, et même après sa mort. Ce fut elle qui a souhaité que sa mémoire littéraire soit vivante pour toujours, et cest pourquoi elle fit don de cette demeure à lEtat ; cétait un musée dès 1958, une année après la mort du poète. »



    Même sil avait passé une grande partie de sa vie à Bucarest, George Bacovia a été marqué plutôt par sa ville natale, Bacău (est de la Roumanie). Dailleurs, son pseudonyme littéraire est issu justement du nom de cette ville Bacău – Bacovia. Lelia Spirescu :



    « Le poète George Bacovia est né à Bacău le 17 septembre 1881 dans une famille de marchands qui avaient beaucoup denfants. 11 enfants sont nés dans la famille du poète dont le vrai nom était Gheorghe Andone Vasiliu, mais que nous connaissons sous son pseudonyme littéraire de George Bacovia. Son premier contact avec la ville de Bucarest date de 1903, lorsquil sinscrit à la Faculté de Droit. Par la suite, il allait se retirer de la faculté de Bucarest après trois ans pour sinscrire à celle de Iasi, études quil achève en 1911. Il fait des aller-retours entre Bucarest, Bacau et Iasi. Son épouse est née à Mizil, au comté de Prahova, le 8 mars 1895 et na pas eu une vie facile. Sa mère est décédée quelques jours après laccouchement, alors que son père est mort lorsquAgatha avait 15 ans. Elle a eu aussi deux autres sœurs. Elle fut élevée par sa famille élargie et a fait la connaissance du poète George Bacovia en 1916. Agatha Grigorescu fut à son tour poétesse. Diplômée de la Faculté de lettres et de philosophie, elle a enseigné la langue et la littérature roumaines. Elle a également été professeur remplaçant de français. Ses débuts littéraires remontent à 1923, année de la publication de son volume « Harmonies crépusculaires ».



    Avec un caractère diamétralement opposé à celui du poète, Agatha a assuré à George Bacovia tout lappui matériel et psychologique dont celui-ci avait besoin. Elle a fait construire la maison bucarestoise pour quelle abrite et protège le poète, et cétait une demeure censée la représenter, affirme Lelia Spirescu :



    « Cette maison est extrêmement modeste, tranquille, paisible, elle combine des dénergies tant de la part dAgatha que de George, tellement atypiques tant pour Agatha que pour Bacovia. La luminosité de limmeuble nous fait penser à loptimisme dAgatha, alors que George Bacovia sidentifie avec la modestie et la couleur sombre des meubles. Ces énergies se font sentir de nos jours encore. Les deux semblent être près de nous lorsque nous visitons cette demeure. »



    Avec seulement trois pièces et quelques petites annexes, la maison musée George et Agatha Bacovia est remplie dobjets personnels du couple : meubles, livres, appareils de radio, toiles, mais aussi le violon dont le poète aimait jouer. Lelia Spirescu :



    « Il a aimé en égale mesure le dessein et la musique. En fait, ce fut pour ses dessins quil a été primé pour la première fois dans sa vie. Cétait en 1899, une année à double signification pour George Bacovia. Cest en 1899 quil débute dans la revue « Literatorul », publiée par le poète Alexandru Macedonski, et ce fut la même année quil obtenait le premier prix du concours national de dessin artistique et de nature. La musique a été une autre passion de George Bacovia. En fait, cétait sa première passion, celle qui a rempli son âme et quil a découverte dès son enfance, lorsquil était membre de lorchestre de lécole. Au collège, il a même dirigé cet orchestre avec une tel sens de la musique que son professeur lui a même conseillé de suivre les cours du Conservatoire. Ce ne fut pas le cas, puisque Bacovia a choisi la poésie, tout en restant fidèle à la musique. Il a aimé le violon toute sa vie, ce fut son instrument préféré. Je crois quil ne pouvait même pas choisir un instrument qui puisse mieux résonner avec ses sentiments. Et je citerais le poète qui disait : « Au début, jai fait de la musique et selon les cordes du violon, jai écrit des vers ».



    Après le décès de Bacovia, limmeuble dans lequel il a vécu et tout son patrimoine est devenu « collection dutilité publique », gérée par lépouse du poète et par leur fils. Après le don fait à lEtat en 1966, limmeuble est transformé en maison musée.


