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  • Le club de football Rapid de Bucarest

    Le club de football Rapid de Bucarest

    Rapid Bucarest est sans doute le
    club de football de première division qui peut se targuer d’une existence aussi longue
    que riche. Fondé il y a cent ans, en 1923, le club a longtemps joui d’une notoriété
    sans pareil, due autant à ses origines populaires, ouvrières, qu’au fait d’avoir
    survécu à l’arrivée des communistes au pouvoir, en 1945, lorsque bon nombre de
    clubs de tradition sont passés à la trappe. Mieux encore,
    cette équipe populaire a peu bénéficié des faveurs du régime honni, la famille
    Ceausescu et les caciques du régime privilégiant plus volontiers les clubs de Steaua
    ou de Dinamo de Bucarest, les deux fondés après 1945, et qui se trouvaient dans
    le giron du ministère de la Défense, respectivement de l’Intérieur. Pourtant,
    dans ses cent années d’existence, le Club de foot Rapid de Bucarest est malgré
    tout, parvenu à remporter à 3 reprises le championnat, 13 fois la Coupe de
    Roumanie, et 4 fois le Trophée des champions. Au plan international, il est arrivé dans les quarts de finale de la coupe UEFA de la saison 2005-2006,
    remportant à 2 reprises la Coupe des Balkans des clubs.


    L’histoire
    du club démarre en 1923, lorsque les cheminots bucarestois des Ateliers Grivita
    parviennent à convaincre le patronat de subventionner la création d’une équipe
    de foot. L’historien Pompiliu Constantin, auteur de l’ouvrage « Rapid și
    rapidismul », soit « Le club de foot Rapid et ses supporters » en traduction
    française, parle de cette double naissance du club : le 11 et le 25 juin 1923,
    selon les sources. Quoi qu’il en soit, le mois de juin de l’année 1923 allait
    voir la naissance de CFR Bucarest, un club de foot qui sera aimé, adoré, porté
    aux nues par des générations d’habitants du quartier populaire de Giulești, par
    des générations de cheminots, avec leurs gosses. Au milieu des années 1930, le CFR
    Bucarest change de titulature pour devenir le club de foot Rapid, qui adopte
    du coup sa bannière blanc-bordeaux. Le club établit d’abord ses quartiers en
    louant le stade d’ONEF, avant d’avoir, à partir de 1936 son propre stade, érigé
    dans son quartier d’élection, le quartier Giulesti, de Bucarest. Sous la
    pression des communistes, le club change à nouveau de nom en 1944, pour
    redevenir « le CFR club », ensuite « La Locomotive », avant
    de recouvrir la titulature qui l’avait consacrée, FC Rapid, en 1958.

    Un
    club de tradition certes, mais aussi un club extrêmement populaire. Sur les
    raisons de cet amour qui a défié le temps se penche l’historien Pompiliu
    Constantin :


    « La
    fin des années 30 marque la fin de certains club nés dans la période de l’entre deux guerres
    : Carmen, Macabi, Venus. Dans
    ce contexte, bon nombre de leurs supporters deviennent des inconditionnels du
    FC Rapid. Et la popularité du club ne fait que monter. Des articles sportifs des
    années 50 estimaient à près d’un million le nombre de ses supporters. Pourtant,
    dans la période de l’entre-deux-guerres, d’autres équipes, telles Venus et
    Ripensia étaient plébiscitées par les amateurs du ballon rond. Mais les choses
    changent avec la guerre et avec l’arrivée des communistes au pouvoi
    r ».


    Aussi,
    après 1945 le FC Rapid devient la coqueluche des classes populaires amatrice du
    jeu au ballon rond. Pompiliu Constantin :


    « A
    ce moment, le FC Rapid devient le chouchou incontesté du public, sans aucun
    doute. Le régime communiste avait besoin de cette vitrine du sport de masses, issue
    du monde ouvrier, de cet ouvrier vaillant, sportif, optimiste et efficace.
    Certains caciques du régime communiste des années 50 soutiennent ouvertement le
    club. Bien que cheminot à l’origine, le secrétaire-général du parti, Gheorghe
    Gheorghiu-Dej, s’était tenu à l’écart des passions du stade. Mais d’autres
    pontes du régime, tel Gheorghe Apostol, deviennent des inconditionnels de l’équipe
    de Giulesti, jusqu’à essayer de contourner le règlement, et tenter de maintenir
    l’équipe lorsqu’elle rétrograde en seconde division parce que… trop populaire.
    Le piston politique ne suffira pas pour lui faire éviter la déchéance, une
    déchéance brève pourtant, car elle revient la saison suivante en Ligue 1. »


    Les rivaux
    d’autrefois, tels les clubs de foot le Venus et le Progrès de Bucarest, le Ripensia
    de Timișoara, ou encore le FC Petrolul de Ploiești se débattaient dans l’anonymat.
    Les nouvelles étoiles montantes du régime, la Steaua de Bucarest et le Dinamo
    de la même ville, finissent pourtant par avoir raison de la vieille dame du
    quartier Giulesti. Ces nouvelles venues, fer de lance de l’identité répressive
    du régime, car porte-drapeaux sportifs des ministères communistes de la Défense
    et de l’Intérieur, peinent à faire l’unanimité au sein des amoureux du ballon
    rond. Les tribunes du stade de Giulesti tonnent parfois, au grand dam de la
    Securitate, la police politique du régime, des slogans anti-communistes. Pompiliu
    Constantin croit pourtant qu’il ne s’agissait pas tant d’un anti-communisme viscéral
    des supporters rapidistes, mais plutôt des manifestations de joie ou de dépit
    conjoncturelles, au gré des victoires et des défaites de FC Rapid contre les
    équipes de Steaua ou de Dinamo. Pompiliu Constantin :


    « Cette
    période est marquée par l’apparition d’un esprit de corps des tifosis de Rapid,
    agencés autour du rejet du système. Les performances de l’équipe n’étaient plus
    au rendez-vous, elle était souvent reléguée dans les bas-fonds du classement en
    Ligue 1, parfois en National 2. Les tifosis mettent la mauvaise performance de
    leurs préférés sur le compte des magouilles dirigées dans les sphères raréfiées
    du pouvoir communiste. Et en réalité, ce n’est pas tout à fait faux. Beaucoup
    de matchs sont décidés par les caciques du régime, par la famille Ceausescu,
    derrière les portes fermées. Cela, les supporters l’apprennent d’une manière ou
    d’une autre. Et de là jusqu’aux slogans anticommunistes que l’on pouvait
    entendre de manière récurrente dans les tribunes du stade dans les années 80, notamment
    lors des matchs contre les équipes de Steaua ou de Dinamo, il n’y avait qu’un
    pas
    . »


    A
    cent ans depuis sa création, le football club Rapid de Bucarest caracole encore
    vers le podium de la première division et semble regarder l’avenir avec sérénité. (Trad
    Ionut Jugureanu)