Tag: police politique

  • 10.09.2024 (mise à jour)

    10.09.2024 (mise à jour)

    Securitate – Entre 1980 et 1989, la police politique du régime communiste, la Securitate, avait ouvert environ 250 000 enquêtes, dont 70 000 visaient des ressortissants étrangers et 15 000 – des fugitifs arrêtes durant leur tentatives de passer illégalement les frontières roumaines. Selon un communiqué du Conseil national d’étude des archives de la Securitate, « à l’instar de tout régime totalitaire, le communisme de Roumanie ne faisait pas trop de confiance à la loyauté et au soutien total des citoyens. La mission de base de la Securitate était donc de surveiller la population afin d’identifier et de liquider toute action de contestation du système communiste ». Selon la même institution, de nombreux Roumains ont été visés par deux ou plusieurs enquêtes pénales lancées à différentes époques. Certaines enquêtes des années ’80 portaient aussi sur des faits commis antérieurement à cette période.

     

    Décoration – Le secrétaire général délégué de l’OTAN, le Roumain Mircea Geoana, a été décoré mardi de la médaille du Service méritoire de l’OTAN en récompense pour son « exceptionnelle activité au service de l’Alliance de l’Atlantique Nord ». La cérémonie a eu lieu mardi au siège de l’Alliance de Bruxelles, en présence du secrétaire général Jens Stoltenberg. Pour rappel, le 3 septembre dernier, Mircea Geoana a annoncé M Stoltenberg de son intention, de quitter ses fonctions de secrétaire général délégué de l’OTAN, à compter du 10 septembre. Mircea Geoana est le premier Roumain à occuper cette fonction au sein de l’Alliance. C’est Boris Ruge, le secrétaire général adjoint de l’OTAN pour les affaires politiques et la politique de sécurité, qui deviendra secrétaire général délégué par intérim avant que le successeur de Mircea Geoana ne soit désigné.

     

    Agriculture – Le ministre roumain de l’Agriculture, Florin Barbu, a participé, du 8 au 10 septembre, à la Réunion informelle des ministres de l’Agriculture des États membres de l’UE, qui s’est tenue à Budapest, un événement organisé par la présidence hongroise du Conseil de l’UE. Lors de son intervention, Florin Barbu a souligné la nécessité d’avoir un budget plus conséquent pour la PAC (politique agricole commune) pour le prochain exercice financier, adapté à un niveau équitable des paiements directs, par l’application du principe de convergence externe, mais aussi pour compenser les agriculteurs dans le contexte des conditions environnementales accrues. En outre, l’importance d’identifier une formule permettant à tous les États-membres d’avoir un niveau similaire de paiements directs a été soulignée. Le responsable roumain a également demandé d’accélérer la distribution des fonds européens destinés à dédommager les agriculteurs, de repenser les dérogations pour les néonicotinoïdes (insecticides), ainsi que d’étendre l’éligibilité des dépenses pour les animaux reproducteurs.

     

    CE – La Roumanie pourrait se voir attribuer le portefeuille de l’Emploi, des droits sociaux et du logement, ont annoncé des sources gouvernementales de Bucarest, en ajoutant qu’il s’agissait d’un portefeuille important qui traite des salaires, pensions de retraite et aides publiques. Le premier ministre roumain, Marcel Ciolacu, a débattu du sujet avec la cheffe de la CE, Ursula von der Leyen, en présence de l’eurodéputée roumaine Roxana Mânzatu, la femme proposée par la Roumanie pour un poste de membre de l’Exécutif européen. La distribution des portefeuilles européens devrait être annoncée mercredi, a déclaré Mme Von der Leyen.

     

    Robotique – L’équipe HBFS Robotics de l’Université des sciences et technologies de la Polytechnique de Bucarest a remporté deux médailles d’or, deux d’argent et une de bronze au plus grand championnat de robotique du monde : « RobotChallenge » 2024, tenu à Pékin, en Chine. Plus de 5 000 participants de 31 pays étaient en lice. La Roumanie s’est adjugé la 5e place du classement général des pays selon le nombre de médailles obtenues, dépassant ainsi de nombreux autres pays à tradition et influence dans le domaine de la robotique.

     

    Tennis – La joueuse roumaine de tennis Irina Begu, 3e favorite de la compétition, s’est qualifiée mardi dans les 8e de finale du tournoi Ţiriac Foundation Trophy de Bucarest. Sa prochaine adversaire sera sa compatriote, Patricia Ţig.