  • Radu Bata, poète et traducteur franco-roumain

    Radu Bata, poète et traducteur franco-roumain

    Le poète et traducteur franco-roumain Radu Bata revient sur le devant de la scène littéraire avec Le blues
    roumain, « une anthologie imprévue de poésies roumaines », parue chez
    les éditions Unicité. « Dû au
    hasard des rencontres sur les réseaux
    sociaux », comme son auteur se confesse, le volume réunit 100 poèmes
    de 57 poètes roumains, toutes périodes confondues, en laissant de côté toute
    hiérarchie, pour offrir aux lecteurs seulement « l’émotion et le
    plaisir » que la poésie provoque. Comment l’idée d’un tel volume lui est-elle venue, ce sera à Radu Bata
    lui-même de détailler au micro de RRI.

  • «La distance entre moi et moi» …

    «La distance entre moi et moi» …

    Un film dune heure trente qui arrive à retracer lhistoire dune vie complexe, en accompagnant dans le même temps son héroïne, Nina Cassian, dans le questionnement des choix quelle avait faits dans la vie.



    Après sa première internationale au Festival de film de Trieste, en Italie, « La distance entre moi et moi », un documentaire réalisé par Mona Nicoară et Dana Bunescu sur la poète roumaine Nina Cassian, est sorti début mars dans les salles de Roumanie. « A la réputation de femme-fatale, buveuse et fumeuse, la poète de lavant-garde, la compositrice et la graphicienne Nina Cassian (1924-2014) a été simultanément complice et problème pour le régime staliniste. Elle est ensuite entrée en conflit direct avec le régime Ceauşescu et elle a fini par devoir sexiler à New York en 1985, suite au meurtre du dissident Gheorghe Ursu », racontent les deux réalisatrices du film. Nous avons invité Mona Nicoară et Dana Bunescu à Radio Roumanie Internationale pour échanger autour de leur documentaire. Le film, produit par Hi Film Productions de Roumanie et Sat Mic Film des Etats-Unis, en coproduction avec la Télévision publique roumaine, a provoqué beaucoup de réactions en Roumanie à cause de lhistoire compliquée de la poète. Cest pour cette raison que la partie formelle du documentaire a souvent été mise de côté.



    Le tournage a commencé en 2013, quand Mona Nicoară a commencé à filmer Nina Cassian dans son appartement new-yorkais. La recherche documentaire sest prolongée jusquen 2014 et cest seulement un an plus tard, en 2015, qua été obtenu le gros du financement. Tout le long du film, Nina Cassian parle de sa poésie, des raisons qui lont poussée à adhérer au mouvement communiste, des déceptions que le régime Ceauşescu lui a causées. Une des critiques faite aux deux réalisatrices du documentaire est davoir transformé une écrivaine prolétarienne en une icône. Cela, alors que Nina Cassian, à part quelques ouvrages des années 50 où elle exprimait ses convictions politiques, a publié plus de 20 recueils de poésie et autant de livres pour enfants. Mona Nicoară :« Je ne pense pas que nous ayons réussi à transformer Nina en une icône, elle létait déjà et ce depuis longtemps. Elle était très connue dans la communauté gay, par exemple, elle y était perçue comme une de leurs grandes alliées. Elle était présentée, dans les manuels scolaires ou à la télé, comme une autrice pour enfants ou comme une poète prolétarienne. Selon la situation, tout le monde se concentrait sur un autre aspect, une autre facette de sa personnalité. Ce qui nous intéressait cétait justement de rassembler toutes ces tentatives de présentation de Nina, de voir comment tous ces visages se réconcilient. Par ailleurs, elle-même était très critique par rapport à tous ces essais de représentation. »



