Tag: prison

  • La prison politique d’Aïud

    La prison politique d’Aïud

    La triste notoriété d’Aiud, petite ville du Maramures

     

    La triste notoriété d’Aiud, petite ville du Maramures, région située au nord de la Roumanie près de la frontière avec l’Ukraine, a abrité probablement la plus importante prison politique des années noires du régime communiste de Roumanie.

     

    L’historien Dragoș Ursu du musée national de l’Union d’Alba Iulia s’est penché dans son dernier ouvrage, 35 années après la chute du régime communiste, sur l’histoire de cette prison.

     

    Dragoș Ursu :  « L’opposition de la société roumaine au communisme, au régime communiste qui s’est installé après la Seconde Guerre mondiale, a été, avant tout, de nature politique. C’est que la société roumaine d’alors, les partis politiques, ce que nous appelons génériquement la société civile, les Roumains dans leur ensemble voyaient dans le communisme un ennemi qui menaçait l’existence même de la démocratie roumaine et de l’État roumain. Il s’agissait d’un régime imposé par l’occupant soviétique, un régime illégitime et criminel. Ainsi, avant tout, l’opposition au régime communiste était de nature politique, ce qui a conduit ces opposants dans les prisons, poursuivis qu’ils étaient par la Securitate, la police politique du régime, et par la répression communiste. La rééducation était de mise à Aiud, car le régime considérait qu’il avait à faire à ce qu’il appelait nommément des ennemis du peuple. Ils devaient donc être réprimés continuellement en détention, soumis à un régime de déshumanisation à travers un processus de rééducation politique et psychologique, déroulé sans répit ».

     

    Le lieu de détention privilégié des membres de la Garde de Fer

     

    La population carcérale de la prison d’Aiud venait de différents horizons politiques, mais elle fut surtout le lieu de détention privilégié des légionnaires, ces membres de la Garde de Fer, de l’extrême-droite d’avant la guerre.

     

    Dragoș Ursu : « Aiud est peut-être la prison la plus grande, si l’on parle en termes de capacité d’accueil. Elle pouvait accueillir entre 3.600 ou 4.000 détenus au même moment. Au cours de la période communiste, environ 14.000 détenus sont passés par Aiud. En 1948, Aiud se voit attribuer les détenus ayant une profession intellectuelle : fonctionnaires, professions libérales et intellectuels, ainsi que ce que les communistes appelaient les « criminels de guerre », condamnés après la Seconde Guerre mondiale. Aiud devient ainsi connue comme la « prison des légionnaires ». Mais ces derniers ont formé une majorité plutôt relative. Car Aiud accueillait des membres d’autres formations politiques, des libéraux, des nationaux-paysans, des officiers de l’ancienne Armée royale, des paysans qui se sont rebellés contre la collectivisation des terres, des membres de la résistance anticommuniste ».

     

    Les différentes formes de la rééducation

     

    Aux côtés des pénitentiaires de Pitești, Gherla et Canal, Aiud a également été un des lieux de rééducation, soit de l’une des formes les plus extrêmes de brutalité infligée à l’être humain par un régime qui se prétendait humaniste.

     

    Dragoș Ursu a cependant observé des différences entre les différentes formes que prenait la rééducation :

    « C’est dans la prison politique de Pitești qu’a débuté la rééducation des détenus. Cette méthode sera ensuite implémentée à Gherla et Canal, une soi-disant rééducation, d’une violence extrême. En revanche, à Aiud, nous parlons d’une rééducation tardive, d’une répression déclenchée après la révolution hongroise de 1956, où le régime emploie davantage les instruments propres du conditionnement psychologique, de la guerre psychologique. Aussi, l’on hésitera d’utiliser directement et ouvertement la violence et la torture, pour des raisons très pratiques, car il s’agissait des détenus qui avaient déjà passé 10, voire 15 ans en détention, épuisés physiquement, psychiquement, moralement. Employer dans leur cas la violence physique les aurait tués. Aussi, si à Pitești l’on fait appel à des méthodes violentes, à Aiud l’on agit dans le registre psychologique, idéologique et culturel pour aboutir au lavage des cerveaux. »

     

    La mémoire collective

     

    Mais quelle empreinte a laissé la prison politique d’Aiud dans la mémoire collective ?