     

    Météo – Dans les 24 prochaines heures les températures seront à la baisse dans le sud et le sud-est de la Roumanie ou elles tourneront autour de la normale saisonnière. Le ciel sera plutôt couvert et l’on attend de la pluie sur la moitié est du territoire notamment. Par endroits, les précipitations pourraient atteindre les 20 – 25 l/m², voire les 40 l/m². La pluie est également attendue sur le relief. Les maxima de mercredi iront de 19 à 28 degrés.

  • La Securitate et l’économie roumaine

    La Securitate et l’économie roumaine

    Après 1948, l’Etat communiste roumain a confisqué toutes les entreprises, devenant l’unique propriétaire de l’économie, selon l’idéologie marxiste-léniniste. De plus, l’Etat est devenu aussi producteur, administrateur, distributeur, commerçant, fournisseur de services et l’unique compétiteur sur un marché quasi inexistant. Comme la consolidation du régime dépendait de l’économie, en suivant le modèle soviétique, le Parti Communiste Roumain l’a transformée en priorité zéro. La Securitate, la police politique communiste, avait le rôle de surveiller de près l’économie, une mission décrite dans les décrets et actes réglementaires comme suit: « connaître, prévenir et liquider tout geste de nature à miner l’économie nationale et à porter atteinte à la sécurité de l’Etat».

    Liviu Ţǎranu est chercheur au Conseil national pour l’étude des archives de l’ancienne Securitate. Il explique les structures économiques de la police politique communiste: « Etant directement liée à l’appareil du parti, la Securitate a reçu une variété de missions dans le domaine de l’économie. La structure qui a surveillé l’activité économique entre 1950 et 1970 s’appelait la Direction de Contre-sabotage, connue par la suite comme la Deuxième direction des renseignements économiques dans les années 70 et 80. Ce n’était pas la seule structure chargée de l’économie. Il y en avait d’autres aussi qui ont activé dans les différentes zones économiques. Par exemple la Première Direction de renseignements intérieurs, le Département de renseignements extérieurs, le Centre de renseignements intérieurs créé après 1978. S’y ajoute toute une série d’unités indépendantes, dont le Service indépendant pour le commerce extérieur ou la célèbre Entreprise de commerce extérieur Dunarea. »

    La police politique communiste avait ses propres méthodes de surveiller l’économie, étroitement liées aux programmes politiques. Liviu Ţǎranu explique : «En 1989, dans un article paru dans la revue Securitatea, le chef de la Deuxième direction de renseignements économiques, le général Emil Macri, affirmait que la structure qu’il dirigeait était active. C’est la preuve la plus évidente du fait que le Parti Communiste se servait de la Securitate dans l’économie aussi, selon les priorités de sa politique économique et de sa direction. Il s’agissait d’une manière spécifique d’agir : création de réseaux informatifs, surveillance, perquisitions, arrestations, enquêtes, correspondance interceptée, écoutes téléphoniques. La Securitate avait ses propres méthodes d’atteindre ses objectifs. Dans les années 70 – 80 le côté préventif de son activité était essentiel, accentué par Nicolae Ceausescu lui-même et par les chefs de la police politique. Les mesures préventives comportaient un nombre important d’avertissements et destructions de l’entourage.»

    Malgré les actions de la police politique, l’économie de la Roumanie communiste allait de mal en pis. Par conséquent, la Securitate a voulu connaître les causes du dysfonctionnement toujours plus profond de l’économie.

    Liviu Ţǎranu: «A compter des années ’70 et surtout pendant les années ’80, à mesure que la crise économique s’approfondissait, la Deuxième Direction s’est vu attribuer des tâches visant la surveillance de la production industrielle et agricole du pays, tant au niveau qualitatif qu’au niveau quantitatif. C’est la production destinée à l’exportation qui était privilégiée. Dans les années 80 il fallait savoir pourquoi l’objectif de la production planifiée n’avait pas été atteint, pourquoi certaines installations étaient utilisées de manière inefficace et qui étaient les personnes responsables de l’état négatif des choses au sein des unités économiques. Bref, dans les années ’80, la Securitate devient une sorte de superviseur des chaînes de production industrielle et de l’économie en général. En même temps, elle supervisait la coopération entre les différentes unités industrielles qui auraient dû collaborer mais qui ne le faisaient pas en raison du blocage existant. L’absence d’une coordination entre les unités économiques, les retards majeurs de livraison de produits, la qualité faible de la plupart des produits, les problèmes d’approvisionnement et l’incapacité d’atteindre les chiffres prévus dans le plan – c’étaient autant de priorités de la Direction de renseignements économiques. »

    Les enquêtes de la Securitate ont mis au jour non seulement les lacunes du système, mais aussi et surtout la dégradation psychologique des ressources humaines.