    « La distance entre moi et moi » nest pas un film-testament. Selon Mona Nicoară, tout ce que Nina Cassian avait à dire, à justifier, à expliquer, elle lavait déjà fait figurer dans ses mémoires. Toutefois la poète avait aimé lidée dun film qui rassemble des fragments de son passé pour les confronter au présent. Mona Nicoară :« Ce qui mintéressait dans la réalisation de ce documentaire était de voir ce qui se trouvait derrière ce syntagme qui donne le titre du film et que jai trouvé dans ses mémoires, « la distance entre moi et moi ». Je voulais voir comment quelquun avec une histoire personnelle complexe gère son passé. Je mattendais à une relation compliquée entre les archives et ses souvenirs personnels et je ne savais pas comment nous allions gérer cela. Mais, dans le même temps, notre intention était de la mettre elle en relation avec ces archives. Dun autre côté, quand tu commences à travailler sur un film, il y a toujours une part dinconnu, tu ne sais jamais où ça te mènera et la tendance est daccumuler le plus de matière possible. Ainsi, à part les interviews qui constituent la base du film, javais dautres choses que je pouvais utiliser : des documents darchives sans lien direct avec Nina, des rushes réalisés à New York et à Bucarest avec Ovidiu Mărginean et Rudolf Costin, surtout avec des cadres dextérieur. Dana Bunescu ma persuadé de renoncer à ces bandes, et elle a eu raison de le faire. Cest grâce à Dana que je suis arrivée à cette simplicité formelle apparente qui a fait que le film devienne ce que je voulais : un film sur la relation de Nina Cassian avec elle-même. »



    Mona Nicoară a essayé plusieurs formats avant darriver à la forme finale du film. Avec Dana Bunescu, elle sest arrêtée à cette structure très simple, qui retrace la chronologie dune vie. Dana Bunescu :« Le film a pris forme après maintes discussions sur tout le matériel que nous avions. Et il y en avait beaucoup : le tournage réalisé par Mona en 2013, linterview-même avec Nina ; ensuite, les recherches réalisées auprès du Conseil national pour létude des archives de la Securitate et des Archives dEtat. Il y avait aussi les archives de la télévision publique roumaine et les Archives nationales du film. Mona connaissait déjà tout ça, nous avons à nouveau tout regardé ensemble et nous avons ensuite beaucoup discuté sur ce quon garde et sur comment organiser cette matière. A partir dun certain moment il y a eu beaucoup de tentatives de notre part de mettre de lordre dans tout ça, pour que notre histoire soit plus efficace, plus claire, mais pour quelle laisse aussi la place à des questions. La partie la plus difficile a été, probablement, dinsérer dans le film le dossier des Archives de la Securitate. Cela faisait apparaître une troisième voix dans le documentaire, celle dune personne inconnue, mais qui avait existé dans la vie de cette personne. »



    Dana Bunescu a aussi évoqué quelques réactions générées par le film :« Jai été ravie de voir des jeunes gens venir voir le film. Des jeunes qui ne savaient pas très bien ce quils allaient voir, mais que jai entendu discuter après les projections : ils voulaient chercher les livres de Nina Cassian. Rien ne ma autant émue. » a conclu Dana Bunescu, qui a réalisé, avec Mona Nicoară, le documentaire « La distance entre moi et moi ».(Trad. Elena Diaconu)


  • Mihai Eminescu, un poète toujours d’actualité

    Mihai Eminescu, un poète toujours d’actualité

    Le 15 janvier, c’est aussi la date de naissance de notre poète national, Mihai Eminescu. 168 ans près sa mort, les Roumains ont-ils encore envie de découvrir Eminescu et de lire ses poèmes ? En le présentant, les manuels scolaires se bornent toujours à quelques stéréotypes et la critique de son œuvre n’a pas beaucoup évolué depuis un demi-siècle. Pour comprendre l’œuvre de Mihai Eminescu, il est essentiel de comprendre le contexte dans lequel il a vécu – estime le critique littéraire Luminiţa Corneanu, professeur de littérature au lycée et à l’Université. Elle plaide en faveur d’une approche biographique : Eminescu a été – je cite – « un homme passionnel et passionné, un journaliste redoutable, virulent, un caractère excessif, un homme qui a vécu une grande histoire d’amour avec une femme qui s’appelait Veronica Micle » – fin de citation. De l’avis de notre invitée, l’approche biographique est la plus efficace pour rapprocher le public jeune d’une littérature écrite il y a un siècle et demi.» Luminiţa Corneanu : « Même en admirant énormément la poésie de Mihai Eminescu – et moi, j’ai effectivement une grande admiration pour cette poésie – il faut reconnaître qu’il s’agit d’une poésie écrite avec les moyens poétiques du 19e siècle et qui reflète une sensibilité spécifique de cette époque. Les moyens d’expression poétique sont ceux du 19e siècle et le contenu relève de cette même époque. Prenons, par exemple, le poème « Le Lac », qui figure dans les manuels. Dans ce poème, un lac, situé au cœur d’une forêt, est le lieu de rapprochement de deux jeunes – le poète et sa bien-aimée. Imaginez la façon de s’y rapporter des jeunes de notre époque, qui font connaissance sur Facebook et se rencontrent dans un club. La poésie de Mihai Eminescu n’est pas très accessible aux enfants de nos jours, qui, le plus souvent, ne comprennent pas de quoi il s’agit. »