     

    Dragoș Ursu : « La rééducation de Pitești, par sa violence extrême, a absout les victimes. Car, face à ce déchaînement de violence extrême, nul n’est tenu de résister. A Aiud en revanche, le sentiment de culpabilité des victimes est bien plus important, précisément parce que la rééducation a pris des formes insidieuses, psychologiques. Et nous voyons comment les mémorialistes, les survivants, polémiquent, transmettent le sentiment de culpabilité de ceux qui, d’une certaine manière, sont passés du côté du régime. Cela place la rééducation à Aiud dans un registre différent. Et, d’une certaine manière, de ce point de vue, nous pouvons dire que le régime a réussi à semer les graines de la méfiance parmi les victimes détenues, à la fois pendant la rééducation et ensuite au niveau des mémoires, parmi ceux qui ont survécu et ont raconté leur expérience d’incarcération. Ce qui n’est pas le cas à Pitești, car là-bas, la mémoire est beaucoup plus unie et les détenus se comprennent les uns les autres parce qu’ils ont traversé une violence extrême. En revanche, Aiud est différent. »

     

    La prison d’Aiud dispose désormais d’une monographie qui ramène au présent un temps et un lieu de l’inhumanité du régime communiste.

    (Trad Ionut Jugureanu)

  • Des mesures plus dures contre les trafiquants

    Des mesures plus dures contre les trafiquants

    Pas de prison avec sursis pour les proxénètes et les trafiquants des personnes

     

    Le plénum du Sénat de Bucarest a adopté à l’unanimité une proposition législative portant modification du Code pénal, mettant en place une pratique juridique similaire pour les faits liés à la traite des personnes et au proxénétisme exercés par contrainte. Désormais, les proxénètes risquent les mêmes peines que les trafiquants des êtres humains et donc ne pourront plus écoper de peines de prison avec sursis.

     

    Jusqu’ici, les proxénètes pouvaient échapper à la prison ferme dans plusieurs cas, par exemple si la victime déclarait ne pas avoir été contrainte à avoir des relations sexuelles en échange pour des sommes d’argent.

     

    Une initiative législative nécessaire, étant donné la complexité du phénomène

     

    A l’origine de cette nouvelle proposition législative l’on retrouve le député social-démocrate Florin Manole et libéral Cristian-Tudor Băcanu. Selon le premier, tous les trafiquants des êtres humains doivent arriver derrière les barreaux, sans exception. En argumentant sa proposition, il a insisté sur le fait que la lutte contre la traite des personnes était une priorité pour les autorités roumaines, étant donné son impact négatif sur les victimes, le caractère complexe et transfrontalier de ce phénomène, la mobilité et la flexibilité des groupes organisés, le tout doublé par le fait que les infracteurs se professionnalisent et commencent à utiliser les nouvelles technologies pour atteindre leurs objectifs. Le même Florin Manole estime que ce nouveau projet est nécessaire puisque l’actuel Code pénal cause la confusion entre la traite des êtres humains et le proxénétisme dans sa forme aggravée et sous contrainte. Pratiquement, on ne fait pas la différence entre les deux, étant donné que les deux faits sont réalisés par contrainte et que les deux portent une grave atteinte aux droits et à l’intégrité des victimes.

     

    « Selon le cas, les coupables peuvent être sanctionnés d’une manière plus ou moins sévère. Alors que la sanction doit être tout aussi dure pour les deux situations », a martelé le député social-démocrate.

    Tous les groupes parlementaires ont soutenu cette initiative. Adoptée par le Sénat, elle doit être maintenant débattue et votée par la Chambre des Députés, en tant que chambre décisionnelle.

     

    A son tour, la ministre de la Justice, Alina Gorghiu, a fait savoir que l’assistance juridique était désormais offerte à titre gratuit aux victimes de plusieurs infractions, dont le harcèlement sexuel, la pornographie infantile, la torture ou encore l’esclavage.

     

    14 nouvelles drogues à grand risque

     

    Enfin, la liste des substances psychoactives interdites en Roumanie vient d’être mise à jour. Y ont été rajoutés 14 stupéfiants, dont 13 sont considérés comme des drogues à grand risque. Les spécialistes du domaine ont constaté que les plus récentes substances psychotropes lancées sur le marché donnent de la dépendance dès la première utilisation. Ils recommandent donc aux parents de faire davantage d’attention aux comportement des jeunes. Des campagnes censées prévenir la consommation de drogue et conseiller les élèves seront prochainement lancées dans les écoles roumaines. (trad. Valentina Beleavski)