    Liviu Ţăranu : «Un autre côté de l’activité de la Direction des renseignements économiques était de surveiller les programmes de modernisation des technologies utilisées par les grandes entreprises de l’industrie. Il s’agissait de surveiller entre autres les instituts de recherche scientifique, d’ingénierie technologique que les chefs de la Securitate, dont notamment Emil Macri, son dernier chef, tenaient pour coupable pour les défauts de fabrication des produits roumains. Ce n’est pas la fabrication, mais la conception des produits qui était, selon la Securitate, la cause principale de la faible qualité des produits de l’industrie autochtone. L’expérience des officiers de la Deuxième direction témoigne du fait que les erreurs de conception étaient à l’origine de la qualité précaire. La mauvaise fabrication y comptait à peine pour 5 à 10%.»

    Même la présence de la redoutée Securitate n’a pas pu sauver l’économie roumaine qui a fait faillite en 1989. Cela prouve que la volonté d’un régime tyrannique ne peut pas être supérieure à la logique élémentaire du fonctionnement de l’économie, ni aux désirs et aux attentes de la population. (Trad. Valentina Beleavski)

  • La vente de personnes dans la Roumanie communiste

    Avec une économie ruinée par la guerre, le paiement de dédommagements à l’URSS et le pillage systématique, l’Etat communiste avait du mal à assurer à sa population un niveau de vie minimum. L’inventivité de la Securitate, bras armé de la police politique qui s’est arrogé aussi des fonctions économiques en essayant de trouver des moyens pour alimenter les réserves en devises du pays, est devenue illimitée. Parmi ces moyens a aussi figuré la vente de personnes, à savoir celles qui souhaitaient quitter la Roumanie, dont notamment des membres des minorités juive et allemande. Toutefois, dans les années 1970 – 1980, la vente de personnes est devenue une condition importante pour fuir la Roumanie et même les ethniques roumains ont pu être achetés par leurs parents.



    Germina Nagâţ est chercheuse au Conseil National d’Etude des Archives de la Securitate. Elle s’attarde sur les débuts de l’histoire de ceux ayant été vendus par les autorités communistes: « Un des dossiers (à savoir celui du Service de renseignements extérieurs, n° 2871) rapporte un épisode qui pourrait représenter le point de départ pour comprendre comment tout a commencé. En mai 1958, le bureau de la Securitate à Londres a fait passer à Bucarest l’information selon laquelle on avait mis au point la location d’un avion pour le transport de 11 cochons de grande taille, de race Landrace, achetés par le biais d’un commerçant britannique appelé Henry Jakober, dont le nom de code était Kraus. On peut le considérer comme le personnage central du début et du développement de « la combinaison opérationnelle » – le nom sous lequel la Securitate a extirpé du corps de la nation roumaine des centaines de milliers de personnes, la plupart appartenant aux communautés juive et allemande.


    Né en 1900 en Moravie, sur le territoire de l’ancien Empire des Habsbourg, Jakober a émigré en Angleterre dans les années ’30. Homme d’affaires prospère et bon connaisseur de la Roumanie avant la guerre, il était en 1958 directeur de la société Oil Cakes & Doyle Seeds, siégeant à Londres. Il avait des échanges commerciaux avec le ministère de l’Agriculture, le ministère du Commerce et avec de nombreuses sociétés de la République Populaire Roumaine. Il parlait assez mal le roumain mais il le comprenait très bien. Lors de ses discussions libres avec ses partenaires à Bucarest, des officiers de la Securitate sous couverture pour la plupart, Jakober se disait antimonarchiste et grand admirateur des évolutions politiques de Roumanie. Au début, Jakober s’est engagé envers les Roumains de procurer non seulement des animaux vivants mais aussi du matériel génétique du Danemark. En mai 1958 a lieu une première acquisition de cochons Landrace sous couverture ».