    Chose indéniable, pourtant, l’impact de Mihai Eminescu a été si grand qu’il a marqué un tournant dans la littérature roumaine. Luminiţa Corneanu : « Ouverture aux nouvelles idées, ouverture vers la philosophie, intégration du romantisme, remise à jour de la poésie roumaine, qu’il mettait au diapason de la poésie occidentale, de la littérature européenne – tout cela est dû à Mihai Eminescu. Il nous a légué une langue littéraire, un langage poétique. Sa présence dans notre culture a été décisive pour la littérature roumaine. Comme je le disais tout à l’heure, je suis persuadée que l’on arrive plus facilement à comprendre sa poésie en étudiant sa vie, pourtant les jeunes et le public de notre époque peuvent goûter certains de ses poèmes, même en l’absence de toute donnée biographique. Il s’agit des poèmes qui constituent la partie « sombre » de sa lyrique, la partie « plutonienne », comme le critique Ion Negoiţescu appelait les poésies posthumes de Mihai Eminescu. »

    Avant d’être un poète national, Mihai Eminescu est un poète important – estime Carmen Muşat, rédactrice en chef de la revue « Observator Cultural ». Aussi, avant de lui rendre hommage, convient-il de le relire : « A mon avis, sans Mihai Eminescu, la littérature roumaine aurait été tout à fait différente de ce qu’elle est à présent et le processus d’évolution de la littérature et de la langue roumaine aurait été retardé. Mihai Eminescu a le grand mérite d’avoir structuré une langue littéraire et élaboré une œuvre nuancée et qui s’ouvrait vers de nombreux horizons. A le lire attentivement, on se rend compte que Mihai Eminescu n’est pas seulement un poète romantique. Sa prose est, en effet, typiquement romantique, mais sa poésie dépasse les limites du romantisme et elle annonce nombre de possibilités et de directions de la littérature roumaine des temps à venir. Dans certains de ces poèmes, au-delà de la mélodie, du rythme et de la rime, au-delà de l’imaginaire et de la rhétorique typiquement romantiques, on retrouve le modernisme de la fin du 19e siècle et du début du 20e. »

    En raison de l’idéologisation et de la mythisation excessive du poète, l’écrivaine Simona Popescu n’a pas ressenti le besoin d’approfondir l’œuvre de Mihai Eminescu à l’école. Elle allait découvrir son œuvre beaucoup plus tard, quand elle était étudiante : « Mon Eminescu, Eminescu – le poète humain, Eminescu – le poète merveilleux, je l’ai redécouvert quand j’étais à l’Université, lorsque j’ai lu et relu intégralement son œuvre, y compris toutes les variantes de ses poèmes publiées dans l’édition critique de l’historien littéraire Dumitru Murăraşu. J’étais toujours étudiante quand j’ai imaginé une interprétation, une approche personnelle de la poésie de Mihai Eminescu. J’ai découvert un poète ludique, ironique, parodique et même auto-parodique. Je participais à l’époque aux Colloques sur Mihai Eminescu tenus à Iaşi et je me rappelle avoir choqué l’auditoire par un commentaire sur un poème dont je n’avais jamais entendu parler à l’école. Même de nos jours on ne le cite presque pas, car il est difficile à interpréter. Il s’agit du poème « Antropomorfism » (Antropomorphisme), une sorte de parodie du célèbre poème « Luceafărul » – L’Astre du jour, mais écrit avant ce dernier. C’est toujours une histoire d’amour, pas entre une mortelle et l’Astre du jour, mais entre un coq et une poule. Dans ce poème, Eminescu fait une parodie de ses propres thèmes, des idées de ses propres poèmes profonds, graves. C’est un spectacle inouï que seul un grand poète peut se permettre, surtout qu’il s’agit d’une auto-parodie signée Minunescu. Ce nom, « Minunescu », ressemblant beaucoup à « Eminescu », peut en même temps être perçu comme une dérivation du verbe roumain « a se minuna » – s’émerveiller. Je me suis énormément réjouie en tombant sur ce Minunescu, qui m’a fait aimer encore plus Eminescu. »(Aut. : Corina Sabău ; Trad. : Dominique)

  • Le poète Gherasim Luca

    Le poète Gherasim Luca

    Gherasim Luca (Salman Locker, de son vrai nom) a vu le jour à Bucarest, le 23 juillet 1913. Il fut un des théoriciens du mouvement surréaliste et compta parmi les fondateurs du groupe surréaliste roumain. Même si en Roumanie le mouvement surréaliste est apparu plus tard qu’en France, il a été illustré par des créations représentatives, dont celles publiées par Gherasim Luca dans les années ’30-’40. A cette époque-là, il faisait de la poésie, de la prose et du journalisme, s’exprimant tantôt en roumain, tantôt en français. En 1945, il signe, aux côtés d’un autre avant-gardiste, Dolfi Trost, le manifeste du surréalisme roumain, intitulé « Dialectique de la dialectique ». Ses volumes de vers « Le Vampire passif » et « L’Inventeur de l’amour » paraîtront toujours dans les années ’40. Comme tous les avant-gardistes de ces temps-là, Gherasim Luca avait des options politiques de gauche. Toutefois, n’ayant pu s’adapter aux « nouvelles réalités sociales et culturelles » apportées par le communisme, Gherasim Luca quitte le pays en 1952 et s’installe à Paris.

    L’historien littéraire Ion Pop nous a offert des détails sur son style poétique : « Ses débuts littéraires remontent aux années vécues en Roumanie. Les poésies écrites alors, dont certaines en français, allaient préfigurer les ouvrages réalisés plus tard en France. Cette première étape est celle de la dictée automatique, qu’il va pourtant limiter aux métamorphoses phonétiques. C’est ce que l’on a désigné par le terme de « bégaiement » mimé de l’auteur, une sorte d’hésitation devant le discours poétique, lequel devient difficile à articuler et incohérent par endroits. Le poème Passionnément, écrit en français, est un des plus représentatifs en ce sens. »

    Durant son exil, Gherasim Luca va s’essayer à l’art plastique aussi. En quête d’originalité, il inventera une technique surréaliste de collage appelée « la cubomanie ». En collaboration avec Jean Arp, Paul Celan ou Max Ernst, il réalisera, à Paris, un nombre impressionnant de collages, de dessins, d’objets ou de textes – installations. Au fil du temps, sa célébrité ne cesse de croître parmi les intellectuels d’Europe et non seulement. Invité dans les grandes métropoles du monde à lire des extraits de son œuvre, il recevra des éloges pour sa manière de réciter aussi. En 1994, à l’âge de 80 ans, il met fin à ses jours, se jetant dans la Seine du haut du pont Mirabeau.

    L’historien littéraire Ion Pop tente de trouver dans son art poétique des explications pour la mort de l’artiste : «Gherasim Luca fut un des poètes les plus dévoués à cet art et des plus engagés dans l’effort créateur. Il a même exercé et développé un certain imaginaire du suicide. Dans L’inventeur de l’amour et puis dans La mort morte”, on retrouve toute une série de tentatives de suicide manquées. C’est une sorte de théâtralisation des gestes et des attitudes qui caractérise la quasi totalité de ses écrits. Tout cela s’ouvrait sur un monde où la poétique communiquait directement avec le vécu, le plan existentiel, où l’artifice poétique et la réalité se rencontraient. Dans le cas de Gherasim Luca, ces simulacres de suicide se transformeront en la réalité brute de sa propre mort. Souhaitant fusionner avec son univers imaginaire, il s’est peut-être donné la mort dans un moment de désenchantement, de défaite, qui sait? Probablement qu’à ses 80 ans, il s’était rendu compte du fait que la condition du poète, après tout marginale, nonobstant les dernières reconnaissances, ne l’encourageait pas assez.»