    Le chemin entre l’achat d’animaux et celui de personnes a été vite parcouru, l’inventivité de l’homme d’affaires allant de pair avec celle de la Securitate. Germina Nagâţ : « Une année après cette transaction réussie, soit en mai 1959, dans un rapport de la Direction I on note que le député anglais John Platz est intervenu auprès des autorités roumaines pour qu’elles permettent à une famille juive de quitter le pays. Dans un premier temps, on a répondu à Jakober, qui affirmait parler au nom du député anglais, que cette question ne relevait pas du ministère du Commerce mais que les noms des personnes en question seraient communiqués.


    En septembre 1959, Beri Bernard (Marcu), citoyen roumain, envoie au ministère de l’Intérieur un mémoire dans lequel il demandait la libération de prison de son père, condamné en 1954 aux travaux forcés pour trafic de devises. Dans le mémoire, le requérant Bernard se dit prêt à payer à l’Etat roumain des dédommagements d’un montant de 10 mille dollars, en précisant que l’argent provenait des parents de l’étranger qui souhaitaient non seulement la libération de la personne mais aussi l’octroi de visa pour émigrer en Israël. La proposition de Bernard a été acceptée, on a indiqué la banque, le destinataire devant toucher la contre-valeur en lei. Il paraît que ce fut là le premier visa délivré contre une somme d’argent, approuvé à un très haut niveau et qui, détail important, a prévu non seulement la délivrance du passeport mais aussi la libération de prison. »



    L’affaire avait un grand potentiel, et le régime de Bucarest n’a pas voulu laisser échapper une telle opportunité, précise Germina Nagâţ: « Après avoir opéré des transactions à succès avec différentes importations de cochons, de poules, de bovidés et autres marchandises, en avril 1960, la Securitate note concernant M. Jakober que suite aux discussions qui ont eu lieu à Londres, il avait été décidé de ce qui suit : à l’arrivée du premier transport de bovidés ou de moutons au pays, que le visa de sortie soit accordé à Menţer Marcu, père de Beri, parce que Jakober ne toucherait aucun centime jusqu’au départ de Menţer. Les personnes de la famille de Beri Marcu devaient se voir permettre de partir après l’arrivée des moutons Corriedale, tandis que Beri allait être libéré après l’arrivée des taureaux zébu. Les documents dont j’ai cité surprennent le moment où le marchandage par tête d’homme a commencé, comme entre de véritables hommes d’affaires, en même temps que celui par tête de bovin. Les négociations commerciales pour les bovins, les ovins et les cochons ont eu lieu au début en même temps que celles pour la libération des gens et elles figurent dans les mêmes documents.


    Après les animaux, parmi lesquels des chiots Collie, la Securitate a demandé à Jakober des fourrages, des équipements pour traire, des machines pour fabriquer des médicaments et autres. En novembre 1961, la règle fondamentale était que les arrangements se faisaient en espèces, de préférence. Intéressées par des marchandises spéciales et par de l’argent en égale mesure, les autorités roumaines ont accordé sans hésitation les visas demandés pour « rétablir les relations normales avec Jakober, mais aussi pour de nouveaux arrangements ».



    Bien qu’à un moment donné le pouvoir de Bucarest ait essayé de se tirer de cette affaire, cette dernière était trop alléchante pour lui mettre un terme. Dans les années 1980, 11 mille Deutsche Marks était le prix que devait payer un ethnique allemand avec des études supérieures qui souhaitait sinstaller en République Fédérale d’Allemagne. Le montant total obtenu suite au départ de tous ceux ayant payé leur visas est encore difficile à estimer. Dans le seul cas des Saxons, les chiffres varient entre 250.000 et 40.000 personnes. (trad. : Alexandra Pop, Ligia Mihaiescu)

  • Lettres des années 1980

    Lettres des années 1980


    Dans les archives des Services de renseignements, on trouve généralement des informations portant sur les missions secrètes, le travail des agents, les coulisses diplomatiques ou les intérêts politiques. A l’instar des autres Services secrets des régimes communistes, l’ancienne police politique roumaine, la Securitate, contrôlait la société dans son ensemble. Or, parmi ses principales sources d’informations, la correspondance a contribué de manière importante à l’obtention des renseignements et au chantage des citoyens.






    Liviu Taranu, chercheur au Conseil National pour l’Etude des Archives de l’ancienne Securitate est également l’éditeur de l’ouvrage « Les Roumains à l’Epoque d’or. La correspondance dans les années ’80 », qui regroupe une partie des lettres adressées par les citoyens roumains aux institutions de l’Etat. Création de la propagande, le syntagme « l’Epoque d’or » servait au culte de la personnalité de Nicolae Ceausescu, en se proposant de mettre en lumière les performances enregistrées par la Roumanie sous les communistes. Pourtant, la réalité était tout autre: le régime du dictateur Ceausescu avait poussé le pays au bord du précipice, en pleine crise matérielle et spirituelle sur fond d’une profonde dégradation psychologique.