    Après sa mort, la poésie et l’activité artistique de Gherasim Luca allaient susciter l’intérêt croissant des traducteurs, des éditeurs et du public du monde entier. (trad. Mariana Tudose)

  • 15.06.2015

    15.06.2015

    Visite – Le président de la Roumanie, Klaus Iohannis, fera, ces lundi et mardi, une visite officielle en Croatie, à l’invitation de son homologue de Zagreb, Mme Kolinda Grabar-Kitarović. A cette même occasion, le chef de l’Etat roumain aura aussi des pourparlers avec le premier ministre Zoran Milanović et avec le président du Parlement croate, Josip Leko. Mardi, M. Iohannis déposera une couronne de fleurs au Mémorial « La voix des victimes croates – Le mur de la douleur ».

    Réunion – Le chef de la diplomatie roumaine, Bogdan Aurescu, participe, lundi, à Ohrid, en République de Macédoine, à la réunion ministérielle de l’Initiative Centre-Européenne. A l’agenda, les dernières évolutions dans la région, notamment du point de vue de l’intégration européenne. A cette occasion, le ministre roumain des affaires étrangères aura des entretiens bilatéraux avec ses homologues des Etats présents à la réunion. L’Initiative Centrale-Européenne est une coopération régionale réunissant 18 pays, dont 10 membres de l’UE – Autriche, Bulgarie, République tchèque, Croatie, Italie, Pologne, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Hongrie – et 8 non-communautaires – Albanie, Bélarus, Bosnie-Herzégovine, République de Macédoine, République de Moldova, Monténégro, Serbie et Ukraine.

    Colloque – Pour la deuxième année de suite, la capitale roumaine Bucarest accueille ces lundi et mardi un colloque régional sur « Les objectifs de développement durable pour les Législatifs d’Europe centrale et de l’est ». La réunion à laquelle participent des élus nationaux de Bosnie, Bulgarie, République Tchèque, Croatie, Géorgie, Serbie et Hongrie, se propose d’attirer l’attention de l’opinion publique sur le rôle du scrutin législatif national et sur l’importance de celui-ci dans la mise en œuvre efficace des objectifs de développement durable.

    Exercice – Un détachement des Forces aériennes roumaines, formé de 22 pilotes, techniciens et spécialistes de la planification à bord d’un aéronef de transport Spartan participent à partir d’aujourd’hui et jusqu’au 26 juin, à Beja en Portugal à l’exercice multinational « European Air Transport training 15 ». Y participent 550 militaires de 11 pays européens (Roumanie, Belgique, Finlande, France, Allemagne, Italie, Lituanie, Pays-Bas, Portugal, Royaume Uni et Suède), hélicoptères et 15 avions de transport et de combat F-16. L’exercice est ciblé sur des missions de transport aérien diurnes et nocturnes, vol à basse altitude, atterrissage sur piste courte, coordination des actions aériennes et terrestres, réaction des équipages à des menaces sol – air et air – air.

    Tennis – La joueuse roumaine de tennis, Simona Halep, no 3 mondiale a été désignée principale favorite du tournoi WTA Premier de Birmingham, qui commence aujourd’hui. Halep s’est directement qualifiée pour le deuxième tour de la compétition où elle doit affronter celle qui gagnera la match entre la Britannique Naomi Broady et la Croate Ajla Tomljanovic. Deux autres roumaines figurent au tableau principal de la compétition : Irina Begu (29e WTA), qui affrontera en match inaugural la Slovaque Daniela Hantuchova et Monica Niculescu (61e WTA), qui rencontrera Barbora Zahlavova – Strycova de la République Tchèque.

    Poète – La Roumanie commémore aujourd’hui les 126 ans écoulés depuis la mort du poète national Mihai Eminescu (1850 – 1889), le dernier grand représentant du romantisme européen. De nombreuses institutions culturelles de Roumanie organisent à cette occasion des colloques de critique littéraire, des récitals de poésie et des spectacles de théâtre inspirés de l’œuvre de Mihai Eminescu. La République de Moldova commémore également la mort du poète national roumain, tout comme les communautés roumaines de l’étranger. La date de naissance de Mihai Eminescu, a été déclarée Journée de la Culture nationale, tant à Bucarest qu’à Chisinau.

    FITS – 19 spectacles de théâtre, danse et musique sont prévus ce lundi, au 4e jour de la 22e édition du Festival international du théâtre de Sibiu dans le centre de la Roumanie. Artistes et autres invités de tous les coins du monde présentent jusqu’à dimanche des spectacles de danse, musique, cirque et autres installations artistiques. Des expositions, des conférences, des lancements de livres et des projections de films se dérouleront dans une soixantaine d’espaces : places publiques, églises, sites historiques, boites de nuit et salles de spectacles. Le Festival international du Théâtre de Sibiu est le plus complexe festival annuel de Roumanie. De l’avis des spécialistes il est également le troisième festival européen des arts du spectacle, après ceux d’Edimbourg et d’Avignon.

  • La Journée de la Culture nationale

    La Journée de la Culture nationale

    C’est en 2010 que le 15 janvier — date de naissance, il y a 165 ans, du poète national de la Roumanie Mihai Eminescu, a été aussi déclaré Journée de la Culture nationale. Depuis, les deux fêtes sont marquées, chaque année, par des réunions solennelles, concerts, expositions, lancements de livres ou projections de films organisés dans toutes les institutions culturelles du pays et dans les centres culturels roumains de l’étranger.



    Dans une interview à Radio Roumanie, le ministre de la Culture, Ioan Vulpescu, rappelait: «C’est une heureuse coïncidence que de célébrer la date de naissance de Mihai Eminescu comme Journée de la Culture nationale. C’est le résultat d’une initiative de l’académicien Eugen Simion, approuvée par le Parlement de la Roumanie, et qui s’est transformé depuis en un vrai repère. Il faut dire que peu d’initiatives culturelles ont réussi à prendre tellement vite des racines aussi profondes dans notre société! Je constatais, l’autre jour, que les librairies de Bucarest se préparaient à cette grande fête de la culture. J’ai vu des vitrines thématiques, avec de nombreux volumes d’Eminescu, ou sur Eminescu. Et puis, d’autres événements ont également lieu sur ce même thème. »



    Souvent sous-financée, la culture fait figure de Cendrillon depuis la chute du communisme, il y a deux décennies et demie. Une réalité remarquée aussi par le président, Klaus Iohannis: «Il ne suffit pas d’affirmer la liberté de création et le libre accès à la culture parmi les droits fondamentaux constitutionnels. Sans mécanismes qui soutiennent la création, sans programmes permanents et prédictibles de financement de la protection du patrimoine, qui échappent à la décision politique partisane, ce n’est que de la propagande. »



    Le ministre de la culture, Ioan Vulpescu, croit que la solution se trouve dans la mise en page d’une stratégie nationale pour ce domaine essentiel de l’existence d’une nation: «Un élément vital serait, effectivement, d’avoir une stratégie nationale dans le domaine de la culture. 25 ans sont passés depuis la Révolution et une telle stratégie n’existe toujours pas — une stratégie qui ne soit pas rythmée par les cycles électoraux et qui promeuve, à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières, les valeurs de la culture et de la civilisation roumaines. »



    Mihai Eminescu, Constantin Brancusi, George Enesco, Eugène Ionesco et tous grands intellectuels, artistes et créateurs roumains sont les véritables unificateurs de ce pays, qui nous ont aidés à construire notre identité et à marcher la tête haute dans le monde’ — affirmait, à son tour, le premier ministre Victor Ponta.



    Se déclarant un partisan ferme de la tolérance, de la liberté d’expression et de la diversité culturelle et, en même temps, un citoyen roumain fier des valeurs culturelles nationales, le chef du gouvernement souligne que, dans une Roumanie moderne, il faut promouvoir toutes les formes d’expression culturelle. C’est notre passeport pour l’avenir.” (trad. Ileana Taroi)

  • Eminescu vu par ses contemporains

    Eminescu vu par ses contemporains

    Différentes manifestations culturelles et symposiums sont organisés chaque année pour marquer le 15 janvier, l’anniversaire du poète national Mihai Eminescu. Toutefois, on parle peu de la véritable personnalité du prosateur, publiciste et homme de culture Mihai Eminescu, laquelle reste de ce fait méconnue.