    Nous passons le micro à M. Liviu Taranu pour une brève caractérisation de la Roumanie des années 1980, telle qu’elle apparaît dans la correspondance de l’époque: « Elle était pessimiste, tragique. Dramatique, c’est ça le mot juste. Il y a des lettres, des documents pleins d’humour, puisque les Roumains savent faire bonne mine contre mauvaise fortune. Pourtant, le contenu est dramatique, en raison de la pénurie quotidienne. Ce sont notamment les familles nombreuses qui se plaignent de toute sorte de difficultés: manque d’aliments, d’électricité, majoration des prix, insécurité de l’emploi. C’est incroyable de parler de l’insécurité de l’emploi dans les années ’80, mais on en parle fréquemment! »






    La Securitate passait au peigne fin toute la correspondance de l’époque, avec une attention particulière accordée à celle adressée aux institutions publiques. Liviu Taranu: « Toutes les lettres adressées aux journaux, au Comité Central, aux personnes morales, notamment à celles de la capitale , passaient à travers le filtre de la Securitate. Sur leur ensemble, plusieurs arrivaient à destination, mais d’autres, comportant des messages durs à l’adresse du régime, étaient confisquées et attachées par la suite au dossier ouvert par la police politique. Comme vous voyez, la liberté d’expression était généralement entravée. Mais, il y avait aussi des cas heureux quand les Roumains arrivaient à s’adresser par écrit aux responsables politiques ».





    Les mécontentements liés au niveau de vie étaient dominants. Et pourtant, l’insécurité de emploi est également évoquée, ce qui était inimaginable dans un régime qui prétendait être un régime des ouvriers. Cette peur contredit en effet le cliché qui affirme que dans les années du socialisme les emplois étaient garantis. Liviu Taranu : « Cette peur était très justifiée par la désorganisation des entreprises au plus haut niveau, en raison des changements opérés du jour au lendemain dans les structures d’Etat qui géraient différents secteurs de l’économie. Puis, il y avait aussi le problème de la commercialisation des produits roumains qui s’avérait de plus en plus difficile. Alors, les entreprises accumulaient des stocks. Le plan de production n’était plus respecté parce qu’à leur tour, les entreprises ne possédaient plus la matière première nécessaire pour produire. Les gens ne touchaient plus leurs salaires, la direction essayait de réduire le personnel afin de pouvoir payer les autres salariés. Toutes les réorganisations et les difficultés endémiques au niveau macroéconomique ne faisaient que produire l’insécurité de l’emploi et le chômage. Certains salariés étaient simplement virés et c’était à eux de trouver un nouvel emploi. »






    La violence de la révolution anti-communiste roumaine s’explique notamment par le fait que la voix des gens était étouffée. C’est une des choses que l’on peut observer dans la correspondance éditée dans ce volume. Tous les pays communistes se confrontaient à cette crise, mais nulle part la liberté d’exprimer son mécontentement n’était punie avec une telle sévérité qu’en Roumanie à l’époque de Nicolae Ceausescu.





    Est-ce qu’il existe un lien entre la fermeté du régime dans les années ’80 et la violence de la révolution anticommuniste de décembre 1989 ? Liviu Taranu : « Oui, j’en suis convaincu. Les tensions ne se sont pas dissipées de manière progressive. Elles couvaient avant de se manifester sous différentes formes, tant au niveau des minorités qu’à la périphérie de la société. La majorité n’aboutissait pas à esquisser des points de riposte. Au moment où ces points sont apparus, ils se sont multipliés dans tous les pays. Ces tensions étouffées pendant plus d’une décennie, même si les choses avaient commencé à ne plus aller bon train avant 1980, n’ont fait que produire ce mouvement violent. Les mécontentements étaient trop importants pour que les choses puissent se dérouler calmement, sans violence, comme en Tchécoslovaquie ou dans d’autres pays de la région. »





    Un des effets traumatisants de l’époque communiste a été d’inoculer à la population un état d’esprit névrosé. Cet état d’esprit s’est fait sentir dans les années 1990, dans le nouvel espace public démocratique roumain….(trad. : Ioana Stancescu, Alex Diaconescu)