    C’est justement cet aspect qu’a été remis sur le tapis lors de la parution chez Humanitas, du volume « Témoignages sur Eminescu. L’histoire d’une vie racontée par ses contemporains ». Les 500 pages du volume réunissent les témoignages et opinions de ceux ayant connu Mihai Eminescu — hommes de culture importants de l’époque (Titu Maiorescu, I.L Caragiale, Ioan Slavici) mais aussi amis et personnes de l’entourage du poète, ces derniers étant pour la plupart tombés de nos jours dans l’oubli. Tous les textes du volume mettent en exergue différents traits de la personnalité d’Eminescu afin de dresser un portrait moral aussi authentique et exhaustif que possible.



    Catalin Cioaba, éditeur du volume « Témoignages sur Eminescu » : « Juste après la mort du poète, soit deux semaines après, la revue « Familia », « La Famille » a lancé un appel sous le titre « Ecrivez des souvenirs ». Tous les journaux ont alors appelé ceux ayant connu Eminescu à écrire leurs souvenirs du poète. Que ce soit amis ou ennemis, hommes ou femmes, connaissances ou personnes qui l’avaient seulement aperçu de loin. Et dans le cas de ces dernières ce qui comptait c’était le contexte où elles l’avaient vu: à la rédaction du journal où il écrivait ou lors des conférences à des réunions de l’association culturelle « Junimea », « La Jeunesse ». L’important c’était d’aboutir à une diversité des points de vue. Qu’est ce qu’on entend par obtenir la diversité ? Il s’agit de ne pas être partial. On n’essaie ni de mythifier ni de démythifier. On cherche les textes de bonne qualité qui donnent l’image d’un moment de la vie d’Eminescu. Il y a aussi des textes très importants qui décrivent par exemple un moment de joie du poète ou encore le poète en train de chanter, de faire la fête avec ses amis. Ce sont des choses très importantes, car cette variété aide le lecteur à se faire sa propre image du poète. C’est important car on n’a pas eu une image d’Eminescu tel qu’il était dans la vie quotidienne ».



    La plupart des récits réunis dans le volume « Témoignages sur Eminescu. L’histoire d’une vie racontée par ses contemporains » sont parus le long des années aussi dans d’autres anthologies consacrées au poète. Mais aucune n’est parvenue à rassembler tant de textes qui retracent la biographie du poète : la période scolaire, celle des pérégrinations avec des troupes de théâtre, ses études à Vienne et à Berlin ainsi que les années en tant que rédacteur en chef du journal « Timpul », « Le Temps ». Un chapitre important est consacré au déclin physique et psychique en raison de la maladie qui a causé sa mort.



    Catalin Cioaba résume : «C’était un altruiste. Et cet aspect est bien mis en évidence par l’écrivain Ioan Slavici. En même temps, Eminescu était intransigeant dans ses articles dans « Timpul », tout comme dans d’autres situations. Mais des traits contradictoires, on en retrouve chez toutes les personnalités. Voici ce qu’écrivait Slavici sur ce sujet « Son intransigeance envers certains, c’était la manifestation de son amour pour tous ». Et il y a un autre aspect sensible lorsqu’on parle de Mihai Eminescu, qui a vécu un calvaire les dernières années de la vie. Ce n’est pas facile à gérer. Il y a aussi des textes qui ont peut-être exagéré et fourni des images macabres du poète. Même parmi les textes de ce volume il y en a plusieurs qu’on a du mal à lire. La fin de vie fut difficile à supporter. Autant il consacra sa vie à sa création durant sa jeunesse, autant il en fut dévoré durant les dernières années de sa vie. Il s’est épuisé. N’empêche, comme l’affirmait Slavici en citant Shopenhauer, Eminescu avait la personnalité d’un génie. Le génie devait avoir de bons poumons, un estomac solide et une forte résistance physique qui lui permette de créer. Ecrire pendant la journée pour le journal « Timpul », et créer des poésies pendant la nuit et recommencer le lendemain – cela exige une bonne résistance physique. Et Slavici pensait qu’Eminescu en était doté car autrement il n’aurait pas tenu autant d’années. Lorsque la maladie était à un stade avancé, Eminescu a également joui du soutien de ses amis».



    Le 15 juin 1889, Mihai Eminescu quittait ce monde, à l’âge de 39 ans, dans un sanatorium de maladies psychiques à Bucarest. Une véritable légende fut créée autour de l’homme de culture et du patriote parfait, sa personnalité étant assez souvent reléguée au second plan. (trad.: Alexandra Pop)